par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 12 juillet 2017, 16-13072
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Cour de cassation, chambre commerciale
12 juillet 2017, 16-13.072

Cette décision est visée dans la définition :
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 avril 2015), qu'une convention tripartite, à effet au 1er janvier 2001, a été conclue pour une durée de trois ans entre la société Pit Chemie, M. X... exerçant sous la dénomination "la société Dom Commerce-Alexandre X..." et la société MTK import export (la société MTK), confiant la distribution exclusive des produits de la marque Pierre Blanche, fabriqués par la première, à M. X..., qui en concédait la distribution à la troisième ; qu'à partir de novembre 2001, la société MTK s'est approvisionnée en produits Pierre Blanche directement auprès de la société Pit Chemie ; que reprochant à la société MTK la violation du contrat de distribution, M. X... l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la société MTK à une certaine somme en réparation de son préjudice commercial alors, selon le moyen :

1°/ que la preuve des faits peut être rapportée par tous moyens ; qu'il appartient au juge, invité en ce sens, de recourir aux présomptions du fait de l'homme ; qu'en jugeant que les factures produites par M. X... « concernent le mois d'août 1999, soit un an et demi avant la conclusion du contrat de distribution, de sorte que la marge apparaissant à cette époque ne peut être considérée comme la rémunération convenue de M. X... pour l'exécution [du contrat de distribution conclu en 2001] », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la marge réalisée en 1999 sur la commercialisation de ces produits ne laissait pas présumer de la marge que M. X... continuait de réaliser dans le cadre du contrat de distribution, portant sur les mêmes produits et qui impliquait les mêmes parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1353 du code civil ;

2°/ que dans ses conclusions d'appel, M. X... soulignait que l'article 1-2 du contrat de distribution conclu avec la société Pit Chemie et la société MTK, définissait comme « produits » objets du contrat non seulement le produit « Pierre Blanche », mais également « tous produits de même concept que Pit Chemie pourra être amené à développer dans le futur » ; qu'il exposait à cet égard que les 27 factures adressées à la société MTK entre février et novembre 2001, soit pendant la période d'exécution du contrat, portaient non seulement sur le produit Pierre Blanche, mais aussi sur le produit Pierre d'Argile, ce dont il déduisait que ce dernier constituait un produit développé par la société Pit Chemie et qui faisait aussi l'objet du contrat de distribution ; que dès lors, en se bornant à juger que le contrat de distribution « ne concernait que les produits Pierre Blanche », sans répondre au moyen précité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en se bornant à énoncer que les factures invoquées par M. X... concernaient à la fois les produits Pierre Blanche et Pierre d'Argile, pour en déduire qu'il était « impossible de retenir de manière claire la part propre au contrat de distribution en cause, qui ne concernait que les produits Pierre Blanche », sans justifier de la raison qui l'aurait empêchée de se fonder, comme l'avaient fait les premiers juges, sur les seuls montants afférents au produit Pierre Blanche clairement détaillés dans les factures produites, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

4°/ que le juge qui constate l'existence d'un préjudice est tenu d'en apprécier l'étendue ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que M. X... avait subi un préjudice commercial consistant dans l'absence de réalisation du bénéfice escompté ; que dès lors, en jugeant que M. X... ne pouvait réclamer le paiement de la perte de marge qu'il invoquait, aux motifs inopérants en droit qu'il ne fournissait pas d'éléments sérieux de nature à permettre son estimation, la cour d'appel a méconnu le principe de réparation intégrale du préjudice en violation de l'article 1147 du code civil ;

5°/ que la cour d'appel a elle-même constaté que le contrat de distribution, conclu pour trois ans à compter du 1er janvier 2001, avait été fautivement résilié en novembre 2001, et qu'il était donc « pertinent que M. X... réclame sa rémunération pour la période restant à courir sur la première période de trois ans » dudit contrat ; que dès lors, en ne décidant d'indemniser M. X... qu'au titre de l'arrêt de la réalisation du bénéfice escompté « pour plusieurs mois », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu que sous le couvert de griefs infondés de violation de la loi et de manque de base légale, le pourvoi revient à discuter l'appréciation souveraine des juges du fond, qui ont écarté le préjudice de perte de marge et retenu le seul préjudice commercial ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la société MTK import export et à la société DGK productions Europe la somme globale de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR, infirmant le jugement entrepris de ce chef, limité à la somme de 20.000 € les dommages-intérêts qu'elle a condamné la société MTK Import Export à payer à M. X... pour préjudice commercial ;

AUX MOTIFS QUE « M. X... se prévaut du contrat conclu entre lui, Pit Chemie comme fabricant et MTK comme distributeur ; que M. X... y apparaît comme titulaire de la marque Pierre Blanche et « distributeur », et autorise MTK à vendre sous cette marque les produits fabriqués par Pit Chemie en lui concédant aussi un « droit d'usage » (...) ; qu'il s'agissait de permettre la distribution en France de manière exclusive des produits fabriqués par Pit Chemie par l'intermédiaire de M. X..., lequel prévoyait d'être rémunéré par l'achat et la revente de ces produits ; (...) que sur la rupture du contrat, le contrat de distribution prévoyait de façon non contestable que MTK devait s'approvisionner en produits Pierre Blanche auprès de M. X... de manière exclusive pour la France, le Benelux et la Suisse, tandis que M. X... s'interdisait de vendre directement dans le secteur concédé à MTK ; que le contrat était conclu pour trois ans à compter du 1er janvier 2001, de sorte que la date de la signature importe peu ; qu'il était renouvelable par tacite reconduction pour des périodes identiques, sauf dénonciation quatre mois avant l'échéance ; qu'il prévoyait qu'en cas d'inexécution par l'une des parties de l'une quelconque des obligations résultant du contrat, celui-ci pourrait être résilié par l'autre partie 30 jours après une mise en demeure restée infructueuse, précisant l'inexécution visée ainsi que l'intention de résilier le contrat ; qu'il est constant et reconnu qu'à partir du mois de novembre 2001 soit après dix mois d'exécution, MTK s'est approvisionnée directement en produits Pierre Blanche auprès de Pit Chemie ; que les intimées le reconnaissent en faisant état de plusieurs arguments : une mise en demeure n'était pas nécessaire à l'égard de M. X..., celui-ci n'étant pas partie au contrat, les parties auraient mis fin au contrat d'un commun accord le 19 novembre 2001 lors de la cession de créances conclue entre M. X... et Pit Chemie, la mise en place d'un approvisionnement direct auprès de Pit Chemie aurait été acceptée par M. X... puisqu'il a attendu plusieurs années avant d'introduire l'action ; [que toutefois une mise en demeure était bien nécessaire] ; que le deuxième argument n'est pas corroboré par des éléments probants : l'absence de réaction immédiate ne prouve pas l'existence d'un accord de M. X... pour la rupture du contrat le 19 novembre 2001 ; que cet argument ne ressort d'aucun document probant ; qu'il n'existe aucun courrier ou attestations relatant une renonciation non-équivoque de M. X... à se prévaloir du contrat ; que le dernier moyen, qui apparaît comme étant le véritable motif de la rupture, est illustré par un courrier échangé entre Pit Chemie et MTK faisant état de perturbations dues à des retards d livraison, Pit Chemie constatant de son côté le défaut de paiement, pour un montant élevé, des ventes faites à M. X..., comme cela résulte d'un fax de Pit Chemie du 8 janvier 2004 détaillant les impayés, les difficultés de livraison et les erreurs dans les indications transmises par M. X... ; mais qu'aucune lettre de rappel ni mise en demeure préalable à la rupture du contrat ne sont invoquées ni produites ; qu'il est ainsi établi que MTK a mis fin au contrat en accord avec Pit Chemie sans respecter les stipulations mêmes du contrat entre les trois parties ; que le fait que Pit Chemie ait participé à cette violation du contrat ne peut être retenu à la décharge de MTK en l'absence du fabricant à la procédure et faute pour elle d'alléguer que la rupture aurait été imposée par le fabriquant ; que M. X... réclame une indemnisation au titre de la perte de marge qu'il a subie de ce fait jusqu'en 2012, en invoquant la tacite reconduction du contrat jusque-là, mais sans réclamer la résiliation du contrat, selon le dispositif de ses dernières conclusions ; que les intimées de leur côté demandent à la cour de constater la résolution du contrat au 19 novembre 2001 ; que les prétentions des parties sont mal fondées ; que la tacite reconduction du contrat était concevable seulement en l'absence de litige, pour un contrat qui se poursuivait sans difficulté ; qu'il n'existait rien de tel en l'espèce, puisque dès le mois de novembre 2001 les sociétés Pit Chemie et MTK ont mis fin au contrat de distribution pour approvisionner directement le marché français, belge et suisse, en imposant cette rupture à M. X... ; que dès lors, il y a lieu de considérer que le contrat a été dénoncé de façon unilatérale avant son échéance et ne peut être considéré comme ayant été tacitement reconduit ; qu'en l'absence de la preuve d'un accord de M. X... sur la résiliation amiable du contrat au mois de novembre 2001, et faute pour M. X... de réclamer la résiliation du contrat à une autre date, la cour ne peut que constater que le contrat a été résolu de façon unilatérale à cette date ; qu'il était donc pertinent que M. X... réclame sa rémunération pour la période restant à courir sur la première période de trois ans ; que M. X... a invoqué des objectifs d'un million d'euros par an, pour indiquer le chiffre d'affaires qu'il escomptait réaliser ; mais que ces objectif n'est pas corroboré par les ventes effectives réalisées ; que quant aux éléments de preuve qu'il fournit, ils ne sont pas probants : la seule attestation d'un client, produite par M. X..., ne fait que reproduire ses propos (attestation du représentant légal de la société Passat) ; que le contrat de distribution lui-même ne fait pas état de manière chiffrée d'objectifs de vente (il évoque simplement que MTK fera « un maximum d'unités par an ») ; que quant à la marge que M. X... estime avoir perdue, elle ressortirait des factures établies par Pit Chemie à M. X... et de celles établies par M. X... à MTK pour les mêmes produits ; mais que les documents produits par l'appelant concernent le mois d'août 1999, soit un an et demi avant la conclusion du contrat de distribution, de sorte que la marge apparaissant à cette époque ne peut être considérée comme la rémunération convenue de M. X... pour l'exécution de ce contrat ; qu'enfin, les factures qu'il invoque concernent à la fois les produits Pierre Blanche et Pierre d'argile, aussi est-il impossible de retenir de manière claire la part propre au contrat de distribution en cause, qui ne concernerait que les produits Pierre Blanche ; que M. X... ne saurait donc réclamer le paiement d'une perte de marge pour laquelle il ne fournit pas d'éléments sérieux de nature à permettre son estimation, alors qu'il lui était aisé de produire des documents comptables pour la période d'exécution du contrat, montrant les ventes et les achats qu'il a faits et montrant la marge réalisée et la perte de marge qu'il a subie ; que rien dans les conclusions de l'appelant ne permet à la cour de retenir ses prétentions comme suffisamment fondées ; qu'il se borne à réclamer une investigation dans les comptes des intimées, et en tant que de besoin une expertise judiciaire ; que de telles mesures ne peuvent suppléer sa carence dans l'administration de la preuve ; que c'est donc à tort que le premier juge a admis comme établi le chiffre d'affaires manqué et la marge non réalisée dont il aurait été privé ; qu'il ne produit au surplus aucun élément d'appréciation concernant son imposition sur les revenus tirés de son activité ; que la carence totale de M. X... dans la démonstration de son préjudice ne permet pas à la cour d'arbitrer de manière forfaitaire la somme qui pourrait lui être allouée à ce titre ; que l'absence de justificatif sérieux quant à la perte de marge invoquée empêche M. X... d'en réclamer le paiement ; qu'il n'en a pas moins subi un préjudice commercial incontestable, du fait de la rupture de ce contrat décidée par son fournisseur et son distributeur, sans respecter les formes prescrites par les conditions générales du contrat ; qu'il a ainsi été confronté à l'arrêt des approvisionnements et la réalisation du bénéfice escompté pour plusieurs mois ; qu'au vu des éléments fournis, ce préjudice peut être évalué à la somme de 20.000 € ; que sa demande sera rejetée pour les montants supérieurs » ;

1°) ALORS, de première part, QUE la preuve des faits peut être rapportée par tous moyens ; qu'il appartient au juge, invité en ce sens, de recourir aux présomptions du fait de l'homme ; qu'en jugeant que les factures produites par M. X... « concernent le mois d'août 1999, soit un an et demi avant la conclusion du contrat de distribution, de sorte que la marge apparaissant à cette époque ne peut être considérée comme la rémunération convenue de M. X... pour l'exécution [du contrat de distribution conclu en 2001] », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la marge réalisée en 1999 sur la commercialisation de ces produits ne laissait pas présumer de la marge que M. X... continuait de réaliser dans le cadre du contrat de distribution, portant sur les mêmes produits et qui impliquait les mêmes parties (production n° 7), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1353 du code civil ;

2°) ALORS, de deuxième part, QUE dans ses conclusions d'appel, M. X... soulignait que l'article 1-2 du contrat de distribution conclu avec la société Pit Chemie et la société MTK, définissait comme « produits » objets du contrat non seulement le produit « Pierre Blanche », mais également « tous produits de même concept que Pit Chemie pourra être amené à développer dans le futur » (conclusions d'appel, p. 21 et 31 ; production n° 5, p. 2) ; qu'il exposait à cet égard que les 27 factures adressées à la société MTK entre février et novembre 2001, soit pendant la période d'exécution du contrat, portaient non seulement sur le produit Pierre Blanche, mais aussi sur le produit Pierre d'Argile, ce dont il déduisait que ce dernier constituait un produit développé par la société Pit Chemie et qui faisait aussi l'objet du contrat de distribution (conclusions d'appel, p. 21 et 31 ; production n° 6) ; que dès lors, en se bornant à juger que le contrat de distribution « ne concernait que les produits Pierre Blanche » (arrêt attaqué, p. 9 § 2), sans répondre au moyen précité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS, en tout état de cause, QU'en se bornant à énoncer que les factures invoquées par M. X... concernaient à la fois les produits Pierre Blanche et Pierre d'Argile, pour en déduire qu'il était « impossible de retenir de manière claire la part propre au contrat de distribution en cause, qui ne concernait que les produits Pierre Blanche » (arrêt attaqué, p. 9 § 2), sans justifier de la raison qui l'aurait empêchée de se fonder, comme l'avaient fait les premiers juges, sur les seuls montants afférents au produit Pierre Blanche clairement détaillés dans les factures produites (production n° 6), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

4°) ALORS, de quatrième part, QUE le juge qui constate l'existence d'un préjudice est tenu d'en apprécier l'étendue ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que M. X... avait subi un préjudice commercial consistant dans l'absence de réalisation du bénéfice escompté ; que dès lors, en jugeant que M. X... ne pouvait réclamer le paiement de la perte de marge qu'il invoquait, aux motifs inopérants en droit qu'il ne fournissait pas d'éléments sérieux de nature à permettre son estimation, la cour d'appel a méconnu le principe de réparation intégrale du préjudice en violation de l'article 1147 du code civil ;

5°) ALORS, en toute hypothèse, QUE la cour d'appel a elle-même constaté que le contrat de distribution, conclu pour trois ans à compter du 1er janvier 2001, avait été fautivement résilié en novembre 2001, et qu'il était donc « pertinent que M. X... réclame sa rémunération pour la période restant à courir sur la première période de trois ans » dudit contrat (arrêt attaqué p. 7-8, en partic. p. 8 deux derniers §§) ; que dès lors, en ne décidant d'indemniser M. X... qu'au titre de l'arrêt de la réalisation du bénéfice escompté « pour plusieurs mois », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du code civil.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.