par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 12 juillet 2017, 16-22966
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
12 juillet 2017, 16-22.966

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
A bon droit
Récusation




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 346 et 349 du code de procédure civile, dans leur rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, le juge, dès qu'il a communication de la demande, doit s'abstenir jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la récusation ; qu'aux termes du second, si le juge s'oppose à la récusation ou ne répond pas, la demande de récusation est jugée sans délai par la cour d'appel ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que par décision du 28 janvier 2016, le préfet de Seine-Saint-Denis a placé en rétention administrative M. X..., sous le coup d'un arrêté d'expulsion ; que, par ordonnance du 2 février 2016, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention ; que, le 5 février suivant, M. X... a demandé la mainlevée de la mesure de rétention ; que, le lendemain, son avocat a déposé au greffe du juge de la liberté et de la détention une requête en récusation du magistrat ayant prolongé la rétention ; que, le même jour, ce juge a rejeté la demande de mainlevée de la mesure de rétention ;

Attendu que le premier président a confirmé la décision du premier juge après avoir retenu que la demande de récusation n'était pas fondée ;

Qu'en statuant ainsi, le premier président a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;

Vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 9 février 2016, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté la demande de récusation formée par M. X... à l'encontre du juge des libertés et de la détention, M. Y..., pour rejeter sa demande de mise en liberté ;

Aux motifs propres que « La cour considère que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs particulièrement pertinents qu'il convient d'adopter que le premier juge a statué les moyens de nullité et de fond soulevés devant lui et repris devant la cour sans qu'il soit nécessaire d'apporter quelque observation, y ajoutant, sur le premier moyen tiré d'une demande de récusation rejetée par le premier juge, qu'il échet de constater que c'est à bon droit que le premier juge, par application de l'article 349 du code de procédure civile, a rejeté la requête dès lors que, lorsque la loi confie à une même juridiction plusieurs phases sans que les parties puissent demander leur récusation au motif qu'ils ont déjà connu du litige dans une phase précédente, et sans justifier plus amplement par des motifs précis et circonstanciés le défaut d'impartialité allégué ; de plus fort, concernant la procédure visée, s'agissant d'une requête R. 552-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, si elle concerne la même personne, ne constitue pas juridiquement une même affaire au regard de la première prolongation, la requête provenant de l'intéressé lui-même, un n° de RG différent de celui de première prolongation lui étant très logiquement attribué ; enfin, au regard des contraintes spécifiques du contentieux, vu l'urgence et les délais pour statuer, il y a lieu de constater que l'article 346 du code de procédure civile ne pouvait donc, en l'espèce, recevoir application, et qu'il n'y avait, pour le premier juge, pas lieu de s'abstenir ; qu'il convient donc de rejeter le moyen » (ordonnance d'appel, p. 2) ;

Et aux motifs adoptés du premier juge que « SUR LA DEMANDE DE RECUSATION

Attendu que le juge saisi de cette demande de mise en liberté n'a pas statué sur cette demande, contrairement à ce qui est affirmé par le conseil du retenu et donc, n'a pas eu à connaître de cette affaire ; que dès lors, les dispositions de l'article 341 du code de procédure civile ne peuvent s'appliquer en l'espèce » (ordonnance du juge des libertés et de la détention, p. 2) ;

Alors que, d'une part, le juge visé par une demande de récusation n'a pas le pouvoir de statuer lui-même sur cette demande ; qu'en confirmant l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui avait écarté la demande de récusation formée par M. X... à son encontre, quand ce juge n'avait pas le pouvoir de statuer lui-même sur cette demande, le délégué du premier président de la cour d'appel a violé les articles 346 et 349 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Alors que, d'autre part, l'urgence ne permet pas au juge visé par une demande de récusation de déroger à son devoir d'abstention, seul un autre juge pouvant être désigné en pareil cas, en vertu du second alinéa de l'article 346 du code de procédure civile ; qu'en estimant, pour confirmer l'ordonnance du premier juge, que la brièveté des délais du contentieux de la rétention administrative justifiait d'écarter l'application du devoir d'abstention prévu par l'article 346 du code de procédure civile, quand le second alinéa de ce texte prévoit une procédure spécifique applicable en cas d'urgence, le délégué du premier président de la cour d'appel a violé l'article précité, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;


Alors qu'enfin, sont nuls les actes accomplis par le juge visé par une demande de récusation, si celui-ci a eu connaissance de cette demande et tant que la cour d'appel ne s'est pas prononcée sur celle-ci ; qu'en rejetant le moyen tiré de la nullité de l'ordonnance du premier juge soulevé par M. X..., afin de confirmer celle-ci, quand il avait constaté que ce juge avait statué sur le fond de l'affaire alors qu'il avait connaissance de la demande de récusation qui le visait sur laquelle la cour d'appel n'avait pas encore statué, le délégué du premier président de la cour d'appel a violé les articles 346 et 354 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.



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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
A bon droit
Récusation


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.