par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 5 juillet 2017, 16-11302
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Cour de cassation, chambre sociale
5 juillet 2017, 16-11.302

Cette décision est visée dans la définition :
Soutenir




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 novembre 2015), qu'engagé en 1986 en qualité d'ingénieur et, en dernier lieu, de chef de projet au sein de l'activité DES (Défense espace sécurité) à Toulon, par la société Informatique Internationale, devenue la société CS systèmes d'informations, M. X... a accepté, dans la perspective de la suppression annoncée de son poste pour motif économique et de la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi, une proposition de reclassement envisagée sur le site du Plessis-Robinson ; qu'il a finalement été maintenu à son poste, en raison d'une poursuite de l'activité de sa division à Toulon ; que le 5 mars 2012, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail estimant que la tentative de reclassement avait échoué, qu'en application des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi, son licenciement pour motif économique aurait dû lui être notifié et qu'il aurait dû bénéficier des mesures découlant du plan de sauvegarde de l'emploi suite à la rupture de son contrat de travail ; qu'il a saisi, le 13 juin 2012, la juridiction prud'homale en demande de requalification de la prise d'acte de la rupture du contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses indemnités ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail constituait une démission, et en conséquence, de le condamner à payer à l'employeur une somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis alors, selon le moyen :

1°/ que tout jugement doit être motivé ; que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en affirmant qu'il était établi par les diverses pièces versées aux débats que le travail de M. X..., en terme d'activité, de rémunération, de niveau hiérarchique, de responsabilité, de lieu d'exécution, était demeuré inchangé, sans viser ni analyser, même sommairement les éléments sur lesquels elle se fondait pour statuer ainsi, la cour d'appel a violé ensemble l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
2°/ que la modification du contrat de travail, qui ne peut être unilatéralement imposée par l'employeur, constitue un manquement grave de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, et à justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié ; qu'en estimant que le grief énoncé par M. X... à l'appui de sa demande de requalification de la prise d'acte de la rupture de son contrat en licenciement sans cause et réelle et sérieuse, tiré d'une modification unilatérale de son contrat de travail, n'était pas fondé, sans tenir compte de l'acceptation par M. X... de sa mutation en région parisienne, valant, selon les dispositions du PSE, avenant au contrat de travail, ni s'expliquer sur la portée de cette modification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

3°/ que le juge doit se prononcer sur l'intégralité des griefs invoqués par le salarié à l'appui de sa prise d'acte ; qu'en l'espèce, M. X... faisait grief à l'employeur, à l'appui de la prise d'acte de la rupture de son contrat, de n'avoir pas respecté son engagement pris dans le cadre du PSE, suivant lequel au cas où l'affectation proposée, et acceptée par le salarié, au titre du reclassement ne serait finalement pas concluante et pérennisée, le salarié serait alors licencié pour motif économique en bénéficiant des mesures prévues par le PSE en ce cas ; qu'en requalifiant la prise d'acte de la rupture du contrat en démission, sans à aucun moment se prononcer sur ce grief tiré du non-respect par l'employeur des engagements souscrits dans le cadre du PSE, tandis qu'il était constant que le salarié n'avait pas été affecté au poste qu'il avait accepté comme proposition de reclassement, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

4°/ que le juge saisi d'une demande de requalification de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse doit se prononcer sur l'ensemble des griefs énoncés par le salarié à l'appui de sa prise d'acte, déterminer s'ils sont ou non établis, et s'agissant des griefs jugés établis, décider s'ils sont suffisamment graves et de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, pour statuer comme elle l'a fait, la cour d'appel a affirmé que les griefs formulés par M. X... n'étaient pas suffisants pour justifier une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, alors qu'il est établi par les diverses pièces versées aux débats, que son travail, en terme d'activité, de rémunération, de niveau hiérarchique, de responsabilité, de lieu d'exécution, est demeuré inchangé, qu'il n'est pas démontré que le travail sur le projet FABEC était un engagement réciproque et qu'il fondait à lui seul l'acceptation du salarié, et enfin que le grief concernant un frein à son évolution de carrière, de même que le projet de filialisation de la direction d'activité ITS étaient alors des éléments hypothétiques ; que ce faisant, la cour d'appel n'a pas fait ressortir si elle considérait que les griefs énoncés par le salarié n'étaient pas établis, ou si, établis, ils n'étaient pas suffisamment graves ou insusceptibles de faire obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'elle a, partant, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

5°/ que la cassation de l'arrêt sur le fondement d'une des branches précédentes, en ce qu'il a rejeté à tort la demande de requalification de la prise d'acte de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, entraînera automatiquement, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné à tort M. X... à payer à la société CSSI la somme de 11 270 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, compte tenu du lien de dépendance nécessaire existant entre les chefs de l'arrêt concernés ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé précisément l'argumentation des parties, la cour d'appel, qui a estimé, motivant sa décision et appréciant souverainement les pièces produites aux débats, que le maintien à son poste de travail du salarié n'entraînait aucun changement pour lui tandis que la preuve n'était pas rapportée d'un accord des parties sur la modification de son contrat de travail, et qui a fait ressortir que les griefs imputés à l'employeur concernant le reclassement envisagé avaient un caractère hypothétique et n'étaient pas suffisants pour empêcher la poursuite du contrat de travail, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief infirmatif à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. X... constituait une démission, et en conséquence, condamné M. X... à payer à la société CSSI la somme de 11 270 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE Sur le fond Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission. L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixant pas les limites du litige, le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit. Pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse; les faits invoqués par le salarié doivent non seulement être établis, mais constituer des manquements cl' une gravité suffisante. Si un doute subsiste, il profite à l'employeur. Monsieur X... fait valoir que sa nouvelle affectation n'est jamais devenue effective. Il expose que celle-ci consistait en un poste de chef de projet dans la division Défense, rattachée administrativement à l'activité ITS au Plessis-Robinson et se situant géographiquement sur cette commune également, pour prendre la responsabilité de la part incombant à la société CSSI dans la réalisation d'un projet d'envergure, le projet FABEC, ce qui représentait pour lui une réelle opportunité d'évolution de carrière et justifiait son déménagement en région parisienne. La société CSSI répond en affirmant avoir rempli ses obligations légales consistant à éviter les licenciements et que si elle a, au final, maintenu Monsieur X... sur ses projets à Toulon c'est en raison de l'évolution favorable de l'activité sur le site de Toulon (nouveau projet, projet SACHEM, perspectives favorables à la poursuite du projet "plan d'eau de Toulon") intervenue depuis l'annonce de la réorganisation et la consultation des instances représentatives, qu'elle l'a fait en accord avec les deux divisions, ITS d'une part, entité de rattachement du salarié depuis septembre 2011 et DES d'autre part, entité qui présentait des besoins. L'appelante soutient également ne pas avoir manqué à son engagement unilatéral de reclassement en n'affectant pas Monsieur X... à la mission FABEC, en exposant que l'affectation sur tel ou tel projet n'était pas contractuel et de même, concernant le lieu d'exécution du travail, elle relève qu'aucun engagement n'avait été pris sur ce point. Enfin, elle fait valoir que cette situation n'a apporté aucun changement au contrat de travail de Monsieur X... si ce n'est son rattachement administratif au Plessis-Robinson puisque son travail de chef de projet a perduré de même que sa rémunération et enfin qu'il est demeuré à Toulon. Dès lors, les griefs formulés par Monsieur X..., alors qu'il est établi par les diverses pièces versées aux débats, que son travail, en terme d'activité, de rémunération, de niveau hiérarchique, de responsabilité, de lieu d'exécution, est demeuré inchangé, qu'il n'est pas démontré que le travail sur le projet FABEC était un engagement réciproque et qu'il fondait à lui seul l'acceptation du salarié, et enfin que le grief concernant un frein à son évolution de carrière, de même que le projet de filialisation de la direction d'activité ITS étaient alors des éléments hypothétiques, ne sont pas suffisants pour justifier une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur. Dans ce cas, et d'autant que la société CSSI relève que Monsieur X... qui, de fait n'a pas exécuté de préavis, a, dès mars 2012, intégré la société 4S FRANCE à Toulon en qualité de directeur général, affirmation non contredite par Monsieur X..., cette rupture doit être analysée comme une démission. Le jugement sera donc infirmé et Monsieur X... débouté des demandes pécuniaires liées aux effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

1°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en affirmant qu'il était établi par les diverses pièces versées aux débats que le travail de M. X..., en terme d'activité, de rémunération, de niveau hiérarchique, de responsabilité, de lieu d'exécution, était demeuré inchangé, sans viser ni analyser, même sommairement les éléments sur lesquels elle se fondait pour statuer ainsi, la cour d'appel a violé ensemble l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme et les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la modification du contrat de travail, qui ne peut être unilatéralement imposée par l'employeur, constitue un manquement grave de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, et à justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié ; qu'en estimant que le grief énoncé par M. X... à l'appui de sa demande de requalification de la prise d'acte de la rupture de son contrat en licenciement sans cause et réelle et sérieuse, tiré d'une modification unilatérale de son contrat de travail, n'était pas fondé, sans tenir compte de l'acceptation par M. X... de sa mutation en région parisienne, valant, selon les dispositions du PSE, avenant au contrat de travail, ni s'expliquer sur la portée de cette modification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

3°) ALORS QUE le juge doit se prononcer sur l'intégralité des griefs invoqués par le salarié à l'appui de sa prise d'acte ; qu'en l'espèce, M. X... faisait grief à l'employeur, à l'appui de la prise d'acte de la rupture de son contrat, de n'avoir pas respecté son engagement pris dans le cadre du PSE, suivant lequel au cas où l'affectation proposée, et acceptée par le salarié, au titre du reclassement ne serait finalement pas concluante et pérennisée, le salarié serait alors licencié pour motif économique en bénéficiant des mesures prévues par le PSE en ce cas ; qu'en requalifiant la prise d'acte de la rupture du contrat en démission, sans à aucun moment se prononcer sur ce grief tiré du non-respect par l'employeur des engagements souscrits dans le cadre du PSE, tandis qu'il était constant que le salarié n'avait pas été affecté au poste qu'il avait accepté comme proposition de reclassement, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

4°) ALORS QUE le juge saisi d'une demande de requalification de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse doit se prononcer sur l'ensemble des griefs énoncés par le salarié à l'appui de sa prise d'acte, déterminer s'ils sont ou non établis, et s'agissant des griefs jugés établis, décider s'ils sont suffisamment graves et de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, pour statuer comme elle l'a fait, la cour d'appel a affirmé que les griefs formulés par Monsieur X... n'étaient pas suffisants pour justifier une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, alors qu'il est établi par les diverses pièces versées aux débats, que son travail, en terme d'activité, de rémunération, de niveau hiérarchique, de responsabilité, de lieu d'exécution, est demeuré inchangé, qu'il n'est pas démontré que le travail sur le projet FABEC était un engagement réciproque et qu'il fondait à lui seul l'acceptation du salarié, et enfin que le grief concernant un frein à son évolution de carrière, de même que le projet de filialisation de la direction d'activité ITS étaient alors des éléments hypothétiques ; que ce faisant, la cour d'appel n'a pas fait ressortir si elle considérait que les griefs énoncés par le salarié n'étaient pas établis, ou si, établis, ils n'étaient pas suffisamment graves ou insusceptibles de faire obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'elle a, partant, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;


5°) ALORS QUE la cassation de l'arrêt sur le fondement d'une des branches précédentes, en ce qu'il a rejeté à tort la demande de requalification de la prise d'acte de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, entraînera automatiquement, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné à tort M. X... à payer à la société CSSI la somme de 11 270 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, compte tenu du lien de dépendance nécessaire existant entre les chefs de l'arrêt concernés.



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Cette décision est visée dans la définition :
Soutenir


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.