par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 30 novembre 2016, 15-25249
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
30 novembre 2016, 15-25.249

Cette décision est visée dans la définition :
Responsabilité civile




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 juin 2015), que Mme X..., soutenant avoir été blessée lors d'un saut à l'élastique organisé par la société Latitude challenge (la société Latitude), a assigné celle-ci en réparation de ses préjudices ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Latitude fait grief à l'arrêt d'accueillir les demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que l'obligation de sécurité pesant sur l'organisateur de sauts à l'élastique est une obligation de moyens car le client joue un rôle actif en prenant seul l'initiative de sauter et en ayant une liberté de mouvement (qu'il doit exercer conformément aux instructions reçues) lors du saut ; qu'au cas présent, la cour d'appel a relevé que le client effectuant le saut à l'élastique prenait une initiative dans la décision de sauter ou non et dans la force de l'impulsion donnée, ce dont il résultait qu'il intervenait activement à l'occasion du saut ; qu'en considérant, néanmoins, que le participant n'aurait aucun rôle actif à jouer durant le saut, qu'il ne disposerait d'aucun moyen de se prémunir lui-même du danger qu'il courait en sautant et s'en remettrait totalement à l'organisateur pour assurer sa sécurité, pour juger que l'obligation de sécurité de la société Latitude était une obligation de résultat, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ que l'obligation de sécurité pesant sur l'organisateur de sauts à l'élastique est une obligation de moyens car le client joue un rôle actif en prenant seul l'initiative de sauter et en ayant une liberté de mouvement (qu'il doit exercer conformément aux instructions reçues) lors du saut ; qu'au cas présent, pour qualifier l'obligation de sécurité pesant sur la société Latitude d'obligation de résultat, la cour d'appel a relevé, d'une part, que cette société avait la maîtrise du lieu du saut et du matériel utilisé et que, d'autre part, il n'était pas démontré que l'initiative du client avait une incidence sur la sécurité ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que le fait pour l'organisateur d'avoir la maîtrise du lieu du saut et du matériel utilisé ne supprimait en rien le rôle actif du participant à l'occasion du saut, lequel suffit à lui seul à caractériser l'obligation de moyens sans avoir à rechercher s'il a ou non une incidence sur la sécurité, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

3°/ que la dénaturation par omission entraîne la censure de la décision qui en est entachée ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la société Latitude n'avait pas indiqué que des consignes avaient été données aux clients avant le saut pour assurer leur propre sécurité au cours du saut, de sorte que le client ne disposait d'aucun moyen de se prémunir lui-même du danger encouru en sautant, celui-ci s'en remettant totalement à l'organisateur pour assurer sa sécurité ; qu'en statuant ainsi, cependant que la société Latitude avait régulièrement produit devant la cour d'appel une note d'information signée par Mme X... avant son saut qui précisait les consignes de sécurité suivantes : « ne pas s'élancer avant d'en avoir reçu l'accord par le responsable de saut, s'élancer franchement sans se retenir, mettre sa tête bien en arrière pendant toute la durée du saut, ne pas saisir la sangle ventrale de sécurité avant la complète stabilisation, (...) », dont le respect contribuait directement à la sécurité du participant, la cour d'appel a dénaturé par omission ce document, en méconnaissance de l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ que l'obligation de sécurité pesant sur l'organisateur de sauts à l'élastique est une obligation de moyens car le client joue un rôle actif à l'occasion du saut qu'il effectue seul ; que la qualification d'obligation de moyens n'est pas remise en cause par le caractère dangereux de l'activité qui n'a pour effet que de renforcer cette obligation ; qu'au cas présent, la cour d'appel a relevé, par des motifs propres, que le saut à l'élastique constitue une activité qui expose ses pratiquants à des risques objectifs de dommage corporel potentiellement mortels et, par des motifs adoptés du jugement entrepris, que cette activité était dangereuse ; qu'en déduisant de la dangerosité de l'activité que la société Latitude était soumise à une obligation de sécurité de résultat, cependant que le caractère dangereux du saut à l'élastique n'a pour effet que de renforcer l'obligation de moyens et ne constitue en rien un critère de qualification de l'obligation de résultat, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que le participant à une activité de saut à l'élastique ne contribue pas à sa sécurité par son comportement, la seule initiative qu'il peut avoir résidant dans la décision de sauter ou non et dans la force de l'impulsion donnée, qu'il ne dispose d'aucun moyen de se prémunir lui-même du danger qu'il court en sautant et s'en remet donc totalement à l'organisateur pour assurer sa sécurité, de sorte qu'aucun élément ne permet de considérer qu'il joue un rôle actif au cours du saut, la cour d'appel en a exactement déduit, sans être tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, que l'obligation contractuelle de sécurité de l'organisateur d'une telle activité est une obligation de résultat, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième et quatrième branches ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Latitude fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ qu'à supposer même que l'organisateur de sauts à l'élastique soit tenu d'une obligation de sécurité de résultat, sa responsabilité est soumise à la condition que la victime prouve, outre son dommage, le lien de causalité entre le préjudice subi et le saut ; qu'au cas présent, la cour d'appel a déduit l'existence du lien de causalité entre le dommage invoqué par Mme X... et le saut réalisé, de la concordance temporelle entre ses blessures et le saut ; qu'il ressortait pourtant des constatations de la cour d'appel que la fracture subie par Mme X... n'avait été constatée que le lendemain du saut, de sorte qu'il n'était pas du tout certain que la blessure ait été causée pendant la durée du saut contrairement à ce qu'implique la « concordance temporelle »; qu'entre le moment du saut et la constatation de la blessure de Mme X..., une journée s'était écoulée au cours de laquelle Mme X... avait préféré remonter non pas à l'aide d'un treuil mais par ses propres moyens, en empruntant un chemin escarpé qui nécessitait une bonne condition physique, avant de repartir directement chez elle, ce qui confirmait l'absence de « concordance temporelle » entre les blessures et le saut ; qu'en ne déduisant pas les conséquences légales de ses constatations, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le lien de causalité entre le dommage invoqué par Mme X... et le saut, a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ qu' une attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés ; qu'au cas présent, pour retenir l'existence d'un lien de causalité entre la blessure de Mme X... et le saut, la cour d'appel s'est fondée sur l'attestation d'une amie de celle-ci ; qu'il ressortait pourtant de la lecture de cette attestation, établie par Mme Y... deux mois après le saut, que celle-ci avait constaté ce qui s'était déroulé avant le saut de Mme X... et juste après le saut de celle-ci (attestation de Mme Y...) ; que le témoin qui n'avait pas sauté en même temps que Mme X... ne pouvait avoir personnellement constaté ce qui s'était déroulé juste avant et juste après le saut de celle-ci, ainsi que la société Latitude l'avait précisé dans ses écritures d'appel ; qu'en retenant néanmoins ce document, considérant que les imprécisions de cette attestation sur certains point ne permettaient pas de douter de sa sincérité, sans rechercher si le témoin avait pu réellement assister aux faits décrits, ainsi qu'elle y avait été pourtant invitée par la demanderesse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 202 du code civil ;

3°/ que le juge ne peut exiger la preuve impossible d'un fait négatif ; qu'au cas présent, en retenant que la société Latitude ne produisait aucun élément permettant d'exclure qu'un à-coup lié à la position de Mme X... lors du saut ou qu'une boucle dans l'élastique ou dans les autres liens puisse être à l'origine du traumatisme de l'épaule, la cour d'appel, qui a en fait exigé de l'organisateur de sauts à l'élastique qu'il rapporte la preuve de ce que le traumatisme à l'épaule du sauteur ne pouvait pas avoir pour cause un à-coup lié à la position de celui-ci ou une boucle dans l'élastique, soit une preuve négative impossible à rapporter, a violé l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a constaté que Mme X... avait ressenti, dès le saut, une douleur à l'épaule dont elle s'était immédiatement plainte et dont elle avait fait part au moniteur se trouvant à l'arrivée, et qui était liée à la blessure médicalement constatée le lendemain ; qu'ayant ainsi caractérisé l'existence d'un lien de causalité entre le dommage invoqué et le saut, la cour d'appel, qui a considéré que les imprécisions affectant l'attestation produite par la victime sur certains points ne permettait pas de douter de sa sincérité et qui n'a pas exigé la preuve impossible d'un fait négatif en retenant que la société Latitude ne produisait aucun élément permettant d'exclure qu'un à-coup lié à la position de Mme X... lors du saut ou qu'une boucle dans l'élastique ou dans les autres liens puisse être à l'origine du traumatisme de l'épaule subi par la victime, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Latitude challenge aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille seize.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société CP Aventures-Latitude Challenge saut à l'élastique

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué, D'AVOIR condamné la société LATITUDE CHALLENGE à payer à Madame X... la somme de 9.620 € en indemnisation de son préjudice et à la CPAM des Bouches-du-Rhône celle de 4.562,51 € au titre de ses débours, outre une indemnité forfaitaire de 1.028 € ;

AUX MOTIFS, propres, QU' il n'est pas contesté que Madame X... et la société LATITUDE étaient dans un lien contractuel de sorte que cette dernière ne peut avoir engagé sa responsabilité que sur le fondement contractuel de l'article 1147 du code civil ; que contrairement à ce que soutient la société LATITUDE, son activité la rend débitrice d'une obligation de sécurité de résultat vis à vis de ses clients ; qu'en effet, le saut à l'élastique, qui consiste à sauter dans le vide d'une grande hauteur, constitue une activité qui expose ses pratiquants à des risques objectifs de dommage corporel potentiellement mortels, alors que seule la société a la maîtrise du lieu du saut et du matériel utilisé, et que le client ne participe pas à sa sécurité par son comportement, sa seule initiative résidant dans la décision de sauter ou non et dans la force de l'impulsion donnée, sans qu'il soit soutenu ou démontré que celle-ci ait une incidence sur la sécurité ; qu'ainsi, aucun élément ne permet de considérer que le participant a un rôle actif à jouer durant le saut ; que la société n'indique pas que des consignes sont données aux clients avant le saut pour assurer leur propre sécurité au cours du saut ; que le client ne dispose d'aucun moyen de se prémunir lui-même du danger qu'il court en sautant et s'en remet donc totalement à l'organisateur pour assurer sa sécurité ; que le contrat conclu entre le client et l'organisateur comporte donc nécessairement l'obligation pour ce dernier de garantir à ses clients qu'il ne subira aucun dommage corporel en sautant ; que la responsabilité de la société est donc engagée, dès lors qu'un dommage corporel est survenu au cours du saut, sauf circonstance caractérisant un cas de force majeur, non invoqué en l'espèce (arrêt attaqué, p. 4) ; ET AUX MOTIFS, éventuellement adoptés, QU' il ressort tant de l'attestation de Mademoiselle Y... que du rapport de l'expert médical, que les blessures présentées par Mademoiselle Mélanie X... ont été occasionnées lors du saut à l'élastique ; que la SARL LATITUDE CHALLENGE, tenue à une obligation de résultat eu égard au rôle passif des participants et à la dangerosité de l'activité proposée, ne démontre pas qu'une cause étrangère soit à l'origine de ce manquement à l'obligation de sécurité ; que le droit à indemnisation de la victime n'est pas contestable, il convient en l'espèce de déclarer les défendeurs tenus à réparer l'entier préjudice de la victime (jugement entrepris, p. 3)  ;

1°) ALORS QUE l'obligation de sécurité pesant sur l'organisateur de sauts à l'élastique est une obligation de moyens car le client joue un rôle actif en prenant seul l'initiative de sauter et en ayant une liberté de mouvement (qu'il doit exercer conformément aux instructions reçues) lors du saut ; qu'au cas présent, la cour a relevé que le client effectuant le saut à l'élastique prenait une initiative dans la décision de sauter ou non et dans la force de l'impulsion donnée (arrêt attaqué, p. 4 § 3), ce dont il résultait qu'il intervenait activement à l'occasion du saut ; qu'en considérant néanmoins que le participant n'aurait aucun rôle actif à jouer durant le saut, qu'il ne disposerait d'aucun moyen de se prémunir lui-même du danger qu'il courait en sautant et s'en remettrait totalement à l'organisateur pour assurer sa sécurité, pour juger que l'obligation de sécurité de la société LATITUDE CHALLENGE était une obligation de résultat, la cour n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1147 du code civil ;

2°) ALORS QUE l'obligation de sécurité pesant sur l'organisateur de sauts à l'élastique est une obligation de moyens car le client joue un rôle actif en prenant seul l'initiative de sauter et en ayant une liberté de mouvement (qu'il doit exercer conformément aux instructions reçues) lors du saut ; qu'au cas présent, pour qualifier l'obligation de sécurité pesant sur la société LATITUDE CHALLENGE d'obligation de résultat, la cour a relevé, d'une part, que cette société avait la maîtrise du lieu du saut et du matériel utilisé et que, d'autre part, il n'était pas démontré que l'initiative du client avait une incidence sur la sécurité (arrêt attaqué, p. 4 § 3) ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que le fait pour l'organisateur d'avoir la maîtrise du lieu du saut et du matériel utilisé ne supprimait en rien le rôle actif du participant à l'occasion du saut, lequel suffit à lui seul à caractériser l'obligation de moyens sans avoir à rechercher s'il a ou non une incidence sur la sécurité, la cour a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

3°) ALORS QUE la dénaturation par omission entraîne la censure de la décision qui en est entachée ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que la société LATITUDE CHALLENGE n'avait pas indiqué que des consignes avaient été données aux clients avant le saut pour assurer leur propre sécurité au cours du saut, de sorte que le client ne disposait d'aucun moyen de se prémunir lui-même du danger encouru en sautant, celui-ci s'en remettant totalement à l'organisateur pour assurer sa sécurité (arrêt attaqué, p. 4 §3) ; qu'en statuant ainsi, cependant que la société LATITUDE CHALLENGE avait régulièrement produit devant la cour une note d'information signée par Madame X... avant son saut (sous la pièce n°9 prod.) qui précisait les consignes de sécurité suivantes : « ne pas s'élancer avant d'en avoir reçu l'accord par le responsable de saut, s'élancer franchement sans se retenir, mettre sa tête bien en arrière pendant toute la durée du saut, ne pas saisir la sangle ventrale de sécurité avant la complète stabilisation, (...) », dont le respect contribuait directement à la sécurité du participant, la cour d'appel a dénaturé par omission ce document, en méconnaissance de l'article 4 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE l'obligation de sécurité pesant sur l'organisateur de sauts à l'élastique est une obligation de moyens car le client joue un rôle actif à l'occasion du saut qu'il effectue seul ; que la qualification d'obligation de moyens n'est pas remise en cause par le caractère dangereux de l'activité qui n'a pour effet que de renforcer cette obligation ; qu'au cas présent, la cour a relevé, par des motifs propres, que le saut à l'élastique constitue une activité qui expose ses pratiquants à des risques objectifs de dommage corporel potentiellement mortels (arrêt attaqué, p. 4) et, par des motifs adoptés du jugement entrepris, que cette activité était dangereuse (jugement entrepris, p. 3) ; qu'en déduisant de la dangerosité de l'activité que la société LATITUDE CHALLENGE était soumise à une obligation de sécurité de résultat, cependant que le caractère dangereux du saut à l'élastique n'a pour effet que de renforcer l'obligation de moyens et ne constitue en rien un critère de qualification de l'obligation de résultat, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué, D'AVOIR condamné la société LATITUDE CHALLENGE à payer à Madame X... la somme de 9.620 € en indemnisation de son préjudice et à la CPAM des Bouches-du-Rhône la somme de 4.562,51 € au titre de ses débours, outre une indemnité forfaitaire de 1.028 € ;

AUX MOTIFS, propres, QU' en l'occurrence, Mme X... produit des éléments médicaux établissant qu'elle a présenté le lendemain du saut une fracture parcellaire du trochiter droit (fracture arrachement trochiterrienne) et une contracture du trapèze droit sur toutes ses insertions cervicales ; que Mme X... soutient qu'elle a ressenti la douleur liée à cette blessure dès le saut et produit à cet effet l'attestation établie deux mois après celui-ci par l'amie avec laquelle elle se trouvait ce jour là, qui avait sauté juste avant elle ; que les imprécisions de cette attestation sur certains points ne permettent pas de douter de sa sincérité ; qu'or ce document précise que Mme X... s'est immédiatement plainte d'une douleur à l'épaule, dont elle a fait part au moniteur se trouvant à l'arrivée et qu'elle n'a refusé de rejoindre le pont à l'aide d'un treuil qu'en raison de sa peur ; qu'elle précise qu'elle a eu du mal à remonter par le chemin et y a été aidée par elle-même et un autre participant ; que si la société produit diverses attestations établissant que ce chemin est très difficile en raison du dénivelé et de la nécessité de s'aider des mains pour progresser sur certaines portions, elle n'établit par aucun document médical qu'il était impossible à Mme X... de le suivre avec la blessure qu'elle présentait ; qu'au total, il résulte de la concordance temporelle entre les blessures et le saut, d'une part, du témoignage sus-évoqué, d'autre part, que le dommage a bien trouvé sa cause dans le saut réalisé ; que les arguments avancés par la société tendant à nier qu'une telle blessure puisse résulter d'un saut à l'élastique ne seront pas suivis ; qu'en effet, s'il n'est pas contesté que l'élastique est attaché au pied du participant et que le harnais prenant les épaules n'est mis sous tension qu'en cas de dysfonctionnement, non survenu en l'espèce, la société ne produit aucun élément permettant d'exclure qu'un à-coup lié à la position de Mme X... lors du saut ou qu'une boucle dans élastique ou dans les autres liens puisse être à l'origine du traumatisme de l'épaule ; qu'au demeurant, aucune partie ne produit de pièce relative aux accidents survenus au cours de sauts à l'élastique, en France ou à l'étranger ; qu'enfin, les documents attestant du sérieux de la société et de la compétence de son fondateur dans le domaine de la sécurité est sans incidence sur le lien de causalité existant entre le saut et le dommage survenu, dès lors qu'aucune faute tenant aux équipements de sécurité n'est reprochée à la société ; que la société LATITUDE CHALLENGE et son assureur, qui ne dénie pas sa garantie, seront donc condamnés in solidum à réparer l'intégralité du préjudice subi par Melle X... à l'occasion du saut (arrêt attaqué, p. 4-5) ; ET AUX MOTIFS, éventuellement adoptés, QU' il ressort tant de l'attestation de Mademoiselle Y... que du rapport de l'expert médical, que les blessures présentées par Mademoiselle Mélanie X... ont été occasionnées lors du saut à l'élastique ; que la SARL LATITUDE CHALLENGE, tenue à une obligation de résultat eu égard au rôle passif des participants et à la dangerosité de l'activité proposée, ne démontre pas qu'une cause étrangère soit à l'origine de ce manquement à l'obligation de sécurité ; que le droit à indemnisation de la victime n'est pas contestable, il convient en l'espèce de déclarer les défendeurs tenus à réparer l'entier préjudice de la victime (jugement entrepris, p. 3) ;

1°) ALORS QU' à supposer même que l'organisateur de sauts à l'élastique soit tenu d'une obligation de sécurité de résultat, sa responsabilité est soumise à la condition que la victime prouve, outre son dommage, le lien de causalité entre le préjudice subi et le saut ; qu'au cas présent, la cour d'appel a déduit l'existence du lien de causalité entre le dommage invoqué par Madame X... et le saut réalisé, de la concordance temporelle entre ses blessures et le saut (arrêt attaqué, p. 4 §7) ; qu'il ressortait pourtant des constatations de la cour que la fracture subie par Madame X... n'avait été constatée que le lendemain du saut, de sorte qu'il n'était pas du tout certain que la blessure ait été causée pendant la durée du saut contrairement à ce qu'implique la « concordance temporelle »; qu'entre le moment du saut et la constatation de la blessure de Madame X..., une journée s'était écoulée au cours de laquelle Madame X... avait préféré remonter non pas à l'aide d'un treuil mais par ses propres moyens, en empruntant un chemin escarpé qui nécessitait une bonne condition physique, avant de repartir directement chez elle, ce qui confirmait l'absence de « concordance temporelle » entre les blessures et le saut ; qu'en ne déduisant pas les conséquences légales de ses constatations, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le lien de causalité entre le dommage invoqué par Madame X... et le saut, a violé l'article 1147 du code civil ;

2°) ALORS QU' une attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés ; qu'au cas présent, pour retenir l'existence d'un lien de causalité entre la blessure de Madame X... et le saut, la cour s'est fondée sur l'attestation d'une amie de celle-ci (arrêt attaqué, p. 4 § 6) ; qu'il ressortait pourtant de la lecture de cette attestation, établie par Madame Y... deux mois après le saut, que celle-ci avait constaté ce qui s'était déroulé avant le saut de Madame X... et juste après le saut de celle-ci (attestation de Madame Y..., versée aux débats sous la pièce n° 11, prod.) ; que le témoin qui n'avait pas sauté en même temps que Madame X... ne pouvait avoir personnellement constaté ce qui s'était déroulé juste avant et juste après le saut de celle-ci, ainsi que la société LATITUDE CHALLENGE l'avait précisé dans ses écritures d'appel (p. 6 § 4) ; qu'en retenant néanmoins ce document, considérant que les imprécisions de cette attestation sur certains point ne permettaient pas de douter de sa sincérité, sans rechercher si le témoin avait pu réellement assister aux faits décrits, ainsi qu'elle y avait été pourtant invitée par l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 202 du code civil ;

3°) ALORS QUE le juge ne peut exiger la preuve impossible d'un fait négatif ; qu'au cas présent, en retenant que la société LATITUDE CHALLENGE ne produisait aucun élément permettant d'exclure qu'un à-coup lié à la position de Madame X... lors du saut ou qu'une boucle dans l'élastique ou dans les autres liens puisse être à l'origine du traumatisme de l'épaule, la cour d'appel, qui a en fait exigé de l'organisateur de sauts à l'élastique qu'il rapporte la preuve de ce que le traumatisme à l'épaule du sauteur ne pouvait pas avoir pour cause un à-coup lié à la position de celui-ci ou une boucle dans l'élastique, soit une preuve négative impossible à rapporter, a violé l'article 1315 du code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Responsabilité civile


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.