par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 13 juillet 2016, 15-18991
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, 1ère chambre civile
13 juillet 2016, 15-18.991

Cette décision est visée dans la définition :
Subsidiaire




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles 14 et 670-1 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après la séparation de M. X...et Mme Y..., par jugement du 25 octobre 2012, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Fort-de-France a fixé la résidence de leur enfant, Matthieu, au domicile de la mère et le droit de visite et d'hébergement du père ; que Mme Y... ayant déménagé pour s'installer en métropole, M. X... a assigné cette dernière en référé pour obtenir la fixation de la résidence de l'enfant à son domicile ;

Attendu que, pour déclarer la juridiction de Fort-de-France territorialement compétente, ordonner le retour de l'enfant en Martinique et fixer la résidence de l'enfant au domicile du père, l'arrêt retient que Mme Y... a été convoquée devant elle par une lettre recommandée dont l'accusé de réception est revenu revêtu d'une signature qui n'était pas celle figurant sur la dernière correspondance qu'elle a adressée à M. X... et que l'adresse effective de la mère de l'enfant est toujours à ce jour ignorée ;

Qu'en se déterminant ainsi, hors la présence de Mme Y..., alors qu'il ne résulte pas de ses constatations que la convocation à l'audience par lettre recommandée avait atteint sa destinataire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, subsidiaire :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour Mme Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, réputé contradictoire, d'avoir infirmé l'ordonnance du 17 septembre 2014, d'avoir déclaré la juridiction de Fort-de-France territorialement compétente et d'avoir en conséquence ordonné le retour en Martinique de l'enfant Matthieu et fixé sa résidence au domicile du père ;

AUX MOTIFS QUE « Madame Y... a été convoquée à l'audience du 23 janvier 2015 par lettre recommandée dont l'accusé de réception est revenu revêtu d'une signature qui n'est pas celle figurant au dernier courrier qu'elle lui a adressé courant juillet 2014 ; que le jugement du 25 octobre 2012, par l'application des dispositions de l'article 1070 du Code de procédure civile, en fixant la résidence de l'enfant au domicile de la mère, avait pour effet de donner compétence pour tout changement dans les modalités d'exercice de l'autorité parentale, au juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Fort-de-France ; que l'article 373-2 du code civil prescrit que tout changement de résidence de l'un des parents qui modifie les modalités d'exercice de l'autorité parentale doit faire l'objet d'une information préalable et en temps utiles de l'autre parent afin de permettre la saisine du juge aux affaires familiales pour statuer sur ce qu'exige l'intérêt de l'enfant en cas de désaccord ; qu'en l'espèce, Madame Y... aurait dû informer le père de l'enfant de sa demande de mutation et de son intention d'emmener l'enfant avec elle, dans un délai de prévenance suffisant pour permettre à ce dernier de saisir le juge aux affaires familiales de Fort-de-France compétent, en temps utile ; Or dans son courrier que Monsieur X... n'a reçu que début août 2014, daté du 9 juillet 2014, la mère de l'enfant l'informe de ce qu'elle a obtenu sa mutation professionnelle et de son départ imminent, en donnant au père de l'enfant une adresse qui serait celle de son frère, et qu'elle indique elle-même comme étant temporaire ; que bien qu'ayant utilisé la procédure d'assignation à bref délai en référé et assigné, dès le 4 septembre 2014 à cette adresse, Mme Y... n'y résidait déjà plus puisque l'huissier a été contraint de convertir son acte en procès-verbal de recherches infructueuses ; que l'article 1070 du code de procédure civile ne peut recevoir application qu'en cas de résidence stable et habituelle du parent qui a la garde des enfants, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce ; que d'ailleurs le premier juge a bien senti cette difficulté puisqu'il a omis de désigner la juridiction qu'il estimait compétente pour connaître de la contestation du père, et ce, en méconnaissance des dispositions de l'article 96 du Code de procédure civile, empêchant ainsi la transmission d'office du dossier en vertu de l'article 97 ; qu'au cas particulier, il aurait dû retenir sa compétence ; que l'adresse effective de la mère de l'enfant étant toujours à ce jour ignorée, l'ordonnance déférée sera infirmée en toutes ses dispositions »

ALORS QUE nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; qu'en cas de retour au secrétariat de la juridiction d'une lettre de convocation à l'audience dont l'avis de réception n'a pas été signé dans les conditions prévues à l'article 670 du Code de procédure civile, le secrétaire invite la partie adverse à procéder par voie de signification ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a tout à la fois relevé que la signature sur l'accusé de réception de la lettre recommandée convoquant Madame Y... à l'audience du 23 janvier 2015 n'était pas la sienne et que son adresse effective demeurait toujours à ce jour ignorée ; qu'il se déduisait de ces constatations que la lettre recommandée de convocation à l'audience n'avait pas été remise à sa destinataire en sorte qu'il devait être procédé par voie de signification effectuée par un huissier de justice ; qu'en statuant néanmoins par arrêt réputé contradictoire à l'égard de Madame Y... cependant que cette dernière n'était ni présente, ni représentée, sans constater que la convocation à l'audience par lettre recommandée avait bien atteint sa destinataire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 14 et 670-1 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, réputé contradictoire, d'avoir infirmé l'ordonnance du 17 septembre 2014, d'avoir évoqué le fond de l'affaire, ordonné le retour en Martinique de l'enfant Matthieu et fixé sa résidence au domicile du père ;

AUX MOTIFS QUE « vu l'urgence et l'ignorance dans laquelle est entretenue le père, de la situation de l'enfant, la Cour estime de bonne justice d'évoquer le fond de la demande en référé, par application de l'article 89 du même Code ; que le mépris par Madame Y... des dispositions de l'article 373-2 du Code civil, ainsi qu'exposé ci-dessus, et des prérogatives du père dans l'exercice de sa part d'autorité parentale, ainsi que l'impossibilité de diligenter une mesure d'instruction pour vérifier les nouvelles conditions de vie et d'éducation de l'enfant conduisent la Cour à ordonner le retour de l'enfant en Martinique en fixant sa résidence au domicile du père, où l'intérêt de l'enfant n'était pas mis en cause eu égard aux dispositions qui avaient été prises par le jugement du 25 octobre 2012 ; que ce transfert de résidence constitue une mesure d'urgence commandée par le recours à la procédure de référé ; qu'il importera au parent le plus diligent de ressaisir au fond le juge aux affaires familiales de Fort de France pour faire fixer les autres modalités d'autorité parentale aux termes d'un débat contradictoire et utile, une fois l'enfant et la mère localisés ; que le surplus des demandes de Monsieur X... sera donc rejeté en l'état » ;

ALORS D'UNE PART QUE la notion d'urgence autorisant le président du tribunal de grande instance à ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend doit être caractérisée par le juge et ne saurait se déduire du seul choix par le demandeur du recours à la voie procédurale du référé ; qu'en se bornant cependant en l'espèce, pour ordonner le transfert de la résidence de l'enfant au domicile du père en Martinique, à énoncer que ce transfert « constitue une mesure d'urgence commandée par le recours à la procédure de référé » sans aucunement caractériser en quoi ce transfert de résidence pour l'enfant qui avait toujours vécu avec sa mère présentait un caractère urgent, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 808 du Code de procédure civile ;


ALORS D'AUTRE PART QU'en toute hypothèse le juge qui se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, et notamment le transfert de résidence de l'enfant, doit rechercher de manière concrète quel est l'intérêt actuel de l'enfant compte tenu des circonstances de la cause et non se fonder sur des considérations anciennes ou sans rapport avec l'intérêt supérieur de l'enfant ; qu'en énonçant en l'espèce, pour décider du retour de l'enfant Matthieu en Martinique et du transfert de sa résidence au domicile du père, que son intérêt n'y était pas mis en cause « eu égard aux dispositions qui avaient été prises par le jugement du 25 octobre 2012 », la Cour d'appel, qui n'a pas recherché quel était l'intérêt actuel de l'enfant au jour où elle statuait, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 et de l'article 373-2-9 du Code civil.



site réalisé avec
Baumann Avocat Droit des affaires

Cette décision est visée dans la définition :
Subsidiaire


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.