par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 14 juin 2016, 14-19742
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Cour de cassation, chambre commerciale
14 juin 2016, 14-19.742

Cette décision est visée dans la définition :
Responsabilité civile




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 131-73, alinéa 1er, du code monétaire et financier ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 27 novembre 2012, pourvoi n° 11-25.628, Bull. IV n° 214), que la société Les Vins Erdre (la société VE) a conclu une convention d'ouverture de compte courant avec la société Banque Scalbert Dupont, devenue la société CIC Nord-Ouest (la banque), avec une autorisation de découvert ; qu'en mars et en mai 2006, la banque a rejeté plusieurs chèques pour défaut de provision ; qu'après avoir été mise en redressement judiciaire, la société VE a assigné la banque en responsabilité pour rupture abusive de crédit et pour défaut d'information préalable au rejet des chèques émis sans provision suffisante ; que la société VE ayant été mise en liquidation judiciaire le 30 mai 2008, la société Duquesnoy et associés, aux droits de laquelle est venue la société Depreux Sébastien, a été désignée en qualité de liquidateur, puis est intervenue à l'instance ;

Attendu que pour condamner la banque à payer au liquidateur une somme correspondant au solde débiteur du compte, l'arrêt, après avoir énoncé que les dispositions de l'article L. 131-73, alinéa 1er, du code monétaire et financier prévoient une information de la banque au titulaire du compte, préalable au rejet du chèque pour défaut de provision suffisante, retient que la banque a engagé sa responsabilité en adressant des avertissements n'identifiant aucun des chèques concernés à sa cliente qui est fondée à obtenir réparation du préjudice né du rejet indu des chèques en cause ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice résultant du défaut de délivrance de l'information prévue par l'article L. 131-73, alinéa 1er, du code monétaire et financier, qui ne se confond pas avec le rejet fautif du chèque, consiste en la perte de la chance, pour le titulaire du compte, d'approvisionner celui-ci pour couvrir les chèques émis et échapper aux conséquences qui résultent du refus de paiement du chèque, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il condamne la société CIC Nord-Ouest à payer à la SELURL Depreux Sébastien, ès qualités, la somme de 67 915,08 euros, l'arrêt rendu le 20 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société Depreux Sébastien, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Vins Erdre, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société CIC Nord-Ouest.

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR condamné le CIC Nord-Ouest à payer à la selurl Depreux Sébastien, es-qualités, la somme de 67.915,08 euros ;

AUX MOTIFS, sur la responsabilité de la banque au titre des rejets de chèques, QUE « la SELURL DEPREUX Sébastien ès qualités et la société LES VINS ERDE font grief à la banque d'avoir manqué à son obligation de bonne foi en rejetant, sans aucune information préalable telle que prévue par l'article L. 131-73 du code monétaire et financier, plusieurs dizaines de chèques et en mettant ainsi fin au découvert autorisé ; qu'aux termes de l'article L. 131-73, alinéa 1er du code monétaire et financier, "le banquier tiré peut, après avoir informé par tout moyen approprié mis à la disposition par lui le titulaire du compte des conséquences du défaut de provision, refuser le paiement d'un chèque pour défaut de provision suffisante. Il doit enjoindre au titulaire du compte de restituer à tous les banquiers dont il est le client les formules en sa possession et en celle de ses mandataires et de ne plus émettre des chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré au ceux qui sont certifiés. Le banquier tiré en Informe dans le même temps les mandataires de son client" ; que ces dispositions prévoient un avertissement de la banque au titulaire du compte, préalable au rejet du chèque, destiné à faciliter une régularisation ; que le 6 mars 2006, la BSD a informé la société LES VINS ERDE que « la position du compte ne permettait pas d'effectuer le règlement d'un chèque » ; que cette lettre n'identifie pas le chèque en cause ; qu'aucun avertissement n'a été adressé par la banque pour les 32 chèques rejetés le 10 mars 2006 ; que le 29 mai 2006, la banque a indiqué à la société LES VINS ERDE que « la position du compte ne permettait pas d'effectuer le règlement des chèques venant d'être présentés » ; que cette lettre n'identifie aucun des chèques concernés ; que l'avertissement prévu par l'article L. 131-73 devant être adressé pour tous les chèques concernés, préalablement à leur rejet, la BSD, en transmettant à sa cliente des courriers dépourvus de précision suffisante, ne s'est pas conformée aux dispositions de cet article ; que la banque a, dans ces conditions, engagé sa responsabilité envers la société LES VlNS ERDE ; que la société LES VINS ERDE présente une demande de dommages et intérêts correspondant, d'une part, au débit de son compte bancaire, d'autre part, à son préjudice commercial ; que les appelants sont fondés à obtenir réparation du préjudice né du rejet indu des chèques ; que le CIC NORD OUEST sera condamné à payer à la SELURL DEPREUX SÉBASTIEN, es-qualités, à titre de dommages-intérêts la somme de 67.915,08 euros dont le montant n'est pas discuté par la banque ; qu'en revanche la cour confirmera le jugement entrepris sur le rejet de la demande d'indemnisation au titre d'un préjudice commercial dont les appelants ne justifient par aucun élément » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions signifiées le 11 septembre 2013, la selurl Depreux Sébastien, es-qualités, soutenait que le rejet des chèques, présentés à l'encaissement, sans information préalable de la part de la banque s'analysait en une rupture brutale et abusive des concours à l'origine de l'ouverture du redressement judiciaire de la société VE justifiant la condamnation de la banque à des dommages-intérêts d'un montant de 67.915,08 euros équivalent au solde débiteur du compte déclaré par celle-ci au passif ; que dans ses conclusions signifiées le 21 juin 2013, le CIC Nord-Ouest a nié avoir rompu les concours bancaires consentis à sa cliente, et a soutenu avoir légitimement refusé d'honorer les chèques litigieux dont le paiement aurait dépassé de près de la moitié le montant du découvert tacite autorisé s'élevant à 100.000 euros ; que pour dire la société VE fondée à obtenir réparation du préjudice « né du rejet indu des chèques » - qu'il évalue au solde débiteur du compte bancaire ‒ l'arrêt retient que la banque a engagé sa responsabilité envers sa cliente en ne lui adressant aucun avertissement préalablement au rejet des chèques litigieux ; qu'en statuant de la sorte la cour d'appel a méconnu les termes du litige dont elle était saisie et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'une banque ne commet pas de faute lorsque son refus de payer des chèques est justifié par le dépassement du montant du concours consenti et non par son interruption ; qu'en condamnant le CIC Nord Ouest à payer à la selurl Depreux Sébastien, es-qualités, des dommages-intérêts équivalents au solde débiteur du compte bancaire de la société VE en réparation du préjudice subi au titre du rejet prétendu « indu » des chèques sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si le paiement des chèques litigieux par la banque n'aurait pas porté le débit du compte de sa cliente au-delà du découvert tacite autorisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;


ALORS ENFIN QUE l'indemnisation du client d'une banque au titre du défaut d'information préalable au rejet de certains chèques suppose que celui-ci établisse qu'il aurait été en mesure d'approvisionner son compte débiteur des sommes correspondant aux chèques rejetés ; que pour condamner le CIC Nord Ouest à des dommages-intérêts correspondant au débit du compte bancaire de la société VE, la cour d'appel retient qu'aucun avertissement n'a été adressé préalablement aux rejets des chèques, intervenus les 6 mars, 10 mars et 29 mai 2006 ; qu'en se déterminant ainsi, sans constater que le tireur rapportait la preuve qu'il aurait pu créditer son compte du montant des chèques concernés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 131-73 du code monétaire et financier.



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Cette décision est visée dans la définition :
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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.