par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 2, 17 mars 2016, 14-24986
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
17 mars 2016, 14-24.986
Cette décision est visée dans la définition :
Droit de la Consommation
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 3 juillet 2014), que la Banque populaire du Nord (la banque) a accordé à M. et Mme X... trois prêts pour lesquels la société Casden banque populaire (la société Casden) s'est portée caution ; que M. X... ayant formé une demande de traitement de sa situation financière auprès d'une commission de surendettement, un plan conventionnel a été conclu, prévoyant à compter du mois d'août 2007 un moratoire de six mois portant notamment sur les créances de la banque et de la société Casden ; que M. X... a de nouveau saisi, le 27 mars 2008, une commission de surendettement d'une demande de traitement de sa situation, en déclarant, au titre du passif exigible, ses dettes à l'égard de la banque et de la société Casden ; que la commission de surendettement ayant déclaré cette demande recevable le 8 avril 2008, la banque a formé un recours contre cette décision ; que par une ordonnance du 15 décembre 2009, un juge de l'exécution a clôturé la procédure de traitement du surendettement en constatant que M. X... avait finalement refusé d'en bénéficier ; que la banque et la société Casden ayant assigné en remboursement M. et Mme X..., ces derniers ont soulevé la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en paiement ;
Attendu que la banque et la société Casden font grief à l'arrêt de dire que leurs actions sont irrecevables comme prescrites et de rejeter leur demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que l'arrêt attaqué a retenu que la saisine de la commission de surendettement par M. X... le 27 mars 2008 valait reconnaissance des créances de la banque, tout en relevant que cette saisine a été déclarée recevable par la commission de surendettement le 8 avril 2008 et que par ordonnance du 15 décembre 2009 le juge de l'exécution a constaté que M. X... a renoncé au bénéfice de la procédure de traitement des situations de surendettement ; qu'il en résultait que la prescription de l'action en paiement de la banque et de la société Casden avait été interrompue le 27 mars 2008 et que cette interruption avait produit son effet jusqu'au 15 décembre 2009, de sorte que l'action des exposantes n'était pas prescrite lorsqu'elle a été engagée le 31 janvier 2011 ; qu'en décidant le contraire, aux motifs propres et adoptés que la saisine de la commission de surendettement n'émanait pas du créancier mais du débiteur et que la commission n'avait pas suspendu les paiements, la cour d'appel a violé les articles 2240, 2241 et 2242 du code civil, et L. 331-6, L. 331-7 et L. 331-3-1 du code de la consommation ;
2°/ qu'en jugeant que le recours de la banque contre la décision de recevabilité de sa saisine rendue par la commission de surendettement le 8 avril 2008 n'interrompait pas la prescription au motif qu'il était distinct par son objet et sa cause d'une action en paiement, quand ce recours constituait une demande en justice au sens de l'article 2241 du code civil, la cour d'appel a violé ce texte ;
3°/ qu'en retenant que n'était pas précisée la date du recours de la banque contre la décision de recevabilité de sa saisine rendue par la commission de surendettement le 8 avril 2008, cependant que ce recours était nécessairement postérieur au 8 avril 2008 et qu'il avait produit son effet interruptif jusqu'au 15 décembre 2009, date de l'ordonnance du juge de l'exécution constatant la renonciation de M. X... au bénéfice de la procédure de traitement des procédures de surendettement, ce dont il suivait que l'action en paiement n'était pas prescrite lorsqu'elle a été exercée le 31 janvier 2011, la cour d'appel a violé les articles 2241 et 2242 du code civil ;
Mais attendu que le délai de prescription n'est pas suspendu pendant l'examen, par la commission de surendettement ou par le juge du tribunal d'instance, de la recevabilité de la demande formée par le débiteur ;
Et attendu que le recours formé par un créancier contre la décision par laquelle une commission de surendettement déclare un débiteur recevable en sa demande de traitement de sa situation financière ne constitue pas, au regard de son objet, une demande en justice de nature à interrompre le délai de prescription en application de l'article 2241 du code civil ;
Que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a retenu que la mise en oeuvre du recours formé par cette dernière contre la décision de recevabilité prise par la commission n'avait pas eu pour effet d'interrompre le cours de la prescription des créances ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Banque populaire du Nord et la société Casden banque populaire aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Banque populaire du Nord et de la société Casden banque populaire et les condamne à payer à M. X... la somme globale de 1 500 euros et à Mme X... la somme globale de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour les sociétés Banque populaire du Nord et Casden banque populaire.
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a dit que les actions engagées par les sociétés BANQUE POPULAIRE DU NORD et CASDEN BANQUE POPULAIRE sont prescrites, les a en conséquence déclarées irrecevables, et a rejeté la demande de dommages-intérêts de la BANQUE POPULAIRE DU NORD et de la CASDEN BANQUE POPULAIRE ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« en vertu de l'article L. 137-2 du code de la consommation issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que dès lors que les crédits immobiliers et les crédits à la consommation consentis aux consommateurs par des organismes de crédit constituent des services financiers fournis par des professionnels, l'action en recouvrement qui en naît est soumise au délai biennal de prescription de l'article susvisé ; que l'article 26 II de la loi ci-dessus visée a prévu que les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, soit le 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit dix ans en l'espèce ; que par ailleurs que selon l'article 2240 du code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit interrompt le délai de prescription, l'acte interruptif résultant de cette reconnaissance par le débiteur du droit du créancier faisant courir, à compter de sa date, un nouveau délai de prescription ; qu'il résulte en outre de la combinaison des articles 2241, 2242 et 2243 du même code que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion jusqu'à l'extinction de l'instance, cette interruption étant toutefois regardée comme non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en sollicitant en juillet 2007 le plan conventionnel par lequel sa dette a été aménagée, Monsieur Eric X... a reconnu les créances de la société BANQUE POPULAIRE DU NORD en exécution des trois prêts des 30 juillet 1994, 24 décembre 2000 et 5 février 2003, de sorte que le délai de prescription a été interrompu en application de l'article 2240 du code civil, avec effet du mois d'août 2007 au mois de mars 2008, date à laquelle un nouveau délai de dix ans a commencé à courir ; que la nouvelle saisine par Monsieur Eric X..., débiteur, de la commission de surendettement le 27 mars 2008 a également valu reconnaissance des dettes qu'il déclarait de sorte que le délai de prescription a de nouveau été interrompu en application de l'article 2240 du code civil, le nouveau délai de prescription décennale commençant à courir sitôt l'acte récognitif, soit à compter du 27 mars 2008, et non pas, la saisine émanant, non de la BANQUE POPULAIRE DU NORD, créancière, mais du débiteur lui-même qui prescrivait, à l'extinction de l'instance, le 15 décembre 2009 ; que par ailleurs que la mise en oeuvre, à une date au demeurant non précisée, du recours dirigé par la société BANQUE POPULAIRE DU NORD contre la décision rendue le 8 avril 2008 par la commission de surendettement des particuliers des Pyrénées Orientales qui a déclaré recevable la demande de Monsieur Eric X... de traitement de sa situation de surendettement qu'il lui avait présentée le 27 mars 2008, en ce qu'il est distinct par son objet et par sa cause d'une action en paiement, n'a pas eu pour effet d'interrompre le cours de la prescription des créances de la banque ; qu'il suit qu'à la date de l'entrée en vigueur des dispositions de la loi réformant la prescription le 19 juin 2008, la prescription antérieure de dix ans n'était pas acquise de sorte que la prescription applicable aux présentes actions en recouvrement du solde des trois prêts en cause est bien la prescription biennale de l'article L. 137-2 du code de la consommation ; que la renonciation de Monsieur Eric X... au bénéfice de la procédure de traitement des situations de surendettement, constatée par le juge de l'exécution dans sa décision du 15 décembre 2009, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi précitée, en ce qu'elle est dépourvue de tout élément impliquant sans équivoque l'aveu de l'existence à cette date des droits de la banque, n'a pu produire aucun effet interruptif de cette prescription ; que c'est en conséquence à bon droit qu'en l'absence de tout historique de compte, le premier juge a, au vu des lettres des 3, 10 et 17 avril 2008 invitant les époux X... à régulariser les échéances impayées au titre des trois prêts litigieux, fixé le point de départ du délai biennal de prescription au 19 juin 2008 ; qu'en l'absence de causes d'interruption des créances dans les deux années qui ont suivi, les créances de la BANQUE POPULAIRE DU NORD se sont trouvées prescrites, tant à l'égard de Monsieur Eric X... qu'à l'égard de son épouse, en application de l'article 2245 du code civil, à partir du 19 juin 2010, antérieurement à l'assignation délivrée à Monsieur Eric X... par acte du 31 janvier 2011 par laquelle elle a introduit sa demande devant le premier juge ; que la fin de non-recevoir proposée par Monsieur Eric X... et Madame Mita Y..., épouse X..., doit donc être accueillie, et le jugement entrepris confirmé » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « l'article L 137-2 du code de la consommation prévoit que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que les crédits qu'ils soient personnels ou immobiliers, consentis aux consommateurs par des organismes de crédit constituent des services financiers fournis par des professionnels ; que la prescription de l'article précité qui commence à courir à compter du premier incident de paiement non régularisé est donc applicable à ces crédits ; que la BANQUE POPULAIRE DU NORD et la CASDEN qui se voient opposer par les débiteurs la prescription biennale, ne produisent aucun historique des remboursements et ne fournissent pas d'éléments concrets permettant au tribunal de déterminer les premiers incidents de paiement de chacun des trois prêts litigieux ; qu'il convient donc d'examiner dans le détail la chronologie des procédures qui ont concerné la dette ; que selon les indications apportées par la CASDEN, les débiteurs ont bénéficié en juillet 2007 d'une recevabilité de la Banque de France dans le cadre d'une procédure de surendettement puis d'un plan conventionnel de six mois ; que la procédure de surendettement a été définitivement clôturée par jugement du juge de l'exécution de Perpignan en date du 15 décembre 2009, Monsieur X... ayant renoncé au bénéfice de la procédure de surendettement ; que si Monsieur et Madame X... ont bénéficié au titre de l'ensemble des prêts souscrits auprès de la BPN, dans le cadre du premier dossier de surendettement déposé le 23 mai 2007, d'un moratoire de six mois à compter d'août 2007, la suspension des paiements n'a été effective que jusqu'à fin mars 2008 ; que contrairement à ce que soutient la CASDEN, la suspension des paiements n'a manifestement pas pu se poursuivre jusqu'à la décision rendue par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Perpignan le 15 décembre 2009 dans la mesure où cette procédure concernait un deuxième dossier de surendettement déposé préventivement le 10 mars 2008 et dans lequel les débiteurs n'ont bénéficié d'aucune suspension des paiements ainsi que cela résulte de la notification de la commission de surendettement du 8 avril 2008 ; qu'il convient par ailleurs d'observer qu'à l'issue du moratoire, la BANQUE POPULAIRE DU NORD a notifié aux débiteurs trois courriers en date des 3, 10 et 17 avril 2008 pour les inviter à régulariser les échéances impayées au titre des trois prêts litigieux ; qu'il découle de ce qui précède que les trois courriers précités caractérisent les premiers incidents de paiement de sorte que l'assignation en paiement délivrée le 31 janvier 2011 l'a été tardivement et que l'action est prescrite ; que la demande de la BANQUE POPULAIRE DU NORD est donc irrecevable ; que la demande formée par la CASDEN intervenante volontaire est également irrecevable dès lors qu'elle détient ses droits de la BANQUE POPULAIRE DU NORD dont la créance est prescrite » ;
ALORS premièrement QUE l'arrêt attaqué a retenu que la saisine de la commission de surendettement par Monsieur X... le 27 mars 2008 valait reconnaissance des créances de la BANQUE POPULAIRE DU NORD, tout en relevant que cette saisine a été déclarée recevable par la commission de surendettement le 8 avril 2008 et que par ordonnance du 15 décembre 2009 le juge de l'exécution a constaté que Monsieur X... a renoncé au bénéfice de la procédure de traitement des situations de surendettement ; qu'il en résultait que la prescription de l'action en paiement de la BANQUE POPULAIRE DU NORD et de la CASDEN BANQUE POPULAIRE avait été interrompue le 27 mars 2008 et que cette interruption avait produit son effet jusqu'au 15 décembre 2009, de sorte que l'action des exposantes n'était pas prescrite lorsqu'elle a été engagée le 31 janvier 2011 ; qu'en décidant le contraire, aux motifs propres et adoptés que la saisine de la commission de surendettement n'émanait pas du créancier mais du débiteur et que la commission n'avait pas suspendu les paiements, la cour d'appel a violé les articles 2240, 2241 et 2242 du code civil, et L. 331-6, L. 331-7 et L. 331-3-1 du code de la consommation ;
ALORS deuxièmement QU'en jugeant que le recours de la BANQUE POPULAIRE DU NORD contre la décision de recevabilité de sa saisine rendue par la commission de surendettement le 8 avril 2008 n'interrompait pas la prescription au motif qu'il était distinct par son objet et sa cause d'une action en paiement, quand ce recours constituait une demande en justice au sens de l'article 2241 du code civil, la cour d'appel a violé ce texte ;
ALORS troisièmement QU'en retenant que n'était pas précisée la date du recours de la BANQUE POPULAIRE DU NORD contre la décision de recevabilité de sa saisine rendue par la commission de surendettement le 8 avril 2008, cependant que ce recours était nécessairement postérieur au 8 avril 2008 et qu'il avait produit son effet interruptif jusqu'au 15 décembre 2009, date de l'ordonnance du juge de l'exécution constatant la renonciation de Monsieur X... au bénéfice de la procédure de traitement des procédures de surendettement, ce dont il suivait que l'action en paiement n'était pas prescrite lorsqu'elle a été exercée le 31 janvier 2011, la cour d'appel a violé les articles 2241 et 2242 du code civil.
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Droit de la Consommation
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.