par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 3 septembre 2015, 14-11091
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
3 septembre 2015, 14-11.091

Cette décision est visée dans la définition :
Péremption




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 30 juin 2011 :

Vu l'article 392 du code de procédure civile ;

Attendu que lorsque la suspension du délai de péremption est la conséquence d'une décision de sursis à statuer jusqu'à la survenance d'un événement déterminé, un nouveau délai court à compter de la réalisation de cet événement ;

Attendu, selon les arrêts attaqués et les productions, que par requête du 19 décembre 2005, M. X... a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de contester la validité d'un congé que lui a signifié Mme Y... aux fins de reprise au profit de son fils de parcelles de terre louées suivant un bail à long terme consenti par ses parents, Usmar Z... et Marie A..., depuis décédés ; que par jugement du 20 octobre 2006, le tribunal paritaire des baux ruraux a sursis à statuer jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel de Douai saisie de l'appel interjeté contre le jugement d'un tribunal de grande instance ayant ordonné les opérations de compte, liquidation et partage de la succession Z...- A... ; que cet arrêt a été rendu le 12 mars 2007 ; que le 3 mars 2010, Mme Y... a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en reprise d'instance de conclusions tendant à voir constater la péremption de l'instance au 12 mars 2009 ; que l'incident de péremption ayant été rejeté par jugement du 4 mai 2010, le tribunal paritaire des baux ruraux a annulé le congé par jugement du 9 mars 2011 ; que Mme Y... a interjeté appel des deux jugements ;

Attendu que, pour dire n'y avoir lieu de constater la péremption de l'instance, l'arrêt du 30 juin 2011 retient que le tribunal paritaire a sursis à statuer sur la validité du congé délivré à M. X... jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel de Douai saisie de l'appel du jugement rendu sur l'action en partage de la succession des époux Z...- A..., qu'il est constant que M. X... n'était pas partie à la procédure dont la cour d'appel était saisie qui concernait exclusivement les bailleurs et les droits des indivisaires dans la succession de leurs parents, en sorte qu'il ne pouvait suivre ladite procédure et être informé des dates d'audience et de délibéré, seule la partie adverse ayant reçu les informations nécessaires, qu'il n'avait par conséquent, pas la possibilité d'avoir connaissance de la survenance de l'événement constituant le point de départ du nouveau délai de péremption, qu'il en résulte que ce délai n'a pu courir à l'encontre de M. X... qu'à compter de la date à laquelle il a eu officiellement connaissance de l'arrêt rendu et qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier qu'il ait eu connaissance de l'arrêt avant la reprise d'instance par la bailleresse ;

Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que dans l'instance ayant provoqué le sursis à statuer, la décision de la cour d'appel de Douai était intervenue le 12 mars 2007, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, tenant à la connaissance par la partie à laquelle on oppose la péremption, de l'événement mettant fin au sursis-à-statuer, a violé le texte susvisé ;

Attendu qu'en application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt du 30 juin 2011 du chef de dispositif critiqué atteint, par voie de dépendance nécessaire, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 19 décembre 2013 qui a confirmé le jugement du 9 mars 2011 ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 19 décembre 2013 :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré l'appel recevable, l'arrêt rendu le 30 juin 2011 par la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;

Constate la péremption de l'instance introduite le 19 décembre 2005 par M. X... devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Calais ;

CASSE ET ANNULE, par voie de conséquence, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 décembre 2013 par la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que les dépens afférents aux instances devant les juges du fond seront supportés par M. X... ;

Rejette les demandes formées devant la cour d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; condamne M. X... à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés pour l'arrêt rendu le 30 juin 2011 et totalement cassé pour l'arrêt rendu le 19 décembre 2013 ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois septembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour Mme Z...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué du 30 juin 2011 d'avoir, confirmant le jugement entrepris, dit n'y avoir lieu de constater la péremption de l'instance introduite par M. Jean-François X... le 19 décembre 2005 ;

AUX MOTIFS QU'« aux termes des dispositions de l'article 378 du code de procédure civile l'instance est suspendue par la décision qui sursoit à statuer pour le temps où jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine ; qu'aux termes des dispositions de l'article 392 du même code le délai de péremption continue à courir en cas de suspension de l'instance sauf si celle-ci n'a lieu que pour un temps ou jusqu'à la survenance d'un événement déterminé et dans ce cas un nouveau délai court à compter de l'expiration de ce temps ou de la survenance de l'événement ; qu'en l'espèce le tribunal paritaire a sursis à statuer sur la validité du congé délivré à M. X... jusqu'à l'arrêt de la Cour d'appel de DOUAI saisie de l'appel du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de BOULOGNE SUR MER sur l'action en partage de la succession des époux Z...- A... ; qu'il est constant que Jean-François X... n'était pas partie à la procédure dont la Cour d'appel était saisie qui concernait exclusivement les bailleurs et les droits des indivisaires dans la succession de leurs parents, en sorte qu'il ne pouvait suivre ladite procédure et être informé des dates d'audience et de délibéré, seule la partie adverse ayant reçu des informations nécessaires, qu'il n'avait par conséquent, pas la possibilité d'avoir connaissance de la survenance de l'événement constituant le point de départ du nouveau délai de péremption ; qu'il en résulte que ce délai n'a pu courir à l'encontre de M. X... qu'à compter de la date où il a eu officiellement connaissance de l'arrêt rendu ; qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier qu'il ait eu connaissance de l'arrêt avant la reprise d'instance par la bailleresse, d'où il suit que l'exception de péremption d'instance doit être rejetée » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Madame Y...- Z... ne justifie pas avoir averti M. X... qui n'était pas partie à la procédure en liquidation partage de la succession Z...- A..., de ce que la Cour d'appel de DOUAI avait rendu sa décision ; qu'elle ne saurait dès lors venir lui reprocher son défaut de diligences concernant l'instance pendante devant le tribunal paritaire des baux ruraux » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la suspension de l'instance emporte celle du délai de péremption lorsqu'elle est la conséquence d'une décision de sursis à statuer jusqu'à la survenance d'un événement déterminé, et un nouveau délai court à compter de la réalisation de cet événement ; que l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; qu'en décidant que l'instance n'était pas périmée, tout en constatant que le tribunal paritaire avait, par jugement du 20 octobre 2006, sursis à statuer jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel de Douai saisie d'un appel contre la décision du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer du 8 novembre 2000, et qu'aucune diligence n'avait été accomplie dans le délai de deux ans à compter de la date de l'arrêt de la cour d'appel de Douai intervenu le 12 mars 2007, la cour d'appel a violé les articles 378, 379, 386 et 392 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la suspension de l'instance emporte celle du délai de péremption lorsqu'elle est la conséquence d'une décision de sursis à statuer jusqu'à la survenance d'un événement déterminé, et un nouveau délai court à compter de la réalisation de cet événement et non à compter du jour où les parties en sont informées ; que l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; qu'en retenant qu'il appartenait à Mme Y... de porter l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 12 mars 2007 à la connaissance de M. X... et que le nouveau délai de péremption n'avait pu courir qu'à compter de la date à laquelle ce dernier avait officiellement eu connaissance de l'arrêt rendu, la cour d'appel a ajouté aux textes applicables en la cause une condition qu'ils ne comportent pas, violant de ce chef les articles 378, 386 et 392 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué du 19 décembre 2013 d'avoir, confirmant le jugement entrepris, déclaré nul et de nul effet le congé délivré à M. Jean-François X... le 29 septembre 2005,

AUX MOTIFS QUE « La qualité de l'auteur du congé doit être appréciée à la date de la délivrance de l'acte ; qu'aux termes des dispositions de l'article 815-3 du code civil dans sa version applicable avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 les actes d'administration et de disposition relatifs aux biens indivis requièrent le consentement de tous les indivisaires ; que ceux-ci peuvent donner à l'un ou à plusieurs d'entre eux un mandat général d'administration ; qu'un mandat spécial est nécessaire pour tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis, ainsi que pour la conclusion et le renouvellement des baux ; que si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux ; qu'il résulte de ce texte qu'un congé donné par un seul indivisaire et non ratifié par les autres encourt la nullité sauf dans l'hypothèse où le partage et l'allotissement des biens objet du congé à l'auteur du congé intervient avant la date d'effet dudit congé ; qu'en l'espèce le congé a été délivré par Marie-Thérèse Z... épouse Y... le 29 septembre 2005 et celle-ci était propriétaire indivis avec ses cinq frères et soeurs des parcelles données à bail ; que ce congé a été délivré en son seul nom et n'a pas été ratifié par les autres indivisaires et il est établi qu'il n'existait aucun accord entre eux, Jean-François X... produisant aux débats un congé reçu à la même date de Anne-Marie Z... épouse F... portant sur les mêmes parcelles pour reprise et exploitation personnelle par sa fille ; que par ailleurs si Marie-Thérèse Z... épouse Y... justifie avoir reçu l'attribution lors du partage d'un certain nombre de parcelles visées dans le congé, force est de constater que l'acte de partage est intervenu le 26 mai 2010 alors que le congé devait prendre effet le 30 mars 2007 ; que c'est par conséquent au résultat d'une exacte analyse des données de fait et de droit du litige que les premiers juges ont annulé le congé délivré par Marie-Thérèse Z... épouse Y... à Jean-François X... le 29 septembre 2005 ; que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« aux termes de l'article 815-3 du code civil, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006, applicable en l'espèce à la date de délivrance du congé, les actes d'administration et de disposition relatifs aux biens indivis requièrent le consentement de tous les indivisaires ; ceux-ci peuvent donner à l'un ou à plusieurs d'entre eux un mandat général d'administration ; un mandat spécial est nécessaire pour tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis, ainsi que pour la conclusion et le renouvellement des baux ; il résulte des pièces versées aux débats que lors de la délivrance du congé, soit le 29 septembre 2005, Mme Marie-Thérèse Z... épouse Y... était coïndivisaire des biens immobiliers concernés ; il est par ailleurs établi que cet acte n'a pas été ratifié par les autres indivisaires ; contrairement à ce qui est allégué par la défenderesse, la délivrance d'un congé ne constitue pas un acte conservatoire, mais un acte requérant l'accord de tous les indivisaires ; ainsi, le congé donné par un indivisaire sans l'accord des autres ne peut produire effet, sauf dans l'hypothèse où cet indivisaire serait devenu propriétaire du bien en vertu d'un partage intervenu avant la date d'effet du congé ; Mme Marie-Thérèse Z... épouse Y... se prévaut d'un acte authentique de partage en date du 26 mai 2010 lui ayant attribué la propriété de huit parcelles comptant parmi les vingt parcelles faisant l'objet du bail consenti à M. X... ; cependant, la date d'effet du congé était fixée au 30 mars 2007, date à laquelle Mme Marie-Thérèse Z... épouse Y... n'était pas encore devenue propriétaire de ces biens, l'acte de partage ayant été établi ultérieurement ; dès lors, le congé signifié le 29 septembre 2005 ne saurait produire effet et doit être annulé » ;

ALORS QUE Mme Y... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel (p. 4, § 3), que la délivrance d'un congé ne constitue pas un acte d'administration et encore moins un acte de disposition, mais un simple acte de gestion des biens de l'indivision, réalisé à titre conservatoire, dont la régularité n'impose nullement l'unanimité, ce dont elle déduisait qu'elle était en droit de délivrer seule le congé à M. X..., sans que cet acte puisse être déclaré nul à ce titre ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, pourtant de nature à exclure la nullité du congé, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE chaque coïndivisaire est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot de sorte qu'est valable le congé délivré par un indivisaire seul de biens dont il a ensuite été attributaire par partage ; qu'en déclarant nul le congé que Mme Y... avait délivré à M. X..., le 29 septembre 2005, portant sur des parcelles indivisément détenues, au motif que la date d'effet du congé était antérieure à l'acte de partage du 26 mai 2010, quand pourtant il était acquis que Mme Y... s'était vu attribuer par l'acte de partage la majorité des parcelles visées par le congé litigieux, de sorte que, par l'effet déclaratif de ce partage, elle était réputée en avoir toujours été propriétaire, la cour d'appel a violé l'article 883 du code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Péremption


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.