par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 31 mars 2015, 14-10654
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Cour de cassation, chambre commerciale
31 mars 2015, 14-10.654

Cette décision est visée dans la définition :
Agent commercial




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Joint les pourvois n° K 14-10.346 et n° V 14-10.654 qui attaquent le même arrêt ;

Sur le premier moyen du pourvoi n ° K 14-10.346 :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 novembre 2013), qu'après la résiliation par la société Télécom Italia, irrévocablement jugée abusive, du contrat d'agent commercial qui la liait à cette société, aux droits de laquelle est la société Free, la société Libentia a assigné celle-ci en réparation de son préjudice et en paiement de commissions restant dues ;

Attendu que la société Free fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Libentia une certaine somme au titre des commissions alors, selon le moyen : « que pour les droits dont les parties ont la libre disposition, les conventions relatives à la preuve sont licites ; qu'en l'espèce, les parties étaient convenues, selon contrats des 1er juin 2004 et 1er mai 2005, des modes de preuve permettant à la société Télécom Italia d'établir l'extinction du droit à commission de la société Libentia ; qu'ainsi la société Télécom Italia devait rapporter la preuve de la perte du droit à commissionnement en adressant chaque mois à la société Libentia des fichiers informatiques intitulés « fichiers de rémunération et de reprise de rémunération » dont le but était de « décrire les informations nécessaires que la société doit restituer à l'agent pour contrôler contrat par contrat la rémunération ou reprise » et qui précisaient notamment le « motif du rejet » par le mandant du contrat apporté par l'agent commercial ; qu'en retenant pourtant que ces fiches informatiques ainsi que « les mentions qui y figurent et qui ont été portées par Télécom Italia elle-même sur les causes des minorations ou des avoirs ne sauraient apporter à elles seules la démonstration du bien-fondé des avoirs émis après paiement » , quand les parties avaient licitement prévu que la preuve de la perte du droit à commission résulterait de la production de ces fiches et des indications qui y étaient portées, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 134-10 du code de commerce ;

Mais attendu que le droit à la commission ne peut s'éteindre que s'il est établi que le contrat entre le tiers et le mandant ne sera pas exécuté et si l'inexécution n'est pas due à des circonstances imputables au mandant ; qu'après avoir souverainement retenu que, si les tableaux établis par la société Télécom Italia constituent des pièces de référence pour identifier les contrats souscrits par l'intermédiaire de la société Libentia susceptibles d'ouvrir droit à commission au profit de celle-ci, les seules mentions concernant les causes des minorations ou des avoirs, qui y ont été apposées par la mandante, ne peuvent suffire, à défaut d'autre preuve, à démontrer qu'elles correspondent effectivement aux différentes situations convenues dans lesquelles il peut y être procédé, ni, comme telles, à justifier d'une réduction consécutive du montant des commissions restant dues à l'agent, l'arrêt constate que la société Free ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'extinction de son obligation de payer les commissions correspondant aux contrats souscrits ; que le moyen n'est pas fondé ;

Attendu que le rejet du premier moyen de ce pourvoi rend sans objet le second moyen ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi n° V 14-10.654 qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits, au pourvoi n° K 14-10.346, par la SCP Bénabent et Jéhannin, Avocat aux Conseils pour la société Free

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société FREE à payer à la société LIBENTIA la somme de 140.348 euros HT au titre des commissions restant dues, la TVA calculée au taux en vigueur sur ce montant restant à la charge de la société FREE ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le bien-fondé des demandes :

Que la cour demeure saisie du bien-fondé des demandes en paiement de commissions qui ne sont pas prescrites, à savoir :

- 140.348 euros HT pour avoirs abusifs ou non justifiés,

- 46.986 euros HT pour factures impayées,

- 28.265 euros HT pour le travail de la dernière période mai-août 2005 ;

Que l'article L 134-9 du code de commerce dispose que la commission est acquise dès que le mandant a exécuté l'opération ou devrait l'avoir exécutée en vertu de l'accord conclu avec le tiers ou bien encore dès que le tiers a exécuté l'opération et que la commission est acquise au plus tard lorsque le tiers a exécuté sa part de l'opération ou devrait l'avoir exécutée si le mandant avait exécuté sa propre part ; que l'article L 134-10 du même code dispose que le droit à la commission ne peut s'éteindre que s'il est établi que le contrat entre le tiers et le mandant ne sera pas exécuté et si l'inexécution n'est pas due à des circonstances imputables au mandant et que les commissions que l'agent commercial a déjà perçues sont remboursées si le droit y afférent est éteint ;

Que l'article 6 du contrat du 26 novembre 2003 stipulait que Télécom Italia se réservait le droit d'accepter ou de refuser les clients et que son article 7 consacrait le droit à commission de l'agent sur les seules ventes menées à bonne fin, après encaissement total du prix des commandes directes ou indirectes adressées par les clients et acceptées par Télécom Italia ;

Que l'article 5 du contrat du 1er juin 2004 stipulait toujours que Télécom Italia se réservait le droit d'accepter ou de refuser les clients, en tout ou en partie, et son article 6 stipulait que les commissions n'étaient définitivement acquises à l'agent pour un client donné que dès lors que ce client était actif durant les 90 jours suivant la date d'activation des services auxquels il avait souscrit et avait réglé ses factures relatives aux prestations fournies durant ces trois mois ; que figurait à l'annexe 4 du contrat la table des commissions prévoyant les rémunérations de base, les minorations applicables si le client n'était plus actif dans les 90 jours et les critères pris en compte pour la mesure du statut actif ;

Que l'article 6 du contrat du 1er mai 2005 stipulait que Télécom Italia appliquerait une minoration de 100% du montant de la commission versée au titre de l'activation d'un service si le client au titre duquel la commission a été versée résiliait le service qu'il avait choisi dans les 60 jours suivant la date d'activation dudit service et si cette résiliation avait lieu suite à une réclamation du client due à une inexécution ou mauvaise exécution par Libentia de ses obligations ; qu'un tableau des commissions était annexé au contrat ; qu'il convient d'ores et déjà de relever que le cas de la résiliation par Télécom Italia n'était pas envisagé par les parties de sorte qu'il ne peut constituer un cas de refus de commissions ;

Qu'aux termes de l'article 1315 du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que s'il appartient en conséquence à Libentia de prouver l'existence de son droit à commission par la production des contrats souscrits par les clients par son intermédiaire, il appartient en revanche à Free de démontrer que son obligation de payer les commissions est éteinte à la suite de la survenance d'un événement susceptible de justifier une minoration avant paiement ou l'établissement d'un avoir après paiement ; qu'entre commerçants la preuve peut être faite par tous moyens ;

Sur les avoirs litigieux :

Que le point de contestation entre les parties concerne la justification par Télécom Italia du bien-fondé des « dé-commissionnements » effectués matériellement au moyen d'avoirs déduits des paiements des commissions facturées ; que si les tableaux établis par Télécom Italia constituent des pièces de référence pour identifier les contrats souscrits par l'intermédiaire de Libentia ouvrant le cas échéant droit à commission, les mentions qui y figurent qui ont été portées par Télécom Italia ellemême sur les causes des minorations ou des avoirs ne sauraient en aucun cas apporter à elles seules la démonstration du bien-fondé des avoirs émis après paiement ; que Free est parfaitement en mesure de démontrer par d'autres moyens que les seules mentions portées sur les tableaux susdits qu'un contrat n'a pas donné lieu à mise en service, ou qu'un client n'est pas resté actif ou qu'il n'a pas réglé ses factures ou encore qu'il a résilié le contrat dans le délai contractuel, voire a usé de la faculté de rétractation ;


Que Libentia demande le paiement de la somme de 140.348 euros HT au titre des avoirs qu'elle conteste ; qu'il résulte des écritures de Free que celle-ci prétend n'avoir pas à produire d'autres pièces justificatives que ses propres tableaux ou fichiers réalisés à partir des écrans des comptes clients ouverts chez elle ; que sa défaillance dans la charge de la preuve, qui lui incombe, de l'extinction de son obligation de payer les commissions correspondant aux contrats souscrits a pour conséquence de démontrer le bien-fondé des demandes de Libentia ; qu'il sera fait droit à ce chef de demande » ;

ALORS QUE pour les droits dont les parties ont la libre disposition, les conventions relatives à la preuve sont licites ; qu'en l'espèce, les parties étaient convenues, selon contrats des 1er juin 2004 et 1er mai 2005, des modes de preuve permettant à la société TELECOM ITALIA d'établir l'extinction du droit à commission de la société LIBENTIA ; qu'ainsi la société TELECOM ITALIA devait rapporter la preuve de la perte du droit à commissionnement en adressant chaque mois à la société LIBENTIA des fichiers informatiques intitulés « fichiers de rémunération et de reprise de rémunération » dont le but était de « décrire les informations nécessaires que la Société doit restituer à l'Agent pour contrôler contrat par contrat la rémunération ou reprise » et qui précisaient notamment le « motif du rejet » par le mandant du contrat apporté par l'agent commercial (annexe 5 des contrats des 1er juin 2004 et 1er mai 2005) ; qu'en retenant pourtant que ces fiches informatiques ainsi que « les mentions qui y figurent et qui ont été portées par Telecom Italia elle-même sur les causes des minorations ou des avoirs ne sauraient apporter à elles seules la démonstration du bien-fondé des avoirs émis après paiement » (arrêt, p. 12, pénultième alinéa), quand les parties avaient licitement prévu que la preuve de la perte du droit à commission résulterait de la production de ces fiches et des indications qui y étaient portées, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 134-10 du Code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société FREE à payer à la société LIBENTIA la somme globale de 830.390 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation abusive du contrat du 2 mai 2005, outre les intérêts au taux légal ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la détermination du préjudice :

Que Libentia sollicite deux fois l'indemnisation des deux mois de préavis, la première sur le fondement des dispositions de l'article L 134-11 du code de commerce qu'elle appelle préavis légal, et la seconde sur le fondement de l'arrêt de la cour d'appel du 10 avril 2012 ; que la cour d'appel a irrévocablement jugé qu'en application de l'article L 134-11 du code de commerce, Libentia aurait dû bénéficier d'un préavis de deux mois ; que Libentia n'est pas fondée à obtenir deux fois l'indemnisation du même préjudice ; que, compte tenu du volume des affaires apportées pendant la période précédant immédiatement la résiliation, et du montant des commissions auquel Libentia pouvait légitimement s'attendre pendant les deux mois de préavis, le préjudice subi par Libentia du fait du non-respect d'un préavis de deux mois sera réparé par l'allocation d'une somme de 80.000 euros ;

Que l'article L 134-12 du code de commerce dispose qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; que cette indemnité a pour objet de réparer la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune ;

Que Libentia sollicite l'indemnisation de la perte du contrat d'agent commercial à concurrence de la somme de 3.941.400 euros HT ; que compte tenu de la durée des relations contractuelles, des circonstances de la résiliation du contrat telles qu'elles ont été relevées par la cour d'appel dans son arrêt du 11 mars 2010, de la conclusion d'un nouveau contrat à durée indéterminée le 2 mai 2005, soit moins de trois mois avant la rupture, laissant légitimement espérer le maintien de relations ayant vocation à se poursuivre pendant plusieurs années, du montant des commissions générées par le contrat et du montant de celles qui auraient pu être raisonnablement attendues pour l'avenir, le préjudice subi par Libentia du fait de la perte du contrat sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 750.000 euros » ;

ALORS QUE pour fixer le montant de l'indemnité due à la société LIBENTIA au titre du non-respect du préavis et de la rupture du contrat d'agent commercial, la Cour d'appel s'est fondée sur le « montant des commissions » perçu par l'agent commercial ; que ce montant de commissions ne tenait pas compte de la perte des droits à commission de la société LIBENTIA, la Cour d'appel ayant, à tort, par des motifs critiqués par le premier moyen, retenu que la preuve de cette perte n'était pas rapportée ; que dès lors, la cassation de l'arrêt à intervenir sur le fondement du premier moyen, en ce qu'il a condamné la société FREE à payer à la société LIBENTIA une somme de 140.348 € HT au titre des commissions restant prétendument dues, entraînera, par voie de conséquence, en application des articles 624 et 625 du Code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné la société FREE à payer à la société LIBENTIA une somme globale de 830.390 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation abusive du contrat du 2 mai 2005.

Moyen produit, au pourvoi n° V 14-10.654, par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour la société Libentia

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes présentées par la société Libentia tendant à obtenir paiement des sommes de 10.205 € HT pour l'annulation des annulations imposées abusivement, de 157.827 € HT pour les commissions non-reconnues appelées «Scrivener», de 177.695 € HT pour les commissions non-reconnues qualifiées d'«inéligibles » et de 127.654 € HT pour les commissions impayées sur « challenges » ;

AUX MOTIFS QU'il est irrévocablement jugé que la résiliation par la société Free du contrat d'agence commerciale souscrit par la société Libentia était abusive et que la société Free aurait dû respecter un préavis de deux mois ; que la société Libentia formule deux types de demandes, d'une part une demande en paiement de commissions restant dues pour la période d'exécution du contrat et d'autre part une demande de nature indemnitaire en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation abusive du contrat ; que les demandes en paiement de commissions relatives à la période d'exécution du contrat se décomposent en deux parties, d'une part les demandes qui étaient déjà formellement exprimées au cours des instances antérieures et d'autre part les demandes qui sont présentées par la société Libentia pour la première fois au cours de la présente instance d'appel et dont la recevabilité est contestée par la société Free ; que l'article 564 du code de procédure civile interdit aux parties, à peine d'irrecevabilité, de soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; que l'article 565 du même code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ; que l'article 566 autorise les parties à expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; que la société Free soulève l'irrecevabilité des demandes qui ont été formulées par la société Libentia après l'arrêt avant dire droit du 11 mars 2010 aux motifs qu'elles seraient nouvelles ; qu'ainsi qu'il a été mentionné ci-dessus, la société Libentia formule aujourd'hui une demande globale s'élevant à la somme de 688.990 € HT au titre des commissions ou des indemnisations sous forme d'indemnité compensatrice des commissions, se décomposant en 140.348 € HT pour avoirs abusifs ou non justifiés, 46.986 € HT pour factures impayées, 28.265 € HT pour le travail de la dernière période mai-août 2005, 10.215 € HT pour l'annulation des annulations imposées abusivement, 157.827 € HT pour les commissions non-reconnues Scrivener, 177.695 € HT pour les commissions impayées sur challenges ; que l'essentiel des demandes prétendument nouvelles, soit les quatre derniers postes, correspond à des postes de « dé-commissionnements » qui n'avaient pas été invoqués auparavant mais qui s'inscrivent dans la discussion globale du bien-fondé des « dé-commissionnements » opérés par la société Free dont les juges sont saisis depuis l'origine et dont elles constituent le complément ; qu'il faut en conclure qu'elles ne sont pas nouvelles au sens des articles précités ; que la société Free soulève l'irrecevabilité des demandes qui ont été formulées par la société Libentia après l'arrêt avant dire droit du 11 mars 2010 aux motifs qu'elles seraient prescrites en application des dispositions de l'article 2277 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ; que cet article dispose que se prescrivent par cinq ans les actions en paiement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ; que cette disposition ne s'applique pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier ; que tant l'article 7 du contrat du 26 novembre 2003 et l'article 6 du contrat du 1er juin 2004, que l'article 6 du contrat du 2 mai 2005, stipulaient que la société Telecom Italia s'engageait à fournir à la société Libentia au plus tard le 15 de chaque mois la facture correspondant à sa rémunération pour le mois écoulé ainsi que les éléments de calcul du montant des commissions et que le paiement de la rémunération interviendrait dans un certain délai (trente jours puis de quatorze jours fin de mois) à compter de l'envoi par la société Telecom Italia de la facture pour compte de la société Libentia ; qu'il en résulte que pendant toute la durée des relations contractuelles, les commissions dues à la société Libentia devaient faire l'objet d'un paiement à des termes périodiques inférieurs à une année ; que si, dès la deuxième convention du 1er juin 2004, la facturation de la rémunération était expressément confiée à la société Telecom Italia, si le droit à rémunération était différé au moment de l'activation du service souscrit par le client, et si le montant retenu pour la rémunération pouvait subir des minorations allant jusqu'à 100 % du montant du droit à rémunération dans certains cas décrits dans les stipulations contractuelles (cas du défaut de paiement des commandes par le client, cas de la résiliation du contrat par le client dans les soixante jours, cas des contrats non conformes, cas des contrats souscrits sans respect des règles relatives au démarchage à domicile des clients), il n'en demeure pas moins que la société Libentia, qui fournissait à la société Telecom Italia les contrats souscrits par les clients, était rendue destinataire tous les mois des factures de commissions, des éléments permettant le calcul des commissions et des relevés des cas ouvrant droit à minoration ou à annulation de la commission, lesquels sont produits aux débats ; qu'en conséquence, la société Libentia était en mesure de connaître dès la facturation tous les éléments dont dépendait sa créance de rémunération ; que le fait qu'elle estime ne pas avoir été en mesure d'apprécier le bien-fondé des refus de commissions est indifférent car cette situation ne l'empêchait plus d'agir en paiement des commissions refusées ; que la prescription de l'article 2277 du code civil trouve à s'appliquer aux demandes de la société Libentia relatives à des sommes devenues exigibles plus de cinq ans avant la date de leur première réclamation ; que la société Libentia demande le paiement d'une somme de 10.205 € HT pour «l'annulation des annulations imposées abusivement » sur les premières facturations ; que cette demande a été formulée pour la première fois dans ses conclusions signifiées le 23 décembre 2010 ; qu'à supposer qu'elle soit due, cette somme était exigible en totalité au plus tard trente jours après l'émission de la facture, soit entre les mois de février et avril 2005 ; que plus de cinq ans s'étant écoulés entre la date d'exigibilité et la date de la demande, et aucun acte interruptif n'étant survenu, celle-ci est prescrite ; que la société Libentia demande le paiement d'une somme de 157.827 € HT pour les commissions « non-reconnues Scrivener », de 177.695 € HT pour les commissions « non-reconnues inéligibles », et 127.654 € HT pour les commissions « impayées sur challenges » ; que ces demandes ont été formulées pour la première fois dans les conclusions du 23 décembre 2010 pour les deux premières puis du 7 mars 2013 pour la troisième ; qu'à supposer qu'elles soient dues, les commissions correspondantes étaient exigibles, selon les périodes, au plus tard trente jours ou quatorze jours fin de mois après l'émission de la facture de commissions par la société Telecom Italia pour le compte de la société Libentia ; qu'il résulte des documents produits par les parties que la plus récente des factures de commissions contestées par la société Libentia servant de fondement aux demandes litigieuses date du mois d'août 2005 ; que plus de cinq ans s'étant écoulés entre la date d'exigibilité des commissions réclamées et la date de la demande, et aucun acte interruptif n'étant survenu, ces demandes sont prescrites ; que seront déclarées irrecevables les demandes en paiement des sommes suivantes : - 10.205 € HT pour l'annulation des annulations imposées abusivement, - 157.827 € HT pour les commissions « non-reconnues Scrivener », - 177.695 € HT pour les commissions «non reconnues inéligibles », - et 127.654 € HT pour les commissions «impayées sur challenges » ;

1°) ALORS, d'une part, QUE la prescription quinquennale de l'article 2277 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ne s'applique pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui notamment doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire ;

Qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que, si la société Libentia était tenue d'adresser les contrats d'abonnements téléphoniques à la société Telecom Italia, il appartenait exclusivement à cette dernière de lister, après instruction, les opérations facturables et de préparer intellectuellement, mais aussi matériellement les factures correspondant à la rémunération de la société Libentia ainsi que les éléments de calcul du montant des commissions et des décommissions, sans cependant avoir à justifier des minorations ou des refus de commissions ; que, par conséquent, non seulement la créance dépendait, non de la société Libentia (agent commercial et créancier), mais de la société Telecom Italia (mandant et débiteur), mais de surcroît son caractère certain restait connue de cette seule société ;

Qu'en soumettant l'action en paiement de la société Libentia à la prescription quinquennale après avoir estimé indifférent le fait que cette société n'ait pas pu apprécier le bien-fondé des refus de commissions et donc le caractère certain ou non de sa créance, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'ancien article 2277 du code civil ;

2°) ALORS, d'autre part, QUE la prescription quinquennale de l'article 2277 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ne s'applique pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui notamment doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire ;

Qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que, si la société Libentia était tenue d'adresser les contrats d'abonnements téléphoniques à la société Telecom Italia, il appartenait exclusivement à cette dernière de lister, après instruction, les opérations facturables et de préparer intellectuellement, mais aussi matériellement les factures correspondant à la rémunération de la société Libentia ainsi que les éléments de calcul du montant des commissions et des décommissions ;

Qu'en soumettant l'action en paiement de la société Libentia à la prescription quinquennale, sans rechercher si la société Telecom Italia avait effectivement et régulièrement rempli sa mission en joignant notamment aux factures les éléments permettant le calcul des commissions et des dé-commissions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 2277 du code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Agent commercial


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.