par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 27 janvier 2015, 13-27625
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Cour de cassation, chambre commerciale
27 janvier 2015, 13-27.625
Cette décision est visée dans la définition :
Pari passu (Clause)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte authentique du 19 septembre 2007, M. et Mme X... (les cautions) se sont rendus cautions solidaires envers la société Crédit agricole des Savoie (la banque), d'un prêt de 325 000 euros consenti à la société Lefèvre mesure (la société), destiné à financer l'acquisition d'un fonds de commerce ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire le 26 janvier 2010, la banque a mis en oeuvre une procédure de saisie des rémunérations des cautions, qui lui ont opposé la disproportion de leur engagement ;
Attendu que pour écarter ce moyen et dire que la banque disposait d'une créance liquide et exigible d'un montant de 50 000 euros avec intérêts au taux conventionnel de 4, 60 % à compter du 26 novembre 2009, l'arrêt prend en considération la somme potentielle de 194 000 euros investie dans la société et les revenus prévisionnels attendus de l'activité de M. X... ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne la société banque Crédit agricole des Savoie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à M. et Mme X... et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Delamarre, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté que le CREDIT AGRICOLE DES SAVOIE disposait, en vertu d'un titre exécutoire, d'une créance liquide et exigible à l'encontre solidairement de Pierre Emmanuel X... et Stéphanie X..., d'un montant de 50. 000 euros avec intérêts au taux conventionnel de 4, 60 % à compter du 26 novembre 2009 ;
AUX MOTIFS QUE
« Sur le moyen tiré de la disproportion des engagements de caution ; que l'article L. 341-4 du Code de la Consommation dispose qu'« un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation » ; qu'en l'espèce, les cautionnements des époux X..., qui sont invoqués par la banque poursuivante, ont été consentis dans 1'acte authentique du 19 septembre 2007 contenant le prêt à la société Lefèvre Mesure de la somme de 325. 000 € ; que cet acte authentique avait été précédé d'un acte sous-seing privé du 1er août 2007 au profit de la société Lefèvre Mesure qui était alors en formation, stipulant le même cautionnement de Monsieur Pierre Emmanuel X... seulement ; que l'autre acte de prêt consenti à la société Actéamo Sud d'un montant de 485 000 € a également été consenti par un acte authentique du 19 septembre 2007, et précédé d'un acte sous-seing privé au profit de cette même société alors en formation le 1er août 2007 ; les cautionnements consentis par les époux X... résultent de la même façon de ces actes ; que des contrats de crédit de même montant ont été consentis par la Banque Populaire des Alpes, pour le même objet, avec des cautionnements des dirigeants et de leurs épouses, formalisés par actes du 12 septembre 2007 ; que le Crédit agricole des Savoie a exigé les cautionnements de Monsieur X... et de son associé Monsieur Christophe Y..., à la fois pour les deux prêts consentis aux sociétés en formation et pour la garantie du compte courant de la société Lefèvre Mesure, le même jour, soit le 1er août 2007 et qu'elle a exigé la réitération de ces cautionnements et le cautionnement de leurs épouses au moment de la préparation de 1'acte authentique, qui ont donc été formalisés le 19 septembre 2007 ; qu'en conséquence, le cautionnement litigieux de Pierre Emmanuel X... a été consenti par la banque concomitamment à tous ses autres engagements et le cautionnement litigieux de Stéphanie A... épouse X... a lui aussi été consenti concomitamment à tous ses autres engagements de caution, et postérieurement aux premiers engagements pris par les sociétés et par son mari et son associé ; que les époux X..., cautions ayant reconnu le principe de leur dette en ne s'opposant pas à de précédentes mesures d'exécution, demeurent néanmoins fondés à se prévaloir du caractère disproportionné de leurs engagements pour s'opposer à de nouvelles mesures d'exécution ; que pour apprécier le caractère disproportionné ou non des engagements souscrits par les époux X..., la banque devait nécessairement tenir compte de tous les engagements dont elle avait connaissance ; que la banque Crédit Agricole des Savoie n'ignorait rien des concours parallèlement consentis par la banque populaire des Alpes et des garanties nécessairement attachées à ces concours, d'autant qu'il existait entre les deux banques une clause dite de « pari passu » pour ce qui concerne le rang des garanties hypothécaires. Les besoins de financement, la concomitance des concours, la nature des prêts destinés d'une part à l'acquisition du foncier, d'autre part à l'acquisition d'un fonds de commerce, pour des montants importants, nécessitaient une étude complète du service des crédits, de même que des délibérations des assemblées générales, retraçant le détail de l'opération, dont elle ne conteste pas avoir eu connaissance ; que la banque Crédit Agricole des Savoie, lorsqu'elle a exigé les cautionnements litigieux, disposait donc d'une appréciation globale de tous les engagements souscrits, et par conséquent avait connaissance du fait que le montant total des cautionnements souscrits par les époux X... s'élevait à la somme de 262 500 € ; que la fiche de renseignements du 11 avril 2007 permettait à la banque de savoir que Monsieur X... disposait d'un salaire de cadre commercial d'un montant annuel de 37 000 € et Madame X... d'un salaire d'infirmière d'un montant annuel de 14 000 euros ; que le licenciement de Pierre Emmanuel X... intervenant quelques jours plus tard, est sans incidence sur l'appréciation de la banque, d'une part en ce qu'il n'est pas démontré qu'elle en ait été informée avant la signature des engagements de caution, mais d'autre part et surtout du fait qu'elle a fondé son appréciation sur les prévisionnels de 1'activité nouvelle, dont il devait tirer un revenu de 28. 215 euros pour l'exercice 2007-2008, de 118 928 € pour l'exercice 2008-2009 et de 139 703 € pour l'exercice 2009-2010 ; que la banque était fondée à juger de la solvabilité des cautions en tenant compte de ces revenus prévisionnels importants ; qu'en outre, la fiche de renseignements mentionnait un patrimoine financier de 50 000 €, un patrimoine immobilier d'une valeur de 270 000 euros devant être vendu, avec un capital restant dû sur deux prêts pour un montant de 126 000 euros ; que la banque était fondée à tenir compte du solde soit 194 000 €, comme constituant un élément de solvabilité, même si elle n'ignorait pas que ces sommes seraient investies dans la société en capital et en compte courant ; que le fait de disposer potentiellement d'une somme de 194 000 €, même investie dans la société cautionnée, en plus des revenus conséquents attendus de l'activité, caractérisait une situation patrimoniale au jour de l'octroi du prêt et des perspectives sérieuses de développement de l'entreprise telles que les intimés ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de l'existence d'une disproportion manifeste entre le montant de leur engagement global et leurs biens et revenus au sens de l'article L. 341 du code de la consommation ; que le moyen tiré d'une disproportion manifeste entre le montant des engagements et la situation de fortune des cautions n'est donc pas fondé, soit que l'on considère séparément leurs engagements et leurs biens et revenus, soit que l'on envisage globalement les engagements du couple et leurs biens et revenus cumulés ; que sur le moyen tiré d'un manquement à l'obligation de mise en garde ; que madame X..., infirmière, non directement associée dans les sociétés bénéficiant du financement, n'a pu se porter caution solidaire des sociétés qu'en raison de son lien matrimonial avec Pierre Emmanuel X..., et doit de ce fait être qualifiée de caution non avertie ; que la banque n'avait cependant pas d'obligation de la mettre spécialement en garde sur la portée de son engagement de caution dès lors qu'en le considérant séparément des engagements de son mari ou même en tenant compte de ses autres engagements et de ceux de ce dernier, il n'était pas disproportionné à ses biens et revenus ou aux biens et revenus du ménage ; qu'aucun manquement ne peut donc lui être imputé de ce chef ; que sur la créance principale Attendu que les époux X... ne forment aucune contestation du décompte de créance produit par le Crédit agricole des Savoie, pour un montant de 262. 804, 65 € à la date du 25 novembre 2009 ; que cette créance avait fait l'objet d'une déclaration de créance entre les mains de Maître Z..., mandataire judiciaire le 16 juin 2009 pour la somme de 261 079, 72 €, outre intérêts ; que sur l'obligation des cautions solidaires ; que les époux X... se sont engagés solidairement, par leur cautionnement, à garantir le crédit agricole des Savoie à concurrence de la somme de 50. 000 €, des sommes dues en principal, intérêts, frais et accessoires ; que la créance invoquée, soit ladite somme de 50 000 € avec intérêts au taux conventionnel de 4, 60 % à compter du 26 novembre 2009, est donc fondée, car conforme au titre notarié ; qu'en revanche, le Crédit Agricole des Savoie n'est pas fondé à obtenir condamnation des époux X..., dès lors qu'il dispose déjà d'un titre exécutoire ; que sur la saisie des rémunérations ; que le Crédit Agricole des Savoie, en vertu d'un titre exécutoire, justifie d'une créance liquide et exigible tant à l'encontre de Monsieur Pierre Emmanuel X... qu'à l'encontre de son épouse Stéphanie X... née A... comme l'exige l'article R. 3252-1 du code du travail ; qu'il y a lieu en conséquence d'autoriser la saisie de leurs rémunérations, pour le montant précité ; que sur les dépens et frais irrépétibles ; que les époux X... qui succombent doivent supporter les dépens qui seront distraits au profit de l'avocat du crédit agricole des Savoie, par application des articles 696 et 699 du code de procédure civile ; qu'il paraît équitable de laisser à la charge des parties 1'ensemble des frais exposés par elles et non compris dans les dépens » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE
L'appréciation de la proportionnalité de l'engagement de la caution par rapport à ses biens et revenus ne doit pas tenir compte du succès éventuel de l'opération garantie ; qu'en prenant en considération la somme potentielle de 194. 000 euros investie dans la société LEFEVRE MESURE et les revenus prévisionnels attendus de l'activité de Monsieur X..., la Cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du Code de la consommation ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE
L'appréciation de la proportionnalité de l'engagement de la caution par rapport à ses biens et revenus s'apprécie, d'une part, au moment de la conclusion de l'engagement de la caution et, d'autre part, au moment où la caution est appelée ; que dans la présente espèce, la banque a tenu compte du salaire de Monsieur X... sans aucunement prévoir qu'il serait nécessairement amené à quitter son emploi salarié pour développer sa nouvelle société ; qu'en jugeant pourtant que le licenciement de Monsieur X... était sans incidence sur l'appréciation portée par la banque, la Cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du Code de la consommation.
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Pari passu (Clause)
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.