par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 10 décembre 2014, 13-25114
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
10 décembre 2014, 13-25.114

Cette décision est visée dans la définition :
Compensation




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Donne acte à la société Clémentine de son désistement à l'égard de l'association Aproma et des époux X... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 16 mai 2013), que le 28 mai 1988, la SCI Clémentine s'est vue consentir un prêt bancaire duquel la commune de Ronchin s'est portée caution solidaire, pour la construction d'un théâtre de marionnettes, que le 5 juin 1990, la SCI Clémentine a donné à bail à la commune de Ronchin un local à destination de salle de spectacle pour une durée de douze ans moyennant un loyer annuel de 58 000 euros ; que de janvier 1992 jusqu'en mars 2004, terme de l'opération, la commune de Ronchin a couvert les échéances du prêt en sa qualité de caution et a émis, le 15 décembre 2008, un titre de recette exécutoire à l'encontre de la SCI Clémentine, pour la somme de 310 309,27 euros correspondant aux « avances en garantie d'emprunt » ; que le 13 février 2009, la SCI Clémentine a assigné la commune de Ronchin en opposition à l'exécution de ce titre de recette exécutoire ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la SCI Clémentine fait grief à l'arrêt de confirmer la validité du titre de recette exécutoire d'un montant de 310 309,27 euros émis par la commune de Ronchin, de condamner cette dernière à lui payer la somme de 113 942,68 euros au titre des loyers dus, et de rappeler que la compensation est de droit entre les créances respectives des parties à concurrence de la plus petite d'entre elles, alors, selon le moyen, que dans le cas où deux personnes sont débitrices l'une envers l'autre de sommes d'argent, la compensation s'opère de plein droit, même à leur insu ; qu'une compensation ne peut être convenue entre les parties que si les dettes croisées ne remplissent pas les conditions de la compensation légale ; qu'en refusant de constater la compensation entre les échéances versées par la commune en sa qualité de caution jusqu'au terme de l'opération de prêt contracté par la société, en avril 2004, et les loyers dont celle-ci était créancière au cours de cette même période, pour la raison qu'il n'était pas justifié de l'accord de la commune, puis en condamnant en conséquence cette dernière à lui verser les loyers dus pour la période postérieure quand l'ensemble de ces créances et dettes réciproques certaines, liquides et exigibles étaient compensables, bien qu'elle eût rappelé que la compensation était de droit entre les créances respectives des parties, la cour d'appel a violé les articles 1289 et 1290 du code civil ;

Mais attendu que selon les principes de la comptabilité publique, le débiteur d'une collectivité publique ne peut pas compenser sa dette avec les créances qu'il détient sur cette même collectivité ; que par ce motif de pur droit suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, la décision se trouve légalement justifiée ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la commune de Ronchin fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la SCI Clémentine la somme de 113 942,68 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2008 sur la somme de 49 664,80 euros et à compter du 28 novembre 2012 pour le surplus, alors, selon le moyen, que la fraude commise par le maire pour contourner les limites de la délégation de pouvoir qui lui a été confiée par le conseil municipal pour conclure un contrat a pour effet de le priver de tout pouvoir et, partant, d'entraîner la nullité de la convention ; qu'en affirmant que le maire n'avait pas excédé les pouvoirs qu'il tenait de la délibération du 15 avril 1989 prohibant la conclusion d'un contrat de bail pour une durée supérieure à douze ans dès lors que le contrat litigieux était stipulé pour cette durée et que le maire ne s'était pas expressément engagé à en accepter son renouvellement, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'intention des parties, qui avaient prévu ab initio de conclure un bail emphytéotique pour une durée de trente ans, était de contourner les limites de cette délégation de pouvoirs en concluant un bail dit « emphytéotique » pouvant recevoir exécution, par tacite reconduction, pendant une durée de trente années, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1131 du code civil, ensemble le principe fraus omnia corrumpit ;

Mais attendu qu'ayant relevé que par délibération du 15 avril 1989, le conseil municipal avait délégué au maire le pouvoir de décider de la conclusion et de la révision du louage de choses pour une durée n'excédant pas douze ans, que dans le contrat consenti par la SCI Clémentine le 5 juin 1990 portant sur la salle de spectacles, le bail était conclu pour une telle durée, et que, si le maire avait indiqué, dans une lettre du 13 juin 1990, que le bail pourrait être renouvelé chaque année, jusqu'à une durée maximale de trente ans, il s'était alors borné à rappeler les termes du contrat sur la faculté de renouvellement de celui-ci, sans prendre aucun engagement, la cour d'appel, qui en a déduit que le maire n'avait pas excédé ses pouvoirs, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la SCI Clémentine aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour la SCI Clémentine.

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la validité d'un titre de recette exécutoire d'un montant de 310.309,27 € émis par une commune (la ville de RONCHIN) à l'encontre d'un bailleur (la SCI CLEMENTINE, l'exposante) en remboursement des échéances d'un prêt dont elle s'était portée caution, puis d'avoir condamné la première, en sa qualité de locataire, à verser au second 113.942,68 € au titre des loyers dus, enfin d'avoir rappelé que la compensation était de droit entre les créances respectives des parties à concurrence de la plus petite d'entre elles ;

AUX MOTIFS QU'il était constant que la ville de RONCHIN détenait une créance de 310.309,27 € à l'encontre de la SCI CLEMENTINE, représentant le montant des sommes payées en sa qualité de caution du remboursement du prêt contracté par la SCI CLEMENTINE auprès du Crédit Agricole, de sorte que c'était à juste titre que le tribunal avait validé le titre exécutoire portant sur cette somme ; que la SCI CLEMENTINE entendait faire valoir que la ville de RONCHIN était débitrice de loyers d'un montant de 134.744 €, en application du bail du 5 juin 1990, de 1992 jusqu'en avril 2004, période pendant laquelle la commune de RONCHIN était actionnée en qualité de caution, loyers pour lesquels il devait être constaté qu'il y avait eu compensation avec la créance de la ville à son encontre d'un montant de 310.904,27 € ; qu'il n'était cependant justifié d'aucun accord de la part de la ville de RONCHIN avec la SCI CLEMENTINE pour procéder à une telle compensation, de sorte qu'elle ne pouvait être constatée ; qu'elle ne pouvait davantage être ordonnée pour la période antérieure au 13 février 2004, quand la ville de RONCHIN opposait avec raison à la SCI CLEMENTINE la prescription des loyers pour cette période, l'assignation lui ayant été délivrée par la SCI CLEMENTINE le 13 février 2009 ; que, dans ces conditions, la ville de RONCHIN devait être condamnée à payer à la SCI CLEMENTINE la somme de 113.042,68 € représentant les loyers impayés du 13 février 2004 au 31 octobre 2012, date d'arrêté du décompte, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer du 31 décembre 2009 sur la somme de 49.664,80 €, et à compter du 28 novembre 2012 (date des conclusions demandant cette somme) pour le surplus ; qu'il convenait de rappeler que la compensation était de droit entre les créances respectives des parties à concurrence de la plus petite d'entre elles ;

ALORS QUE, dans le cas où deux personnes sont débitrices l'une envers l'autre de sommes d'argent, la compensation s'opère de plein droit, même à leur insu ; qu'une compensation ne peut être convenue entre les parties que si les dettes croisées ne remplissent pas les conditions de la compensation légale ; qu'en refusant de constater la compensation entre les échéances versées par la commune en sa qualité de caution jusqu'au terme de l'opération de prêt contracté par l'exposante, en avril 2004, et les loyers dont celle-ci était créancière au cours de cette même période, pour la raison qu'il n'était pas justifié de l'accord de la commune, puis en condamnant en conséquence cette dernière à verser à l'exposante les loyers dus pour la période postérieure quand l'ensemble de ces créances et dettes réciproques certaines, liquides et exigibles étaient compensables, bien qu'elle eût rappelé que la compensation était de droit entre les créances respectives des parties, la cour d'appel a violé les articles 1289 et 1290 du code civil.

Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la commune de Ronchin.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la commune de Rochin à payer à la SCI Clémentine la somme de 113.942,68 € avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2008 sur la somme de 49.664,80 € et à compter du 28 novembre 2012 pour le surplus ;

AUX MOTIFS QUE la ville de Ronchin demande à tort à la cour de renvoyer devant le tribunal administratif de Lille le dossier - tout au plus doit-il être relevé que dans une telle hypothèse la cour doit surseoir à statuer - afin que celui-ci examine l'exception d'illégalité soulevée vis-à-vis du bail emphytéotique et du courrier du 13 juin 1990 faisant partie intégrante du bail ; qu'une telle exception ne présente pas un caractère sérieux et il n'y a dès lors pas lieu d'accueillir la demande de la commune de Ronchin sur ce point ; qu'il ne saurait en effet être soutenu que le maire a excédé ses pouvoirs alors que par délibération du 15 avril 1989, le conseil municipal a délégué au maire le pouvoir de décider de la conclusion et de la révision du louage de choses pour une durée n'excédant pas douze ans et que dans le contrat de bail consenti par la SCI Clémentine au maire de Ronchin le 5 juin 1990 portant sur la salle de spectacles, le bail est conclu pour une durée de 12 ans ; que dans le courrier adressé par le maire à Mme X..., le 13 juin 1990, celui-ci ne fait qu'indiquer à la bailleresse qu'il lui adresse la copie du bail, rappelant que le bail est conclu pour une durée de 12 ans ; que si le maire écrit par ailleurs que le bail pourra être renouvelé chaque année, jusqu'à une durée maximale de 30 ans, il n'y a pas d'engagement du maire à ce stade, lequel ne fait que rappeler les termes du bail sur la faculté de renouvellement en fin de bail ; que, dans ces conditions, la ville de Ronchin doit être condamnée à payer à la SCI Clémentine la somme de 113.942,68 € représentant les loyers impayés du 13 février 2004 au 31 octobre 2012, date d'arrêté du décompte, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer du 31 décembre 2008 sur la somme de 49.664,80 €, et à compter du 28 novembre 2012 (date des conclusions demandant cette somme) pour le surplus ;

ALORS QUE la fraude commise par le maire pour contourner les limites de la délégation de pouvoir qui lui a été confiée par le conseil municipal pour conclure un contrat a pour effet de le priver de tout pouvoir et, partant, d'entrainer la nullité de la convention ; qu'en affirmant que le maire n'avait pas excédé les pouvoirs qu'il tenait de la délibération du 15 avril 1989 prohibant la conclusion d'un contrat de bail pour une durée supérieure à 12 ans dès lors que le contrat litigieux était stipulé pour cette durée et que le maire ne s'était pas expressément engagé à en accepter son renouvellement, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p. 5), si l'intention des parties, qui avaient prévu ab initio de conclure un bail emphytéotique pour une durée de 30 ans, était de contourner les limites de cette délégation de pouvoirs en concluant un bail dit « emphytéotique » pouvant recevoir exécution, par tacite reconduction, pendant une durée de 30 années, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1131 du code civil, ensemble le principe fraus omnia corrumpit.



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