par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 22 janvier 2014, 12-27478
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Cour de cassation, chambre sociale
22 janvier 2014, 12-27.478

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Compétence
Syndicat




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 31 octobre 2012) que la Fédération des employés et cadres de la CGT Force ouvrière, l'Union départementale de la CGT Force ouvrière du Val-d'Oise, l'Union départementale Force ouvrière du Val-d'Oise, le syndicat CGT Force ouvrière des employés et cadres du commerce de Paris, le syndicat Force ouvrière des employés et cadres du commerce du département du Nord et le syndicat CGT Force ouvrière des employés et cadres du commerce du Val-d'Oise (les syndicats) ont fait citer devant le président du tribunal de grande instance de Pontoise statuant en référé, la société Bricorama France aux fins d'obtenir, sous astreinte, l'interdiction de travail le dimanche dans trente et un de ses magasins situés en Ile de France ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Bricorama :

Attendu que la société Bricorama fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence territoriale soulevée, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en matière délictuelle, le demandeur peut saisir, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ; que, lorsque sont invoqués plusieurs délits simples, dont les deux composantes (fait dommageable et dommage) adviennent en un même lieu, la juridiction dans le ressort de laquelle ont été commis certains de ces délits simples n'est pas compétente pour statuer sur les autres délits commis en dehors de son ressort ; qu'au cas présent, les syndicats FO dénonçaient les ouvertures le dimanche de différents magasins Bricorama ; qu'ils invoquaient ainsi autant de délits simples qu'il y avait eu d'ouvertures de magasins le dimanche, les délits en cause étant localisés en tous leurs éléments (fait générateur et dommage) au lieu du magasin visé ; qu'en considérant au contraire qu'une seule juridiction, celle de Pontoise, aurait été compétente pour connaître de tous ces délits au motif que « une partie du dommage allégué a été subie » dans le ressort de cette juridiction la cour d'appel, qui a ainsi appliqué à l'hypothèse de plusieurs délits simples une règle de répartition de compétence applicable au délit complexe, a violé l'article 46 du code de procédure civile ;

2°/ qu' en présence de plusieurs délits simples, la circonstance que les dommages inhérents auxdits délits aient une parenté voire qu'ils soient identiques ne justifie pas que le juge dans le ressort duquel se produit
l'un de ces dommages connaisse de tous les délits en cause ; qu'en considérant, au contraire, que dès lors qu'« une partie du dommage allégué a été subie » dans le ressort de la juridiction de Pontoise, celle-ci aurait été compétente pour connaître de l'ensemble des demandes des syndicats FO, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant en l'état de délits simples, fussent-ils proches voire identiques, a violé l'article 46 du code de procédure civile ;

3°/ que le juge appelé à vérifier sa compétence, en matière délictuelle, doit analyser la nature des demandes qui lui sont soumises plutôt que de s'attacher à la dénomination choisie par le demandeur ; qu'au cas présent, en se référant au contraire à la circonstance que les demandes des syndicats FO, pourtant relatives à des magasins bien distincts, auraient été placées par les demandeurs sous la bannière unique de l'« interdiction d'ouverture de magasins Bricorama le dimanche » et qu'elles seraient « formulée(s) dans les mêmes termes », pour finalement appliquer une règle de compétence propre au délit complexe, la cour d'appel, qui s'est ainsi soumise aux termes des demandes plutôt qu'à leur teneur juridique, a violé l'article 46, ensemble les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4°/ que le juge des référés n'est pas compétent pour ordonner des mesures devant être exécutées en dehors du ressort de la juridiction à laquelle il appartient ; qu'en considérant néanmoins que le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise était compétent pour ordonner des mesures d'interdiction d'ouverture de l'ensemble des magasins Bricorama d'Ile-de-France, « peu important que (...) ces mesures soient exécutées en dehors du ressort de la juridiction à laquelle il appartient » la cour d'appel, qui a tenu pour inopérante une considération qui était, au contraire, déterminante pour définir les limites de sa compétence, a violé l'article 809 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève que le dommage tient au non-respect du repos dominical par la société Bricorama France et que les différents magasins situés notamment dans le ressort du juge saisi sont ouverts et emploient des salariés le dimanche ; que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que le dommage avait été subi à Pontoise, peu important que le fait dommageable se soit également produit dans le ressort d'autres tribunaux et décider que le tribunal était donc compétent ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Bricorama fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action des syndicats, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 2132-3 du code du travail, qui donne qualité à agir au syndicat se prévalant de l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, est contraire aux droits et libertés fondamentaux garantis par la Constitution, en particulier à la liberté personnelle du salarié et au droit à un recours effectif, lequel implique la liberté de ne pas saisir le juge pour conserver le bénéfice d'une situation qu'un salarié souhaite ne pas vouloir être bouleversée « pour l'exemple », en ce que ce texte permet au syndicat d'exercer une action collective sans prévoir de mesure destinée à recueillir le consentement des salariés effectivement concernés par l'action, ni de mesure permettant d'empêcher le syndicat d'agir au cas où aucun des salariés concernés ne souhaiterait qu'une action fondée sur leurs intérêts soit introduite, ni a minima de mesure permettant aux salariés d'empêcher le syndicat d'agir lorsque le principal effet de son action est d'entraîner une diminution de la rémunération des salariés ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 2132-3 du code du travail qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionalité au Conseil constitutionnel, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;

2°/ que si l'action introduite par un syndicat sur le fondement de la défense de l'intérêt collectif des salariés de la profession qu'il représente est en principe recevable du seul fait que ladite action repose sur la violation d'une règle d'ordre public social, tel n'est toutefois pas le cas quand les salariés dont la protection est abstraitement envisagée par la norme en cause n'ont pas d'intérêt effectif et concret au succès de l'action du syndicat ; que le juge appelé à statuer sur la qualité à agir du syndicat ne peut alors faire abstraction de l'intérêt des salariés dans lequel l'intérêt collectif allégué par le syndicat prend nécessairement sa source ; qu'au cas présent, pour déclarer recevable l'action des syndicats FO tendant à la fermeture des magasins le dimanche exercée dans l'intérêt collectif des salariés, la cour d'appel a affirmé que la seule violation, invoquée par les syndicats, des règles relatives au repos dominical suffisait à établir l'existence d'un intérêt collectif des salariés, et que l'examen de l'intérêt effectif des salariés concrètement concernés par les mesures demandées serait sans emport sur la question de la qualité à agir des syndicats, au point que la cour d'appel a même cru pouvoir statuer « indépendamment » de l'identification desdits salariés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a négligé la limite à l'action collective des syndicats tenant à ce qu'ils ne peuvent prétendre agir contre et outre les intérêts des salariés concernés, a violé l'article L. 2132-3 du code du travail, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;

3°/ que la rémunération constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié par l'employeur sans l'accord du salarié ; qu'en conséquence, un syndicat ne peut prétendre agir pour la défense de l'intérêt collectif si le succès de son action impose une baisse de la rémunération des salariés dont les intérêts sont prétendument représentés ; qu'en l'espèce, l'interdiction faite à Bricorama d'ouvrir ses magasins le dimanche a pour effet la perte de l'avantage d'une majoration de 200 % du salaire horaire des personnels employés le dimanche ; qu'en conséquence, l'action du syndicat Force ouvrière fait perdre aux salariés un avantage salarial volontairement sollicité au mépris du principe protecteur en vertu duquel aucune modification de la rémunération ne peut leur être imposée ; qu'en admettant la recevabilité de l'action entreprise par ce syndicat, la cour a violé les articles L. 2132-3 du code du travail et 1134 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que la question prioritaire de constitutionnalité n'ayant pas été renvoyée au Conseil constitutionnel, le moyen en ce qu'il invoque une annulation de l'arrêt par voie de conséquence est devenu sans objet ;

Attendu, ensuite, que l'action introduite par un syndicat sur le fondement de la défense de l'intérêt collectif des salariés de la profession qu'il représente, qui résulte de la liberté syndicale consacrée par l'article 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 11 de la Déclaration européenne des droits de l'homme et du citoyen et l'article 2 de la Convention de l'organisation internationale du travail n° 87, est recevable du seul fait que ladite action repose sur la violation d'une règle d'ordre public social ; que la circonstance que les salariés d'une entreprise ou d'un établissement sont consentants pour travailler le dimanche est sans incidence sur le droit d'agir du syndicat qui poursuit la réparation d'une atteinte à l'intérêt collectif de la profession en présence d'une méconnaissance du repos dominical ;

Attendu, enfin, que le moyen, pris en sa troisième branche, en ce qu'il vise une règle de droit qui concerne les seuls rapports contractuels entre l'employeur et les salariés, est inopérant ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les troisième et quatrième moyens réunis :

Attendu que la société Bricorama fait grief à l'arrêt de lui faire interdiction d'employer des salariés le dimanche dans trente et un magasins situés en Ile-de-France, alors, selon le moyen :


1°/ que le trouble manifestement illicite désigne une perturbation résultant de la violation manifeste d'une règle de droit ; qu'il ne peut donc être caractérisé que s'il est établi que l'illicéité alléguée a causé une perturbation distincte de la seule méconnaissance de la règle en cause ; qu'au cas présent, en considérant que la seule ouverture de magasins Bricorama le dimanche, sans autorisation, suffirait à caractériser un « trouble manifestement illicite », sans distinguer entre l'illécéité (liée à l'ouverture le dimanche) et le trouble qui en serait résulté, la cour d'appel, qui n'a en définitive pas constaté de trouble, a violé l'article 809 du code de procédure civile ;

2°/ que les dispositions de l'article L. 3132-3 du code du travail, en ce qu'elles fixent le dimanche comme jour de repos hebdomadaire, sont contraires aux droits et libertés fondamentaux garantis par la Constitution, en particulier à la liberté contractuelle et au principe d'égalité devant la loi ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 3132-3 du code du travail qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionalité au Conseil constitutionnel, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;

3°/ que les dispositions des articles L. 3132-12, L. 3132-20 et L. 3132-25-1 du code du travail, en ce qu'elles autorisent certains établissements à déroger à la règle du repos dominical, sont contraires aux droits et libertés fondamentaux garantis par la Constitution, en particulier à la liberté d'entreprendre et au principe d'égalité devant la loi ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité des articles L. 3132-12, L. 3132-20 et L. 3132-25-1 du code du travail qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionalité au Conseil constitutionnel, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;

4°/ que ne constitue pas un trouble manifestement illicite auquel le juge des référés devrait mettre fin, la situation, considérée comme contraire à une loi donnée, dont le bouleversement serait lui-même contraire à une autre loi ; qu'au cas présent, la société Bricorama soulignait dans ses écritures d'appel que si la fermeture de ses magasins le dimanche pouvait paraître nécessaire afin de faire respecter la réglementation de droit du travail applicable, cette même fermeture constituerait une atteinte à la libre concurrence et une rupture d'égalité par rapport aux enseignes concurrentes ; qu'en écartant ce moyen au motif qu'il serait inopérant, la cour d'appel, qui a finalement validé une mesure de fermeture prise indépendamment de l'ordre public économique, et constitutive, en soi, d'une atteinte à la concurrence, a violé l'article 809 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par la société Bricorama n'ayant pas été renvoyées au Conseil constitutionnel, le moyen en ce qu'il invoque l'annulation de l'arrêt par voie de conséquence est devenu sans objet ;

Attendu, ensuite, que le fait pour un employeur d'ouvrir son établissement le dimanche sans qu'il y soit autorisé de droit ou par autorisation préfectorale constitue un trouble manifestement illicite ; que la circonstance que des concurrents ouvriraient leurs magasins en faisant travailler leurs salariés le dimanche n'est pas de nature à justifier, au nom de la libre concurrence, la méconnaissance par un employeur du droit au repos dominical alors que la violation de l'article L. 3132-3 du code du travail par certains commerçants qui emploient irrégulièrement des salariés le dimanche rompt l'égalité au préjudice de ceux qui exercent la même activité en respectant la règle légale ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur la recevabilité du mémoire rectificatif des défendeurs au pourvoi examinée d'office, après avis donné aux parties :

Attendu que le mémoire rectificatif est irrecevable en application de l'article 991 du code de procédure civile dès lors qu'il a été déposé le 15 mai 2013 soit plus de deux mois après la signification, le 8 mars 2013, du mémoire en demande ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le pourvoi incident subsidiaire et éventuel :

REJETTE les pourvois principal et incident éventuel ;

Condamne la société Bricorama France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bricorama France à payer aux syndicats la somme globale de 3 000 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Bricorama France, demanderesse au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société BRICORAMA France ;

Aux motifs propres que « en application de l'article 46 du code de procédure civile, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ; qu'en l'espèce, la demande porte sur une interdiction d'ouverture de magasins BRICORAMA le dimanche et est formulée dans les mêmes termes tant pour les magasins situés dans le ressort du tribunal de grande instance de Pontoise que pour ceux situés dans le ressort d'autres juridictions d'Ile-de-France ; que la qualité à agir des syndicats demandeurs n'est pas contestée en ce qu'elle porte sur une demande relative à des magasins situés dans l'ensemble des départements de la région parisienne ; que, dès lors qu'une partie du dommage allégué a été subie dans le ressort du tribunal de grande instance de Pontoise, le président de cette juridiction est valablement saisi et, s'il constate l'existence d'un trouble manifestement illicite, il est compétent pour ordonner toute mesure destinée à mettre un terme à la totalité de ce trouble, peu important que celui-ci se produise également dans le ressort d'autres tribunaux et que la mesure soit exécutée en dehors du ressort territorial de la juridiction à laquelle il appartient ; que c'est donc à bon droit que le premier juge a retenu sa compétence pour statuer sur l'ensemble des demandes qui lui étaient soumises » (arrêt p. 7-8) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés du premier juge que « en application de l'article 46 du code de procédure civile, en matière délictuelle, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ; que, dès lors que le juge des référés est valablement saisi et qu'il constate l'existence d'un trouble manifestement illicite, il est compétent pour ordonner toute mesure destinée à mettre un terme à la totalité de ce trouble, peu important qu'il se produise également dans le ressort d'autres tribunaux et sur l'ensemble du territoire national et que la mesure soit exécutée en dehors du ressort territorial de la juridiction à laquelle il appartient ; que l'exception relevée par la défenderesse sur ce point ne peut donc qu'être rejetée » (ordonnance p. 3) ;

1) Alors qu'en matière délictuelle, le demandeur peut saisir, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;
que, lorsque sont invoqués plusieurs délits simples, dont les deux composantes (fait dommageable et dommage) adviennent en un même lieu, la juridiction dans le ressort de laquelle ont été commis certains de ces délits simples n'est pas compétente pour statuer sur les autres délits commis en dehors de son ressort ; qu'au cas présent, les syndicats FO dénonçaient les ouvertures le dimanche de différents magasins BRICORAMA ; qu'ils invoquaient ainsi autant de délits simples qu'il y avait eu d'ouvertures de magasins le dimanche, les délits en cause étant localisés en tous leurs éléments (fait générateur et dommage) au lieu du magasin visé ; qu'en considérant au contraire qu'une seule juridiction, celle de Pontoise, aurait été compétente pour connaître de tous ces délits au motif que « une partie du dommage allégué a été subie » dans le ressort de cette juridiction (arrêt p. 7 § 10), la cour d'appel, qui a ainsi appliqué à l'hypothèse de plusieurs délits simples une règle de répartition de compétence applicable au délit complexe, a violé l'article 46 du code de procédure civile ;

2) Alors que, en présence de plusieurs délits simples, la circonstance que les dommages inhérents auxdits délits aient une parenté voire qu'ils soient identiques ne justifie pas que le juge dans le ressort duquel se produit l'un de ces dommages connaisse de tous les délits en cause ; qu'en considérant, au contraire, que dès lors qu'« une partie du dommage allégué a été subie » dans le ressort de la juridiction de Pontoise (arrêt p. 7 § 10), celle-ci aurait été compétente pour connaître de l'ensemble des demandes des syndicats FO, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant en l'état de délits simples, fussent-ils proches voire identiques, a violé l'article 46 du code de procédure civile ;

3) Alors que le juge appelé à vérifier sa compétence, en matière délictuelle, doit analyser la nature des demandes qui lui sont soumises plutôt que de s'attacher à la dénomination choisie par le demandeur ; qu'au cas présent, en se référant au contraire à la circonstance que les demandes des syndicats FO, pourtant relatives à des magasins bien distincts, auraient été placées par les demandeurs sous la bannière unique de l'« interdiction d'ouverture de magasins BRICORAMA le dimanche » et qu'elles seraient « formulée(s) dans les mêmes termes » (arrêt p. 7 § 9), pour finalement appliquer une règle de compétence propre au délit complexe, la cour d'appel, qui s'est ainsi soumise aux termes des demandes plutôt qu'à leur teneur juridique, a violé l'article 46, ensemble les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4) Alors subsidiairement que le juge des référés n'est pas compétent pour ordonner des mesures devant être exécutées en dehors du ressort de la juridiction à laquelle il appartient ; qu'en considérant néanmoins que le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise était compétent pour ordonner des mesures d'interdiction d'ouverture de l'ensemble des magasins BRICORAMA d'Ile-de-France, « peu important que (¿) ces mesures soient exécutées en dehors du ressort de la juridiction à laquelle il appartient » (arrêt p.7 par. 10), la cour d'appel, qui a tenu pour inopérante une considération qui était, au contraire, déterminante pour définir les limites de sa compétence, a violé l'article 809 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'action des syndicats FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES CGT FORCE OUVRIERE et du syndicat CGT FORCE OUVRIERE DES EMPLOYES ET CADRES DU COMMERCE DU VAL D'OISE ;

Aux motifs propres que « la production des statuts de la Fédération des employés et cadres CGT FORCE OUVRIERE avec une mise à jour des membres du bureau déposée à la mairie de Paris le 23 mai 2007 et de la délibération de la commission administrative de cette fédération prise le 11 septembre 2008 donnant expressément mandat à son secrétaire général de mettre en oeuvre toute action appropriée pour parvenir à la fermeture des magasins le dimanche à défaut d'autorisation réglementaire, suffit à établir la qualité et la capacité à agir de cette fédération par la personne de son secrétaire général à la date à laquelle l'assignation a été délivrée, en l'absence de tout élément probant d'une infirmation de cette délibération et indépendamment des positions de principe réaffirmées lors d'un congrès tenu en 2009 qui sont sans incidence juridique sur le mandat ainsi accordé ;
que, de même, la production des statuts du syndicat CGT FORCE OUVRIERE DES EMPLOYES ET CADRES DU COMMERCE DU VAL D'OISE déposés en mairie le 9 mars 2009 et du procès-verbal d'assemblée générale du 13 février 2009 qui donne expressément mandat à son secrétaire général pour agir en justice pour toute procédure relative au respect du repos dominical établit la qualité et la capacité à gir de ce syndicat relativement aux magasins situés dans le Val d'Oise ; qu'en revanche, si les intimés produisent les statuts du syndicat CGT FORCE OUVRIERE DES EMPLOYES ET CADRES DU COMMERCE DE PARIS déposés en mairie le 23 juin 2010, il n'est pas justifié du mandat donné au secrétaire général de cette organisation syndicale pour agir en justice relativement à l'ouverture des magasins le dimanche ; qu'en conséquence l'ordonnance entreprise doit être infirmée en ce qu'elle a déclaré recevable l'action du syndicat CGT FORCE OUVRIERE des employés et cadres du commerce de Paris ; que, néanmoins, l'irrecevabilité du syndicat CGT FORCE OUVRIERE DES EMPLOYES ET CADRES DU COMMERCE DE PARIS n'affecte pas l'étendue du litige soumis à la juridiction dès lors que la Fédération des employés et cadres CGT FORCE OUVRIERE a qualité pour agir sur l'ensemble du territoire national ; qu'indépendamment du nombre (indéterminé) de salariés concernés par l'ouverture dominicale des magasins BRICORAMA et de leur identité, de la durée de cette ouverture ou de sa fréquence, l'action engagée par les syndicats porte sur le seul principe d'une telle ouverture de magasins sans autorisation réglementaire ; que, s'agissant d'une question relative à l'organisation générale du travail dans l'entreprise concernée au regard tant de la législation interne que de la convention n°106 de l'Organisation Internationale du Travail ratifiée par la France, l'action portant sur le repos dominical se rapporte à l'intérêt collectif des salariés de sorte que la référence par l'appelante à l'article L. 2262-9 du code du travail n'est pas pertinente ; que les dissensions internes aux organisations syndicales évoquées par la société BRICORAMA France ne sont pas de nature à affecter la recevabilité de l'action de la FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRES CGT FORCE OUVRIERE et du syndicat CGT FORCE OUVRIERE DES EMPLOYES ET CADRES DU COMMERCE DU VAL D'OISE valablement représentés à l'instance ; qu'en conséquence, l'ordonnance entreprise doit être confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable l'action de ces deux groupements » (arrêt p. 8-9) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés du premier juge que « l'article L 2131-2 du code du travail énonce : « les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels des personnes mentionnées dans leurs statuts » ; qu'il ne peut être contesté qu'il entre dans le rôle des syndicats de faire respecter les droits de leurs adhérents notamment en obligeant les employeurs à respecter la législation sociale et spécialement les dispositions relatives au repos dominical ; que la qualité et la capacité à agir d'une organisation syndicale peuvent être limitées par l'objet statutaire ou par le mandat donné à son représentant ; qu'en l'espèce, la FEDERATION DES EMPLOYES ET CADRE DE LA CGT FORCE OUVRIERE verse aux débats sa délibération en date du 11 septembre 2008 aux termes de laquelle la commission administrative de la FEDERATION a décidé de « confirmer les actions entreprises jusqu'alors pour obtenir le respect du repos dominical des salariés et décide de s'opposer à toute atteinte à ce principe sur la France entière dans le secteur du commerce et des services » ; qu'en outre, le texte du 43ème congrès de la FEDERATION réuni en avril 2009 prévoit expressément : « le Congrès mandate le secrétaire général de la FEC pour engager toute action nécessaire afin de rétablir les droits des salariés en matière de défense du repos dominical en contestant par voie juridique si nécessaire les arrêtés préfectoraux ou municipaux ainsi que l'emploi illégal de salariés » ; qu'il convient donc de déclarer recevable l'action des syndicats aussi bien pour les actions concernant les établissements situés sur le ressort du Tribunal de Pontoise que sur l'ensemble du territoire national » (ordonnance p. 3) ;

1) Alors que l'article L. 2132-3 du code du travail, qui donne qualité à agir au syndicat se prévalant de l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, est contraire aux droits et libertés fondamentaux garantis par la Constitution, en particulier à la liberté personnelle du salarié et au droit à un recours effectif, lequel implique la liberté de ne pas saisir le juge pour conserver le bénéfice d'une situation qu'un salarié souhaite ne pas vouloir être bouleversée « pour l'exemple », en ce que ce texte permet au syndicat d'exercer une action collective sans prévoir de mesure destinée à recueillir le consentement des salariés effectivement concernés par l'action, ni de mesure permettant d'empêcher le syndicat d'agir au cas où aucun des salariés concernés ne souhaiterait qu'une action fondée sur leurs intérêts soit introduite, ni a minima de mesure permettant aux salariés d'empêcher le syndicat d'agir lorsque le principal effet de son action est d'entraîner une diminution de la rémunération des salariés ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 2132-3 du code du travail qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionalité au Conseil constitutionnel, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;

2) Alors en tout état de cause que si l'action introduite par un syndicat sur le fondement de la défense de l'intérêt collectif des salariés de la profession qu'il représente est en principe recevable du seul fait que ladite action repose sur la violation d'une règle d'ordre public social, tel n'est toutefois pas le cas quand les salariés dont la protection est abstraitement envisagée par la norme en cause n'ont pas d'intérêt effectif et concret au succès de l'action du syndicat ; que le juge appelé à statuer sur la qualité à agir du syndicat ne peut alors faire abstraction de l'intérêt des salariés dans lequel l'intérêt collectif allégué par le syndicat prend nécessairement sa source ; qu'au cas présent, pour déclarer recevable l'action des syndicats FO tendant à la fermeture des magasins le dimanche exercée dans l'intérêt collectif des salariés, la cour d'appel a affirmé que la seule violation, invoquée par les syndicats, des règles relatives au repos dominical suffisait à établir l'existence d'un intérêt collectif des salariés, et que l'examen de l'intérêt effectif des salariés concrètement concernés par les mesures demandées serait sans emport sur la question de la qualité à agir des syndicats, au point que la cour d'appel a même cru pouvoir statuer « indépendamment » de l'identification desdits salariés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a négligé la limite à l'action collective des syndicats tenant à ce qu'ils ne peuvent prétendre agir contre et outre les intérêts des salariés concernés, a violé l'article L. 2132-3 du code du travail, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;

3) Alors encore que la rémunération constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié par l'employeur sans l'accord du salarié ; qu'en conséquence, un syndicat ne peut prétendre agir pour la défense de l'intérêt collectif si le succès de son action impose une baisse de la rémunération des salariés dont les intérêts sont prétendument représentés ;

qu'en l'espèce, l'interdiction faite à BRICORAMA d'ouvrir ses magasins le dimanche a pour effet la perte de l'avantage d'une majoration de 200 % du salaire horaire des personnels employés le dimanche ; qu'en conséquence, l'action du syndicat FORCE OUVRIÈRE fait perdre aux salariés un avantage salarial volontairement sollicité au mépris du principe protecteur en vertu duquel aucune modification de la rémunération ne peut leur être imposée ; qu'en admettant la recevabilité de l'action entreprise par ce syndicat, la cour a violé les articles L.2132-3 du code du travail et 1134 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fait interdiction à la société BRICORAMA d'employer des salariés le dimanche dans tous ses magasins visés par les syndicats FO dans leurs conclusions de première instance, soit 31 magasins BRICORAMA situés en Ile-de-France ;

Aux motifs propres que « sur l'existence d'un trouble manifestement illicite : en application de l'article 809 du code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a rappelé que l'article L. 3132-3 du code du travail dispose que, dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche, et que si la loi du 10 août 2009 a mis en place des possibilités de dérogation, elle a réaffirmé le principe du repos dominical ; qu'il suffit d'ajouter que le caractère d'ordre public de cette législation interne n'est pas discuté et correspond aux règles internationales précédemment visées ; qu'il est établi notamment par des tickets de caisse, des publications émanant de la société BRICORAMA France, des plannings de travail des salariés et n'est pas contesté par l'appelante que l'ensemble des magasins concernés par cette instance sont ouverts le dimanche alors que la société BRICORAMA France ne bénéficie d'aucune des dispositions dérogatoires prévues par la loi du 10 août 2009 ; que, rappelant à bon escient qu'il n'appartient pas au juge de porter une appréciation sur la valeur d'une loi mais qu'il lui incombe d'en assurer le respect effectif, le premier juge a pu déduire de ces seuls faits l'existence d'un trouble manifestement illicite ; qu'il convient d'ajouter que la conformité constitutionnelle de la loi du 10 août 2009 a été reconnue et qu'il n'appartient pas davantage au juge de se substituer à l'autorité administrative pour apprécier l'opportunité de créer des zones PUCE ou de délivrer des dérogations ponctuelles ; que, dans ces circonstances, les développements de la société BRICORAMA sur les aspects concurrentiels du marché relativement auquel elle intervient ne peuvent influer sur la solution du présent litige ; qu'enfin, le trouble manifestement illicite étant caractérisé par des ouvertures dominicales de magasin faites sans autorisation réglementaire préalable, le seul fait que la société BRICORAMA ait déposé des demandes de dérogation et exercé des recours contentieux contre des décisions de refus d'autorisation ne saurait justifier qu'il soit sursis à statuer dans les termes demandés, sauf à valider de fait la poursuite d'une activité illicite ; que l'ordonnance entreprise doit partant être confirmée en ce qu'elle a fait interdiction à la société BRICORAMA France d'employer des salariés le dimanche dans tous les magasins visés par les demandeurs sans avoir obtenu au préalable une dérogation administrative ; que, nécessaire pour assurer l'efficacité de la décision ainsi prise, l'astreinte ordonnée par le premier juge a pour objet de mettre un terme effectif au trouble illicite constaté ; que si ses modalités et son montant doivent tenir compte de difficultés pratiques éventuelles dans la mise en exécution de la décision judiciaire, son caractère comminatoire ne peut se satisfaire d'une discussion sur la capacité financière à en supporter le coût sur le long terme, de sorte que le rapprochement opéré par la société BRICORAMA entre le montant de l'astreinte et le montant du chiffre d'affaires des magasins concernés ne peut être retenu ; que bien que l'entreprise ait préféré laisser courir l'astreinte depuis l'ordonnance exécutoire sans procéder à la fermeture des magasins concernés dans l'attente des dérogations administratives sollicitées par elle plutôt que de respecter le repos dominical jusqu'à ce que les demandes adressées aux autorités administratives soient le cas échéant satisfaites, il n'y a pas lieu d'augmenter le montant de l'astreinte fixée par le premier juge » (arrêt p. 9-10) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés du premier juge que « il convient de rappeler que l'article L. 3132-3 du code du travail stipule - en des termes dépourvus de toute ambiguïté - que « dans l'intérêt des salariés le repos hebdomadaire est donné le dimanche » ; que la loi du 10 août 2009 a réaffirmé ce principe du repos dominical tout en aménageant de nouvelles possibilités de dérogations ; qu'il est constant que ce principe est d'ordre public et que sa violation constitue un trouble manifestement illicite que le juge des référés a pour mission de faire cesser par toute mesure opportune ;
qu'en l'espèce il n'est pas contesté que les établissements visés dans l'assignation emploient des salariés qui, pour certains, travaillent le dimanche sans qu'aucune dérogation n'ait été obtenue du Préfet » (ordonnance p. 3) ;

Alors que le trouble manifestement illicite désigne une perturbation résultant de la violation manifeste d'une règle de droit ; qu'il ne peut donc être caractérisé que s'il est établi que l'illicéité alléguée a causé une perturbation distincte de la seule méconnaissance de la règle en cause ; qu'au cas présent, en considérant que la seule ouverture de magasins BRICORAMA le dimanche, sans autorisation, suffirait à caractériser un « trouble manifestement illicite », sans distinguer entre l'illécéité (liée à l'ouverture le dimanche) et le trouble qui en serait résulté, la cour d'appel, qui n'a en définitive pas constaté de trouble, a violé l'article 809 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fait interdiction à la société BRICORAMA d'employer des salariés le dimanche dans tous ses magasins visés par les syndicats FO dans leurs conclusions de première instance, soit 31 magasins BRICORAMA situés en Ile-de-France ;

Aux motifs propres que « sur l'existence d'un trouble manifestement illicite : en application de l'article 809 du code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a rappelé que l'article L. 3132-3 du code du travail dispose que, dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche, et que si la loi du 10 août 2009 a mis en place des possibilités de dérogation, elle a réaffirmé le principe du repos dominical ; qu'il suffit d'ajouter que le caractère d'ordre public de cette législation interne n'est pas discuté et correspond aux règles internationales précédemment visées ; qu'il est établi notamment par des tickets de caisse, des publications émanant de la société BRICORAMA France, des plannings de travail des salariés et n'est pas contesté par l'appelante que l'ensemble des magasins concernés par cette instance sont ouverts le dimanche alors que la société BRICORAMA France ne bénéficie d'aucune des dispositions dérogatoires prévues par la loi du 10 août 2009 ; que, rappelant à bon escient qu'il n'appartient pas au juge de porter une appréciation sur la valeur d'une loi mais qu'il lui incombe d'en assurer le respect effectif, le premier juge a pu déduire de ces seuls faits l'existence d'un trouble manifestement illicite ; qu'il convient d'ajouter que la conformité constitutionnelle de la loi du 10 août 2009 a été reconnue et qu'il n'appartient pas davantage au juge de se substituer à l'autorité administrative pour apprécier l'opportunité de créer des zones PUCE ou de délivrer des dérogations ponctuelles ; que, dans ces circonstances, les développements de la société BRICORAMA sur les aspects concurrentiels du marché relativement auquel elle intervient ne peuvent influer sur la solution du présent litige ; qu'enfin, le trouble manifestement illicite étant caractérisé par des ouvertures dominicales de magasin faites sans autorisation réglementaire préalable, le seul fait que la société BRICORAMA ait déposé des demandes de dérogation et exercé des recours contentieux contre des décisions de refus d'autorisation ne saurait justifier qu'il soit sursis à statuer dans les termes demandés, sauf à valider de fait la poursuite d'une activité illicite ; que l'ordonnance entreprise doit partant être confirmée en ce qu'elle a fait interdiction à la société BRICORAMA France d'employer des salariés le dimanche dans tous les magasins visés par les demandeurs sans avoir obtenu au préalable une dérogation administrative ; que, nécessaire pour assurer l'efficacité de la décision ainsi prise, l'astreinte ordonnée par le premier juge a pour objet de mettre un terme effectif au trouble illicite constaté ; que si ses modalités et son montant doivent tenir compte de difficultés pratiques éventuelles dans la mise en exécution de la décision judiciaire, son caractère comminatoire ne peut se satisfaire d'une discussion sur la capacité financière à en supporter le coût sur le long terme, de sorte que le rapprochement opéré par la société BRICORAMA entre le montant de l'astreinte et le montant du chiffre d'affaires des magasins concernés ne peut être retenu ; que bien que l'entreprise ait préféré laisser courir l'astreinte depuis l'ordonnance exécutoire sans procéder à la fermeture des magasins concernés dans l'attente des dérogations administratives sollicitées par elle plutôt que de respecter le repos dominical jusqu'à ce que les demandes adressées aux autorités administratives soient le cas échéant satisfaites, il n'y a pas lieu d'augmenter le montant de l'astreinte fixée par le premier juge » (arrêt p. 9-10) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés du premier juge que « il convient de rappeler que l'article L. 3132-3 du code du travail stipule - en des termes dépourvus de toute ambiguïté - que « dans l'intérêt des salariés le repos hebdomadaire est donné le dimanche » ; que la loi du 10 août 2009 a réaffirmé ce principe du repos dominical tout en aménageant de nouvelles possibilités de dérogations ; qu'il est constant que ce principe est d'ordre public et que sa violation constitue un trouble manifestement illicite que le juge des référés a pour mission de faire cesser par toute mesure opportune ;
qu'en l'espèce il n'est pas contesté que les établissements visés dans l'assignation emploient des salariés qui, pour certains, travaillent le dimanche sans qu'aucune dérogation n'ait été obtenue du Préfet » (ordonnance p. 3) ;

1) Alors que les dispositions de l'article L. 3132-3 du code du travail, en ce qu'elles fixent le dimanche comme jour de repos hebdomadaire, sont contraires aux droits et libertés fondamentaux garantis par la Constitution, en particulier à la liberté contractuelle et au principe d'égalité devant la loi ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article L. 3132-3 du code du travail qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionalité au Conseil constitutionnel, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;

2) Alors que les dispositions des articles L. 3132-12, L. 3132-20 et L. 3132-25-1 du code du travail, en ce qu'elles autorisent certains établissements à déroger à la règle du repos dominical, sont contraires aux droits et libertés fondamentaux garantis par la Constitution, en particulier à la liberté d'entreprendre et au principe d'égalité devant la loi ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité des articles L. 3132-12, L. 3132-20 et L. 3132-25-1 du code du travail qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionalité au Conseil constitutionnel, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;


3) Alors subsidiairement que ne constitue pas un trouble manifestement illicite auquel le juge des référés devrait mettre fin, la situation, considérée comme contraire à une loi donnée, dont le bouleversement serait lui-même contraire à une autre loi ; qu'au cas présent, la société BRICORAMA soulignait dans ses écritures d'appel (p. 11-12) que si la fermeture de ses magasins le dimanche pouvait paraître nécessaire afin de faire respecter la réglementation de droit du travail applicable, cette même fermeture constituerait une atteinte à la libre concurrence et une rupture d'égalité par rapport aux enseignes concurrentes ; qu'en écartant ce moyen au motif qu'il serait inopérant (arrêt p. 9, alinéa 8), la cour d'appel, qui a finalement validé une mesure de fermeture prise indépendamment de l'ordre public économique, et constitutive, en soi, d'une atteinte à la concurrence, a violé l'article 809 du code de procédure civile.

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour les syndicats et l'Union départementale des syndicats de la Confédération générale du travail Force ouvrière du Val-d'Oise, demandeurs au pourvoi incident éventuel

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle avait déclaré recevable l'action du syndicat CGT Force ouvrière des employés et cadres du commerce de Paris et D'AVOIR déclaré le syndicat CGT Force ouvrière des employés et cadres du commerce de Paris irrecevable en son action ;

AUX MOTIFS QU' « en revanche, si les intimés produisent les statuts du SYNDICAT CGT FORCE OUVRIERE DES EMPLOYES ET CADRES DU COMMERCE DE PARIS déposés en mairie le 23 juin 2010, il n'est pas justifié du mandat donné au secrétaire général de cette organisation syndicale pour agir en justice relativement à l'ouverture des magasins le dimanche ; qu'en conséquence, l'ordonnance entreprise doit être infirmée en ce qu'elle a déclaré recevable l'action du syndicat CGT Force ouvrière des employés et cadres du commerce de Paris » (arrêt p. 8, alinéas 4 et 5) ;

1°) ALORS QU' en l'absence, dans les statuts d'un syndicat, de stipulations réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action en justice, celle-ci est régulièrement engagée par la personne tenant des statuts le pouvoir de représenter le syndicat en justice ; qu'au cas d'espèce, en déclarant irrecevable l'action engagée par le syndicat CGT force ouvrière des employés et cadres du commerce de Paris, motif pris de ce qu'il n'était pas justifié de l'existence d'un mandat spécial donné au secrétaire général du syndicat pour agir relativement à l'ouverture des magasins le dimanche, quand il résultait des statuts expressément visés par l'arrêt attaqué que le secrétaire général disposait de façon permanente de tous pouvoirs pour représenter le syndicat devant toutes les juridictions tant en demande qu'en défense (article 10-1), les juges du second degré, qui ont dénaturé les statuts du syndicat, ont violé l'article 1134 du code civil ;

2°) ALORS QUE, subsidiairement, faute d'avoir recherché si les statuts qu'ils visaient expressément ne donnaient pas au secrétaire général du syndicat le pouvoir de représenter celui-ci devant toutes les juridictions tant en demande qu'en défense, de sorte qu'un mandat spécial n'était pas nécessaire à l'engagement de l'action, les juges du second degré n'ont en toute hypothèse pas donné de base légale à leur décision au regard des articles 31 et 117 du code de procédure civile et L. 2132-3 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil.


SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré le Syndicat Force Ouvrière des employés et cadres du commerce du département du Nord irrecevable en son intervention volontaire ;

AUX MOTIFS QU' « en application de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité ; que néanmoins, cette disposition ne permet pas à un intervenant en cause d'appel de soumettre un litige nouveau ou de solliciter des condamnations nouvelles non demandées au premier juge ; qu'en l'espèce, le litige soumis au premier juge par la Fédération des employés et cadres de la CGT Force Ouvrière, le Syndicat CGT Force Ouvrière des employés et cadres du commerce de Paris et le Syndicat CGT Force Ouvrière des employés et cadres du commerce du Val-d'Oise portait sur l'ouverture le dimanche de magasins Bricorama situés dans les départements de Paris, du Val-d'Oise, de l'Essonne, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, de la Seine-et-Marne et des Yvelines ; que par ses conclusions d'intervention volontaire, le Syndicat Force Ouvrière des employés et cadres du commerce du département du Nord demande la confirmation d'une ordonnance qui n'a pas d'effet sur les établissements situés dans ce département et « l'extension des effets de l'astreinte prononcée » à trois établissements situés à Lille, Roubaix et Tourcoing ; qu'or, il ne justifie pas ni même n'invoque un intérêt ou une qualité pour solliciter la confirmation d'une décision concernant des établissements qui ne sont pas situés dans son périmètre d'intervention et présente une demande nouvelle de condamnation à son profit relativement à l'ouverture le dimanche de trois magasins qui ne faisaient pas partie du litige soumis au premier juge ; que non conforme aux dispositions précitées, cette intervention porte manifestement atteinte au droit de chaque partie à un double degré de juridiction ; qu'en conséquence, le Syndicat Force Ouvrière des employés et cadres du commerce du département du Nord doit être déclaré irrecevable en son intervention volontaire » (arrêt p. 6 in fine et p. 7 alinéas 1 à 6) ;


ALORS QUE peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité, sous la seule réserve que ce faisant, elles ne soumettent pas à la cour un litige nouveau ; que lorsqu'a été soumise à la juridiction du premier degré une demande formée par des syndicats en réparation de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession résultant de la violation par un employeur de la règle du repos dominical des salariés, n'introduit pas un litige nouveau le syndicat qui intervient volontairement pour la première fois en cause d'appel en se prévalant du même manquement commis par le même employeur, peu important que ce soit au regard d'autres établissements que ceux visés en première instance, dès lors que sa demande s'inscrit dans le cadre de la même atteinte à l'intérêt collectif de la profession ; qu'au cas d'espèce, en estimant au contraire que l'intervention volontaire en appel du Syndicat Force Ouvrière des employés et cadres du commerce du département du Nord était irrecevable comme introduisant un litige nouveau pour concerner d'autres magasins que ceux visés en première instance, quand il résultait de leurs constatations que ce syndicat poursuivait lui aussi la cessation de l'emploi illicite de salariés le dimanche par la société Bricorama et se prévalait de la même atteinte à l'intérêt collectif de la profession, les juges du second degré ont violé l'article 554 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 2132-3 du code du travail.



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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Compétence
Syndicat


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.