par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 15 janvier 2014, 11-17196
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
15 janvier 2014, 11-17.196

Cette décision est visée dans la définition :
Arbitre




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er mars 2011), que, par un « protocole d'accord » comportant une clause compromissoire, M. X..., dit Y..., agissant pour son compte et celui de ses associés, a cédé les actions composant le capital de la société d'expertise comptable Fegec à M. Z..., lequel agissait en son nom personnel et en qualité de président de la société Consultaudit ; que, par une convention annexe, les parties ont prévu la faculté pour M. Y... de reprendre tout ou partie de la clientèle de la société Fegec ; que des difficultés étant survenues quant à l'exécution de cette option de rétrocession de clientèle, M. Z... et la société Consultaudit ont mis en oeuvre la procédure d'arbitrage ; que, par une sentence du 23 juin 2000, devenue irrévocable, le tribunal arbitral a prononcé la résolution des conventions et de leurs actes d'exécution, dans les rapports entre les parties, aux torts de M. Y..., et condamné ce dernier à rembourser certaines sommes à M. Z... et à la société Consultaudit, en échange des actions détenues par eux ; qu'estimant que la remise des parties en l'état antérieur à la résolution n'était plus possible en raison de la dépréciation de la valeur des actions de la société Fegec, ce dont M. Z... et la société Consultaudit seraient responsables, M. Y... a, le 19 décembre 2001, présenté une demande de réouverture de la procédure d'arbitrage tendant à obtenir un complément de sentence concernant les conséquences de la résolution ; qu'après avoir été déclarée recevable par le tribunal arbitral, une fois ce dernier reconstitué, cette demande a été jugée irrecevable par un arrêt irrévocable de la cour d'appel de Paris du 19 février 2004, comme tendant à remettre en cause la décision irrévocable d'appel, du 18 octobre 2001, ayant confirmé la sentence du 23 juin 2000 ; qu'ayant sollicité à nouveau, du tribunal arbitral, l'interprétation de cette sentence, M. Y... a présenté, le 23 février 2004, une demande « incidente et complémentaire » en annulation des conventions pour dol ; que, par trois sentences des 14 janvier, 7 juin et 4 octobre 2004, infirmées par une décision devenue irrévocable, le tribunal arbitral a accueilli cette demande en annulation, condamné M. Z... et la société Consultaudit à payer certaines sommes à M. Y..., l'une à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur son préjudice résultant du dol, l'autre au titre de la remise des parties en l'état antérieur à la cession, compte tenu de la dépréciation des actions intervenue depuis le 18 octobre 2001, et ordonné la compensation entre la seconde somme, correspondant au prix convenu des actions lors de leur cession, avec celle due par M. Y... au titre de la restitution du prix de la cession ; qu'estimant que les arbitres avaient méconnu, par ces sentences, l'autorité de la chose jugée attachée aux arrêts du 18 octobre 2001 et du 19 février 2004, poursuivi abusivement la procédure d'arbitrage après le 18 octobre 2001 et commis d'autres fautes, M. Z... et la société Consultaudit les ont assignés, devant une juridiction étatique, en indemnisation de leur préjudice résultant de l'impossibilité de faire exécuter la sentence du 23 juin 2000 ; que, depuis lors, la société Consultaudit a été placée en liquidation judiciaire ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de le débouter de son action en responsabilité contre les arbitres, alors, selon le moyen, que la responsabilité de l'arbitre, qui est uni aux parties par un lien de nature contractuelle et qui n'est investi d'aucune fonction publique, doit s'apprécier dans les conditions du droit commun, si bien qu'en jugeant que l'arbitre n'était responsable que de sa faute personnelle qui, pour engager sa responsabilité, doit être équipollente au dol, constitutive d'une fraude, d'une faute lourde ou d'un déni de justice, la cour d'appel a violé les articles 1142 et 1147 du code civil ;

Mais attendu que la critique fondée sur la prétendue méconnaissance de l'autorité de la chose jugée, à laquelle se rattache celle concernant la poursuite de l'instance arbitrale, tendant à remettre directement en cause le contenu des sentences rendues, et partant l'exercice de la fonction juridictionnelle des arbitres, c'est à bon droit que la cour d'appel, après avoir, tout d'abord, relevé que l'arbitrage avait été poursuivi après le 18 octobre 2001 sur la base de faits nouveaux ou nouvellement découverts et que les arbitres avaient statué comme amiables compositeurs, ensuite, déclaré irrecevable le grief portant sur l'absence de relevé d'office du moyen tiré du défaut de cohérence dans l'articulation des moyens et, enfin, exclu l'existence d'un manquement des arbitres à leur obligation d'impartialité et de bonne foi, a écarté leur responsabilité en l'absence de preuve de faits propres à caractériser une faute personnelle équipollente au dol ou constitutive d'une fraude, d'une faute lourde ou d'un déni de justice, justifiant ainsi légalement sa décision ;

Et sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. Z... adresse le même grief à l'arrêt ;

Attendu que la recherche prétendument omise n'ayant pas été demandée devant la cour d'appel, le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. Z....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Z... de son action en responsabilité à l'encontre de Messieurs A..., B...et C...;

AUX MOTIFS QUE l'arbitre est investi d'une mission à la fois contractuelle et juridictionnelle qu'il doit remplir en toute conscience, indépendance et impartialité ; qu'il bénéficie en tant que juge d'une immunité juridictionnelle de sorte qu'il n'est responsable que de sa faute personnelle qui, pour engager sa responsabilité, doit être équipollente au dol, constitutive d'une fraude, d'une faute lourde ou d'un déni de justice ;

ALORS QUE la responsabilité de l'arbitre, qui est uni aux parties par un lien de nature contractuelle et qui n'est investi d'aucune fonction publique, doit s'apprécier dans les conditions du droit commun, si bien qu'en jugeant que l'arbitre n'était responsable que de sa faute personnelle qui, pour engager sa responsabilité, doit être équipollente au dol, constitutive d'une fraude, d'une faute lourde ou d'un déni de justice, la Cour d'appel a violé les articles 1142 et 1147 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (Subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Z... de son action en responsabilité à l'encontre de Messieurs A..., B...et C...;

AUX MOTIFS QUE, pour débouter Monsieur Z... de ses demandes, les premiers juges ont rappelé le contenu des décisions rendues par le Tribunal arbitral et par les juridictions étatiques ; qu'en particulier, ils ont rappelé très précisément, d'une part, les circonstances dans lesquelles, malgré l'annulation des sentences préparatoires, le Tribunal arbitral a rendu les sentences des 4 juin et 4 octobre 2004, la première annulant pour dol des cessionnaires la convention de cession en date du 16 novembre 1998, portant condamnation de Monsieur Z... et de la Société CONSULTAUDIT à payer à Monsieur Y... la somme de 3 060 139 euros au titre de la remise du cédant en son état antérieur et opérant compensation entre les créances respectives des parties, la deuxième approuvant la compensation après expertise et, d'autre part, la motivation retenue par le Tribunal arbitral qui a énoncé que, si la question de la dépréciation des actions, était dans le débat qui s'est instauré devant la Cour d'appel en 2001, il ne s'agissait, de la part de Monsieur Y..., que d'un moyen de défense et, de la part des défendeurs, d'un moyen subsidiaire tendant, non pas à la réparation de la résolution du protocole d'accord mais à l'exécution de la cession si la résolution était refusée ; que les premiers juges ont également rappelé que, lors des débats instaurés devant la Cour en 2001, ne pouvait être prise en compte que la dépréciation des actions qui, connue à cette date, était susceptible d'avoir été engendrée par la reprise de clientèle imputable à Monsieur Y... et par les emprunts de trésorerie effectués par Monsieur Z... et les sociétés du groupe CONSULTAUDIT ; qu'il ont ensuite énoncé, en des motifs qu'il convient d'adopter, que le Tribunal arbitral a retenu que la question de la dépréciation des actions et la demande reconventionnelle des défendeurs demeuraient de sa compétence dès lors que l'amiable composition lui imposait de privilégier l'équité et de la faire prévaloir en tenant compte de la situation nouvelle créée par Monsieur Z... et la Société CONSULTAUDIT au préjudice de Monsieur Y... et en se fondant sur leurs manoeuvres dolosives ; que les premiers juges ont exactement estimé qu'en statuant pour de tels motifs, en poursuivant l'arbitrage après le 18 octobre 2001 sur la base de faits nouveaux ou nouvellement découverts et en ne respectant pas l'autorité de la chose jugée attachée aux arrêts rendus par la Cour les 18 octobre 2001 et 19 février 2004, le Tribunal arbitral, en tant qu'amiable compositeur, n'a commis aucune faute lourde, ni même grossière ou manifeste de nature à engager sa responsabilité civile ; que la divergence existant entre le Tribunal arbitral et la Cour d'appel sur la notion de chose jugée ne suffit pas à démontrer une faute lourde imputable audit Tribunal arbitral ou à chaque arbitre personnellement ; que, comme l'ont encore énoncé les premiers juges, il ne saurait être fait grief au Tribunal arbitral de ne pas avoir relevé d'office le moyen de cohérence dans l'articulation des moyens relevé par la Cour en son arrêt du 30 novembre 2006 pour déclarer Monsieur Y... irrecevable en ses prétentions dès lors que les cessionnaires n'avaient pas soulevé ce moyen ; que, contrairement aux affirmations de Monsieur Z..., aucune des circonstances de la cause n'est propre à démontrer un manquement des arbitres à leur obligation d'impartialité et de bonne foi ; qu'il ressort de tout ce qui précède que Monsieur Z... ne prouve pas que, individuellement ou collectivement, Messieurs A..., B...et C..., auraient commis une quelconque faute lourde, grossière ou manifeste de nature à engager leur responsabilité à l'occasion de leurs obligations d'arbitres ;

ALORS QUE la Cour d'appel qui s'est bornée à apprécier la responsabilité des arbitres au seul regard de la gravité de la faute résultant pour ceux-ci de la méconnaissance de l'autorité de chose jugée attachée aux arrêts rendus par la Cour d'appel de PARIS le 18 octobre 2001 et le 19 février 2004, sans rechercher, en réfutation des conclusions de Monsieur Z..., si les arbitres, en ignorant délibérément leur dessaisissement résultant de l'appel de leurs sentences des 20 janvier, 31 mars, 16 avril et 12 juin 2003, de telle sorte que nonobstant l'arrêt du 19 février 2004 qui avait mis fin à l'instance arbitrale, les arbitres avaient poursuivi leur mission hors de toute convention d'arbitrage et de toute reconstitution du Tribunal arbitral, paralysant l'exécution des précédentes décisions rendues au profit de Monsieur Z... en dépit des décisions rendues par la Cour de PARIS des 18 octobre 2001 et 19 février 2004, ce qui était de nature à caractériser une faute personnelle lourde des arbitres engageant leur responsabilité, n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1142 et 1147 du Code civil, ensemble les articles 1442 et suivants du Code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Arbitre


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.