par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 27 février 2013, 11-28084
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Cour de cassation, chambre sociale
27 février 2013, 11-28.084

Cette décision est visée dans la définition :
Délégué syndical




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre, 29 novembre 2011) que par lettre reçue le 5 août 2011, le syndicat SUD aérien a procédé à la désignation de Mme X... en qualité de représentant de section syndicale, au sein de l'établissement Guadeloupe de la société Air France ;

Attendu que la société Air France fait grief au jugement de dire sa contestation irrecevable, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; que le tribunal d'instance a relevé que le courrier du 1er août 2011, adressé par le syndicat SUD aérien à la société Air France, qui l'a reçu le
5 août 2011, était rédigé en ces termes : « suite à l'annulation des élections dans les collèges 2 et 3 du CE CI DOM qui fait revenir la représentativité à la situation ante, dans le cadre du titre II de l'accord relatif au cadre et aux moyens conventionnels d'exercice du droit syndical, nous vous informons de la désignation de Mme X... (PTP. KZ) en qualité de représentant de section syndicale SUD aérien au sein de votre établissement » ; qu'en jugeant que cette désignation « ne pouvait s'analyser qu'en une confirmation de la précédente désignation », celle effectuée le 15 mars 2011, le tribunal d'instance a dénaturé les termes clairs et précis du courrier du 1er août 2011, et partant, a violé l'article 1134 du code civil, ensemble le principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause ;

2°/ que les dispositions de l'article L. 2143-8 du code du travail énonçant que les contestations relatives à la désignation des délégués syndicaux doivent être portées devant le tribunal d'instance dans les quinze jours suivant la désignation, à peine d'irrecevabilité, ne comportent aucune exception à cette règle, hors le cas de la fraude qui corrompt tout ; que le tribunal d'instance a déclaré irrecevable la contestation d'Air France à l'encontre de la désignation de Mme X... en qualité de représentante de la section syndicale SUD aérien au sein de l'établissement Guadeloupe du 1er août 2011 aux motifs que cette désignation s'analysait en une confirmation de la désignation antérieure non contestée du 15 mars 2011 ; qu'à supposer même que l'on puisse considérer que la désignation du 1er août 2011, s'analyse en une confirmation de celle du 15 mars 2011, le tribunal d'instance s'est déterminé sans rechercher, comme il y était pourtant invité, ainsi qu'il l'a lui-même relevé, si la désignation du 15 mars 2011 ne constituait pas une fraude à la loi, en ce qu'elle s'inscrivait dans la stratégie du syndicat SUD aérien de retirer, au mois de février 2011, la désignation de Mme X... effectuée le 24 novembre 2010 à l'approche du premier tour de l'élection des délégués du personnel au sein des comités d'établissement de la société Air France fixé au 1er mars 2011, puis de la désigner immédiatement après le premier tour afin de contourner l'application impérative de l'article L. 2142-1-1, alinéa 3, du code du travail, en sorte que le délai de quinze jours ne pouvait être valablement opposé à la société Air France s'agissant de la désignation frauduleuse effectuée le
15 mars 2011 ; qu'en s'abstenant de procéder à cette vérification indispensable de la solution du litige, le tribunal d'instance a violé le principe suivant lequel « la fraude corrompt tout », ensemble les articles L. 2143-8 et L. 2142-1-1, alinéa 3, du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, qu'appréciant la portée de la lettre de désignation reçue le 5 août 2011 dont l'ambiguïté rendait l'interprétation nécessaire, le tribunal a retenu que le syndicat n'avait fait, à cette date, que confirmer une désignation intervenue le 15 mars précédent et que l'employeur n'avait pas contestée dans le délai prévu par l'article L. 2143-8 du code du travail ;

Attendu ensuite que, si une fraude dans la désignation d'un représentant de section syndicale a pour effet de reporter le point de départ du délai de forclusion prévu à l'article L. 2143-8 du code du travail au jour où l'employeur en a eu connaissance, il résulte des constatations du jugement que dès le 15 mars 2011, l'employeur avait connaissance de tous les éléments qu'il invoquait au titre du caractère frauduleux de la désignation, intervenue après les élections qui avaient été précédées de l'annulation du précédent mandat par le syndicat ;

Qu'il s'ensuit que le moyen, non fondé en sa première branche, est inopérant en sa seconde ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Air France

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR déclaré irrecevable la contestation de la société Air France à l'encontre de la désignation de Madame X... en qualité de représentante de section syndicale Sud Aérien au sein de l'établissement Guadeloupe du 1er août 2011 ;

AUX MOTIFS QUE « selon l'article D. 2143-4 du Code du travail, les nom et prénoms des délégués syndicaux sont portés à la connaissance de l'employeur soit par lettre recommandée avec avis de réception, soit par lettre remise contre récépissé. La société AIR FRANCE conteste la désignation de Madame X... en qualité de représentante de section syndicale au sein de l'établissement Guadeloupe effectuée par courrier daté du 1er août 2011, reçu par l'employeur le 05 août 2011. Ce courrier indique " suite à l'annulation des élections dans les collèges 2 et 3 du CE CI-DOM qui fait revenir la représentativité à la situation ante, dans le cadre du titre II de l'accord relatif au cadre et aux moyens conventionnels d'exercice du droit syndical, nous vous informons de la désignation de madame Eliane X... en qualité de représentant de section syndical SUD AERIEN au sein de votre établissement ". Rien n'indique dans ce courrier qu'il s'agit de la confirmation d'une désignation antérieure et aucune référence n'est faite à la désignation effectuée par courrier du 15 mars 2011. Cependant, le syndicat SUD AERIEN démontre que par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 15 mars 2011, reçu par la société AIR FRANCE le 23 mars 2011, il a désigné Madame X... en qualité de représentante de section syndicale au sein de l'établissement Guadeloupe. L'accusé de réception de cette lettre est signé par son destinataire. La société AIR FRANCE n'établit par avoir contesté la désignation réceptionnée le 23 mars 2011, dans le délai de quinze jours prévu à l'article L. 2143-8 du Code du travail. La désignation de Madame X... intervenue le 23 mars 2011 se trouve donc purgée de tout vice et désormais incontestable. Il n'est pas démontré de cause ayant entraîné la cessation du mandat de représentant syndical donné à Madame X... en mars 2011. Il s'ensuit que cette désignation demeure valable et continue à produire ses effets actuellement. A cet égard, il sera observé à la lumière du courrier du 13 juillet 2011, émanant de la société AIR FRANCE et adressé au syndicat SUD AERIEN, versé en pièce n° 7 du dossier des défendeurs, que la qualité de représentante de section syndicale du syndicat SUD AERIEN de Madame X... est manifestement connue de la société AIR FRANCE et prise en compte, notamment par son invitation aux réunions. La désignation opérée par courrier reçu le 5 août 2011 est strictement identique à celle intervenue en mars 2011, qu'il s'agisse du représentant désigné ou du cadre de la désignation.

Par conséquent, même si la désignation du mois d'août 2011 ne fait pas référence à celle du mois de mars 2011, elle ne peut s'analyser qu'en une confirmation de la précédente désignation, à laquelle elle n'a pas mis un terme dès lors que le courrier du mois d'août 2011 n'indique pas qu'il annule et remplace la précédente désignation. La contestation de la société AIR FRANCE sera par conséquent déclarée irrecevable en la forme, en application de l'article L2143-8 du Code du travail, dès lors que la désignation du 05 août 2011 n'est que la confirmation de la désignation toujours effective du 23 mars 2011, laquelle n'a pas été contestée dans le délai. La société AIR FRANCE sera déboutée de sa demande subséquente de dommages et intérêts » ;

ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; que le Tribunal d'instance a relevé que le courrier du 1er août 2011, adressé par le syndicat Sud Aérien à la société Air France, qui l'a reçu le 5 août 2011, était rédigé en ces termes : « suite à l'annulation des élections dans les collèges 2 et 3 du CE CI DOM qui fait revenir la représentativité à la situation ante, dans le cadre du titre II de l'accord relatif au cadre et aux moyens conventionnels d'exercice du droit syndical, nous vous informons de la désignation de Madame Eliane X... (PTP. KZ) en qualité de représentant de section syndicale Sud Aérien au sein de votre établissement » ; qu'en jugeant que cette désignation « ne pouvait s'analyser qu'en une confirmation de la précédente désignation », celle effectuée le 15 mars 2011, le Tribunal d'instance a dénaturé les termes clairs et précis du courrier du 1er août 2011, et partant, a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble le principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause ;

ALORS, à titre subsidiaire, QUE les dispositions de l'article L. 2143-8 du Code du travail énonçant que les contestations relatives à la désignation des délégués syndicaux doivent être portées devant le tribunal d'instance dans les quinze jours suivant la désignation, à peine d'irrecevabilité, ne comportent aucune exception à cette règle, hors le cas de la fraude qui corrompt tout ; que le Tribunal d'instance a déclaré irrecevable la contestation d'Air France à l'encontre de la désignation de Madame X... en qualité de représentante de la section syndicale Sud Aérien au sein de l'établissement Guadeloupe du 1er août 2011 aux motifs que cette désignation s'analysait en une confirmation de la désignation antérieure non contestée du 15 mars 2011 ; qu'à supposer même que l'on puisse considérer que la désignation du 1er août 2011, s'analyse en une confirmation de celle du 15 mars 2011, le Tribunal d'instance s'est déterminé sans rechercher, comme il y était pourtant invité, ainsi qu'il l'a lui-même relevé (page 1 du jugement) si la désignation du 15 mars 2011 ne constituait pas une fraude à la loi, en ce qu'elle s'inscrivait dans la stratégie du syndicat Sud Aérien de retirer, au mois de février 2011, la désignation de Madame X... effectuée le 24 novembre 2010 à l'approche du premier tour de l'élection des délégués du personnel au sein des comités d'établissement de la société Air France fixé au 1er mars 2011, puis de la désigner immédiatement après le premier tour afin de contourner l'application impérative de l'article L. 2142-1-1 alinéa 3 du Code du travail, en sorte que le délai de quinze jours ne pouvait être valablement opposé à la société Air France s'agissant de la désignation frauduleuse effectuée le 15 mars 2011 ; qu'en s'abstenant de procéder à cette vérification indispensable de la solution du litige, le Tribunal d'instance a violé le principe suivant lequel « la fraude corrompt tout », ensemble les articles L. 2143-8 et L. 2142-1-1 alinéa 3 du Code du travail.



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Délégué syndical


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.