par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 29 mars 2012, 11-30013
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
29 mars 2012, 11-30.013

Cette décision est visée dans la définition :
Avocat




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance confirmative attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 19 novembre 2010) et les productions, que M. X... a confié à Mme Y..., avocate, la défense de ses intérêts dans un litige l'opposant à son épouse ; qu'il a décidé ultérieurement de mettre fin à ce mandat ; que Mme Y... a saisi le bâtonnier de son ordre d'une contestation tendant à la fixation de ses honoraires ; que M. X... a formé un recours devant le premier président de la cour d'appel contre la décision du bâtonnier fixant à une certaine somme le montant des honoraires dus, en soulevant à cette occasion une exception d'inconventionnalité, au regard des dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des dispositions tant législatives que réglementaires de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990, en application desquelles ont été pris les articles 174 à 179 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, régissant la procédure de contestation des honoraires d'avocat organisée devant le bâtonnier de l'ordre, pour non -respect du droit à un procès équitable et de l'impartialité de la juridiction ;

Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance de confirmer la décision du bâtonnier, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement, et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial ; que la procédure de contestation des avocats devant le bâtonnier, telle que prévue par les articles 174 à 179 du décret du 31 décembre 1991, ne satisfait pas à cette exigence dès lors que le seul fait que le bâtonnier soit avocat est de nature à faire naître dans l'esprit du justiciable des doutes légitimes sur l'indépendance et l'impartialité du tribunal ; qu'en retenant, pour écarter le moyen que M. X... tirait de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, que le respect de l'impartialité est garanti par les règles déontologiques applicables à la profession d'avocat, par l'application du principe du contradictoire et par le respect du principe de l'équité, la cour d'appel a violé la disposition précitée ;

2°/ qu'en l'état de la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. X..., l'abrogation de l'article 53-6° de la loi du 31 décembre 1971 par une décision du Conseil constitutionnel emportera l'annulation par voie de conséquence de la décision attaquée ;

Mais attendu que l'ordonnance retient que la procédure spécifique de contestation des honoraires d'avocat, très strictement encadrée tant par les textes que par la jurisprudence, est une procédure orale obéissant aux règles de la procédure civile en la matière, et au cours de laquelle l'avocat et son client exercent leurs droits exactement dans les mêmes conditions ; que M. X... est mal fondé à soutenir que le client ne bénéficie pas d'un procès équitable, dès lors que le bâtonnier ou son délégué exerce une fonction juridictionnelle avec la possibilité pour le client d'exercer un recours contre la décision devant le premier président de la cour d'appel compétente ; que le respect de l'impartialité est garanti par les règles déontologiques applicables à la profession d'avocat, par l'application du principe du contradictoire, et par le respect du principe de l'équité, dès lors qu'à défaut de convention entre les parties, les honoraires sont fixés conformément aux dispositions de la loi du 31 décembre 1971 ; que le fait que le bâtonnier fixe les honoraires non seulement ne porte pas atteinte à l'exigence du procès équitable dès lors qu'il n'affecte pas le droit de celui qui conteste les honoraires de présenter sa cause dans des conditions ne le plaçant pas dans une situation de net désavantage par rapport à l'avocat, partie adverse, mais aussi permet d'assurer le respect du principe de l'égalité des armes ;

Que de ces constatations et énonciations, et alors que la procédure instituée par les articles 174 à 179 du décret du 31 décembre 1991 pour trancher, sur la base de normes de droit et à l'issue d'une procédure organisée, les contestations du montant et du recouvrement des honoraires des avocats, et donnant compétence, pour en connaître, au bâtonnier, avocat élu par ses pairs, tenu dans l'exercice de l'ensemble des attributions attachées à son mandat électif au respect des dispositions réglementaires relatives au règles de déontologie de la profession d'avocat, et dont la décision peut faire l'objet d'un contrôle ultérieur par un magistrat de l'ordre judiciaire présentant les garanties d'indépendance et d'impartialité, ne méconnaît ni les exigences du droit à un procès équitable, ni celles du droit de faire examiner sa cause par un juge impartial, le premier président a déduit à bon droit que les dispositions législatives et réglementaires régissant la procédure de contestation d'honoraires ne sont pas contraires à l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

D'où il suit que le moyen, qui, en sa seconde branche, manque en fait, dès lors que par décision n° 2011-171/178 QPC du 29 septembre 2011, le Conseil constitutionnel a décidé que les dispositions de l'article 53 2° et 6° de la loi n° 71-1130 du 23 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques sont conformes à la Constitution, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils pour M. X...

Le pourvoi fait grief à l'ordonnance attaquée D'AVOIR confirmé la décision par laquelle le Bâtonnier de l'ordre des avocats au Barreau de Paris a fixé à la somme de 5 572 € 50 le montant des honoraires dus par M. X... à son avocate, Me Y... ;

AUX MOTIFS QUE Monsieur Michaël X... soutient que les dispositions tant législatives que réglementaires régissant la procédure de contestation des honoraires devant le Bâtonnier sont contraires d'une part à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales et à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors que le principe du droit à un procès équitable et celui de l'impartialité de la juridiction ne sont pas respectés ; que la procédure spécifique de contestation des honoraires d'avocats, très strictement encadrée tant par les textes que par la jurisprudence, est une procédure orale obéissant aux règles de la procédure civile en la matière et au cours de laquelle l'avocat et son client exercent chacun leurs droits exactement dans les mêmes conditions ; que Monsieur Michaël X... est mal fondé à soutenir que le client ne bénéficie pas d'un procès équitable dès lors que le Bâtonnier ou son délégué exerce une fonction juridictionnelle avec la possibilité pour le client d'exercer un recours contre la décision auprès du Premier Président de la Cour d'appel compétente ; que le respect de l'impartialité est garanti par les règles déontologiques applicables à la profession d'avocat, par l'application du principe du contradictoire et par le respect du principe de l'équité dès lors qu' à défaut de convention entre les parties, les honoraires sont fixés conformément aux dispositions de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 10 juillet 1991 qui prévoit quatre critères : la situation de fortune du client, la difficulté de l'affaire, les frais exposés par l'avocat outre sa notoriété et ses diligences ; que le fait que le Bâtonnier soit celui qui fixe les honoraires non seulement ne porte pas atteinte à l'exigence du procès équitable dès lors qu'il n'affecte pas le droit de celui qui conteste les honoraires de présenter sa cause dans des conditions ne le plaçant pas dans une situation de net désavantage par rapport à l'avocat, partie adverse, mais aussi permet d'assurer le respect du principe de l'égalité des armes ; qu'en conséquence, que les textes législatifs et réglementaires régissant la procédure de contestation d'honoraires ne sont pas contraires tant de l'article 6-1 de la Déclaration des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales que de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

1. ALORS QU'aux termes de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement, et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial ; que la procédure de contestation des avocats devant le Bâtonnier, tel que prévu par les articles 174 à 179 du décret du 31 décembre 1991, ne satisfait pas à cette exigence dès lors que le seul fait que le bâtonnier soit avocat est de nature à faire naître dans l'esprit du justiciable des doutes légitimes sur l'indépendance et l'impartialité du tribunal ; qu'en retenant, pour écarter le moyen que M. X... tirait de la violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, que le respect de l'impartialité est garanti par les règles déontologiques applicables à la profession d'avocat, par l'application du principe du contradictoire et par le respect du principe de l'équité, la Cour d'appel a violé la disposition précitée ;


2. ALORS QU'en l'état de la question prioritaire de constitutionnalité posée par l'exposant, l'abrogation de l'article 53-6° de la loi du 31 décembre 1971 par une décision du Conseil constitutionnel emportera l'annulation par voie de conséquence de la décision attaquée.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.