par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 18 janvier 2012, 10-25685
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
18 janvier 2012, 10-25.685
Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Indivision
Rapport successoral
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Léonard X... est décédé le 9 juillet 1964 en laissant son épouse commune en biens, Hélène Y..., et leurs trois enfants, Marie-Louise, épouse B..., Roger et Michel ; que, par acte notarié du 2 juin 1975, Hélène Y... a fait donation à ce dernier d'une parcelle de terre située ... ; qu'elle est décédée le 12 décembre 1998 en l'état d'un testament olographe du 20 février 1965 léguant à Michel la quotité disponible de sa succession, avec attribution de deux immeubles situés ..., à charge pour lui d'en faire le " rapport " de la valeur excédentaire en espèces si la valeur de ces immeubles excédait la réserve héréditaire et d'un testament olographe du 20 mars 1967 lui attribuant, dans les mêmes conditions, un immeuble situé ...et deux maisons situées ... ; qu'en 2001, Roger X... et son épouse, Mme Z..., ont assigné Marie-Louise et M. Michel X... en liquidation et partage de la communauté et des successions de leurs parents ;
Sur les deuxième et quatrième moyens, ci-après annexés :
Attendu que ces moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 843 du code civil, et l'article 815-10, alinéa 2, du même code, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 ;
Attendu que l'arrêt retient que M. Michel X..., qui avait occupé, avant le décès d'Hélène Y..., un appartement dans un immeuble appartenant à celle-ci, doit rapporter à sa succession l'avantage qu'il a retiré, soit en l'espèce la valeur locative telle que l'avait déterminée l'expert, et que cette demande ne fait pas de difficultés au regard de l'article 843 du code civil et décide qu'en application de l'article 815-10, alinéa 2, du même code, il ne pourra être réclamé la valeur locative de ce bien que dans la limite des cinq années précédant le décès d'Hélène Y... ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions légales gouvernant l'indivision sont étrangères au rapport des libéralités, lesquelles supposent l'existence d'une intention libérale, la cour d'appel a, par fausse application du second et refus d'application du premier, violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen :
Vu les articles 867 et 924, alinéa 2, du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que, hors les cas où la loi permet de ne la faire qu'en valeur, la réduction des legs excessifs consentis à un héritier a lieu en nature ;
Attendu que, pour décider que les legs consentis par Hélène Y... à M. Michel X... seront réductibles en valeur s'il y a lieu à réduction, après avoir retenu que les testaments conféraient à M. Michel X... la qualité de légataire universel et lui attribuaient divers immeubles, l'arrêt énonce qu'aucune disposition légale n'impose la réduction en nature et qu'il y a donc lieu de s'en tenir à la réduction en espèces, conformément à la volonté exprimée de la testatrice ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, sauf le cas où les biens attribués composeraient un ensemble, M. Michel X..., héritier réservataire gratifié, pouvait réclamer l'exécution des legs en nature pourvu que ceux-ci n'excédent pas la totalité de ses droits héréditaires, quotité disponible et part de réserve cumulées, la cour d'appel a, par refus d'application, violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que M. Michel X... doit rapporter à la succession de sa mère la somme de 6 900 euros représentant la valeur locative de l'appartement du premier étage de l'immeuble situé au ...jusqu'au décès de sa mère dans la limite des cinq années précédant le décès, avec les intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2006 et que les legs consentis par Hélène Y... à M. Michel X... les 20 février 1965 et 20 mars 1967 seront réductibles en espèces s'il y a lieu à réduction, l'arrêt rendu le 1er juillet 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mmes Z... et Brigitte X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils pour Mmes Z... et Brigitte X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, sur la demande de rapport à la succession d'Hélène Y... de l'avantage tiré de l'occupation de l'appartement du premier étage de l'immeuble situé ...jusqu'au décès de la de cujus, « dit que Michel X... doit rapporter à la succession de sa mère la somme de 6. 900
par an représentant la valeur locative de l'appartement du premier étage de l'immeuble situé ...jusqu'au décès de sa mère dans la limite des cinq années précédant le décès, avec les intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2006 » ;
AUX MOTIFS QUE Lucette Z... et Brigitte X... font valoir que Michel X... occupait l'appartement du premier étage de l'immeuble situé ..., appartenant à Hélène Y... avant le décès de celle-ci et doit donc rapporter à la succession l'avantage qu'il a retiré, soit en l'espèce la valeur locative telle que l'a déterminée l'expert ; que cette demande ne fait pas difficulté au regard de l'article 843 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006 ; que Michel X... lui oppose subsidiairement et à juste titre les dispositions de l'article 815-10 alinéa 2 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, de sorte qu'il ne pourra être réclamé la valeur locative de l'appartement que dans la limite des cinq années précédant le décès d'Hélène Y... ; que les intérêts de cette valeur ne peuvent être réclamés et porter eux-mêmes intérêts qu'à compter de la demande en justice, soit du 27 décembre 2006 :
ALORS QUE les consorts Z...- X... fondant leur demande indemnitaire non au titre d'une indemnité d'occupation mais au titre de l'avantage indirect dont avait bénéficié Michel X... par rapport à la valeur locative du bien, la Cour d'appel ne pouvait limiter l'indemnité par elle admise en son principe au montant cumulé des cinq années précédant le décès de la de cujus ; qu'en se déterminant de la sorte, elle a violé l'article 815-10 du code civil, ensemble l'article 1134 du même code.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit « Lucette Z... et Brigitte X... mal fondées en leur demande tendant à ce que Michel X... rapporte à la succession d'Hélène Y... la valeur locative de la maison d'habitation de CHATEAUPONSAC jusqu'au décès d'Hélène Y... » ;
AUX MOTIFS QUE par jugement dont appel le tribunal a dit que Marc B... et Marie B... sont redevables envers la succession d'Hélène Y... d'une indemnité d'occupation de 20. 204, 70 à raison de l'occupation de l'immeuble depuis le décès d'Hélène Y... jusqu'au décès de Marie-Louise X... ; qu'il est réclamé en l'état une indemnité d'occupation pour la période antérieure au décès d'Hélène Y... à l'encontre des héritiers de Marie-Louise X..., soit en l'espèce de Michel X... seul, puisque Monique C..., Sandrine X... et Sébastien X... ont renoncé à la succession de Marie-Louise X... ; mais qu'en vertu de l'article 1315 du code civil, il appartient à Lucette Z... et à Gisèle Brigitte X... d'établir que Marie-Louise X... a occupé la maison d'habitation de CHATEAUPONSAC avant le décès de sa mère, ce qui n'est nullement reconnu par Michel X... ;
ALORS QU'en relevant d'office le moyen tiré de l'absence d'occupation de la maison par feue Marie-Louise X... avant le décès de sa mère, sans inviter les parties à s'expliquer sur la période pendant laquelle elle avait occupé les lieux, la Cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les legs consentis par Hélène Y... à Michel X... le 20 février 1965 et le 20 mars 1967 seront réductibles en espèces s'il y a lieu à réduction ;
AUX MOTIFS QUE le Tribunal était saisi d'une demande des époux X...- Z... tendant à voir rapporter à la succession d'Hélène Y... les immeubles de ...et ...; que le tribunal les a déboutés de cette demande au motif que les immeubles légués seront sujets à réduction si leur valeur excède la quotité disponible ; que, si tel est le cas, la réduction s'imposera ; que Lucette Z... et Brigitte X... demandent que cette réduction intervienne en nature ; que les consorts X...- C... font valoir que la réduction peut intervenir en espèces, conformément à la volonté exprimée par la testatrice ; qu'aucune disposition légale n'impose la réduction en nature et il y a donc lieu de s'en tenir à la réduction en espèces, conformément à la volonté exprimée par la testatrice ;
ALORS QUE selon les dispositions conjuguées des articles 867 et 924 du Code civil, dans leur version applicable en l'espèce, l'héritier réservataire gratifié ne peut, sauf cas exceptions prévues par la loi, réclamer l'exécution en nature du legs excédant la totalité de ses droits héréditaires ; qu'en invoquant la volonté de la testatrice et en affirmant l'absence de disposition légale imposant la réduction en nature, pour ordonner la réduction en espèces, la Cour d'appel a violé les articles précités, ensemble l'article 455 du Code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de rapport à la succession des revenus des biens dépendant de la succession d'Hélène Y... perçus du 1er janvier 1999 jusqu'au jour du partage par Michel X... ;
AUX MOTIFS QUE Lucette Z... et Brigitte X... réclament à l'encontre de Michel X... le rapport à la succession des revenus des immeubles appartenant à Hélène Y... depuis le décès de celle-ci en faisant valoir qu'il ne s'est pas fait envoyer en possession et que dès lors il n'a pu les percevoir qu'en qualité de coindivisaire ; que les consorts X...- C... s'opposent à cette demande au motif qu'en sa double qualité de légataire universel et d'héritier réservataire Michel X... était dispensé de demander la délivrance de son legs ; que l'article 1008 du code civil invoqué par Lucette Z... et Brigitte X... n'impose l'envoi en possession au légataire universel institué par un testament olographe ou mystique que dans le cas de l'article 1006 du code civil, c'est-à-dire l'absence d'héritiers réservataires ; que si en vertu de l'article 1004 du code civil le légataire universel est tenu de demander aux héritiers réservataires la délivrance des biens compris dans le testament cette obligation n'est pas applicable à l'héritier réservataire, le même article disposant précisément que les héritiers réservataires sont saisis de tous les biens de la succession par le décès du testateur (en ce sens Civ. 29 avril 1897 17 DP 1897. 1. 409) ;
ALORS QU'en considérant que sa qualité d'héritier réservataire dispensait Michel X... de l'obligation de se faire envoyer en possession, sans vérifier si les legs à lui consentis par feue Hélène Y... n'étaient pas soumis à réduction comme excédant la quotité disponible, circonstance commandant pourtant le sort final des revenus par eux générés jusqu'au jour du partage, la Cour d'appel a statué par une motivation inopérante, violant ainsi les articles 724, 844, 1005 et 815-9 du Code civil.
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Rapport successoral
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.