par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 3 novembre 2011, 10-20162
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
3 novembre 2011, 10-20.162

Cette décision est visée dans la définition :
Avocat




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Riom, 6 mai 2010) et les productions, qu'à l'occasion d'un litige les opposant à un assureur à la suite d'une catastrophe naturelle ayant causé des désordres à leur habitation, M. X... et son épouse, Mme Y..., ont confié la défense de leurs intérêts à M. Z..., avocat, avec lequel ils ont conclu le 4 juillet 2003 une convention d'honoraires selon laquelle ils s'engageaient à payer à l'avocat 10 % des sommes qui leur seraient allouées, outre émoluments et frais taxés ; qu'à l'issue du règlement de ce litige comportant condamnation de l'assureur à payer aux époux X...- Y... une indemnité de sinistre, la somme en cause a été consignée sur un compte CARPA commun ; que chacun des époux, alors séparés et en instance de divorce, a reçu en quote-part, M. X... la somme de 139 139, 78 euros, Mme Y... la somme de 242 502, 77 euros ; que M. Z... a prélevé, sur ce compte CARPA, avec l'accord de M. X..., la somme de 61 230, 46 euros, imputée sur la quote-part d'indemnité de sinistre revenant à M. X... ; que Mme Y... a contesté ce prélèvement et a saisi de cette contestation le bâtonnier de l'ordre des avocats qui, par décision du 25 août 2008, a fixé les honoraires au montant prélevé par M. Z... ; que Mme Y... a formé un recours contre cette décision devant le premier président de la cour d'appel qui, par ordonnance du 19 décembre 2008, l'a infirmée, a dit que le règlement des honoraires par prélèvement sur compte CARPA n'était pas opposable à Mme Y... et qu'il avait été effectué en fraude de ses droits, a annulé la convention d'honoraires du 4 juillet 2003, et a fixé les honoraires de M. Z... pour l'ensemble des procédures dans lesquelles il avait assisté Mme Y... à la somme de 13 595, 09 euros TTC ; que le pourvoi formé par M. Z... contre cette ordonnance a été rejeté par arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation du 10 juin 2010, pourvoi n° 09-11. 627 ; que dans l'intervalle, Mme Y..., ayant échoué à obtenir de M. Z..., devenu bâtonnier de son ordre, la restitution du trop-perçu des honoraires prélevés sur le compte CARPA, a saisi le président du tribunal de grande instance d'une demande de restitution de la somme de 50 042, 11 euros représentant la différence entre le montant des honoraires prélevés et ceux arrêtés par l'ordonnance du 19 décembre 2008 devenue irrévocable ; que par ordonnance du 25 septembre 2009, le président du tribunal de grande instance a accueilli cette demande ; que M. Z... a saisi le premier président de la cour d'appel d'un recours ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'ordonnance de déclarer recevable l'intervention volontaire de M. X... dans l'instance sur recours, alors, selon le moyen, que l'intervention volontaire à titre principal n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant ; que ne se rattache pas à l'instance en demande de restitution d'un trop-perçu d'honoraires fixé par décision de justice par un lien suffisant l'intervention d'une partie-en l'espèce le mari-qui s'oppose à cette restitution en se fondant sur un partage de communauté prétendument inégalitaire ; qu'en déclarant l'intervention de M. X... recevable, le premier président a méconnu les dispositions de l'article 325 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il ressort des motifs de l'ordonnance attaquée que M. Z..., auteur du recours, a sollicité l'infirmation de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance et le débouté de la demande de restitution formée par Mme Y... aux motifs qu'il détenait la somme discutée de manière licite et volontaire de la part de M. X..., et que M. X..., intervenant volontaire, a fait valoir que cette ordonnance le spoliait du fait que son ex-épouse, Mme Y..., n'avait payé aucune somme à l'avocat tout en recevant sur l'indemnité consignée 120 000 euros de plus que lui, et, relevant que M. Z... avait reçu avec son plein accord la somme de 61 230, 46 euros sur la quote-part d'indemnité lui revenant légitimement, a conclu à l'infirmation de l'ordonnance déférée, à ce qu'il soit dit que la somme objet de cette ordonnance s'impute sur sa part de dommages-intérêts lui revenant, à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'il laissait cette somme à l'avocat " au titre de la convention passée entre eux indépendamment de toute convention antérieure ou de toute procédure d'honoraires ", et à ce que les époux X...- Y... soient renvoyés à se mieux pourvoir pour le règlement de leurs intérêts patrimoniaux ;

Qu'en l'état de ces énonciations, dont il a souverainement déduit que les prétentions de M. X... se rattachaient par un lien suffisant à la contestation concernant le montant des honoraires prélevés sur des indemnités allouées indivisément aux époux X...- Y..., le premier président a exactement décidé que l'intervention volontaire principale de M. X... était recevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'ordonnance de la débouter de sa demande de restitution de la somme de 50 042, 11 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que le premier président, saisi d'une demande en restitution d'honoraires d'un avocat après fixation desdits honoraires par décision de justice devenue définitive, ne peut statuer sur aucune demande incidente, s'agirait-il d'un partage de communauté formée par une partie intervenante en cause d'appel ; que le fait que le mari de Mme Y... soit intervenu en cause d'appel pour faire valoir, pour appuyer les prétentions de M. Z..., qu'il avait, pour sa part, convenance à laisser à cet avocat la propriété de la totalité de la somme par lui prélevée en vertu de la convention passée entre eux et en raison du fait que le partage de la communauté des époux X...- Y... aurait été inégal, n'était pas de nature à permettre au président de rejeter la demande de restitution du trop-perçu à la CARPA demandé par la femme ; qu'en statuant comme il l'a fait, le premier président a excédé ses pouvoirs et violé les articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

2°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties ; qu'en l'espèce, le litige portait sur la seule demande de restitution à la CARPA des honoraires trop perçus par M. Z..., après réduction de ceux-ci par une ordonnance du 19 décembre 2008 rendue par le président de la cour d'appel de Riom et devenue définitive par suite du rejet du pourvoi en cassation de M. Z... ; qu'en déboutant Mme Y... de sa demande pour les motifs sus-rapportés faisant référence à un partage de communauté qui n'était pas dans le débat, le premier président a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu que lorsque le montant contesté des honoraires de l'avocat a été arrêté, par une ordonnance définitive rendue par le premier président d'une cour d'appel, à une somme inférieure à celle prélevée par l'avocat sur le compte CARPA ouvert au nom du client, la demande de restitution de l'excédent faite par le client constitue une contestation du recouvrement des honoraires d'avocat au sens de l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

Et attendu que l'ordonnance retient que si, sur la contestation élevée par Mme Y..., les honoraires de M. Z... avaient été taxés à 13 595, 09 euros par ordonnance du 19 décembre 2008 inopposable à M. X..., qui n'était pas partie à l'instance, ce dernier n'entendait pas remettre en cause la convention d'honoraires du 4 juillet 2003 et souhaitait laisser à M. Z... le bénéfice de la somme de 61 230, 46 euros résultant de l'application de cette convention et qu'il l'avait autorisé à prélever le 7 mars 2008 sur les fonds détenus au compte CARPA ; que les sommes payées par la MAIF en exécution du jugement du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand du 30 mars 2006 et de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Riom le 3 mai 2007 et consignées sur le compte CARPA étaient indivises entre les époux X... ; que s'il résulte des dispositions de l'article 815-3 du code civil que les actes d'administration et de disposition portant sur un bien indivis requéraient, sauf exception, le consentement de tous les indivisaires, chacun d'eux pouvait cependant librement disposer de sa quote-part de droits sur le bien indivis ; qu'il résulte par ailleurs des pièces versées aux débats que Mme Y... avait perçu 103 362, 99 euros de plus que son mari ; que, dès lors, Mme Y... qui n'établit en rien que la somme de 50 042, 11 euros représentant la différence entre la somme perçue par M. Z... et le montant des honoraires tel que résultant de l'ordonnance de taxe du 19 décembre 2008 serait venue réduire, ne serait-ce que pour partie, la quote-part lui revenant sur le montant des condamnations qui étaient consignées en compte CARPA, doit être déboutée de sa demande en restitution de ladite somme ;

Que de ces constatations et énonciations, d'où il résultait qu'en dépit de l'absence de partage de l'indivision existant entre eux, M. X... et Mme Y... avaient procédé à un partage de l'indemnité de sinistre versée par l'assureur sur leur compte CARPA et que M. X... avait seul supporté sur sa propre quote-part le paiement des honoraires convenus avec M. Z..., le premier président a pu déduire, sans méconnaître l'objet du litige ni excéder sa compétence, que Mme Y... était sans intérêt à réclamer personnellement la restitution de la somme excédant le montant des honoraires définitivement fixés ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils pour Mme Y..., demanderesse au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'AVOIR déclaré recevable l'intervention volontaire de M. X... en cause d'appel ;

AUX MOTIFS QUE la contestation objet de la présente instance concernant des honoraires prélevés sur des condamnations prononcées indivisément au profit de Mme Y... et de M. X..., ce dernier, à qui la décision dont appel et la présente décision étaient susceptibles de faire grief avait incontestablement un intérêt à intervenir à la procédure ;

ALORS QUE l'intervention volontaire à titre principal n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant ; que ne se rattache pas à l'instance en demande de restitution d'un trop-perçu d'honoraires fixé par décision de justice par un lien suffisant l'intervention d'une partie-en l'espèce le mari-qui s'oppose à cette restitution en se fondant sur un partage de communauté prétendument inégalitaire ; qu'en déclarant l'intervention de M. X... recevable, le premier président a méconnu les dispositions de l'article 325 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'AVOIR débouté Mme Y... de sa demande de restitution de la somme de 50 042, 11 € ;

AUX MOTIFS QUE si, sur la contestation élevée par Mme Y... les honoraires de M. Z... avaient été taxés à 13 595, 09 € par ordonnance de Mme la première présidente du 19 décembre 2008 inopposable à M. X..., qui n'était pas partie à l'instance, ce dernier n'entendait pas, quant à lui, remettre en cause la convention d'honoraires du 4 juillet 2003 et souhaitait laisser à Me Z... le bénéfice de la somme de 61 230, 46 € résultant de l'application de cette convention et qu'il l'avait autorisé à prélever le 7 mars 2008 sur les fonds détenus en CARPA ; qu'il était incontestable que les sommes payées par la MAIF en exécution du jugement du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand du 30 mars 2006 et de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Riom le 3 mai 2007 et consignées sur le compte CARPA étaient indivises entre les époux X... ; que s'il résultait des dispositions de l'article 815-3 du code civil que les actes d'administration et de disposition portant sur un bien indivis requéraient, sauf exception, le consentement de tous les indivisaires, chacun d'eux pouvait cependant librement disposer de sa quotepart de droits sur le bien indivis ; qu'il résultait par ailleurs des pièces versées aux débats et notamment d'un mail adresséle 24 mars 2010 par Mme Y... à son avocat que celle-ci précisait qu'en accord entre les époux, son mari avait reçu 139 139, 78 € et elle-même 242 502, 77 € c'est-à-dire 103 362, 99 € de plus que celui-ci ; que, dès lors, Mme Y... qui n'établissait en rien que la somme de 50 042, 11 € représentant la différence entre la somme perçue par Me Z... et le montant des honoraires tel que résultant de l'ordonnance de taxe du 19 décembre 2008 serait venue réduire, ne serait-ce que pour partie, la quote-part lui revenant sur le montant des condamnations qui étaient consignées en CARPA, devait être déboutée de sa demande en restitution de ladite somme ;

ALORS 1°) QUE le premier président, saisi d'une demande en restitution d'honoraires d'un avocat après fixation desdits honoraires par décision de justice devenue définitive, ne peut statuer sur aucune demande incidente, s'agirait-il d'un partage de communauté formée par une partie intervenante en cause d'appel ; que le fait que le mari de Mme Y... soit intervenu en cause d'appel pour faire valoir, pour appuyer les prétentions de Me Z..., qu'il avait, pour sa part, convenance à laisser à cet avocat la propriété de la totalité de la somme par lui prélevée en vertu de la convention passée entre eux et en raison du fait que le partage de la communauté des époux X...-Y... aurait été inégal, n'était pas de nature à permettre au président de rejeter la demande de restitution du trop perçu à la CARPA demandé par la femme ; qu'en statuant comme il l'a fait, le premier président a excédé ses pouvoirs et violé les articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

ALORS 2°) QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties ; qu'en l'espèce, le litige portait sur la seule demande de restitution à la CARPA des honoraires trop perçus par Me Z..., après réduction de ceux-ci par une ordonnance du 19 décembre 2008 rendue par le président de la cour d'appel de Riom et devenue définitive par suite du rejet du pourvoi en cassation de Me Z... ; qu'en déboutant Mme Y... de sa demande pour les motifs sus-rapportés faisant référence à un partage de communauté qui n'était pas dans le débat, le président a méconnu les termes du litige et violé l'article4 du code de procédure civile.

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour M. Z..., demandeur au pourvoi incident éventuel

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir jugé recevable la demande de restitution formée par Mme Y... ;

AUX MOTIFS QUE si la procédure spéciale prévue par l'article 174 du décret du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives à la fixation et au recouvrement des honoraires des avocats aucune disposition ne permet en cas de contestation relative au recouvrement, de limiter au seul avocat, la possibilité de saisir le bâtonnier où le président du tribunal de grande instance lorsque la contestation est relative aux honoraires du bâtonnier ; QU'il s'ensuit que cet article permet soit à l'avocat qui n'a pu percevoir ses honoraires de demander condamnation du client au paiement, soit au client qui estime avoir trop payé de demander restitution à son avocat ; QUE par ailleurs l'ordonnance du 19 décembre 2008 par laquelle Mme la première présidente a statué sur la validité du prélèvement effectué par Me Z... sur le compte Carpa, ainsi que sur la validité de la convention d'honoraires du 4 juillet 2003 et fixé le montant des honoraires de Me Z..., ne constitue pas un titre exécutoire ouvrant droit à restitution pour Mme Y... ; QU'il apparaît par conséquent qu'en sollicitant la restitution des honoraires qu'elle estimait indûment perçus, demande qui n'avait pas été formulée devant Mme la première présidente lors de l'instance ayant donné lieu à l'ordonnance du 19 décembre 2008, Mme Y... ne présentait pas par un moyen nouveau une demande déjà formulée mais bien une demande nouvelle de telle sorte qu'en l'absence d'identité d'objet il ne peut lui être opposé une quelconque autorité de la chose jugée qui résulterait de l'ordonnance précitée ;

ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; que la demande tendant à voir déclarer inopposable à Mme Y... le règlement des honoraires de Me Z... par prélèvement sur le compte Carpa, et à voir réduire ces honoraires, tendait au même objet que celle visant à la restitution de ces mêmes sommes sur le compte Carpa ; qu'en jugeant le contraire, pour dire recevable la demande de Mme Y..., la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.