par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. plen., 3 juin 2011, 09-71352
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Cour de cassation, assemblée plénière
3 juin 2011, 09-71.352

Cette décision est visée dans la définition :
Sécurité sociale




Arrêt n° 600 P + B + R + I
Pourvoi n° T 09-71. 352

LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la caisse d'allocations familiales (CAF) de Paris, dont le siège est 50 rue du Docteur Finlay, 75750 Paris cedex 15,

contre l'arrêt rendu le 24 septembre 2009 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant à :

1°/ M. Omar X..., domicilié ...,
(aide juridictionnelle totale, décision du 18 décembre 2009)

2°/ la direction régionale des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France (DRASSIF), dont le siège est 58-62 rue de Mouzaïa, 75935 Paris cedex 19,

défendeurs à la cassation ;

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a, par arrêt du 13 janvier 2011, décidé le renvoi de l'affaire devant l'assemblée plénière ;

La demanderesse invoque, devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la CAF de Paris ;

Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. X... ;

Le rapport écrit de Mme Monéger, conseiller, et l'avis écrit de M. Azibert, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;

Sur quoi, LA COUR, siégeant en assemblée plénière, en l'audience publique du 20 mai 2011, où étaient présents : M. Lamanda, premier président, Mmes Favre, Collomp, MM. Louvel, Charruault, Loriferne, présidents, M. Cachelot, conseiller doyen remplaçant M. Lacabarats, président empêché, Mme Monéger, conseiller rapporteur, M. Mazars, Mme Koering-Joulin, MM. Pluyette, Dulin, Mme Pinot, M. Linden, Mmes Laporte, Feydeau, MM. Rouzet, Gosselin, Prétot, conseillers, M. Azibert, premier avocat général, Mme Tardi, directeur de greffe ;

Sur le rapport de Mme Monéger, conseiller, assistée de Mme Bernard, greffier en chef au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, de la SCP Gadiou et Chevallier, l'avis de M. Azibert, premier avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à la CAF de Paris de son désistement à l'égard de la DRASSIF ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., de nationalité marocaine, qui justifie d'une carte de résident valable jusqu'en juin 2011, a sollicité, en septembre 2005, de la caisse d'allocations familiales de Paris (la caisse) le bénéfice des prestations familiales au titre de ses deux filles, Nassiba et Alaf, nées respectivement les 23 mai 1986 et 17 juin 1989 au Maroc et arrivées en France le 15 août 2003 en dehors de la procédure de regroupement familial ; que la caisse ayant rejeté sa demande au motif qu'il ne produisait pas le certificat médical de l'Office des migrations internationales, devenu l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), il a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de dire que les prestations familiales étaient dues à M. X... du chef de ses deux enfants à compter du mois de septembre 2003, alors, selon le moyen, que, pour la période antérieure au 19 décembre 2005, le code de la sécurité sociale imposait déjà la production du certificat de contrôle médical délivré par l'Office national de l'Immigration, attestant de l'entrée régulière sur le territoire des mineurs pour lesquels les allocations familiales étaient sollicitées rétroactivement ; qu'en effet l'article D. 511-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure disposait que « la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée par la production d'un des titres de séjour ou documents prévus à l'article D. 511-1, à défaut par la production d'un des documents suivants :- extrait d'acte de naissance en France ;- certificat de contrôle médical, délivré par l'Office national d'immigration à l'issue de la procédure de regroupement familial et comportant le nom de l'enfant » ; qu'en affirmant néanmoins que pour la période antérieure à la loi du 19 décembre 2005, les allocations familiales étaient dues de plein droit à raison de la seule régularité du séjour des parents, sans qu'ils n'aient à produire le certificat de contrôle médical délivré par l'Office national de l'immigration attestant de l'entrée régulière en France de leurs enfants, la cour d'appel a violé les articles L. 512-1, L. 512-2 et D. 511-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction alors applicable ;

Mais attendu que l'arrêt constate que M. X..., dont il n'est pas contesté qu'il assume la charge effective et permanente de ses deux enfants, justifie être titulaire d'une carte de résident valable de juin 2001 à juin 2011 ; que la cour d'appel en a exactement déduit que jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005 qui a modifié les conditions d'attribution des prestations familiales, le bénéfice de celles-ci ne pouvait être subordonné à la production d'un certificat de l'OFII ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles L. 512-1, L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue respectivement de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 et du décret n° 2006-234 du 27 février 2006, ensemble les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que pour accueillir la demande de M. X... tendant à obtenir les prestations familiales pour la période postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005, l'arrêt retient que la nouvelle réglementation qui subordonne le bénéfice des prestations familiales à la justification de la régularité du séjour des enfants porte une atteinte disproportionnée au principe de non-discrimination en raison de l'origine nationale et au droit à la protection de la vie familiale garantis par les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les nouvelles dispositions législatives et réglementaires, qui revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un état démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants, ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a admis la demande de M. X... relativement au versement des prestations familiales, postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005, l'arrêt rendu le 24 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse d'allocations familiales de Paris ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du trois juin deux mille onze.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la caisse d'allocations familiales (CAF) de Paris.

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les prestations familiales étaient dues à monsieur X... du chef de ses deux enfants à compter du mois de septembre 2003, y compris pour la période postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005 et de l'AVOIR renvoyé devant la caisse pour la liquidation de ses droits ;

AUX MOTIFS QU'aux termes des articles L. 512-1 et L. 512-2 du code de la sécurité sociale « toute personne française ou étrangère résidant en France, ayant à sa charge un ou plusieurs enfants résidant en France, bénéficie pour ces enfants des prestations familiales » ; que « bénéficient de plein droit des prestations familiales dans les conditions fixées par le présent livre les étrangers titulaires d'un titre exigé d'eux pour résider régulièrement en France » ; qu'avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005, l'article D. 511-2 du code disposait que la régularité du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à sa charge et au titre desquels il demande des prestations familiales pouvait être justifiée par la production d'un des titres de séjour ou document de circulation prévus à l'article D. 511-1 alors en vigueur et, à défaut, par la production du certificat de contrôle médical délivré par l'office des migrations internationales ; qu'il en résulte que pour la période antérieure à cette loi, les étrangers résidant régulièrement en France avec leurs enfants mineurs bénéficiaient de plein droit des prestations familiales, sans avoir besoin de justifier du certificat du contrôle médical délivré par l'Office des migrations internationales ; qu'en l'espèce, pour cette période, monsieur X..., dont il n'est pas contesté qu'il assume la charge effective et permanente de ses deux enfants justifie être titulaire d'une carte de résident valable de juin 2001 à juin 2011 ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont décidé que le droit aux prestations familiales de monsieur X... au titre de ses deux enfants était ouvert pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005 ;

ET QUE l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 27 février 2006, pris en application de la loi du 19 décembre 2005, dispose dorénavant que la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à sa charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée par la production de l'un des documents qu'il énumère ; qu'est ainsi exigé de l'enfant un document de séjour qui lui soit personnel ; que toutefois cette réglementation qui subordonne le bénéfice des prestations familiales à la justification de la régularité du séjour des enfants porte une atteinte disproportionnée au principe de non-discrimination en raison de l'origine nationale et au droit à la protection de la vie familiale garantis par les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que dès lors que monsieur X..., qui justifie résider régulièrement en France avec ses deux filles dont il a la charge effective et permanente, a droit aux prestations familiales au titre de ses enfants, sans qu'il puisse utilement lui être reproché de ne pas produire l'un des documents exigés par l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale ; que, de même, le service de ces prestations ne saurait être interrompu à la majorité des enfants de monsieur X... au seul motif qu'ils sont à cette date dans l'incapacité de justifier d'un titre de séjour qui leur soit personnel ; qu'il y a donc lieu de réformer la décision entreprise relativement aux prestations afférentes à la période postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005 ; qu'en l'état des observations de la caisse reconnaissant la possibilité d'un paiement rétroactif des prestations dans la limite de la prescription prévue par l'article L. 553-1 du code de la sécurité sociale, il convient de dire que ces prestations seront dues à compter du mois de septembre 2003 ;

1. – ALORS QUE pour la période antérieure au 19 décembre 2005, le code de la sécurité sociale imposait déjà la production du certificat de contrôle médical délivré par l'Office national de l'immigration, attestant de l'entrée régulière sur le territoire des mineurs pour lesquels les allocations familiales étaient sollicitées rétroactivement ; qu'en effet l'article D. 511-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure disposait que « la régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée par la production d'un des titres de séjour ou documents prévus à l'article D. 511-1, à défaut par la production d'un des documents suivants :- extrait d'acte de naissance en France ;- certificat de contrôle médical, délivré par l'Office national d'immigration à l'issue de la procédure de regroupement familial et comportant le nom de l'enfant » ; qu'en affirmant néanmoins que pour la période antérieure à la loi du 19 décembre 2005, les allocations familiales étaient dues de plein droit à raison de la seule régularité du séjour des parents, sans qu'ils n'aient à produire le certificat de contrôle médical délivré par l'Office national de l'immigration attestant de l'entrée régulière en France de leurs enfants, la cour d'appel a violé les articles L. 512-1, L. 512-2 et D. 511-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction alors applicable ;

2. – ALORS QU'est conforme aux exigences posées par la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le fait d'imposer aux étrangers résidant régulièrement en France et souhaitant y faire venir leurs enfants mineurs de respecter la procédure de regroupement familial pour pouvoir bénéficier des prestations familiales, et de les refuser à ceux qui ont contourné le dispositif légal lorsque ce dernier trouvait à s'appliquer ; qu'en l'espèce, il est constant que monsieur X..., en situation régulière en France, a fait irrégulièrement entrer sur le territoire français ses deux enfants mineurs en 2003 en méconnaissance de la procédure de regroupement familial ; qu'ainsi en soumettant le bénéfice des prestations familiales à la production par monsieur X... des certificats de contrôle médical, délivrés par l'Office national d'immigration à l'issue de la procédure de regroupement familial, justifiant de la régularité de leur entrée sur le territoire français, la CAF de Paris n'a commis aucune discrimination ni violation des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé ensemble l'article D. 512-2 du Code de la sécurité sociale et les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3. – ALORS QUE dans sa rédaction issue du décret du 27 février 2006, l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale prévoit que pour bénéficier des prestations familiales au titre d'enfants majeurs, l'allocataire doit justifier que ceux-ci détiennent un titre de séjour personnel ; que tel n'était pas le cas en l'espèce pour les deux enfants de monsieur X... ; qu'en affirmant néanmoins que pour la période postérieure à la loi du 19 décembre 2005, les prestations familiales continuaient à être dues après la majorité des enfants, même s'ils ne justifiaient pas d'un titre de séjour qui leur soit personnel, la cour d'appel a violé les articles L. 512-1, L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction alors applicable.



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