par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 6 avril 2011, 10-14425
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
6 avril 2011, 10-14.425

Cette décision est visée dans la définition :
Renvoi




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 25 novembre 2009), que les époux X... ont assigné les consorts Y... devant le tribunal d'instance en bornage de leurs propriétés ; que, modifiant leurs demandes, ils ont sollicité oralement devant ce tribunal qu'il soit enjoint aux consorts Y... d'ériger un contre-mur afin que soit libéré le mur leur appartenant sur lequel était ancré le mur de ceux-ci et de procéder au déplacement d'une gouttière ; que le tribunal d'instance s'est déclaré incompétent et a renvoyé la cause dans son ensemble devant le tribunal de grande instance ; que les époux X... ont constitué avocat mais n'ont pas conclu devant ce tribunal avant l'ordonnance de clôture ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles 97 et 753 du code de procédure civile ;

Attendu, selon le second de ces textes, que les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait ou en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée ;

Attendu que, pour déclarer recevables les demandes présentées devant la cour d'appel par les époux X..., l'arrêt, qui relève qu'à la suite du renvoi de l'affaire par le tribunal d'instance, l'instance s'est poursuivie en l'état où elle se trouvait sans qu'il y ait lieu de reprendre les actes déjà accomplis et que les époux X... n'avaient déposé devant le tribunal de grande instance que des conclusions irrecevables, retient qu'en l'absence de toutes autres écritures déposées devant ce tribunal, celui-ci était fondé à s'estimer saisi des demandes formées oralement par les époux X... devant le tribunal d'instance, les demandes présentées devant le tribunal d'instance obéissant aux règles de procédure applicables devant cette juridiction et donc au principe de l'oralité, et que les demandes formées devant la cour d'appel tendent aux mêmes fins que celles formées devant les premiers juges ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de conclusions écrites régulièrement déposées devant lui, le tribunal de grande instance n'était saisi d'aucune demande des époux X..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils, pour les consorts Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevables les demandes présentées devant la Cour par Monsieur et Madame X... et d'avoir ordonné aux consorts Y... de procéder à la démolition des empiètements sur l'immeuble des époux X... et de procéder, sous astreinte, aux travaux préconisés par l'expert Z... en page 12 de son rapport du 29 décembre 1999 ;

Aux motifs propres que le Tribunal, dans le jugement entrepris, a tiré les justes conséquences de la situation procédurale ; que les conclusions déposées le 1er juillet 2008 par les époux X..., postérieurement à l'ordonnance de clôture, ont été à juste titre déclarées irrecevables, ce que ceux-ci ne contestent d'ailleurs pas ; que par ailleurs, à la suite du renvoi de l'affaire par le Tribunal d'instance devant le Tribunal de grande instance, s'appliquaient les dispositions de l'article 97 du Code de procédure civile ; qu'il en résultait que l'instance se poursuivait alors en l'état où elle se trouvait sans qu'il y ait lieu de reprendre les actes déjà accomplis ; que dès lors, c'est exactement que le premier juge a considéré que, par suite de l'irrecevabilité des conclusions du 1er juillet 2008 et en l'absence de toutes autres écritures déposées devant lui depuis sa saisine, il devait s'estimer saisi des demandes qui avaient été formées oralement par les époux X... devant le Tribunal d'instance de Dieppe le 11 janvier 2007 et qui étaient d'ailleurs à l'origine de la déclaration d'incompétence de cette juridiction et du renvoi devant le Tribunal de grande instance ; que les consorts Y... ne peuvent utilement, pour s'y opposer, se prévaloir du caractère écrit de la procédure devant le Tribunal de grande instance dans la mesure où les demandes qui avaient été présentées devant le Tribunal d'instance obéissaient aux règles de procédure applicables devant cette juridiction et donc au principe de l'oralité ; qu'ainsi que l'avait constaté le Tribunal d'instance, les époux X... avaient ainsi sollicité d'une part l'édification par les défendeurs d'un contre-mur destiné à supporter les ancrages d'une construction empiétant sur leur propriété, d'autre part le déplacement d'une gouttière déversant les eaux pluviales du fonds Y... sur leur propre fonds ; que dans ces conditions, il ne peut qu'être constaté que les conclusions des époux X... devant la Cour tendent aux mêmes fins de sorte qu'il ne s'agit pas de demandes nouvelles et qu'elles doivent être déclarées recevables ;

Et aux motifs ainsi repris des premiers juges qu'il convient de rejeter la demande de révocation de l'ordonnance de clôture de Monsieur et Madame X... et de déclarer irrecevables leurs conclusions du 1er juillet 2008, ainsi que les pièces n° 16 et 17 communiquées le même jour ; que le Tribunal est dès lors saisi des demandes régulièrement formées oralement par Monsieur et Madame X... lors de l'audience du Tribunal d'instance de Dieppe du 11 janvier 2007 ; que ces demandent sic tendent à l'édification d'un contre-mur et au dépassement de gouttières appartenant à Madame A... et Monsieur Y... ;

Alors, de première part, que le tribunal de grande instance n'est valablement saisi que par voie de conclusions régulièrement déposées dans les conditions prévues à l'article 753 du Code de procédure civile ; qu'après avoir rappelé que les conclusions déposées devant le Tribunal de grande instance par Monsieur et Madame X... avaient été déclarées irrecevables en raison de leur tardiveté, la Cour d'appel ne pouvait estimer, sans violer cette disposition, ensemble l'article 564 du Code de procédure civile et l'article 97 du même Code, que le Tribunal, en raison de cette irrecevabilité, était néanmoins saisi des demandes formées verbalement à l'audience du Tribunal d'instance originairement saisi du litige par Monsieur et Madame X..., lesquels étaient dès lors recevables à les réitérer en cause d'appel, alors que celles-ci ne pouvaient être retenues par le Tribunal de grande instance, faute d'avoir été réitérées devant lui par voie de conclusions ;

Subsidiairement,

Alors, de deuxième part, qu'en leurs écritures d'appel, les exposants faisaient valoir qu'ayant conclu devant le Tribunal de grande instance, fût-ce tardivement, sans reprendre devant celui-ci les demandes qu'ils avaient précédemment formulées devant le Tribunal d'instance, Monsieur et Madame X... devaient, en application de l'article 753 du Code de procédure civile, être réputés avoir abandonné les prétentions qui n'étaient pas reprises dans lesdites conclusions, sans pouvoir, sauf à méconnaître l'irrecevabilité des demandes formulées pour la première fois en cause d'appel, prétendre les réitérer à hauteur d'appel ; que la Cour d'appel qui n'a pas répondu à ce chef pertinent des écritures d'appel des exposants a, quel qu'en ait été le mérite, entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions et l'a privé de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Et alors, en toute hypothèse, que la Cour d'appel ne pouvait estimer que le Tribunal de grande instance avait été valablement saisi des prétentions et moyens formulés devant le Tribunal d'instance par Monsieur et Madame X... sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ces prétentions avaient ou non été reprises par ceux-ci dans leurs conclusions déposées le 1er juillet 2008, fût-ce postérieurement à l'ordonnance de clôture, Monsieur et Madame X... devant à défaut être réputés les avoir abandonnées, nonobstant l'irrecevabilité desdites conclusions ; qu'en statuant de la sorte sans procéder à cette recherche, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 753 alinéa 2 du Code de procédure civile ;

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevables les demandes présentées devant la Cour par Monsieur et Madame X... et d'avoir ordonné aux consorts Y... de procéder à la démolition des empiètements sur l'immeuble des époux X... et de procéder, sous astreinte, aux travaux préconisés par l'expert Z... en page 12 de son rapport du 29 décembre 1999 ;

Aux motifs que, contrairement à ce que soutiennent les intimés, les appelants exercent une action en revendication puisqu'ils invoquent un empiètement sur leur propriété et sollicitent la démolition de l'ouvrage constitutif de cet empiètement ; que le jugement doit de ce chef être réformé en ce qu'il a considéré l'action prescrite alors que l'action en revendication n'est pas susceptible de prescription extinctive ; que s'agissant de l'empiètement lui-même, les consorts Y... n'élèvent aucune objection à l'encontre des explications des époux X... et des éléments qu'ils tirent des rapports d'expertise successifs de MM Z... et B... ; qu'il résulte de ces deux rapports que pour procéder à l'agrandissement de la maison située au n° 16 de la rue Paul Bert à Neuville-les-Dieppe qui appartient aux consorts Y... depuis 1977, des travaux ont été réalisés dans la partie attenante à la maison située au n° 18 dont sont propriétaires les époux X... ; qu'à la suite de ces travaux, il a été constaté par M. Z... que la poutre linteau de la porte du garage de la propriété Y... est encastrée dans le mur de l'immeuble des époux X..., cet encastrement ayant été évalué par l'expert à 12 cm de largeur, 20 cm de hauteur et 20 cm de profondeur ; que M. B... a luimême relevé l'ancrage de ce linteau dans le mur de l'immeuble des époux X... ; que, de même, les deux experts ont constaté qu'en l'absence de contre-mur dans le garage et la petite chambre à l'étage de la maison des consorts Hamy, les solives du plancher de l'étage sont également encastrées dans le mur pignon de la maison des époux X... ; que si, entre les deux expertises, certains travaux de consolidation de la charpente ont été réalisés dans l'immeuble des intimés, M. B... a noté dans son rapport du 20 septembre 2001 : « si la solidité du nouvel appui de la charpente est acquise, il faut rappeler que le nouvel appui repose sur des solives qui sont toujours scellées à l'une de leurs extrémités dans le mur des consorts X... » ; que l'empiètement étant ainsi démontré, les époux X... sont bien fondés à en solliciter la suppression par sa démolition et la réalisation de travaux susceptibles de remédier à la situation tels qu'ils ont été préconisés par M. Z... en page 12 de son rapport et qui seront repris au dispositif de la présente décision ;

Alors que l'action tendant à la démolition d'un ouvrage empiétant sur un autre immeuble est une action réelle se prescrivant par trente ans en application de l'article 2262 du Code civil en sa rédaction applicable à la cause, dès lors que cette prescription était acquise avant l'entrée en vigueur de la loi 2008-561 du 17 juin 2008 ; que les exposants se prévalant du fait que les ouvrages litigieux, dont les époux X... poursuivaient la démolition, avaient été construits plus de trente ans avant l'introduction de cette action, la Cour d'appel ne pouvait écarter l'exception de prescription soulevée sans s'expliquer sur la date d'achèvement desdits travaux ; qu'en cet état, elle a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 2262 du Code civil en sa rédaction applicable en la cause.



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Cette décision est visée dans la définition :
Renvoi


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.