par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 9 mars 2011, 10-30223
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
9 mars 2011, 10-30.223

Cette décision est visée dans la définition :
Propriété commerciale




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 2009), que, le 25 octobre 1976, la société civile immobilière Pierre Croissance ( la SCI), propriétaire d'un appartement, l'a donné à bail à Mme X... pour une durée de six ans ; que le bail a été reconduit ; que le 23 juin 2003, la SCI a délivré à la locataire un congé fondé sur l'article 15 I de la loi du 6 juillet 1989 invoquant un motif légitime et sérieux tiré de l'usage exclusivement professionnel des locaux ; que la preneuse s'étant maintenue dans les lieux, la bailleresse l'a assignée aux fins de faire déclarer son congé valable et obtenir son expulsion ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen :

1°/ que la soumission volontaire des parties à un statut d'ordre public emporte l'application de toutes ses dispositions qui leur sont impérativement applicables ; qu'il s'ensuit qu'en cas d'assujettissement volontaire des parties au statut légal des baux d'habitation résultant de la loi du 6 juillet 1989 qui leur est applicable en chacune de ses dispositions, le preneur peut se prévaloir du droit au renouvellement du bail, même s'il n'occupe les lieux qu'à titre professionnel, sans que le bailleur puisse lui opposer le défaut d'habitation effective des locaux pour délivrer un congé pour motif légitime réel et sérieux ; que Mme X... a rappelé à cet égard, dans ses conclusions, que les parties étaient convenues de soumettre volontairement leur convention au statut légal des baux d'habitation, tel qu'il résulte successivement des lois du 22 juin 2001, du 23 décembre 2006 et du 6 juillet 1989, ainsi que le bailleur l'a reconnu dans ses propres écritures, dès lors qu'il l'avait autorisée, par un courrier du 25 octobre 1976, à affecter à un usage exclusivement professionnel, l'appartement qu'il lui avait loué pour un usage mixte, et qu'il s'est placé successivement sous le régime des lois régissant les baux à usage d'habitation principale et professionnelle des 22 juin 1982, 23 décembre 1986 et 6 juillet 1989, à l'occasion de chacun des renouvellements ; qu'en décidant cependant, pour priver Mme X... du bénéfice du droit au renouvellement du bail, en l'absence d'habitation effective des lieux, que la loi du 6 juillet 1989 ne distingue pas selon que son application procède ou non de la volonté des parties après avoir constaté que l'autorisation donnée à Mme X... d'affecter les locaux à usage professionnel, par courrier du 25 octobre 1976, ne prive pas le bail de son caractère mixte, bien que les parties aient manifesté la volonté de se soumettre volontairement au statut légal des baux d'habitation, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil par refus d'application, ensemble les articles 2 et 15 I de la loi du 6 juillet 1989 ;

2°/ que les parties ont rappelé, dans leurs conclusions respectives, qu'elles étaient convenues de soumettre volontairement leur convention au statut légal des baux d'habitation, tel qu'il résulte successivement des lois du 22 juin 1982, du 23 décembre 1986 et du 6 juillet 1989, dès lors que le bailleur avait autorisé Mme X..., par un courrier du 25 octobre 1976, à affecter à un usage exclusivement professionnel, l'appartement qu'il lui avait loué, le même jour, pour un usage mixte ; qu'en décidant cependant que ce courrier n'affecte pas le caractère du bail qui est conclu à usage mixte professionnel et d'habitation, la cour d'appel a méconnu les termes du litige ; qu'ainsi, elle a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que le juge doit respecter le principe de la contradiction ; qu'en relevant de sa propre initiative le moyen tiré de ce que le courrier précité du 25 octobre 1976 n'a pas modifié le caractère du bail qui a été conclu pour un usage mixte et d'habitation, sans provoquer les explications des parties sur ce moyen qu'elle a relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions par lesquelles Mme X... rappelait que l'adoption volontaire du régime des baux d'habitation résultait également de ce que la société bailleresse s'était placée successivement sous le régime des lois régissant les baux à usage d'habitation principale et professionnel des 22 juin 1982, 23 décembre 1986 et 6 juillet 1989 à l'occasion de chacun des renouvellements, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que si tel n'est pas le cas, le congé doit être délivré de bonne foi par le bailleur ; que Mme X... a soutenu que le bailleur, par son comportement incohérent, est brusquement revenu sur la parole donnée en délivrant un congé pour défaut d'habitation effective des lieux, après avoir laissé le bail se reconduire ou en avoir provoqué le renouvellement pendant plus de vingt-six ans, sous les régimes successifs des baux de locaux à usage d'habitation, en pleine connaissance de l'affectation des locaux à un usage exclusivement professionnel qu'il avait expressément autorisé par un courrier du 25 octobre 1976 ; qu'en s'abstenant de rechercher si le congé n'avait pas été délivré par le bailleur dans des circonstances exclusives de toute bonne foi, en méconnaissance de la confiance légitime suscitée par le renouvellement du bail pendant vingt-six ans, la cour d'appel a subsidiairement privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, alinéa 3, du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant énoncé, à bon droit, que si le titulaire du contrat de location à usage mixte professionnel et d'habitation n'est pas tenu, durant le bail, d'utiliser les lieux à chacun des usages prévus par la convention des parties, il ne peut, lorsqu'au terme du contrat, il n'occupe pas pour son habitation principale, au moins partiellement, les locaux pris en location, se prévaloir du droit au renouvellement du contrat que confère la loi du 6 juillet 1989 à celui qui habite les lieux loués, et constaté que le bail du 25 octobre 1976 avait été conclu au profit de Mme X... à usage d'habitation et que le preneur était "expressément autorisé à s'adjoindre des confrères de son choix pour l'exercice de sa profession", la cour d'appel, qui, sans être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a relevé que les parties ne discutaient pas le principe de la soumission du bail aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 sans retenir qu'elles s'y étaient volontairement soumises, et qui a souverainement jugé, sans modifier l'objet du litige ni violer le principe de la contradiction, que si par lettre du même jour transmettant ledit bail à Mme X..., le bailleur avait fait connaître son accord pour que l'appartement fût affecté en totalité à un usage professionnel, cette circonstance n'affectait pas le caractère de bail à usage mixte professionnel et d'habitation tel que prévu par la convention et entrant dans les prévisions de la loi, en a exactement déduit que Mme X..., ayant abandonné l'usage d'habitation, ne pouvait se prévaloir du droit au renouvellement du contrat ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que le congé mentionnait que la totalité des lieux était affectée à l'usage professionnel de sorte que le preneur ne pouvait prétendre au renouvellement lors de l'échéance, la cour d'appel a pu en déduire, écartant ainsi toute mauvaise foi de la part de la bailleresse, qu'il était fondé sur un motif légitime et sérieux au sens de l'article 15 I de la loi du 6 juillet 1989 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... à payer à la SCI Pierre croissance la somme de 2 500 euros, rejette sa propre demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR validé le congé signifié le 23 juin 2003 à effet au 31 décembre 2003 par la SCI PIERRE CROISSANCE à Mme Anick X..., D'AVOIR décidé qu'à défaut de libération volontaire des lieux par Mme Anick X..., il sera procédé à son expulsion et à celle des occupants de son chef des lieux précédemment décrits dans les conditions prévues par les articles 61 et suivants de la loi du 9 juillet 1991, avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier si besoin est, que le sort des meubles garnissant les lieux sera régi par les articles 201 et suivants du décret du 31 juillet 1992, D'AVOIR fixé le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle au montant du loyer mensuel contractuel du 1er janvier 2004 au 22 septembre 2006, puis à 2 000 euros par mois à compter du 23 septembre 2006 et D'AVOIR condamné Mme Anick X... à payer à la SCI PIERRRE CROISSANCE l'indemnité d'occupation ainsi déterminée, outre les taxes et charges, du 1er janvier 2004 jusqu'à la libération des lieux par remise des clés ou expulsion ;

AUX MOTIFS QUE si le titulaire du contrat de location à usage mixte professionnel et d'habitation n'est pas tenu, durant le bail, d'utiliser les lieux à chacun des usages prévus par la convention des parties, il ne peut, lorsqu'au terme du contrat il n'occupe pas pour son habitation principale, au moins partiellement, les locaux pris en location, se prévaloir du droit au renouvellement du contrat que confère la loi du 6 juillet 1989 à celui qui habite les lieux loués ; que les parties ne discutent pas le principe de la soumission du bail aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 ; que le bail du 25 octobre 1976 a été conclu au profit de Mme Anick X... à usage d'habitation, le preneur, dont la profession d'avocat est mentionnée dans la convention, étant "expressément autorisé à s'adjoindre des confrères de son choix pour l'exercice de sa profession, et ce, sous quelque forme que ce soit" ; si par une lettre du même jour transmettant ledit bail à Mme X..., le bailleur a fait connaître son accord pour que l'appartement soit affecté en totalité à usage professionnel, reconnaissant par là-même le droit du preneur à utiliser les lieux durant le bail à un seul des usages prévus, cette circonstance n'affecte pas le caractère de bail à usage mixte professionnel et d'habitation tel que prévu par la convention et entrant dans les prévisions de l'article 2 de la loi précitée ; qu'il est constant que Mme Anick X... a abandonné l'usage d'habitation et qu'au terme du contrat les lieux étaient affectés en totalité à usage professionnel ; qu'il s'ensuit que Mme Anick X... ne peut se prévaloir du droit au renouvellement au contrat prévu en faveur de celui qui habite effectivement les lieux ; que le congé, énonçant que la totalité des lieux est affectée à l'usage professionnel de sorte que le preneur ne pourra prétendre au renouvellement lors de l'échéance, est en conséquence fondé sur un motif légitime et sérieux au sens de l'article 15-I de la loi du 6 juillet 1989, la loi ne distinguant pas selon que la soumission du bail aux dispositions de cette loi procède ou pas de la volonté des parties ; que le jugement sera dès lors infirmé ; que Mme Anick X... est devenue occupante sans droit ni titre le 1er janvier 2004 ; que son expulsion sera ordonnée selon les modalités du dispositif ci-après ; qu'en ne permettant pas la libre occupation des lieux, Mme Anick X... a commis une faute portant préjudice au bailleur ; qu'en raison de sa nature mixte, compensatoire et indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des lieux, assure en outre la réparation du préjudice résultant d'une occupation sans bail ; qu'au vu des éléments d'appréciation soumis à la cour, il y a lieu de fixer le montant de l'indemnité mensuelle d'occupation au montant du loyer contractuel du 1er janvier 2004 au 22 septembre 2006 (date de l'assignation), puis, à compter du 23 septembre 2006, à 2 000 euros par mois ; que Mme Anick X... sera condamnée au paiement de l'indemnité d'occupation ainsi définie, ainsi qu'aux taxes et charges, jusqu'à libération des lieux par remise des clés ou expulsion ; que Mme Anick X... ne démontre pas en quoi la SCI PIERRE CROISSANCE a commis une faute de nature à faire dégénérer en abus les conditions de mise en oeuvre de la procédure de congé et son droit d'ester en justice ; qu'elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;

1. ALORS QUE la soumission volontaire des parties à un statut d'ordre public emporte l'application de toutes ses dispositions qui leur sont impérativement applicables ; qu'il s'ensuit qu'en cas d'assujettissement volontaire des parties au statut légal des baux d'habitation résultant de la loi du 6 juillet 1989 qui leur est applicable en chacune de ses dispositions, le preneur peut se prévaloir du droit au renouvellement du bail, même s'il n'occupe les lieux qu'à titre professionnel, sans que le bailleur puisse lui opposer le défaut d'habitation effective des locaux pour délivrer un congé pour motif légitime réel et sérieux ; que Mme X... a rappelé à cet égard, dans ses conclusions (p. 7, Sème alinéa), que les parties étaient convenues de soumettre volontairement leur convention au statut légal des baux d'habitation, tel qu'il résulte successivement des lois du 22 juin 1982, du 23 décembre 1986 et du 6 juillet 1989 , ainsi que le bailleur l'a reconnu dans ses propres écritures (conclusions de la société Pierre Sélection, p. 6, 2eme et 3eme alinéas), dès lors qu'il l'avait autorisée, par un courrier du 25 octobre 1976, à affecter à un usage exclusivement professionnel, l'appartement qu'il lui avait loué pour un usage mixte, et qu'il s'est placé successivement sous le régime des lois régissant les baux à usage d'habitation principale et professionnelle des 22 juin 1982, 23 décembre 1986 et 6 juillet 1989, à l'occasion de chacun des renouvellements ; qu'en décidant cependant, pour priver Mme Anick X... du bénéfice du droit au renouvellement du bail, en l'absence d'habitation effective des lieux, que la loi du 6 juillet 1989 ne distingue pas selon que son application procède ou non de la volonté des parties, après avoir constaté que l'autorisation donnée à Mme X... d'affecter les locaux à un usage professionnel, par courrier du 25 octobre 1976, ne prive pas le bail de son caractère mixte, bien que les parties aient manifesté la volonté de se soumettre volontairement au statut légal des baux d'habitation, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil par refus d'application, ensemble les articles 2 et 15-1 de la loi du 6 juillet 1989 ;

2. ALORS QUE les parties ont rappelé, dans leurs conclusions respectives, qu'elles étaient convenues de soumettre volontairement leur convention au statut légal des baux d'habitation, tel qu'il résulte successivement des lois du 22 juin 1982, du 23 décembre 1986 et du 6 juillet 1989 (conclusions de la société Pierre Sélection, p. 6, 2e et 3ème alinéas ; conclusions de Mme X..., p. 7, Sème alinéa), dès lors que le bailleur avait autorisé Mme Anick X..., par un courrier du 25 octobre 1976, à affecter à un usage exclusivement professionnel, l'appartement qu'il lui avait loué, le même jour, pour un usage mixte ; qu'en décidant cependant que ce courrier n'affecte pas le caractère du bail qui est conclu à usage mixte professionnel et d'habitation, la cour d'appel a méconnu les termes du litige ; qu'ainsi, elle a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

3. ALORS QUE le juge doit respecter le principe de la contradiction ; qu'en relevant de sa propre initiative le moyen tiré de ce que le courrier précité du 25 octobre 1976 n'a pas modifié le caractère du bail qui a été conclu pour un usage mixte et d'habitation, sans provoquer les explications des parties sur ce moyen qu'elle a relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

4 ALORS QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions (p. 7, § 2) par lesquelles Mme Anick X... rappelait que l'adoption volontaire du régime des baux d'habitation résultait également de ce que la société bailleresse s'était placée successivement sous le régime des lois régissant les baux à usage d'habitation principale et professionnel des 22 juin 1982, 23 décembre 1986 et 6 juillet 1989 à l'occasion de chacun des renouvellements, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

5. ALORS, SI TEL N'EST PAS LE CAS, QUE le congé doit être délivré de bonne foi par le bailleur ; que l'exposante a soutenu que le bailleur, par son comportement incohérent, est brusquement revenu sur la parole donnée en délivrant un congé pour défaut d'habitation effective des lieux, après avoir laissé le bail se reconduire ou en avoir provoqué le renouvellement pendant plus de vingt six ans, sous les régimes successifs des baux de locaux à usage d'habitation, en pleine connaissance de l'affectation des locaux à un usage exclusivement professionnel qu'il avait expressément autorisé par un courrier du 25 octobre 1976 (conclusions, p. 6) ; qu'en s'abstenant de rechercher si le congé n'avait pas été délivré par le bailleur dans des circonstances exclusives de toute bonne foi, en méconnaissance de la confiance légitime suscitée par le renouvellement du bail pendant vingt six ans, la Cour d'appel a subsidiairement privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, alinéa 3, du Code civil.



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Propriété commerciale


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.