par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 17 novembre 2010, 09-68399
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
17 novembre 2010, 09-68.399

Cette décision est visée dans la définition :
Fraude




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que le consulat de France à Casablanca a dressé, le 17 septembre 2002, l'acte de naissance d'un enfant prénommé Selyane sur la déclaration de M. X..., se présentant comme son père ; que les époux X..., résidant au Maroc, ont obtenu par ailleurs, un acte adoulaire confirmant que l'enfant leur avait été confié en kafala dès le 20 septembre 2002 ; que le procureur de la République de Nantes les a assignés, le 30 novembre 2005, en annulation de la transcription faite sur le fondement d'une déclaration mensongère ; que par jugement du 6 novembre 2007, le tribunal de grande instance de Nantes, constatant l'existence d'un faux certificat d'accouchement, a annulé l'acte de naissance de l'enfant dressé le 17 septembre 2002 par le consulat de France à Casablanca ;

Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 31 mars 2009) d'avoir annulé cet acte, alors, selon le moyen :

1°/ d'une part, que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant, qui consiste notamment à avoir une filiation établie à l'égard des personnes l'ayant recueilli dans le cadre d'une kafala, doit être une considération primordiale et doit primer sur la nécessité de sanctionner les déclarations erronées de ces personnes qui ont fait dresser un acte de naissance établissant la filiation de cet enfant à leur égard sur le fondement de ces fausses déclarations ; qu'en refusant à un enfant né au Maroc et abandonné à sa naissance, le bénéfice d'un acte de naissance établissant sa filiation à l'égard des parents français qui l'ont recueilli à titre définitif en vertu d'une décision de kafala, la cour d'appel a violé l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;

2°/ d'autre part, que le droit au respect d'une vie familiale normale exige qu'un enfant abandonné à sa naissance et recueilli à titre définitif par des français en vertu d'une décision de kafala ait un acte de naissance établissant sa filiation à leur égard ; qu'en refusant à un enfant né au Maroc et abandonné à sa naissance, le bénéfice d'un acte de naissance établissant sa filiation à l'égard des français l'ayant recueilli à titre définitif en vertu d'une décision de kafala, la cour d'appel a violé l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M. X... avait produit au consulat de France une déclaration mensongère attestant d'un faux accouchement de son épouse, c'est à bon droit que l'arrêt retient que l'intérêt supérieur de l'enfant ne saurait justifier un état civil et une filiation conférés en fraude à la loi, étant observé en outre que l'enfant, de nationalité marocaine et résidant au Maroc, reste titulaire d'un acte de naissance marocain ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les époux X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour M. X... et Mme Mostefa Y....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé l'acte de naissance de Selyane X... dressé le 17 septembre 2002 par le consulat de France à Casablanca (Maroc) ;

Aux motifs que « tout individu français résidant sur le sol français doit être pourvu d'un état civil régulier ; qu'en l'espèce, et quelles qu'en soit les raisons, Monsieur Toufiq X... a produit au consulat de France une déclaration de naissance mensongère de l'enfant, pourtant signée par un médecin marocain, attestant d'un faux accouchement de son épouse Madame Mostefa Y... ; que l'acte de naissance établi par le consulat de France le 17 septembre 2002 n'a été dressé sur les registres consulaires qu'au motif que le consul, abusé par la fraude, a considéré que la filiation légitime de l'enfant était établie à l'égard des époux X... ; que l'acte de naissance de cet enfant, dit Seylane X... doit donc être annulé en raison de son extranéité qui lui interdit de disposer d'un acte de naissance consulaire français ; qu'ainsi que l'ont estimé les premiers juges, si l'intérêt supérieur de l'enfant peut le cas échéant être invoqué aux fins du maintien de celui-ci au foyer des époux X... qui l'ont recueilli et qui se comportent à son égard comme des parents, il ne saurait être entendu dans le sens de consolider un état civil et une filiation qui ne sont pas ceux de l'enfant et qui ne lui ont été conférés que par la violation consciente de sa loi nationale ; qu'ainsi que le fait observer le ministère public, les parties ainsi que le mineur résident au Maroc ; qu'après annulation de l'acte de naissance français de l'enfant, celui-ci disposera encore de son acte de naissance marocain ; que si le droit marocain prohibe l'adoption, il permet aux enfants judiciairement abandonnés d'être élevés dans une autre famille sous le régime de la Kafala qui est reconnu par la Convention de la Haye du 19 octobre 1996, signée et ratifiée par le Maroc en 2002 ; que sur ce point, les époux X... versent aux débats un acte obtenu des adouls et du juge notaire de Tanger le 27 mars 2007 selon lequel Monsieur Toufiq X... en sa qualité de tuteur de l'enfant Mohcine Z... né à Tanger le 5 juin 2002 lui a été confié par Kafala du 20 septembre 2002 ; qu'en vertu d'un jugement rendu le 6 mars 2007 par le tribunal de Tanger, le prénom de l'enfant bénéficiaire de la Kafala est devenu Seylane et son nom de famille X..., le nom de son père Toufiq et celui de sa mère Wasila ; qu'ils versent aux débats l'extrait d'acte de naissance rectifié de l'enfant tel que détenu par le bureau de l'état civil de Tanger, qui fait apparaître qu'aux yeux de l'état civil marocain, l'enfant se prénomme Selyane, se nomme X..., qu'il est né le 5 juin 2002 à Tanger, qu'il est de nationalité marocaine, de sexe masculin, fils de Toufiq et de Wasila » (arrêt, p. 3, derniers §§, p. 4) ;

Alors, d'une part, que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant, qui consiste notamment à avoir une filiation établie à l'égard des personnes l'ayant recueilli dans le cadre d'une kafala, doit être une considération primordiale et doit primer sur la nécessité de sanctionner les déclarations erronées de ces personnes qui ont fait dresser un acte de naissance établissant la filiation de cet enfant à leur égard sur le fondement de ces fausses déclarations ; qu'en refusant à un enfant né au Maroc et abandonné à sa naissance, le bénéfice d'un acte de naissance établissant sa filiation à l'égard des parents français qui l'ont recueilli à titre définitif en vertu d'une décision de kafala, la cour d'appel a violé l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;


Alors, d'autre part, que le droit au respect d'une vie familiale normale exige qu'un enfant abandonné à sa naissance et recueilli à titre définitif par des français en vertu d'une décision de kafala ait un acte de naissance établissant sa filiation à leur égard ; qu'en refusant à un enfant né au Maroc et abandonné à sa naissance, le bénéfice d'un acte de naissance établissant sa filiation à l'égard des français l'ayant recueilli à titre définitif en vertu d'une décision de kafala, la cour d'appel a violé l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme.



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Fraude


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