par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 21 octobre 2010, 09-67494
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
21 octobre 2010, 09-67.494

Cette décision est visée dans la définition :
Maladie professionnelle




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu les articles D. 242-6-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors en vigueur et 2,4° de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995 pris pour son application ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la société Smurfit Kappa (la société) depuis le 1er juin 1988, a déclaré le 22 septembre 2005 une surdité constatée pour la première fois le 25 août 2005 ; que cette affection ayant été prise en charge au titre du tableau n° 42 des maladies professionnelles, la caisse régionale d'assurance maladie de Bourgogne et Franche-Comté a retenu le montant des prestations afférentes pour le calcul du taux de cotisations accident de travail de la société ; que celle-ci a saisi la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (la Cour nationale) d'un recours ;

Attendu que pour faire droit à la demande, la Cour nationale se borne à énoncer qu'il ressort des éléments versés aux débats que la société rapporte la preuve que M. X... a été exposé dans un précédent emploi à un risque susceptible de provoquer la maladie professionnelle en cause, et qu'ainsi il résulte des éléments du dossier, qu'il n'est pas possible de déterminer l'entreprise dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie professionnelle en cause ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve contraire, la Cour nationale qui n'a pas constaté que la société rapportait la preuve que cette affection devait être imputée aux conditions de travail de l'assuré au sein des entreprises précédentes, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 avril 2009, entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, autrement composée ;

Condamne la société Smurfit Kappa Longvic aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Smurfit Kappa Longvic ; la condamne à payer à la caisse régionale d'assurance maladie de Bourgogne et Franche-Comté la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la caisse régionale d'assurance maladie de Bourgogne et Franche-Comté.

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé la décision de la CRAM de Bourgogne et Franche-Comté fixant le taux de cotisation pour l'exercice 2008 et d'AVOIR dit que pour le calcul du taux de cotisation de l'année 2008 les conséquences financières de la maladie professionnelle de monsieur X... devaient être retirées du compte employeur 2006 de la société SMURFIT KAPPA et être inscrites au compte spécial ;

AUX MOTIFS QUE l'article D.242-6-3 du code de la sécurité sociale dispose que les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions particulières fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ne sont pas comprises dans la valeur du risque propre d'un établissement mais inscrites à un compte spécial ; qu'au regard des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995, dans son 4ème alinéa, « sont inscrites au compte spécial, conformément aux dispositions de l'article D.242-6-3 du code de la sécurité sociale, les dépenses afférentes à des maladies professionnelles constatées ou contractées dans les conditions suivantes : 4° La victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit besoin de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie » ; que dès lors que l'employeur n'a pas contesté la prise en charge de la maladie au titre des accidents du travail/maladies professionnelles devant le contentieux général, le salarié est considéré avoir été exposé au risque de la maladie professionnelles au sein de l'entreprise et la maladie est considérée avoir été contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve contraire ; que des articles précités, il ressort que l'imputation au compte spécial est subordonnée à deux conditions cumulatives : - la victime de la maladie professionnelle doit avoir été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes, - il n'est pas possible de déterminer l'entreprise dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie ; Sur l'exposition successive au risque : Si l'article 2-4° de l'arrêté du 16 octobre 1995 vise le cas où la victime a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes, il ne saurait en être déduit sans ajouter au texte que les périodes d'activité accomplies par le salarié doivent être exécutées sans interruption entre elles ; qu'ainsi, le moyen de la caisse régionale d'assurance maladie en ce sens n'est pas pertinent ; qu'en l'espèce, parmi les pièces constitutives du dossier figurent copies : - de la déclaration de maladie professionnelle établie le 22 septembre 2005 par M. X... faisant état, dans les emplois antérieurs exposant au risque de la maladie professionnelle, des employeurs suivants : - société POSSO INDUSTRIE PLASTIQUE du 7 mai 1981 au 30 janvier 1987, en qualité de monteur régleur, - société MBP du 2 février 1987 au 12 juin 1987, en qualité de monteur régleur, - société SMURFIT KAPPA à partir du 1er juin 1988, en qualité de conducteur BOBST ; - du questionnaire rempli par M. X... à la demande de la caisse primaire d'assurance maladie que celui-ci a indiqué ; - « pour le travail que j'effectuais chez POSSO et chez MBP : je montais et réglais des moules en acier sur des presses à injection plastique et ceci dans une salle qui contenait environ 40 presses qui fonctionnaient en même temps et qui dégageaient des décibels importants suite à l'ouverture et à la fermeture des moules en acier. Certaines presses effectuaient de la soudure par ultra son. Et ceci sans aucune protection auditive », - « pour le travail que j'effectue chez SMURFIT SOCAR : je travaille sur plusieurs postes différents sur des machines de transformation de carton ondulé qui dégagent des décibels importants, trouvez ci-joint les fiches de bruit de chaque poste que j'occupe, réalisées par le médecin du travail et le CHSCT », - « Sur toute ma carrière professionnelle, j'ai travaillé 23 ans dans des usines extrêmement bruyantes et pour certaines sans protection auditive puisque l'entreprise n'en fournissait pas » ; - du mémoire de la Caisse Régionale d'Assurance Maladie de Bourgogne et Franche Comté ne contestant pas que M. X... a travaillé pour plusieurs employeurs ; - du rapport établi par la société SMURFIT KAPPA à la demande de la caisse primaire d'assurance maladie que si les niveaux sonores sont élevés au sein de l'établissement, le port des protections auditives est obligatoire « pour tous les postes de l'atelier dont le niveau sonore peut atteindre ou dépasser 85 dB » ; - des relevés d'exposimétrie réalisés en février 2003 (pièces 21 à 23 de la caisse régionale d'assurance maladie) que le niveau sonore est élevé au sein de la société SMURFIT KAPPA et peut être supérieur au niveau d'alerte et au niveau limite de danger ; - des comptes rendus des réunions du CHSCT de la société SMURFIT KAPPA, que si dès 1989 les salariés ont été sensibilisés à la nécessité de se protéger du bruit par le biais de protections individuelles, seuls des essais de bouchons ont été réalisés à partir de cette date et que ce n'est que quelques années plus tard que le port de ces protections, préconisé au départ, est devenu obligatoire ; que dès lors, il apparaît suffisamment démontré que M. X... a été exposé au risque dans d'autres entreprises que la société SMURFIT KAPPA ainsi qu'au sein de celle-ci, à tout le moins dans les premières années de son activité ; qu'en conséquence la condition posée par l'article 2-4 ° de l'arrêté du 16 octobre 1995 au vu duquel la victime de la maladie professionnelle doit avoir été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes est remplie ; Sur la détermination de l'entreprise au sein de laquelle l'exposition a provoqué la maladie : que des éléments ainsi versés il ressort : - que M. X... a été exposé au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes, - que la société SMURFIT KAPPA rapporte la preuve que M. X... a été exposé dans un précédent emploi à un risque susceptible de provoquer la maladie professionnelle en cause ; qu'ainsi il résulte des éléments de fait du dossier, soumis à l'appréciation souveraine de la cour, qu'il n'est alors pas possible de déterminer, dans le cadre des dispositions précitées, l'entreprise dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie professionnelle en cause ; que dans ces conditions, les incidences financières de la maladie professionnelle de M. X... doivent être retirées du compte employeur 2006 de la demanderesse pour être imputées au compte spécial et le taux de cotisation de l'année 2008 révisé en conséquence ;

1. – ALORS QUE justifiant l'inscription exceptionnelle d'un risque au compte spécial par dérogation au principe de la tarification individuelle au taux réel, l'exposition au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes implique une exposition ininterrompue au risque ; qu'en l'espèce, il est constant que le salarié n'avait pas été exposé au risque de manière ininterrompue ; qu'en considérant qu'une interruption entre deux périodes d'activité n'est pas exclusive d'une exposition successive, la Cour nationale de l'incapacité a violé les articles D.242-6-3 du code de la sécurité sociale et 2-4° de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995 pris pour l'application de l'article D.242-6-3 du code de la sécurité sociale relatif à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles ;


2. – ALORS en tout état de cause QU'en cas d'exposition au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes, la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve contraire ; que, pour faire droit à la demande de la société SMURFIT KAPPA, la Cour, après avoir relevé que monsieur X... avait été exposé au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes, y compris au sein de la société SMURFIT KAPPA, en a déduit qu'il n'était pas possible de déterminer l'entreprise au sein de laquelle la victime avait contracté la maladie ; qu'en statuant ainsi sans constater que le dernier employeur rapportait la preuve que la maladie n'avait pas pu résulter de l'exposition au risque en son sein, la Cour nationale de l'incapacité a encore violé les articles D.242-6-3 du code de la sécurité sociale et 2-4° de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995 ;



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Cette décision est visée dans la définition :
Maladie professionnelle


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.