par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 30 septembre 2010, 09-67930
Dictionnaire Juridique
site réalisé avec Baumann Avocats Droit informatique |
Cour de cassation, 1ère chambre civile
30 septembre 2010, 09-67.930
Cette décision est visée dans la définition :
Prêt
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que par acte authentique en date du 30 octobre 1991, la banque La Hénin a consenti à M. X... un prêt immobilier d'un montant de 152 449, 02 euros remboursable en cent quarante-quatre mensualités au taux de 10, 90 %, l'offre mentionnant un taux effectif global (TEG) de 11, 86 % ; qu'à la suite du redressement judiciaire de M. X..., le Crédit foncier de France, qui se trouve aux droits de la Banque La Hénin, a déclaré sa créance et M. X... a sollicité la déchéance du droit aux intérêts de la banque pour mention d'un TEG erroné et absence d'un tableau d'amortissement conforme aux exigences légales ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 12 mars 2009) de débouter M. X... de sa demande tendant à la déchéance du droit aux intérêts du prêteur pour non respect des dispositions relatives au tableau d'amortissement, alors, selon le moyen, que ne satisfait pas aux exigences alors en vigueur, l'offre de prêt qui ne comporte pas un tableau mentionnant pour chaque échéance mensuelle, la part de l'amortissement du capital par rapport à celle couvrant les intérêts ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'offre de prêt émise en 1991 était régulière en ce qu'elle comportait le montant détaillé des échéances, leur périodicité, leur nombre, les modalités de leur variation et contenait les informations nécessaires et suffisantes à l'information de l'emprunteur ; qu'en faisant ainsi une application rétroactive de la loi du 12 avril 1996, lorsque l'emprunteur pouvait, par application du droit en vigueur lors de la remise de l'offre de crédit, légitimement espérer être investi d'une créance en raison de la déchéance de l'emprunteur de son droit aux intérêts, la cour d'appel est venue porter une atteinte disproportionnée et non justifiée par des motifs d'intérêt général au droit au respect de ses biens, violant ainsi l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 5 2° de la loi du 13 juillet 1979, alors en vigueur ;
Mais attendu que la déchéance du droit aux intérêts dont aurait été privé M. X... par application de l'article 87-1 de la loi du 12 avril 1996 est une sanction civile laissée à la discrétion du juge, par nature incertaine et ne pouvant donc faire naître une espérance légitime, s'analysant en un bien au sens de l'article 1er du Premier Protocole additionnel, avant toute décision au fond, laquelle étant intervenue suite à une action introduite postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi précitée, n'a pu créer une telle espérance ; que le grief n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles L. 312-8 3° et L. 312-33 du code de la consommation ;
Attendu que pour rejeter la demande de l'emprunteur tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêteur pour non-respect des dispositions relatives au TEG, l'arrêt relève que l'article L. 312-33 ne peut être invoqué au titre du calcul erroné du TEG ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des dispositions de l'article L. 321-8 3° du code de la consommation que l'offre de prêt doit indiquer outre le montant du crédit, son coût total et son taux défini conformément à l'article L. 313-1 du même code, la cour d'appel a violé les textes susvisés par refus d'application ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a jugé que l'exception de nullité de la stipulation des intérêts était prescrite, l'arrêt rendu le 12 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Crédit foncier de France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Crédit foncier de France, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable mais infondée l'exception de déchéance de la stipulation des intérêts formée par l'exposant et d'avoir en conséquence admis la créance du CREDIT FONCIER DE FRANCE à titre privilégié, pour un montant de 150. 962, 33 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 10, 90 %.
Aux motifs que « Attendu que selon acte notarié du 30 octobre 1991 la BANQUE LA HENIN a consenti à Stéphane X... un prêt de 1. 000. 000 francs (152. 449, 02 euros) pour lui permettre l'acquisition d'un appartement, remboursable en 144 mensualités au taux de 10, 90 % ;
Que le TEG était fixé comme suit :
Taux d'intérêt : 10, 90 %, incidence frais de dossier : 0, 11 %, incidence de l'assurance : 0, 62 %, incidence des frais d'acte : 0, 23 %
TEG (avec fiais d'acte notarié) : 11, 86 %.
Que cet acte avait été précédé d'une offre portant les indications suivantes : prêt de 1. 000. 000 francs remboursable en 144 mois comme suit :
12 échéances de : 12 échéances de : 12 échéances de : 12 échéances de : 12 échéances de : 84 échéances de :
11. 303 francs au taux réel de 10, 90 % 11. 710 francs au taux réel de 10, 90 % 12. 060 francs au taux réel de 10, 90 % 12. 420 francs au taux réel de 10, 90 % 12. 790 francs au taux réel de 10, 90 % 13. 153 francs au taux réel de 10, 90 %
échéances auxquelles il convient d'ajouter :
- la cotisation d'assurance évaluée à 3 85 francs par mois reprise en page 34 de l'acte notarié,- assurance : 0, 62 %,
- frais de dossier : 5. 099, francs TTC soit : 0, 11 %,
- frais d'acte : 11. 000 francs : 0, 23 %
TEG : 11, 86 % y compris frais d'acte, ce taux calculé selon la méthode actuarielle proportionnelle est égal à 12 fois le taux mensuel de 0, 9883 %.
Attendu que l'expert judiciaire Y... a conclu que le Taux Effectif Global, quelque soit les éléments s'intégrant dans le calcul, ne correspondait pas à celui mentionné dans l'acte ;
Qu'il indique que le taux effectif global ressort à 11, 84585 % en retenant le taux nominal, l'assurance et les frais d'acte ;
Que Stéphane X... resterait devoir 13. 655, 81 euros en cas de déchéance totale des intérêts ou 78. 736 euros en cas de substitution de l'intérêt légal à l'intérêt contractuel ;
Attendu que l'acte de prêt comme l'offre de crédit préalable mentionnent un taux effectif global de 11, 86 % ;
Attendu que l'article L 313-1 du Code de la consommation prévoit que " dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions et rémunérations correspondent à des débours réels " ;
Attendu que le taux mentionné à l'acte ne correspond pas, en ce qu'il est inférieur, à celui réellement pratiqué ; que la nullité de la stipulation des intérêts est encourue de ce fait ;
Mais attendu que la sanction de la méconnaissance de l'article L 313-2 du Code de la consommation, édictées dans le seul intérêt de l'emprunteur, est la nullité relative de la clause d'intérêt conventionnel et l'action tendant à voir mettre en oeuvre cette sanction s'éteint si elle n'a pas été exercée dans les cinq ans ;
Que cette action en nullité tout comme l'exception de nullité du I'EG sont, dès lors que le contrat de prêt a reçu exécution, enfermées dans ce même délai de 5 ans ;
Attendu qu'en l'espèce des échéances du prêt conclu le 30 octobre 1991 ayant été réglées après remise des fonds, Stéphane X... est irrecevable à soulever l'exception de nullité de la convention des intérêts, le point de départ de la prescription, s'agissant d'un prêt ne peut être que celui de l'écrit mentionnant le taux et donc de la date de la convention ;
Attendu en revanche que concernant la déchéance des intérêts soulevée par Stéphane X... et résultant selon lui du défaut d'offre préalable régulière en ce qu'elle ne comporte pas un échéancier des amortissements et mentionne un TEG erroné, soumise à la prescription décennale de l'article L 110-4 du Code du commerce, celle-ci est recevable ;
Mais attendu que l'article L 312-33 alinéa 4 du Code de la consommation qui sanctionne uniquement l'omission dans l'offre de prêt des prescriptions prévues aux articles L 312-7 (offre adressée par voie postale gratuitement), L 312-8 (échéancier des amortissements) L 312-14 (rétention de frais) L 312-26 (envoi par voie postale de l'offre avec respect du délai d'acceptation de 10 jours) ne peut être invoqué au titre du calcul erroné du TEG ;
Que concernant l'absence des échéanciers d'amortissement invoquée par Stéphane X..., il convient de relever que l'offre de prêt émise en 1991 est régulière en ce qu'elle comporte le montant détaillé des échéances, leur périodicité, leur nombre, les modalités de leur variation et contient les informations nécessaires et suffisantes à l'information de l'emprunteur ;
Que l'appel incident de l'intimé à ce titre n'est pas fondé et doit être rejeté ;
Attendu que la créance s'établit au jour de la déclaration sans qu'il y ait lieu de tenir compte des versements Postérieurs à l'ouverture de la procédure collective ;
Qu'il y a lieu dès lors d'infirmer l'ordonnance déférée et d'admettre la créance du CRÉDIT FONCIER DE FRANCE conformément à sa déclaration pour un montant de 150. 962, 33 curas outre les intérêts conventionnels à échoir au taux conventionnel de 10, 90 % à titre privilégié et d'ordonner la transcription de la présente décision sur l'état des créances ».
Alors d'une part que ne satisfait pas aux exigences alors en vigueur, l'offre de prêt qui ne comporte pas un tableau mentionnant pour chaque échéance mensuelle, la part de l'amortissement du capital par rapport à celle couvrant les intérêts ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a considéré que l'offre de prêt émise en 1991 était régulière en ce qu'elle comportait le montant détaillé des échéances, leur périodicité, leur nombre, les modalités de leur variation et contenait les informations nécessaires et suffisantes à l'information de l'emprunteur ; qu'en faisant ainsi une application rétroactive de la loi du 12 avril 1996, lorsque l'emprunteur pouvait, par application du droit en vigueur lors de la remise de l'offre de crédit, légitimement espérer être investi d'une créance à raison de la déchéance de l'emprunteur de son droit aux intérêts, la Cour d'appel est venue porter une atteinte disproportionnée et non justifiée par des motifs d'intérêt général au droit au respect de ses biens, violant ainsi l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 5 2° de la loi du 13 juillet 1979, alors en vigueur.
Alors d'autre part que la déchéance du droit aux intérêts telle que prévue à l'article L. 312-33 du code de la consommation est encourue lorsque la mention d'un TEG irrégulier figure dans l'offre de prêt ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L. 312-33, L. 312-8 3° et L. 313-1 du Code de la consommation.
Alors qu'enfin l'exposant montrait dans ses conclusions que l'offre de prêt n'énonçait pas, en donnant une évaluation de leur coût, les stipulations, les assurances et les sûretés réelles ou personnelles exigées qui conditionnaient la conclusion du prêt, de sorte que le prêteur devait être déchu de son droit aux intérêts sur le fondement de l'article L. 312-8 4° du Code de la consommation ; que dès lors, en déboutant l'exposant de son exception de déchéance en se prononçant sur le seul tableau d'amortissement et sans répondre à de telles conclusions déterminantes, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
site réalisé avec Baumann Avocats Contentieux informatique |
Cette décision est visée dans la définition :
Prêt
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.