par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 23 juin 2010, 09-13812
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
23 juin 2010, 09-13.812

Cette décision est visée dans la définition :
Prestation compensatoire




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu que le divorce des époux Y...-X... a été prononcé par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 1er octobre 2002, qui a fait l'objet de deux pourvois en cassation rejetés par décision du 21 septembre 2005 ; que le 20 avril 2005, Mme X... avait fait assigner M. Y... en paiement d'une somme à titre de prestation compensatoire et d'une somme du même montant sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mai 2008) de l'avoir déclarée irrecevable en sa demande de prestation compensatoire, alors, selon le moyen, que le délai de pourvoi en cassation suspend l'exécution la décision qui prononce le divorce, le pourvoi en cassation exercé dans ce délai étant également suspensif ; que le caractère suspensif attaché au pourvoi formé contre l'arrêt prononçant le divorce exclut par conséquent que ce dernier acquière force de chose jugée ; qu'en l'espèce, par arrêt du 1er octobre 2002 le divorce des époux Y...-X... a été prononcé à leurs torts partagés ; que cette décision a fait l'objet d'un pourvoi en cassation qui a donné lieu à une décision de rejet le 21 septembre 2005 ; que cependant avant que cet arrêt de rejet ne soit rendu Mme X...- Y... a sollicité le versement d'une prestation compensatoire par assignation du 20 avril 2005 ; que cette demande ne pouvait donc être jugée irrecevable puisqu'elle a été présentée avant que la Cour suprême ne rende son arrêt et que la décision de divorce n'acquière donc force de chose jugée ; qu'en jugeant le contraire la cour d'appel a violé l'article 1121 du code de procédure civile alors applicable (devenu article 1086 du même code) ;

Mais attendu que l'arrêt énonce, à bon droit, qu'il résulte de l'article 271 du code civil que le juge doit se prononcer par une même décision sur le divorce et sur la disparité que celui-ci peut créer dans les conditions de vie respectives des époux ; qu'ayant justement retenu qu'à la suite de l'arrêt du 21 septembre 2005 de la Cour de cassation ayant rejeté les pourvois formés contre la décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 1er octobre 2002 prononçant le divorce, celle-ci était passée en force de chose jugée, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande de prestation compensatoire introduite le 20 avril 2005 après que la cour d'appel eut été dessaisie par l'effet du prononcé du divorce était irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande formée au titre de l'enrichissement sans cause, alors, selon le moyen, que l'action d'enrichissement sans cause n'est pas un subsidiaire de la demande de prestation compensatoire dont le but et les éléments d'évaluation sont définis par la loi et distincts de toute idée d'enrichissement et d'appauvrissement ; qu'en l'espèce, Mme X...- Y... a demandé en cause d'appel que M. Y... soit en tout état de cause condamné à lui verser une indemnité en réparation de l'appauvrissement qu'elle avait subi au bénéfice de son mari durant la vie commune ; qu'en se contentant d'écarter cette demande car l'exposante aurait disposé d'une action en demande de prestation compensatoire qui avait été écartée la cour d'appel a violé l'article 1371 du code civil en refusant de l'appliquer ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la demande présentée subsidiairement par Mme X... sur le fondement de l'enrichissement sans cause tendait aux mêmes fins que sa demande de prestation compensatoire, laquelle avait été jugée irrecevable, la cour d'appel en a justement déduit que cette demande ne pouvait prospérer dès lors que l'intéressée disposait d'une autre action qui avait été écartée ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille dix.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré Madame X...- Y... irrecevable en sa demande de prestation compensatoire ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE « il est de principe que le juge doit se prononcer par une même décision sur le divorce et sur la disparité que celui-ci peut créer dans les conditions de vie des époux (Cour Cass. 1ère Chambre civile 12 décembre 2004), et que la demande de prestation compensatoire accessoire à la demande en divorce, peut être présentée pour la première fois en appel tant que la décision en ce qu'elle prononce le divorce, n'a pas acquis la force de chose jugée (Cour Cass. 1ère Chambre civile 14 juin 2005) ;

Qu'en l'état du rejet par la Cour de cassation du pourvoi, la décision de divorce a acquis la force de chose jugée, et que dès lors la demande de prestation compensatoire est irrecevable » ;

ET AUX MOTIFS PROPRES QUE « il résulte de l'article 271 du Code civil que le juge doit se prononcer par une même décision sur le divorce et sur la disparité que celui-ci peut créer dans les conditions de vie respectives des époux ;

Que le divorce des parties a été prononcé par un jugement du 15 mars 1999 confirmé par un arrêt de la cour du 1er octobre 2002 ; que par un arrêt du 21 septembre 2005, la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés contre cette décision ; que par assignation du 20 avril 2005, Madame X... a sollicité le versement d'une prestation compensatoire ;

Que cette demande a été formée après que la décision de divorce, qui n'était plus susceptible d'une voie de recours ordinaire, est passée en force de chose jugée ; qu'elle est en conséquence irrecevable »

ALORS QUE le délai de pourvoi en cassation suspend l'exécution de la décision qui prononce le divorce, le pourvoi en cassation exercé dans ce délai étant également suspensif ; que le caractère suspensif attaché au pourvoi formé contre l'arrêt prononçant le divorce exclut par conséquent que ce dernier acquière force de chose jugée ; qu'en l'espèce, par arrêt du 1er octobre 2002 le divorce des époux Y...-X... a été prononcé à leurs torts partagés ; que cette décision a fait l'objet d'un pourvoi en cassation qui a donné lieu à une décision de rejet le 21 septembre 2005 ; que cependant avant que cet arrêt de rejet ne soit rendu Madame X...- Y... a sollicité le versement d'une prestation compensatoire par assignation du 20 avril 2005 ; que cette demande ne pouvait donc être jugée irrecevable puisqu'elle a été présentée avant que la Cour suprême ne rende son arrêt et que la décision de divorce n'acquière donc force de chose jugée ; qu'en jugeant le contraire la Cour d'appel a violé l'article 1121 du Code de procédure civile alors applicable (devenu article 1086 du même code).

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame X...- Y... de sa demande formée au titre de l'enrichissement sans cause ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Subsidiairement, Madame Y... forme une demande au titre de l'enrichissement sans cause ;

Que selon une jurisprudence constante l'action fondée sur l'enrichissement sans cause ne doit être admise que dans les cas où le patrimoine d'une personne se trouvant sans cause légitime, enrichie au détriment de celui d'une autre personne, celle-ci ne jouirait, pour obtenir ce qui lui est dû, d'aucune action naissant d'un contrat, d'un quasi-contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit, et elle ne peut être intentée en vue d'échapper aux règles par lesquelles la loi a expressément défini les effets d'un contrat déterminé ;

Qu'en l'espèce, Madame Y... qui disposait jusqu'à ce que la décision de divorce soit passée en force de chose jugée de la possibilité, qu'elle na pas cru saisir, de solliciter une prestation compensatoire en vertu des dispositions des anciens articles 270 et suivants du Code civil est infondée dans son action en enrichissement sans cause par laquelle elle entend échapper aux dites dispositions et aux règles procédurales d'ordre public déterminant les conditions par lesquelles une décision acquiert la force de chose jugée ;

Qu'en conséquence, il ne saurait être fait droit à cette demande ;

ET AUX MOTIFS PROPRES QUE « par ailleurs l'action fondée sur l'enrichissement sans cause ne peut être admise qu'à défaut de toute autre action ouverte au demandeur et qu'elle ne peut l'être, notamment, pour suppléer à une autre action ouverte au demandeur et qu'elle ne peut l'être, notamment, pour suppléer à une autre action qui se heurte à un obstacle de droit ; qu'il s'ensuit que la demande de Madame X... ne peut pas non plus prospérer sur ce fondement dès lors qu'elle disposait d'une action directe qui a été écartée » ;

ALORS QUE l'action d'enrichissement sans cause n'est pas un subsidiaire de la demande de prestation compensatoire dont le but et les éléments d'évaluation sont définis par la loi et distincts de toute idée d'enrichissement et d'appauvrissement ; qu'en l'espèce, Madame X...- Y... a demandé en cause d'appel que Monsieur Y... soit en tout état de cause condamné à lui verser une indemnité en réparation de l'appauvrissement qu'elle avait subi au bénéfice de son mari durant la vie commune ; qu'en se contentant d'écarter cette demande car l'exposante aurait disposé d'une action en demande de prestation compensatoire qui avait été écartée la Cour d'appel a violé l'article 1371 du Code civil en refusant de l'appliquer.



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Cette décision est visée dans la définition :
Prestation compensatoire


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.