par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 2, 15 avril 2010, 08-12357
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
15 avril 2010, 08-12.357
Cette décision est visée dans la définition :
Appel
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 14 mai 2007), et les productions, que par contrat du 31 mars 1997, la SCI Laguna a confié à la société CEB la construction d'un hangar ; que par contrat du même jour, elle a confié à la société Delta ingénierie Antilles (société Delta) une mission d'ordonnancement, pilotage et coordination du chantier ; que la SCI Laguna a fait constater par huissier de justice le 1er décembre 1997 l'abandon du chantier par la société CEB ainsi que des désordres, malfaçons et inexécutions ; qu' elle a assigné les sociétés CEB et Delta pour les voir condamner à lui payer des dommages-intérêts pour malfaçons et travaux non conformes et en réparation du préjudice commercial ; que le tribunal a condamné la seule société CEB à payer à la SCI Laguna une certaine somme à titre de dommages-intérêts ; que la société CEB a interjeté appel de ce jugement le 5 mai 2003 ; qu'elle a été mise en liquidation judiciaire le 18 juillet 2003 ; que la SCI Laguna a déclaré sa créance à la liquidation judiciaire le 7 octobre 2003 ; que la société CEB n'ayant pas conclu, l'affaire a été radiée du rôle de la cour d'appel le 18 décembre 2003 ; que le 24 novembre 2005, la SCI Laguna a fait déposer des conclusions demandant à la cour d'appel de statuer au vu des écritures de première instance et de renvoyer l'affaire à l'audience pour être jugée ; que par des écritures du même jour, la SCI Laguna a demandé à la cour d'appel de réformer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner solidairement les sociétés CEB et Delta à lui payer diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SCI Laguna fait grief à l'arrêt de statuer sans que les organes de la procédure collective aient été appelés en la cause aux fins de reprise d'instance, alors, selon le moyen, que l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la liquidation judiciaire de l'une des parties ; que la liquidation judiciaire de la société CEB a été prononcée par un jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre du 18 juillet 2003, ayant désigné Mme X... en qualité de liquidateur judiciaire ; qu'en statuant néanmoins sans que Mme X..., ès qualités, soit intervenue afin de reprendre l'instance ou ait été assignée en reprise d'instance, la cour d'appel a violé les articles 369 et 372 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'ouverture d'une procédure collective n'interrompt l'instance en cours qu'au profit du débiteur et que seul le liquidateur, qui représente ce dernier après sa mise en liquidation judiciaire, peut se prévaloir du caractère non avenu d'un jugement obtenu après l'interruption d'instance ; que la SCI Laguna, qui avait connaissance de la liquidation judiciaire et n'a pas assigné le liquidateur devant la cour d'appel aux fins de régularisation de la procédure, n'a pas qualité pour invoquer le moyen tiré du caractère non avenu de l'arrêt ;
D'où il suit que le moyen n'est pas recevable ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la SCI Laguna fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses conclusions portant appel incident, alors, selon le moyen, que l'article 915, alinéa 3, du code de procédure civile cesse d'être applicable, lorsque l'intimé qui demande le rétablissement de l'affaire au rôle, le prononcé de la clôture et le renvoi à l'audience pour être jugée au vu des conclusions de première instance, forme en même temps appel incident ; qu'en déclarant néanmoins irrecevables les conclusions de la société Laguna portant appel incident, motif pris de ce que celle-ci avait demandé que l'affaire fût jugée au vu des conclusions de première instance, bien qu'en présence d'un appel incident, il ne puisse être statué qu'au vu des conclusions d'appel, la cour d'appel a violé l'article 915, alinéa 3, du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient exactement que lorsqu'une affaire radiée du rôle en application de l'article 915 du code de procédure civile est rétablie sur l'initiative de l'intimé qui a expressément demandé que la clôture soit ordonnée et l'affaire renvoyée à l'audience pour être jugée au vu des écritures de première instance, l'affaire est en état d'être jugée, de sorte que l'intimé ne peut ensuite déposer de pièces ou conclusions, même pour former un appel incident ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Laguna aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes présentées de ce chef ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze avril deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils pour la SCI Laguna
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir statué dans le litige opposant la Société LAGUNA à la Société CEB, placée en liquidation judiciaire, sans que les organes de la procédure collective aient été appelés en la cause aux fins de la prise d'instance ;
ALORS QUE l'instance est interrompue par l'effet du jugement qui prononce la liquidation judiciaire de l'une des parties ; que la liquidation judiciaire de la Société CEB a été prononcée par un jugement du Tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre du 18 juillet 2003, ayant désigné Maître Marie-Agnès X... en qualité de liquidateur judiciaire ; qu'en statuant néanmoins, sans que Maître X..., ès qualités, soit intervenue afin de reprendre l'instance ou ait été assignée en reprise d'instance, la Cour d'appel a violé les articles 369 et 372 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les conclusions de la Société LAGUNA portant appel incident ;
AUX MOTIFS QUE l'article 915 du Code de procédure civile, en ses alinéas 1 et 2, impose à l'appelant de conclure dans les quatre mois de la déclaration d'appel, à peine de radiation privant l'appel de tout effet suspensif ; que ce même article dispose notamment, en son alinéa 3, que « l'affaire est rétablie soit sur justification du dépôt des conclusions de l'appelant, l'appel restant privé de tout effet suspensif, soit sur l'initiative de l'intimé qui peut demander que la clôture soit ordonnée et l'affaire renvoyée à l'audience pour être jugée au vu des conclusions de première instance » ; qu'en l'espèce, l'affaire a été radiée le 18 décembre 2003, faute de conclusions de l'appelant dans le délai de quatre mois à compter de la déclaration d'appel, seule l'intimé ayant conclu pour solliciter le rétablissement de l'affaire ; que les conclusions portant appel incident le même jour sont irrecevables, la clôture ayant été sollicitée dans les conclusions de rétablissement qui demandent dans le dispositif le renvoi de l'affaire « pour être jugée au vu des écritures de première instance » ;
ALORS QUE l'article 915, alinéa 3, du Code de procédure civile cesse d'être applicable, lorsque l'intimé qui demande le rétablissement de l'affaire au rôle, le prononcé de la clôture et le renvoi à l'audience pour être jugée au vu des conclusions de première instance, forme en même temps appel incident ; qu'en déclarant néanmoins irrecevables les conclusions de la Société LAGUNA portant appel incident, motif pris de ce que celle-ci avait demandé que l'affaire fût jugée au vu des conclusions de première instance, bien qu'en présence d'un appel incident, il ne puisse être statué qu'au vu des conclusions d'appel, la Cour d'appel a violé l'article 915, alinéa 3, du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (très subsidiaire)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Société CEB à payer à la Société LAGUNA la somme totale de 102 303,96 (671 070 F), à titre de dommages-intérêts, correspondant à la somme trop-perçue de 64 191,71 (421 070 F) sur le prix des travaux et à celle de 38 112,25 (250 000 F), en réparation du préjudice né des malfaçons ;
AUX MOTIFS ADOPTES QU'il convient d'évaluer le préjudice subi par la Société LAGUNA du fait des manquements commis par l'entreprise CEB dans sa mission d'exécution ; que le solde des travaux restant à réaliser au moment de l'expertise, et chiffré par l'expert à 1 300 509,60 F ne peut être mis à sa charge ; qu'il n'est pas contesté que la Société LAGUNA a réglé à la Société CEB la somme de 1 392 780 F pour des travaux estimés par l'expert à 971 710 F ; qu'aussi, l'argumentation subsidiaire de la Société CEB selon laquelle, elle ne peut être tenue sur ce point qu'au paiement du trop-perçu sera retenue, soit la somme due de 64 191,71 (421 070 F) ; que, de plus, pour tenir compte du préjudice né des malfaçons et désordres dont il est demandé l'indemnisation, il est de juste appréciation de dire que l'entreprise CEB devra régler à la demanderesse la somme de 38 112,25 (250 000 F) ;
ALORS QUE la Société LAGUNA faisait valoir que, dès lors qu'elle ne pouvait pas récupérer la taxe sur la valeur ajoutée, les dommages-intérêts pour malfaçons dus par la Société CEB devaient être évalués toutes taxes comprises ; qu'en se bornant néanmoins à lui allouer des dommages-intérêts correspondant à des montants hors taxe, sans répondre à ces conclusions relatives à la prise en compte de la taxe sur la valeur ajoutée dans l'indemnisation de son préjudice, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (également très subsidiaire)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la Société LAGUNA, tendant à voir condamner la Société CEB, solidairement avec la Société DELTA INGENIERIE ANTILLES, à lui payer une somme de 2 000 000 F, à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice commercial ;
AUX MOTIFS ADOPTES QU'il ressort du rapport d'expertise fouillé et précis de Monsieur Y... que, d'une part, les documents contractuels nécessaires et habituels dans ce type de construction font défaut ; que l'expert note (page 9) : « il n'a pas été constitué de dossier marchés, à savoir : Acte d'engagement, Devis descriptif Tous Corps d'Etat (les descriptifs qui nous ont été remis ne sont pas signés et surtout ne correspondent pas au projet), Devis quantitatif ( ), Plans d'exécution Architecte au 50e » ; que, d'autre part, l'expert précise que ces travaux, en l'absence de maître d'oeuvre de conception et d'exécution (cf page 27) n'ont pas été réalisés dans les règles de l'art (cf pages 13 et 14) ; qu'enfin, il est constant que, le 12 novembre 1997, l'entreprise CEB a abandonné le chantier alors qu'elle avait déjà perçu la somme très supérieure de 1 392 780 F pour des travaux incomplets et mal exécutés, selon le détail de l'expertise ; que, sur la demande en paiement de la somme de 2 000 000 F à titre de dommages-intérêts pour préjudice commercial, la Société LAGUNA fait valoir que les manquements des défenderesses à leurs obligations n'ont pu permettre la location prévue du local à la Société 3P de décembre 1997 à mars 2001 ; que, cependant, cette demande n'est justifiée que par un document intitulé « 3 Pneus la Jaille exploitation prévisionnelle détaillée », qui ne suffit pas à démontrer l'engagement de cette société à louer les locaux dont s'agit à compter de 1998 ; que, dès lors, cette demande (dont ne pourrait être tenue, de toute façon, la Société DELTA INGENIERIE ANTILLES) sera rejetée car insuffisamment justifiée ;
ALORS QU'il incombe au juge, saisi d'une demande en réparation d'un préjudice, de préciser le dommage qui résulte d'une perte de chance, la victime ayant seulement à indiquer à quel montant elle évalue l'ensemble de son préjudice, sans avoir à chiffrer spécifiquement la perte de chance ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour débouter la Société LAGUNA de sa demande de dommages-intérêts pour perte de loyers, qu'il n'était pas démontré que la Société Les 3 P s'était engagée à prendre en location les locaux objet du chantier à compter de 1998, sans rechercher, comme elle y était pourtant tenue, si le retard dans la livraison et l'abandon du chantier par la Société CEB avaient fait perdre une chance à la Société LAGUNA de louer l'immeuble à compter de cette date, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION (également très subsidiaire)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la Société LAGUNA, tendant à voir condamner la Société DELTA INGENIERIE ANTILLES, solidairement avec la Société CEB, à lui payer une somme de 2 000 000 F, à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice commercial ;
AUX MOTIFS ADOPTES QU'il est constant que, suivant contrat du 11 mars 1997, la Société DELTA INGENIERIE ANTILLES a accepté une mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination de l'immeuble en cause ; que, cependant, eu égard à la nature du marché passé avec la Société CEB en qualité d'entrepreneur général, l'expert Y... a fait état de l'inutilité de la mission de Société DELTA INGENIERIE ANTILLES (page 10) ; que l'expert note toutefois que cette mission comportait l'élaboration d'un planning d'exécution dans la phase préliminaire qui n'a pas été établi ; que, de plus, l'expert indique (page 27) que « dès le début, le coordonnateur aurait dû informer le maître de l'ouvrage que le projet n'était pas réalisable en 5 mois, ne serait-ce qu'au motif que le dossier d'exécution n'existait pas et donc que les plans, les fiches techniques des matériaux, n'étaient pas transmis au contrôleur technique et de fait non approuvés » ; qu'aussi, ce manquement pourra être retenu à l'endroit de Société DELTA INGENIERIE ANTILLES, les nombreux courriers de mise en garde adressés à la Société LAGUNA ne suffisant pas à l'exonérer de sa responsabilité de pilote du projet ; que, sur la demande en paiement de la somme de 2 000 000 F à titre de dommages-intérêts pour préjudice commercial, la Société LAGUNA fait valoir que les manquements des défenderesses à leurs obligations n'ont pu permettre la location prévue du local à la Société 3P de décembre 1997 à mars 2001 ; que, cependant, cette demande n'est justifiée que par un document intitulé « 3 Pneus la Jaille exploitation prévisionnelle détaillée », qui ne suffit pas à démontrer l'engagement de cette société à louer les locaux dont s'agit à compter de 1998 ; que, dès lors, cette demande (dont ne pourrait être tenue de toute façon, la Société DELTA INGENIERIE ANTILLES) sera rejetée car insuffisamment justifiée ;
ALORS QU'il incombe au juge, saisi d'une demande en réparation d'un préjudice, de préciser le dommage qui résulte d'une perte de chance, la victime ayant seulement à indiquer à quel montant elle évalue l'ensemble de son préjudice, sans avoir à chiffrer spécifiquement la perte de chance ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour débouter la Société LAGUNA de sa demande de dommages-intérêts pour perte de loyers, qu'il n'était pas démontré que la Société Les 3 P s'était engagée à prendre en location les locaux objet du chantier à compter de 1998 et que la Société DELTA INGENIERIE ANTILLES ne pouvait, de toute façon, être tenue pour responsable de cette perte de loyers, sans rechercher, comme elle y était pourtant tenue, si les manquements de la Société DELTA INGENIERIE ANTILLES, résultant de l'absence d'élaboration d'un planning d'exécution et du défaut d'information de l'infaisabilité du projet dans le délai envisagé, avaient entraîné un retard supplémentaire dans la livraison de l'immeuble, qui avait privé la Société LAGUNA d'une chance de louer celui-ci à partir de la date de fin de chantier initialement prévue, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.
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Cette décision est visée dans la définition :
Appel
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.