par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 19 novembre 2009, 08-19173
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
19 novembre 2009, 08-19.173
Cette décision est visée dans la définition :
Notaire
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que, par acte notarié du 16 avril 1987, la chambre de commerce et d'industrie de Sète, Frontignan et Mèze (la CCI) et la banque Dupuy de Parseval ont constitué entre elles la société civile immobilière (SCI) Cap de la Corniche dont l'objet social était l'acquisition d'un terrain à bâtir et la construction d'une résidence hôtelière sur ce terrain ; que, par acte sous seing privé du 21 mars 1988, la CCI et le syndicat général de l'industrie hôtelière ont constitué entre eux la société à responsabilité limitée Cap de la Corniche dont l'objet était l'exploitation commerciale de la résidence hôtelière en vertu d'un bail consenti par la SCI ; que le financement de l'opération immobilière a été assuré par des prêts consentis par cinq établissements bancaires, dont la BNP, devenue BNP Paribas, qui, par acte sous seing privé du 8 novembre 1988, a consenti à la SCI et à la SARL un prêt de deux millions d'écus, convertis en 13 802 000 francs, remboursable en quinze annuités, l'acte prévoyant, d'une part, le cautionnement solidaire de la CCI ainsi qu'une promesse d'hypothèque de premier rang et une promesse de nantissement de premier rang souscrites respectivement par la SCI et par la SARL, et, d'autre part, une stipulation selon laquelle les emprunteurs ne pouvaient, sans l'accord de la banque, " réaliser tout ou partie de leur patrimoine immobilier ou l'apporter à une société ou à toute personne morale " ; que les promesses d'hypothèque et de nantissement ont été consenties par lettres du 24 novembre 1988 ; que, par acte sous seing privé du 16 avril 1992, la CCI et la banque Dupuy de Parseval se sont engagées à céder aux deux dirigeants du groupe Symbiose ou à leurs substitués la totalité des parts de la SCI et de la SARL, à charge pour ceux-ci d'opérer des apports en compte courant ayant pour objet le remboursement du capital restant dû sur le crédit bancaire, avec le cautionnement d'un organisme bancaire au profit de la CCI ; que, par acte authentique reçu, le 28 décembre 1992, par M. X..., notaire associé de la SCP A...- X..., avec la participation de M. Y..., notaire associé de la SCP Y...- B..., et de M. Z..., notaire associé de la SCP Z...-C..., la CCI et la banque Dupuy de Parseval ont cédé la totalité de leurs parts dans la SCI Cap de la Corniche à une société du groupe Symbiose et aux deux dirigeants du même groupe, lesquels se sont obligés à un apport en compte courant en vue du remboursement anticipé du capital restant dû sur le crédit bancaire, par un versement immédiat et un versement différé du solde au 31 décembre 1993 au plus tard ; que, par un acte authentique du même jour, reçu par le même notaire, la SCI Cap de la Corniche, en ses nouveaux associés, a vendu à la société Prominvest, autre société du groupe Symbiose, divers lots dépendant de la copropriété de la résidence hôtelière Cap de la Corniche pour un prix payable en partie comptant et en partie au plus tard le 31 décembre 1993, ce solde étant garanti par le cautionnement solidaire du Comptoir des entrepreneurs en faveur de la SCI venderesse qui s'obligeait à en déléguer le bénéfice aux cinq organismes bancaires ayant financé le projet immobilier, avec la précision que cette délégation pourra être modifiée au profit de la CCI en cas de transfert des emprunts à cette dernière ; que, invoquant la clause interdisant toute cession sans son accord, la BNP a, le 28 décembre 1993, notifié la déchéance du terme à la SCI Cap de la Corniche qui a été placée en redressement judiciaire le 30 décembre 1993, suivi, le 18 janvier 1994, par celui de la société Prominvest, faute d'avoir payé le solde du prix d'acquisition des lots ; qu'après avoir, le 3 janvier 1994, vainement fait sommation au Comptoir des entrepreneurs de la payer en exécution de son cautionnement, la BNP Paribas a été irrévocablement déboutée de sa demande tendant à obtenir le bénéfice de la délégation au motif que son acceptation de ladite délégation était intervenue postérieurement à l'ouverture de la procédure collective de la SCI ; qu'elle a alors assigné la CCI en paiement du solde du prêt qui lui restait dû, sur le fondement du cautionnement solidaire qu'elle avait souscrit, laquelle Chambre de commerce et d'industrie a appelé les notaires en garantie ;
Sur le second moyen :
Attendu que la CCI reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de son action en responsabilité formée à l'encontre de la BNP, pour manquement de celle-ci à son obligation de loyauté et de bonne foi, alors, selon le moyen, que le créancier qui, dans le même temps, se garantit par un cautionnement et par des promesses d'hypothèque et de nantissement « à première demande », s'oblige envers la caution à rendre ces sûretés effectives ; qu'à défaut, il manque à son obligation de loyauté envers la caution ; qu'en retenant que la réalisation des promesses d'hypothèque et de nantissement à première demande de la banque, expressément prévues dans l'acte de prêt du 8 novembre 1988 et consenties par courriers de la SCI Cap de la Corniche et de la SARL Cap de la Corniche du 24 novembre 1988, aurait été « laissée au gré de la BNP, laquelle n'avait aucune obligation contractuelle de faire procéder à leur inscription », pour en déduire que la banque n'aurait commis aucune faute à l'égard de la caution en omettant de faire procéder à l'inscription de ces garanties, la cour d'appel aurait violé les articles 1134, 1135 et 1147 du code civil ;
Mais attendu que, si le créancier, bénéficiaire d'une sûreté provisoire, qui, dans le même temps, se garantit par un cautionnement, s'oblige envers la caution à rendre cette sûreté définitive, tel n'est pas le cas du créancier bénéficiaire d'une promesse d'hypothèque ou de nantissement, dès lors que la constitution de la sûreté est au seul pouvoir du promettant ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais, sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que, pour débouter la CCI de sa demande dirigée contre les notaires et tendant à ce qu'ils la garantissent de toutes les condamnations prononcées contre elle en faveur de la BNP, l'arrêt retient qu'il ne peut leur être reproché de s'être abstenus d'appeler l'attention des parties aux actes du 28 décembre 1992 sur la violation de la clause de l'acte de prêt qui interdisait la vente des immeubles sans l'accord de la BNP, dès lors qu'il n'est pas établi que ces notaires avaient connaissance de cette clause et qu'ils n'avaient pas à rechercher la conformité de l'acte de vente d'immeubles aux actes de prêt ;
Qu'en se déterminant ainsi, quand l'opération à laquelle ils prêtaient leur concours et qui, aboutissant à transférer la charge du remboursement des prêts sur les cessionnaires, créait un lien de dépendance entre les actes successifs, imposait aux notaires d'examiner les actes initiaux de prêt et d'appeler l'attention des parties sur leurs stipulations, dont la stipulation litigieuse, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette l'appel en garantie de la CCI dirigé contre les notaires, l'arrêt rendu le 8 août 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne, ensemble, M. X..., la SCP X... Foures Baudu, M. Z..., la SCP Breton Tetu Dutheil, la SCP Blanc Poujol Audran Siguié Spinelli et Mmes Odile, Nathalie, Elisabeth et Béatrice Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux Conseils pour la chambre de commerce et d'industrie de Sète, Frontignan et Mèze.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la chambre de commerce de Sète, Frontignan et Mèze de sa demande tendant à voir se voir garantir de toutes les condamnations prononcées contre elle en faveur de la BNP par Maître X..., la SCP X... FOURES BAUDU, Maître Yvan Z..., la SCP BRETON TETU DUTHEIL, la SCP BLANC POUJOL AUDRAN SIGUIE SPINELLI, notaires, et les consorts Y..., ayants droit de feu Georges Y..., en son vivant notaire ;
AUX MOTIFS QUE « la CCI reproche aux notaires qui ont reçu le 28 décembre 1992 les actes de cession de parts sociales et de vente d'immeubles, des manquements au devoir de conseil pour :
- s'être abstenus d'inviter la SCI à solliciter l'accord de la BNP au remboursement anticipé du prêt ;
- s'être abstenus d'inviter la CCI à négocier avec les établissements de crédit une substitution de caution en conséquence de la cession des parts sociales ou une délégation parfaite de créance ayant pour conséquence d'éteindre l'obligation de la SCI et de la caution ;
- avoir, en méconnaissance des prévisions du compromis de cession de parts « laissé le Comptoir des entrepreneurs souscrire un cautionnement solidaire en faveur de la SCI CAP DE LA CORNICHE et non en faveur de la Chambre de commerce » ;
- s'être abstenus de conseiller à la CCI d'inviter « les organismes financiers à inscrire éventuellement une hypothèque sur les immeubles de la SCI CAP DE LA CORNICHE et un nantissement sur le fonds de commerce de la SARL CAP DE LA CORNICHE, pour conférer à l'opération une garantie totale dans l'intérêt de toutes les parties » ;
mais que les actes interdépendants de cessions de parts et de vente d'immeubles participent d'un montage à l'économie complexe ; que cette opération a été négociée, sans l'assistance des notaires, entre des opérateurs économiques avertis, d'un côté, un groupe de sociétés spécialisées dans la promotion immobilière, d'un autre côté, la CCI, établissement public qui exerce, en particulier, une mission d'assistance technique et de conseil en matière économique ; que l'opération comportait notamment :
- la cession de l'intégralité du capital de la SCI à une société du groupe Symbiose,
- des apports en compte courant du cessionnaire, devant être affectés au remboursement des prêts ;
- la prise en charge par les cédants (la CCI et la banque Dupuy de Parseval) des échéances d'emprunts exigibles jusqu'au 31 décembre 1993 ;
- la vente par la SCI de divers lots de la résidence hôtelière au profit d'une société du groupe Symbiose pour un prix payable, pour l'essentiel à terme ;
- le cautionnement solidaire du Comptoir des entrepreneurs en garantie de la partie de prix payable à terme ;
- l'engagement du vendeur et de l'acquéreur de déléguer le paiement du prix payable à terme au profit des établissements de crédit ayant financé le projet immobilier ;
- la faculté de transférer le bénéfice de la délégation au profit de la CCI dans l'hypothèse où les emprunts ayant financé le projet lui seraient transférés ;
qu'à la date de signature des actes de cession de parts sociales et de vente d'immeubles, le montage n'était pas finalisé quant à la reprise par la CCI des emprunts souscrits par la SCI ; que le transfert de dettes était alors, bien que la CCI s'en défende, en cours de négociation, ainsi qu'il résulte des actes suivants :
- délibération de la CCI du 12 octobre 1992 mandatant le président à l'effet de solliciter du ministère de tutelle l'autorisation de « reprendre les montants des emprunts relatifs au financement de la résidence de tourisme dans les comptes de la CCI, en contrepartie de la perception directe des règlements liés à la cession des sociétés SCI et SARL CAP DE LA CORNICHE » ;
- lettres de la CCI à la BNP du 19 novembre 1992 : « avec l'approbation de notre ministère de tutelle, nous sollicitons votre accord pour le transfert de l'encours de crédit au sein de la chambre de commerce et d'industrie de Sète
En contrepartie, la CCI percevrait le produit de la vente pour assurer le service de la dette » ; du 25 novembre :
« nous vous confirmons notre demande de transfert des emprunts de la SCI CAP DE LA CORNICHE sur un compte ouvert au nom de notre compagnie consulaire, dès la signature de l'acte authentique de cession des parts sociales de la SCI CAP DE LA CORNICHE » ; du 3 décembre 1992 : « Nous nous permettons de préciser que le choix de reprise des emprunts par la Chambre de commerce et d'industrie est dicté par le souci de lui conserver la maîtrise de la gestion de la dette en maintenant la garantie de caution solidaire étayée durant l'année 1993 par une caution bancaire » ; du 21 décembre 1992 : « Nous vous rappelons notre courrier du 19 novembre dernier concernant la demande de transfert de prêt cité en objet
» ; du 23 décembre 1992 : « je vous confirme l'intention de notre compagnie consulaire de rembourser par anticipation ces prêts lors du versement par les acquéreurs de la SCI CAP DE LA CORNICHE du solde de l'opération qui interviendra entre les mois de décembre 1993 et janvier 1994
» ;
- accord de principe donné par la BNP à ce transfert, par lettre du 24 décembre 1992, sous réserve de la « signature d'un engagement irrévocable de faire face, d'une part, au paiement des échéances prévues au contrat, et d'autre part, au remboursement intégral du solde des 2 prêts le 31 décembre 1993 » ;
que pour des raisons que la CCI n'a pas souhaité révéler, le transfert de l'encours des crédits consentis par la BNP ne s'est pas réalisé ; qu'en revanche, le transfert à la CCI des prêts du Crédit local de France et de la Banque française de crédit coopératif est intervenu par des conventions prenant effet respectivement le 28 décembre 1992 et le 1er janvier 1993, ce qui a permis à la CCI de bénéficier de la délégation qu'elle avait expressément accepté par acte signifié le 15 décembre 1993, ainsi que de la garantie du Comptoir des entrepreneurs, une somme de 11 574 199, 40 F lui ayant été versée à ce titre en exécution d'un arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 29 novembre 1994 ; que dans ces circonstances particulières, les griefs formulés contre les notaires ne sont pas fondés :
1. l'acte de prêt ouvrant à l'emprunteur une faculté de remboursement anticipé, sous la seule réserve du respect d'un délai de préavis de un mois, il était sans intérêt de solliciter de la BNP son accord à un tel remboursement ;
2. il ne peut être reproché aux notaires de s'être abstenus d'appeler l'attention des parties aux actes du 28 décembre 1992 sur la violation de la clause de l'acte de prêt qui interdisait la vente des immeubles sans l'accord de la BNP, dès lors qu'il n'est pas établi que les notaires avaient connaissance de cette clause et qu'ils n'avaient pas à rechercher la conformité de l'acte de vente d'immeubles aux actes de prêts ;
3. la CCI, qui a accepté de payer certaines échéances de remboursement en lieu et place de la SCI, postérieurement à la cession de parts sociales, était nécessairement consciente que cette cession n'emportait pas décharge de son obligation ; que la CCI ayant négocié un montage destiné à la prémunir contre la mise à exécution du cautionnement, les notaires n'avaient pas à lui conseiller de rechercher une substitution de caution ou l'accord de la BNP à une délégation parfaite, d'autant que la solvabilité attachée à sa qualité d'établissement public rendait illusoire la renonciation par une banque au bénéfice de sa garantie ;
4. que c'est sur les instructions expresses des parties à l'acte de cession de parts que les notaires ont substitué au cautionnement prévu dans le compromis au profit de la CCI, une garantie du Comptoir des entrepreneurs assortie d'une délégation de créance devant bénéficier soit aux établissements de crédit, soit à la CCI ; que cette modification des prévisions initiales, consécutives aux négociations intervenues entre les parties, notamment avec le Comptoir des entrepreneurs, n'obligeait pas, en elle-même, les notaires à un devoir de conseil particulier ;
5. à la date des actes notariés litigieux, les négociations en vue d'un transfert à la CCI de la charge du crédit souscrit par la SCI auprès de la BNP étaient fortement avancées puisqu'un accord de principe avait été donné par la banque, aux termes d'un courrier du 24 décembre 1992 ; que dans ce contexte spécifique, les notaires n'étaient pas tenus de conseiller aux parties de faire produire effet à la délégation stipulée au profit des établissements de crédit en sollicitant à cette fin leur consentement, puisque le transfert de crédit à la CCI devait s'accompagner d'un transfert du bénéfice de la délégation ;
6. enfin, une obligation de conseil n'incombait pas aux notaires quant à la prise de garantie, sous forme d'une hypothèque et d'un nantissement, au profit d'établissements de crédit qui n'étaient pas parties aux actes du 28 décembre 1992 ;
que la CCI ne rapportant pas la preuve d'une faute des notaires, la cour ne peut que rejeter l'appel en garantie et la demande de dommages et intérêts » ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QUE la Cour d'appel a elle-même constaté que l'acte notarié du 28 décembre 1992 rappelait l'existence et le montant des emprunts souscrits par la SCI CAP DE LA CORNICHE en vue du financement du projet immobilier ; qu'en retenant qu'il n'aurait pas été établi que les notaires connaissaient la clause de l'acte de prêt qui interdisait la vente des immeubles sans l'accord de la BNP et qu'ils n'avaient pas à rechercher la conformité de l'acte de vente d'immeuble aux actes de prêts, pour en déduire qu'il n'aurait pu leur être reproché de s'être abstenus d'appeler l'attention des parties aux actes du 28 décembre 1992 sur la violation de la clause de l'acte de prêt qui interdisait la vente des immeubles sans l'accord de la BNP, cependant que les notaires ne pouvaient pas légitimement ignorer l'existence et le contenu de cet acte qu'ils avaient eux-mêmes visé, ni par conséquent les effets que pouvait produire une violation de cet acte, la Cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1382 du Code civil ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE le notaire n'est pas déchargé de son devoir de conseil par les compétences personnelles de son client ; qu'en retenant que l'opération avait été négociée « entre des opérateurs économiques avertis », la Cour d'appel a statué par un motif inopérant en violation de l'article 1382 du Code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le notaire, tenu professionnellement d'éclairer les parties et de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il instrumente, ne peut décliner le principe de sa responsabilité en alléguant qu'il n'a fait qu'authentifier l'acte établi par les parties ; qu'en exonérant les notaires de leur devoir de conseil en retenant que l'opération avait été négociée sans l'assistance des notaires, que la CCI était « consciente » du maintien de son obligation, ou avait donné des « instructions expresses » de remplacer le cautionnement prévu à son profit, ou encore était toujours en négociation avec la banque à la date des actes notariés, cependant que ces circonstances ne dispensaient pas les notaires d'éclairer et de mettre en garde les parties sur les risques que ce montage leur faisait courir et sur l'opportunité de prévoir soit une substitution de caution, soit un cautionnement solidaire en faveur de la CCI, soit une délégation parfaite, soit une mise en demeure de la BNP d'accepter la délégation imparfaite, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE le notaire, tenu de s'assurer de l'efficacité de l'acte auquel il prête son concours, doit, sauf s'il en est dispensé expressément par les parties, veiller à l'accomplissement des formalités nécessaires à la mise en place des sûretés qui en garantissent l'exécution dont, quelles que soient ses compétences personnelles, le client concerné se trouve alors déchargé ; que la caution a vocation à être subrogée dans le bénéfice des autres garanties prises par le créancier ; qu'en retenant que les notaires n'auraient pas eu d'obligation de conseil quant à la prise de garantie sous forme d'hypothèque ou d'un nantissement, au profit d'un établissement de crédit qui n'était pas partie aux actes du 28 décembre 1992, cependant que la prise de ces garanties n'était pas seulement au profit de la banque, mais aussi de la caution puisque celle-ci avait vocation à être subrogée dans leur bénéfice, la Cour d'appel a une fois encore violé l'article 1382 du Code civil ;
ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE le notaire, tenu de s'assurer de l'efficacité de l'acte auquel il prête son concours, doit, sauf s'il en est dispensé expressément par les parties, veiller à l'accomplissement des formalités nécessaires à la mise en place des sûretés qui en garantissent l'exécution dont, quelles que soient ses compétences personnelles, le client concerné se trouve alors déchargé ; qu'en omettant de rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions de la CCI, si les notaires n'avaient pas manqué à leur obligation de conseil en ne conseillant pas aux parties d'inscrire une hypothèque sur les biens immobiliers objet de la vente et un nantissement sur le fonds de commerce de la SARL CAP DE LA CORNICHE au profit de la CCI, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la Chambre de commerce de Sète, Frontignan et Mèze de son action en responsabilité formée à l'encontre de la BNP, pour manquement de celle-ci à son obligation de loyauté et bonne foi, et de sa demande corrélative de compensation de créances ;
AUX MOTIFS QUE « les griefs de la CCI portent sur la perte du bénéfice de certaines garanties ; qu'en premier lieu, la réalisation du prêt consenti le 8 novembre 1988 par la BNP à la SCI et à la SARL, avec le cautionnement solidaire de la CCI, était subordonnée, par une clause de l'acte, à la souscription par la SCI et par la SARL, respectivement, d'une promesse d'hypothèque sur le terrain de la première et d'une promesse de nantissement sur le fonds de commerce de la seconde ; que ces promesses de sûreté ont été données par la SCI et par la SARL le 24 novembre 1988 ; que la BNP n'en a pas demandé l'exécution ; qu'en second lieu, l'acte de vente d'immeubles du 28 décembre 1992, comportait obligation pour la SCI d'affecter la partie du prix payable à terme, soit la somme de 47 500 000 F garantie par le cautionnement du Comptoir des entrepreneurs, aux établissements de crédit ayant financé l'opération immobilière ; que ce n'est qu'après l'ouverture du redressement judiciaire de la SCI, intervenu le 30 décembre 1993, que la BNP a accepté la délégation de paiement, alors qu'elle en avait connaissance au moins depuis le 7 septembre 1993 ; que l'ouverture de la procédure collective ayant privé d'effet l'acceptation tardive de la délégation, le Comptoir des entrepreneurs a exécuté son obligation de caution entre les mains de l'administrateur au redressement judiciaire, conformément à un jugement du 8 mars 1994, confirmé par un arrêt devenu irrévocable (cour d'appel de Montpellier, 29 novembre 1994) ; que la CCI, qui agit en responsabilité sur le fondement des dispositions des articles 1134, alinéa 3, et 1147 du Code civil, soutient que la BNP, envers laquelle elle était tenue par une obligation de caution, a commis une faute à son égard en s'abstenant de solliciter en temps utile le bénéfice des promesses de sûreté et de la délégation de paiement ; mais que la responsabilité contractuelle du créancier envers la caution, à raison de la perte du bénéfice de garantie de paiement, ne peut être engagée qu'autant que ces garanties étaient entrées dans le champ contractuel du cautionnement ou qu'elles constituaient des droits potentiels sur lesquels la caution pouvait légitimement croire, lors de la souscription de son engagement, qu'ils seraient constitués ; que tel n'est le cas, ni des promesses d'hypothèque et de nantissement, « à première demande de la banque », dont la réalisation était laissée au gré de la BNP, laquelle n'avait aucune obligation contractuelle de faire procéder à leur inscription, ni d'une délégation de paiement consentie au créancier postérieurement à l'engagement de la caution ; que par suite la demande en paiement de dommages et intérêts formée par la CCI contre la BNP ne peut qu'être rejetée » ;
ALORS QUE le créancier qui, dans le même temps, se garantit par un cautionnement et par des promesses d'hypothèque et de nantissement « à première demande », s'oblige envers la caution à rendre ces sûretés effectives ; qu'à défaut, il manque à son obligation de loyauté envers la caution ; qu'en retenant que la réalisation des promesses d'hypothèque et de nantissement à première demande de la banque, expressément prévues dans l'acte de prêt du 8 novembre 1988 et consenties par courriers de la SCI CAP DE LA CORNICHE et de la SARL CAP DE LA CORNICHE du 24 novembre 1988, aurait été « laissée au gré de la BNP, laquelle n'avait aucune obligation contractuelle de faire procéder à leur inscription », pour en déduire que la banque n'aurait commis aucune faute à l'égard de la caution en omettant de faire procéder à l'inscription de ces garanties, la Cour d'appel a violé les articles 1134, 1135 et 1147 du Code civil.
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Cette décision est visée dans la définition :
Notaire
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.