par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 4 juin 2009, 08-13480
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, 1ère chambre civile
4 juin 2009, 08-13.480

Cette décision est visée dans la définition :
Administration légale (mineurs)




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Charles X... et son épouse, Mme Y..., ont donné à leurs trois enfants mineurs la nue-propriété de biens ruraux, terres et pâtures dont ils ont conservé l'usufruit ; que, par acte authentique du 5 janvier 1990, les époux X..., agissant tant en leur nom personnel que comme administrateurs légaux de leurs enfants, ont donné ces immeubles en location à M. Z... ; que, par acte du 8 juillet 2005, Mme Y... et ses trois enfants devenus majeurs, Mme Isabelle X..., épouse A..., M. Eric X... et Mme Hélène X... (les consorts X...) ont notifié à M. Z... le non-renouvellement du bail du 5 janvier 1990 ; que M. Z... a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de voir déclarer nulle cette notification et dire que le bail se renouvellerait pour une nouvelle période de neuf années ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt attaqué (Amiens, 4 décembre 2007) d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses demandes tendant à voir déclarer nulle et de nul effet la notification de non-renouvellement du bail signifiée le 8 juillet 2005 et dire en conséquence que ce bail se renouvellerait pour une nouvelle période de neuf années conformément aux dispositions du code rural ;

Attendu que l'arrêt énonce à bon droit que, dans le régime de l'administration légale pure et simple, les parents agissant d'un commun accord tiennent des dispositions de l'article 389-5, alinéa 1, du code civil le pouvoir de consentir un bail à long terme sur les biens ruraux appartenant à leurs enfants mineurs mais que cette faculté n'exclut pas la règle édictée par l'ancien article 456, alinéa 3, du code civil, applicable à l'administration légale pure et simple, selon laquelle les baux consentis par le tuteur ne confèrent au preneur, à l'encontre du mineur devenu majeur, aucun droit de renouvellement à l'expiration du bail, nonobstant toutes dispositions légales contraires ; qu'ayant retenu que l'éviction de cette règle ne peut résulter que d'une stipulation du bail qui ne figure pas dans la convention litigieuse, qui énonce au contraire quant au renouvellement, que "les parties déclarent s'en référer à l'article 456 du code civil" dont l'application est ainsi expressément réservée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. Z... fait encore grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande tendant, pour le cas où le droit au renouvellement de son bail serait considéré comme exclu par l'article 456 du code civil, à voir dire que son consentement à la conclusion du bail a été vicié par une erreur au sens de l'article 1110 du code civil, et condamner solidairement les consorts X... à l'indemniser du préjudice ayant résulté pour lui de l'application de l'article 456 du code civil et du non-renouvellement de son bail pour une nouvelle période de neuf ans ;

Attendu que c'est sans violer les articles 16 et 4 du code de procédure civile que la cour d'appel, qui était tenue de vérifier si le texte sur lequel était fondée la demande pouvait recevoir application, a statué sans rouvrir les débats ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. Z... fait encore grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande tendant, pour le cas où le droit au renouvellement de son bail serait considéré comme exclu par l'article 456 du code civil, à voir dire qu'il a été victime de la part des bailleurs d'un dol au sens de l'article 1116 du code civil et condamner solidairement les consorts X... à l'indemniser du préjudice ayant résulté pour lui de l'application de l'article 456 du code civil et du non-renouvellement de son bail pour une nouvelle période de neuf ans ;

Attendu qu'ayant relevé que les bailleurs n'étaient tenus d'aucune obligation légale d'information, qu'ils avaient fait insérer dans la convention une clause stipulant expressément que les parties entendaient, s'agissant du renouvellement, faire application des dispositions de l'article 456 du code civil et qu'un preneur normalement diligent se serait informé sur cette clause auprès du notaire devant lequel le bail a été conclu, la cour d'appel a pu en déduire qu'il ne pouvait être reproché aux consorts X... une réticence dolosive ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Z... et le condamne à payer aux consorts X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille neuf.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par Me GEORGES, avocat aux Conseils pour M. Z...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Z... de ses demandes tendant à voir déclarer nulle et de nul effet la notification de non-renouvellement du bail signifiée le 8 juillet 2005, et dire en conséquence que ce bail se renouvellerait pour une nouvelle période de 9 années conformément aux dispositions du Code rural,

AUX MOTIFS PROPRES QUE, dans le régime de l'administration légale pure et simple prévue par l'article 389-1, alinéa 1, du Code civil, les parents agissant, comme en l'espèce, d'un commun accord tiennent des dispositions de l'article 389-5, alinéa 1, du même code le pouvoir de consentir un bail à long terme sur les biens ruraux appartenant à leurs enfants mineurs ; que la faculté ainsi accordée par l'article 389-5, alinéa 1, précité n'exclut pas en elle-même la règle édictée par l'article 456, alinéa 3, du Code civil, applicable à l'administration légale pure et simple en vertu des dispositions de l'article 389-7 du même code, selon laquelle les baux consentis par le tuteur ne confèrent au preneur, à l'encontre du mineur devenu majeur ou émancipé, aucun droit de renouvellement et aucun droit à se maintenir dans les lieux à l'expiration du bail, nonobstant toutes dispositions légales contraires et, en l'occurrence, celle de l'article L.416-1, alinéa 2, du Code rural ; que l'éviction de cette règle ne peut résulter que d'une stipulation du bail qui ne se rencontre pas dans la convention litigieuse qui énonce au contraire quant au renouvellement que "les parties déclarent s'en référer à l'article 456 du code civil" dont l'application est ainsi expressément réservée (arrêt attaqué, pp. 4-5) ; ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU'il est de principe que le bail rural consenti par un administrateur légal, ne conférant au preneur, à l'encontre du mineur devenu majeur ou émancipé, aucun droit au renouvellement, cesse de plein droit à l'expiration du terme fixé sans qu'il soit nécessaire de donner congé ; qu'en l'espèce, il doit être relevé en premier lieu que le droit positif étend l'application de l'article 456, alinéa 3, du Code civil au cas d'administration légale pure et simple ; qu'il est donc exact, comme l'indique le bail en date du 5 janvier 1990, que le preneur d'un bail rural n'a pas de droit à renouvellement ; qu'il s'agit sans conteste de dispositions spéciales relatives au statut de l'enfant mineur qui dérogent à celles des articles L.416-1 et suivants du Code rural ; qu'il s'agit d'une question non régie par l'article 389-5 du Code civil, ce dernier ne faisant référence qu'à la conclusion d'un bail et non à son renouvellement ; qu'il convient donc d'appliquer l'alinéa premier de cet article et de se référer, comme ce texte l'indique expressément, aux textes régissant la tutelle pour savoir quel acte les administrateurs légaux peuvent ou non passer ; que c'est pourquoi il sera fait référence à l'article 456 du Code civil ; que, de surcroît, il doit être remarqué que dans le cas d'espèce, le bail conclu le 5 janvier 1990 ne tend pas à déroger à ce principe, puisqu'il est admis par les deux parties qu'au contraire, il renvoie expressément aux dispositions de l'article 456 du Code civil ; qu'il n'est pas démontré une quelconque intention de déroger aux dispositions légales régissant la présente matière, et donc l'existence d'un quelconque droit à renouvellement du bail objet du présent litige (jugement entrepris, pp. 3-4) ;

ALORS QUE dans l'administration légale pure et simple, les parents accomplissent ensemble les actes qu'un tuteur ne pourrait faire qu'avec l'autorisation du conseil de famille ; qu'ainsi, en cas d'administration légale pure et simple, le bail rural consenti par les parents, administrateurs légaux, au nom de l'enfant mineur confèrent au preneur le droit au renouvellement du bail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui, tout en relevant, d'une part, que le bail à ferme avait été consenti par M. Charles X... et son épouse, agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'administrateurs légaux, sous le régime de l'administration légale pure et simple, de leurs enfants mineurs, et, d'autre part, que dans le régime de l'administration légale pure et simple, les parents agissant comme en l'espèce d'un commun accord tiennent de l'article 389-5, alinéa 1er, du même code le pouvoir de consentir un bail à long terme sur les biens ruraux appartenant à leurs enfants mineurs, a néanmoins considéré qu'en application de l'article 456, alinéa 3, du Code civil, ce bail n'avait pu conférer au preneur, à l'encontre des mineurs devenus majeurs, aucun droit au renouvellement, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article 389-5, alinéa 1er, du Code civil par refus d'application, ensemble l'article 456, alinéa 3, du même code, par fausse application.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. Z... de sa demande tendant, à titre subsidiaire, pour le cas où le droit au renouvellement de son bail serait considéré comme exclu par l'article 456 du Code civil, à voir dire que son consentement à la conclusion du bail a été vicié par une erreur au sens de l'article 1110 du Code civil, et condamner solidairement les consorts X... à l'indemniser du préjudice ayant résulté pour lui de l'application de l'article 456 du Code civil et du non-renouvellement de son bail pour une nouvelle période de 9 ans,

AUX MOTIFS QUE M. Z... se prévaut de l'erreur qu'il a, selon lui, commise sur "l'éventuel non-renouvellement de son bail en raison des dispositions de l'article 456 du Code civil" ; que l'erreur de droit ainsi invoquée, en ce qu'elle détermine une fausse appréciation du preneur sur les droits qu'il croyait acquérir par l'effet du bail constitue une erreur sur la substance susceptible d‘être retenue comme viciant le consentement de celui qui l'a commise ; que cependant, en l'espèce, la convention litigieuse stipule expressément sans aucune ambiguïté, par une clause dont M. Z... ne prétend pas qu'il n'en a pas eu connaissance, que les parties entendent, s'agissant du renouvellement, faire application des dispositions de l'article 456 du Code civil ; qu'il appartenait dès lors à M. Z..., s'il estimait être insuffisamment renseigné sur la teneur de ce texte, d'agir en contractant prudent et avisé en s'informant de ses conséquences et ce d'autant plus que la promesse de bail du 7 novembre 1989, si elle faisait mention d'une convention à conclure au nom de mineurs, ne comportait pas de référence à l'article 456 du Code civil ; qu'en s'abstenant de s'informer, le preneur a agi avec légèreté et sans discernement ; qu'il apparaît ainsi, le preneur, lors de la conclusion du bail, ayant eu le comportement d'une personne peu raisonnable et ayant agi sans précaution, alors que l'opération à laquelle il participait engageait son avenir et celui de l'exploitation qu'il créait, que l'erreur invoquée par celui-ci est fautive et présente un caractère inexcusable (arrêt attaqué, pp. 5-6) ;

ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que les termes du litige étant fixés par les prétentions respectives des parties, le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel, dont l'arrêt attaqué relève qu'elles avaient été reprises à l'audience, les consorts X... n'avaient aucunement allégué le caractère fautif et inexcusable de l'erreur commise par le preneur quant à la signification de la référence faite par le bail à l'article 456 du Code civil, s'étant bornés à faire valoir que, par une telle référence, le preneur avait connaissance de l'exacte étendue de ses droits et savait qu'il n'avait pas droit au renouvellement du bail ; qu'ainsi, en relevant d'office, pour débouter M. Z... de sa demande indemnitaire fondée sur l'article 1110 du Code civil, le moyen tiré de ce que l'erreur invoquée par lui était fautive et présentait un caractère inexcusable, sans avoir provoqué préalablement les explications des parties sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile, ensemble l'article 4 du même code.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. Z... de sa demande tendant, à titre très subsidiaire, pour le cas où le droit au renouvellement de son bail serait considéré comme exclu par l'article 456 du Code civil, à voir dire qu'il a été victime de la part des bailleurs d'un dol au sens de l'article 1116 du Code civil, et condamner solidairement les consorts X... à l'indemniser du préjudice ayant résulté pour lui de l'application de l'article 456 du Code civil et du non-renouvellement de son bail pour une nouvelle période de 9 ans,

AUX MOTIFS QUE la convention litigieuse stipule expressément sans aucune ambiguïté, par une clause dont M. Z... ne prétend pas qu'il n'en a pas eu connaissance, que les parties entendant, s'agissant du renouvellement, faire application des dispositions de l'article 456 du Code civil ; qu'il appartenait dès lors à M. Z..., s'il estimait être insuffisamment renseigné sur la teneur de ce texte, d'agir en contractant prudent et avisé en s'informant de ses conséquences ; qu'en s'abstenant de s'informer, le preneur a agi avec légèreté et sans discernement , qu'il apparaît ainsi, le preneur, lors de la conclusion du bail, ayant eu le comportement d'une personne peu raisonnable et ayant agi sans précaution, alors que l'opération à laquelle il participait engageait son avenir et celui de l'exploitation qu'il créait, que l'erreur invoquée par celui-ci est fautive et présente un caractère inexcusable, sauf à ce qu'il soit établi qu'elle a été provoquée par une réticence dolosive ; que la convention des parties, en l'absence de stipulation particulière écartant l'application des dispositions de l'article 456 du Code civil, se trouve de plein droit soumise à celles-ci ; qu'en l'occurrence, alors qu'ils n'étaient à cet égard tenus d'aucune obligation légale d'information, les bailleurs ont fait insérer au bail du 5 janvier 1990 une clause expresse aux termes de laquelle les parties quant au renouvellement se soumettaient aux dispositions de l'article précité ; qu'ainsi, en présence d'une telle clause, qui n'a pas pour effet d'exclure de manière absolue la possibilité d'un renouvellement du bail, ce pourquoi certaines stipulations de la convention évoquent celui-ci, mais seulement de ne pouvoir l'imposer au mineur, devenu majeur ou émancipé, et alors qu'un preneur normalement diligent se serait informé s'il considérait ne pas l'être sur la teneur et les conséquences de la référence dans le bail à un texte extérieur au statut du fermage tel qu'il est organisé par les articles L.411-1 à L.416-9 du Code rural, ce que M. Z... s'est abstenu de faire, aucune réticence dolosive ne peut être reprochée aux bailleurs qui ont suffisamment satisfait aux exigences de la loyauté contractuelle en faisant préciser que le renouvellement du bail serait soumis aux dispositions de l'article 456 du Code civil (arrêt attaqué, pp. 5-6) ;

ALORS QUE le dol est constitué par le manquement au devoir de loyauté du cocontractant constitutif de réticence dolosive, sans laquelle l'autre cocontractant n'aurait pas contracté ou aurait contracté à un moindre prix ; que commet une réticence dolosive le bailleur qui manque à son devoir d'information claire et précise ; qu'une réticence dolosive rend toujours excusable l'erreur provoquée ; qu'en l'espèce, pour soutenir avoir été victime, à tout le moins, d'une réticence dolosive de la part du bailleur, M. Z... avait, dans ses conclusions d'appel (pp. 7, 8 et 9), fait valoir qu'il n'était pas un professionnel du droit et que le problème de l'application de l'article 456 du Code civil ne lui avait jamais été expliqué directement ou indirectement par le bailleur qui était, quant à lui, un professionnel du droit, M. Charles X... exerçant la profession de notaire et ayant, faute de pouvoir rédiger lui-même l'acte authentique, confié l'établissement de l'acte à l'un de ses confrères ; qu'il soulignait par ailleurs que la rédaction du bail était particulièrement ambiguë en ce qui concernait le renouvellement, que les dispositions de l'article 456 du Code civil lui avaient « manifestement et volontairement été non expliquées » et que « les bailleurs n'avaient bien évidemment aucun intérêt à expliquer » ; qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les bailleurs n'avaient pas manqué à l'obligation de loyauté en s'abstenant d'attirer spécialement l'attention du preneur, par une information claire et précise, sur la teneur et la portée de l'article 456 du Code civil, la cour d'appel, qui a statué par des motifs qui ne permettent pas d'exclure l'existence d'une réticence dolosive, quand une telle réticence dolosive, si elle est établie, rend toujours excusable l'erreur provoquée, a violé l'article 1116 du Code civil.



site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cette décision est visée dans la définition :
Administration légale (mineurs)


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.