par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 28 mai 2009, 08-14084
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
28 mai 2009, 08-14.084

Cette décision est visée dans la définition :
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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en tant que dirigé contre Mme Marie-Line Y..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses filles mineures Yasmine et Inès X... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 1994 M. X... a été victime d'un accident de la circulation ayant entraîné pour lui un préjudice corporel ; que son incapacité physique permanente a été estimée initialement à 18 %, puis, après expertise ordonnée à la suite d'une aggravation, fixée à 30 % ; que M. X... a assigné en indemnisation de l'aggravation de son préjudice devant le tribunal de grande instance la société Axa France IARD (l'assureur), assureur du véhicule impliqué ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de lui allouer la somme de 299 800 euros, alors, selon le moyen, que le déficit fonctionnel s'apprécie globalement au regard de la perte de capacité et d'autonomie de la victime ; que la perte de capacité psychique n'est pas compensée mathématiquement par l'amélioration des capacités somatiques ; qu'après avoir constaté que l'aggravation du déficit psychique était de 6 %, la cour d'appel a ramené le déficit fonctionnel à 3 % en déduisant le taux d'amélioration des capacités physiques de M. X... ; qu'en déterminant le déficit fonctionnel par une compensation mathématique entre le déficit psychique et l'amélioration somatique, qu'elle a ainsi placés sur le même plan, sans rechercher quel était, compte tenu de ses différents déficits, la perte globale de capacité de M. X..., la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que M. X... avait demandé devant la cour d'appel que lui soit allouée la somme de 13 800 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent ; que l'arrêt lui alloué cette somme à ce titre ;

D'où il suit que le moyen, qui critique un motif justifiant une décision rendue conformément aux propres prétentions du demandeur, est irrecevable ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour fixer à la somme de 280 000 euros l'indemnisation des préjudices économiques subis par M. X..., l'arrêt retient que dans leur rapport du 4 octobre 2004, les experts concluent à une aggravation du préjudice professionnel et précisent que, bien que la victime ait essayé avec constance de se réinsérer sur le plan professionnel en se prêtant à l'établissement de bilans de compétences auprès d'organismes spécialisés et en effectuant divers stages, toutes ces tentatives ont échoué ; qu'ils expliquent ces échecs par l'aggravation des troubles caractériels, la fatigabilité mentale, l'intolérance au stress et les difficultés dans la relation avec autrui ; que s'ils ajoutent que " l'aggravation aurait été réduite ou du moins atténuée si la victime avait suivi le traitement médicamenteux prescrit ", il ressort aussi de leur rapport que la victime n'a pas refusé ces traitements médicamenteux mais uniquement qu'elle les a suivis de manière irrégulière, qu'elle a également accepté de suivre une psychothérapie et a multiplié les tentatives de réinsertion professionnelle ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la victime reliant l'absence de suivi régulier du traitement aux conséquences de l'accident, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du premier moyen, ni sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a confirmé les dispositions du jugement relatives aux indemnités allouées à Mme Y..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale de ses filles mineures Yasmine et Inès X..., l'arrêt rendu le 11 février 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Axa France IARD ; la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille neuf.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP PIWNICA et MOLINIE, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société AXA FRANCE IARD à payer à Monsieur X... la somme de 299. 800 en réparation de l'aggravation de son préjudice ;

AUX MOTIFS QU'il résulte du rapport des experts du 4 octobre 2004 que depuis leur précédent rapport du 20 janvier 1998 aux termes duquel ils avaient constaté qu'à la suite de l'accident, Monsieur X... avait présenté essentiellement un traumatisme crânien sévère suivi d'un syndrome frontal avec troubles du comportement ; qu'en ce qui concerne la fonction de l'appareil locomoteur, la victime présente une nette amélioration ; qu'en ce qui concerne l'état neuropsychique, il y a eu aggravation tant sur le plan du syndrome frontal post-commotionnel (aggravation des céphalées et chute de l'efficience intellectuelle et des performances cognitives) que sur celui du syndrome post-émotionnel et de la réaction face au constat de dévalorisation (évolution en aggravation de l'état anxio-dépressif provoqué par l'accident et en particulier de la dépression liée au constat que fait le patient de sa dévalorisation et de son incapacité et irritabilité caractérielle) ; que toutefois, cette aggravation aurait été réduite ou du moins atténuée si la victime avait suivi le traitement médicamenteux prescrit ; qu'il y a eu, en cinq ans, aggravation des troubles caractériels, détérioration des relations familiales et sociales et répercussion néfaste sur les tentatives de réinsertion professionnelles ; que l'aggravation imputable fait passer le taux d'IPP global de 27 à 30 % ; qu'il y a une aggravation du préjudice professionnel (que l'on constate qu'il a essayé avec constance de se réinsérer sur le plan professionnel, en se prêtant à l'établissement de bilans de compétences auprès d'organismes spécialisés et en effectuant divers stages ; que néanmoins, toutes ces tentatives ont abouti à des échecs, en raison de sa fatigabilité mentale, de son intolérance au stress et de ses difficultés dans la relation avec autrui ; que son avenir social est donc plus compromis qu'il ne paraissait fin 1997 ; qu'il y a aggravation du préjudice d'agrément (diminution des capacités de divertissement intellectuel du fait de la détérioration intellectuelle et rétrécissement du champ de la vie sociale consécutivement à l'aggravation des troubles caractériels) ; que compte tenu de cette aggravation, la date de consolidation psychique doit être reportée au 20 juillet 2004 ; que par contre, les comportements pseudo-paranoïaques de revendication, de projection, de menace et les comportements d'agressivité relèvent de la psychologie du patient et ne sont pas imputables à l'accident ; qu'interrogé par le conseil de la victime lequel s'étonnait de ce que le rapport ne mentionnait qu'une aggravation de 3 % alors que lors de l'expertise, le docteur Z... avait conclu à une IPP de 6 %, ce dernier a répondu par lettre du 6 novembre 2004 « que lors de la discussion avec mes confrères, à l'issue de l'examen d'expertise, j'avais évoqué un taux d'aggravation de 6 % pour la partie psychiatrique. Je m'en souviens effectivement. Mais comme la partie somatique présentait une amélioration de 3 %, la globalisation des deux estimations a abouti à 3 % (ce qui représente 6 %-3 % = 3 %). Cela peut paraître très peu mais il y a quand même reconnaissance d'une aggravation et cela correspond à la réalité » ;

1) ALORS QUE le déficit fonctionnel s'apprécie globalement au regard de la perte de capacité et d'autonomie de la victime ; que la perte de capacité psychique n'est pas compensée mathématiquement par l'amélioration des capacités somatiques ; qu'après avoir constaté que l'aggravation du déficit psychique était de 6 %, la cour d'appel a ramené le déficit fonctionnel à 3 % en déduisant le taux d'amélioration des capacités physiques de Monsieur X... ; qu'en déterminant le déficit fonctionnel par une compensation mathématique entre le déficit psychique et l'amélioration somatique, qu'elle a ainsi placés sur le même plan, sans rechercher quel était, compte tenu de ses différents déficits, la perte globale de capacité de Monsieur X..., la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

2) ALORS QUE la victime n'est pas tenue de réduire son préjudice dans l'intérêt de la personne responsable ; que son droit à réparation ne peut être réduit par le fait qu'elle a refusé de suivre un traitement ; qu'en retenant que le préjudice de Monsieur X... aurait pu être réduit s'il avait suivi le traitement qui lui a été prescrit, la cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale ensemble l'article 1382 du code civil ;

3) ALORS QUE dans ses conclusions, Monsieur X... expliquait qu'il avait suivi de façon irrégulière son traitement en raison des troubles psychiques qui étaient la conséquence de l'accident ; qu'en retenant pour réduire son droit à indemnisation, que Monsieur X... n'avait pas correctement suivi son traitement sans répondre aux conclusions qui reliaient cette absence de suivi régulier à l'accident, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société AXA FRANCE IARD à verser à monsieur X... la somme de 299. 800 en réparation de l'aggravation de son préjudice ;

AUX MOTIFS QU'il convient de rappeler qu'au moment de l'accident, la victime qui était âgée de 24 ans travaillait régulièrement, avait une vie « normale » et que les mêmes experts dans leur précédent rapport du 20 janvier 1998 indiquaient page 12 : « on en retrouve à l'anamnèse ni antécédents neuropsychologiques personnels ni antécédents neuropsychiques familiaux » ; qu'il convient de constater qu'aucun état antérieur n'est démontré alors que depuis l'accident, les experts ont successivement conclu, le docteur A... le 13 octobre 1995 que la reprise de son métier est compromise, les docteurs G... et Z... le 20 janvier 1998 qu'il n'est plus apte à reprendre son ancienne profession et le 4 octobre 2004 que toutes ses tentatives de réinsertion professionnelle ont échoué en raison de sa fatigabilité mentale, de son intolérance au stress et de ses difficultés dans la relation avec autrui ; que son préjudice professionnel est donc la conséquence de l'accident ; qu'il sera alloué, compte tenu de ces éléments, du salaire auquel il aurait pu prétendre, de sa qualification, de sa perte partielle de droits à la retraite et du barème de la gazette du palais, en réparation de l'aggravation du préjudice professionnel telle que reconnue par les experts dans leur rapport du 4 octobre 2004 laquelle n'a pas encore été indemnisée par les transactions antérieures, une indemnité de 280. 000 euros ;

ALORS QUE Monsieur X... était âgé de 24 ans au moment de l'accident ; que ce n'est pas le salaire qui était le sien au moment de l'accident qui devait être pris en compte mais celui auquel il aurait pu prétendre s'il avait pu bénéficier d'un développement de carrière normal ; qu'il envisageait d'être conducteur de car, profession pour l'exercice de laquelle il avait commencé une formation, qui a dû être interrompue en raison des séquelles de l'accident ; que le préjudice professionnel au regard des perspectives ouvertes par l'exercice de cette profession était de 586. 105 euros ; qu'en n'indemnisant le préjudice professionnel de Monsieur X... qu'à concurrence de 280. 000 euros, la cour d'appel, qui n'a pas tenu compte des perspectives professionnelles qui auraient été les siennes sans l'accident, a violé le principe de réparation intégrale et l'article 1382 du code civil.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.