par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 28 mai 2009, 08-15802
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
28 mai 2009, 08-15.802

Cette décision est visée dans la définition :
Abus




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que l'association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) a, sur le fondement de l'article L. 421-6 du code de la consommation, introduit contre la Société générale une action en suppression de clauses contenues dans la convention de compte de dépôt proposée, en 2006-2007, aux clients de la banque ; que le GIE Groupement des cartes bancaires-CB est intervenu à l'instance ; que l'arrêt attaqué accueille l'action pour certaines clauses mais la rejette pour d'autres ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal du GIE :

Attendu que le GIE Groupement des cartes bancaires-CB fait grief à l'arrêt de déclarer abusive la clause III.1.b sur le retrait, le blocage ou la demande de restitution de la carte bancaire, alors, selon le moyen, que :
l'usage d'une carte bancaire est un mode de paiement et non l'octroi d'un crédit ; que le titulaire d'une carte bancaire peut effectuer certains paiements opposables à la banque au-delà des capacités financières de son compte et du crédit octroyé ; que la banque doit en ce cas honorer ces paiements même en l'absence de provision ; que la clause permettant à la banque le retrait, le blocage ou la demande de restitution sans préavis de la carte n'est donc pas abusive dans la mesure où elle a pour objet de prévenir pendant la durée du préavis l'utilisation de la carte au-delà des capacités financières du compte et la création d'un solde débiteur non autorisé ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel aurait violé l'article R. 132-2 du code de la consommation ;

Mais attendu que, indépendamment de l'énonciation erronée relative à l'assimilation de l'usage d'une carte bancaire à l'octroi d'un crédit, l'arrêt retient, à bon droit, que la clause litigieuse, qui, sans être limitée à la situation d'une utilisation excédant les prévisions contractuelles des parties et susceptible d'emporter la garantie de la banque, prévoit, de manière générale, que "la Société générale peut, à tout moment, retirer, faire retirer ou bloquer l'usage de la carte ou ne pas la renouveler. Sa décision de retrait est notifiée au titulaire de la carte et/ou du compte. Le titulaire de la carte doit restituer celle-ci à première demande de la Société générale", réserve au professionnel le droit de modifier unilatéralement, sans préavis, les conditions d'utilisation de la carte, et contrevient ainsi aux dispositions de l'article R. 132-2 du code de la consommation ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de l'association CLCV :

Attendu que l'association CLCV fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la nouvelle version de la clause III.1 "moyens de paiement liés au compte courant - chéquiers", relative à la restitution du chéquier, n'était pas abusive, alors, selon le moyen, que :

1°/ dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que tel est le cas d'une clause permettant au professionnel de résilier le contrat sans préavis et sans condition et de cesser ainsi de fournir la prestation prévue ; qu'en écartant cependant le caractère abusif de la clause d'une convention de compte courant prévoyant que la banque peut, à tout moment et sans préavis, demander au titulaire du compte la restitution du chéquier en sa possession, sans aucune précision relative aux hypothèses justifiant cette restitution, la cour d'appel aurait violé l'article R. 132-2 du code de la consommation, ensemble l'article L. 132-1 du même code ;

2°/ en toute hypothèse, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que tel est le cas de la clause d'une convention de compte courant, qui, prévoyant que la banque peut, à tout moment et sans préavis, demander au titulaire du compte la restitution du chéquier en sa possession, sans aucune précision relative aux hypothèses justifiant cette restitution, n'informe pas le client des hypothèses dans lesquelles son chéquier peut lui être retiré ; qu'en écartant cependant le caractère abusif d'une telle clause, la cour d'appel aurait violé l'article L. 132-1 du code de la consommation ;

Mais attendu que la clause selon laquelle "la Société générale peut à tout moment, en motivant sa décision, demander au(x) titulaire(s) du compte et/ou à son (leur) mandataire, la restitution du chéquier en sa (leur) possession par courrier adressé au(x) client(s) ou au mandataire au domicile indiqué par lui (eux) à la Société générale", qui, ainsi, prévoit la motivation de la demande de restitution du chéquier justifiant les raisons et l'urgence de cette mesure et, partant, met le consommateur en mesure d'en contester le bien fondé, prévient suffisamment tout arbitraire et ne crée aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ; que, dès lors, l'arrêt qui retient que cette clause n'est pas abusive n'encourt pas les griefs du moyen ;

Mais, sur le second moyen du pourvoi incident de l'association CLCV, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation et le point 1.b de l'annexe à cet article ;

Attendu que pour déclarer non abusive la nouvelle version de la clause VI.3.a, selon laquelle "cette convention peut, par ailleurs, évoluer et nécessiter certaines modifications substantielles. Dans ce cas, et sauf conditions particulières prévues pour certains services, la Société générale avertira périodiquement les titulaires des comptes des modifications apportées à la convention par lettre circulaire ou par tout autre document d'information. Chaque titulaire (ou co-titulaire) disposera d'un délai de trois mois (sauf délai spécifique prévu pour les cartes bancaires Société générale) à compter de la notification de la modification pour refuser celle-ci et dénoncer la convention par lettre recommandée adressée à l'agence concernée ou par lettre signée et remise à son guichet. En l'absence de dénonciation par le (ou les) titulaire(s) dans le délai susvisé, la (ou les) modification(s) sera (seront) considérée(s) à son (leur) égard comme définitivement approuvée(s) à l'issue de ce délai", l'arrêt retient qu'elle ne crée pas de déséquilibre en ce qu'elle prévoit l'information par l'envoi d'une lettre circulaire qui est un moyen fiable permettant d'informer la clientèle et laisse un délai de réflexion de trois mois suffisant pour prendre connaissance de la modification et pour la refuser ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'une telle clause, qui se borne à prévoir l'information par voie de circulaire de modifications substantielles apportées à la convention, sans que le client ait été prévenu à l'avance et ainsi mis en mesure, avant leur application, de les apprécier pour ensuite mettre pertinemment en oeuvre, dans le délai fixé, son droit de les refuser, limite de façon inappropriée les droits légaux du consommateur de dénoncer la convention et, partant, a pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige, par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen du pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la nouvelle version de la clause VI.3.a - "modifications des conditions des opérations", n'était pas abusive et a rejeté la demande de suppression de ladite clause de la convention de compte courant proposée par la Société générale, l'arrêt rendu le 3 avril 2008 entre les parties par la cour d'appel de Paris ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare abusive la dite clause ; dit, en conséquence, qu'elle est réputée non écrite ;

Condamne le Groupement des cartes bancaires aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le GIE Groupement des cartes bancaires - CB à payer à l'association Consommation, logement et cadre de vie la somme de 2 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour le Groupement d'intérêt économique Groupement des cartes bancaires-CB.

Il est reproché à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'avoir déclaré abusive la clause III.1.b sur le retrait, le blocage, ou la demande de restitution de la carte bancaire,

Aux motifs que « selon la clause III.1.b, moyens de paiement liés au compte courant-cartes bancaires, « la délivrance d'une carte bancaire est subordonnée à l'agrément de la SOCIETE GENERALE et à l'absence d'inscription au fichier des cartes bancaires géré par la BANQUE DE FRANCE… La SOCIETE GENERALE peut à tout moment retirer, faire retirer ou bloquer l'usage de la carte ou ne pas la renouveler. Sa décision de retrait est notifiée au titulaire de la carte et/ou du compte. Le titulaire de la carte doit restituer celle-ci à première demande à la SOCIETE GENERALE… » (arrêt attaqué, p. 6, al. 7) ; que l'usage de la carte bancaire pouvant être assimilé à l'octroi d'un crédit, la banque a en conséquence le droit de faire bloquer une carte, de la retirer ou d'en demander la restitution, lorsque l'usage dépasse les limites de l'autorisation de découvert qu'elle a consentie sur le compte ; que cependant, lors de la remise de la carte bancaire, la banque octroie à son client un plafond d'utilisation qu'il ne peut pas dépasser sans nouvelle autorisation ; que ces conditions d'utilisation de la carte sont donc très différentes de celles du carnet de chèques ; que dès lors la clause réservant au professionnel le droit de modifier unilatéralement, sans préavis, les conditions d'utilisation de la carte est interdite au visa de l'article R.132-2 du Code de la consommation ; qu'en conséquence la clause sur le retrait, le blocage ou la demande de restitution de la carte est abusive » (arrêt attaqué, p. 7, al. 7)

Alors que l'usage d'une carte bancaire est un mode de paiement et non l'octroi d'un crédit ; que le titulaire d'une carte bancaire peut effectuer certains paiements opposables à la banque au-delà des capacités financières de son compte et du crédit octroyé ; que la banque doit en ce cas honorer ces paiements même en l'absence de provision ; que la clause permettant à la banque le retrait, le blocage ou la demande de restitution sans préavis de la carte n'est donc pas abusive dans la mesure où elle a pour objet de prévenir pendant la durée du préavis l'utilisation de la carte au-delà des capacités financières du compte et la création d'un solde débiteur non autorisé ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article R.132-2 du Code de la consommation.

Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour l'association CLCV - Consommation logement et cadre de vie.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la nouvelle version de la clause III.1 « Moyens de paiement liés au compte courant – chéquiers » relative à la restitution du chéquier n'était pas abusive ;

AUX MOTIFS QUE les nouvelles versions de la clause sont valables, que s'agissant du retrait du carnet de chèques, la nouvelle version est correcte, dès lors que la demande est motivée ; qu'il ne peut pas être imposé à la banque de préciser dans la clause tous les cas de demande de restitution de chéquiers ;

1°ALORS QUE dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que tel est le cas d'une clause permettant au professionnel de résilier le contrat sans préavis et sans condition et de cesser ainsi de fournir la prestation prévue ; qu'en écartant cependant le caractère abusif de la clause d'une convention de compte courant prévoyant que la banque peut, à tout moment et sans préavis, demander au titulaire du compte la restitution du chéquier en sa possession, sans aucune précision relative aux hypothèses justifiant cette restitution, la Cour d'appel a violé l'article R. 132-2 du Code de la consommation, ensemble l'article L. 132-1 du même Code ;

2° ALORS QU' en toute hypothèse, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que tel est le cas de la clause d'une convention de compte courant, qui, prévoyant que la banque peut, à tout moment et sans préavis, demander au titulaire du compte la restitution du chéquier en sa possession, sans aucune précision relative aux hypothèses justifiant cette restitution, n'informe pas le client des hypothèses dans lesquelles son chéquier peut lui être retiré ; qu'en écartant cependant le caractère abusif d'une telle clause, la Cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du Code de la consommation.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la clause VI.3.a « Modifications des conditions des opérations » n'était pas abusive ;

AUX MOTIFS QUE la clause ne crée pas de déséquilibre en ce qu'elle prévoit l'information par l'envoi d'une lettre circulaire qui est un moyen fiable permettant d'informer la clientèle ; que la nouvelle version de la clause qui laisse un délai de trois mois pour prendre connaissance de la modification et pour la refuser est valable, ce délai de réflexion étant suffisant ;

1° ALORS QUE tout projet de modification des conditions tarifaires applicables au compte de dépôt doit être communiqué par écrit au client trois mois avant la date d'application envisagée, l'absence de contestation par le client dans un délai de deux mois après cette communication valant acceptation du nouveau tarif ; qu'en écartant cependant le caractère illicite de la clause d'une convention de compte courant réservant à la banque la possibilité de modifier substantiellement les conditions des opérations qui y sont stipulées sans prévoir de délai de prévenance avant l'application de la modification projetée, la Cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article L. 312-1-1 du Code monétaire et financier ;

2° ALORS QU'en toute hypothèse, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que tel est le cas de la clause d'une convention de compte courant qui, réservant à la banque la possibilité de modifier substantiellement les conditions des opérations qui y sont stipulées sans prévoir de délai de prévenance avant l'application de la modification projetée, a pour effet de priver les clients du temps nécessaire pour s'adresser à la concurrence ; qu'en écartant cependant le caractère abusif d'une telle clause, la Cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du Code de la consommation.



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Cette décision est visée dans la définition :
Abus


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.