par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 10 février 2009, 07-21386
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, chambre commerciale
10 février 2009, 07-21.386

Cette décision est visée dans la définition :
Agent commercial




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la Société d'exploitation électro-thermique que sur le pourvoi incident relevé par M. X... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société d'exploitation électro-thermique (la SEET) a, par lettre du 28 mai 2004, notifié à M. X..., son agent commercial exclusif sur une zone comprenant quatorze départements de l'ouest de la France, la résiliation du contrat conclu entre eux le 2 janvier 1997 ; qu'invoquant la violation de l'exclusivité dont il était bénéficiaire, M. X... a poursuivi la SEET en paiement de diverses sommes ;

Sur le premier et le troisième moyens du pourvoi principal réunis :

Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Attendu que la SEET fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... une indemnité de rupture de 100 000 euros, alors, selon le moyen, que l'indemnité de rupture compense la perte des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle apportée au mandant par l'agent commercial ; que faute d'avoir expliqué en quoi la méthode de calcul proposée par la SEET, basée sur la différence entre le chiffre d'affaires réalisé à la date de rupture du contrat et celui à la date de signature du contrat, ne pouvait être retenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 134-12 du code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé que l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 du code de commerce a pour fonction de réparer le préjudice subi par l'agent commercial du fait de la rupture du contrat et qu'il doit être tenu compte à cet égard de tous les éléments de la rémunération de l'agent pendant l'exécution du contrat, sans qu'il y ait lieu de distinguer si elle provient de clients préexistant au contrat ou au contraire apportés par l'agent, la cour d'appel a justement et sans avoir à s'en expliquer davantage, écarté le mode de calcul inopérant proposé par la SEET consistant à déduire du chiffre d'affaires réalisé à la rupture du contrat, le chiffre d'affaires réalisé lors de sa conclusion ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche :

Vu l'article 1315 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande formée par M. X... et tendant à la condamnation de la SEET à lui payer la somme de 75 000 euros à titre de commissions pour des ventes intervenues dans son secteur d'exclusivité, l'arrêt retient que selon cette société, M. X... a été commissionné sur les ventes Toleries de la Loire ; que ce point n'est pas évoqué par lui et qu'aucune pièce n'est produite ; que faute d'éléments, il ne peut qu'être jugé que l'atteinte à l'exclusivité n'est pas démontrée sur ce client ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les ventes à l'entreprise Toleries de la Loire sur le secteur d'exclusivité de l'agent commercial n'étaient pas contestées, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deuxième et troisième branches :

Vu l'article L. 134-6 du code de commerce ;

Attendu que pour rejeter la demande formée par M. X... et tendant à la condamnation de la SEET à lui payer la somme de 75 000 euros à titre de commissions pour des ventes intervenues dans son secteur d'exclusivité, l'arrêt retient que la société Climair a son siège social à Chartres et que rien ne démontre que les sociétés Solaronics, Air Calo, Climalis et Sovelor sont situées sur le secteur géographique de M. X... ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir relevé qu'il résultait d'un constat d'huissier que lors d'un salon professionnel qui s'est déroulé en décembre 2002 à Nantes, des produits SEET étaient proposés à la vente par les sociétés Climair, Solaronics, Air Calo, Climalis et Sovelor et sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si des ventes de produits SEET avaient été réalisées par ces sociétés, dans la zone d'exclusivité réservée à M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande formée par M. X... et tendant à la condamnation de la Société d'exploitation électro-thermique à lui payer la somme de 75 000 euros au titre de commissions pour des ventes intervenues dans la zone géographique pour laquelle il bénéficiait d'une exclusivité, l'arrêt rendu le 25 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne la Société d'exploitation électro-thermique aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Blanc, avocat aux Conseils pour la Société d'exploitation électro-thermique, demanderesse au pourvoi principal


PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST REPROCHE à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SEET à payer à M. X... une somme de 5.820,12 pour les commissions,

AUX MOTIFS QUE les parties ne contestaient pas le principe et le montant de cette dette qui serait dès lors confirmée ;

ALORS QUE dans ses conclusions d'appel signifiées le 15 septembre 2006, la SEET avait demandé la réformation entière du jugement frappé d'appel et le rejet de la totalité des demandes de M. X..., de sorte que la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.



DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST REPROCHE à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SEET à payer à M. X... une indemnité de rupture de 100.000 euros,

AUX MOTIFS QUE l'article 10 du contrat d'agent commercial stipulait qu'en cas de résiliation par la société, l'agent aurait droit à une indemnité de clientèle pour la part lui revenant personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui, compte tenu des diminutions de clientèle provenant de son fait ; qu'à défaut de précision suffisante sur la clientèle existante lors de la conclusion du contrat et au regard des chiffres non contestés de Monsieur X... jusqu'en 2001, il n'y avait pas lieu d'opérer une comparaison entre les chiffres d'affaires lors de la conclusion du contrat et à sa résiliation et la méthode de calcul proposée par la SEET ne pouvait être retenue ; que la Cour trouvait dans les pièces versées aux débats les éléments suffisants pour fixer l'indemnité de rupture à 100.000 euros ;

ALORS QUE l'indemnité de rupture compense la perte des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle apportée au mandant par l'agent commercial ; que faute d'avoir expliqué en quoi la méthode de calcul proposée par la SEET, basée sur la différence entre le chiffre d'affaires réalisé à la date de rupture du contrat et celui à la date de signature du contrat, ne pouvait être retenue, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 134-12 du code de commerce.



TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST REPROCHE à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société SEET de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts à hauteur de 86.940 pour diminution du chiffre d'affaires de la société,

AUX MOTIFS QUE la société n'avait pas démontré que la baisse enregistrée entre 2002 et la fin du contrat soit imputable à la carence de M. X..., au regard des modifications qu'elle avait apportées à sa politique commerciale et qui avaient pu y contribuer ;


ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en s'étant fondée sur des modifications apportées par la SEET à sa politique commerciale qu'aucune des parties n'avait invoquées, la cour d'appel a violé l'article 7 du code de procédure civile.

Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour M. X..., demandeur au pourvoi incident

Il est fait grief à la Cour d'appel d'avoir débouté M. X... de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la société SEET à lui verser une somme de 75.000 euros à titre de commissions pour la période du 1er janvier 2002 au 31 août 2004 ;

Aux motifs propres que "selon l'article 3 du contrat, la représentation commerciale confiée à Luc X... couvrait un secteur géographique composé de 14 départements et de clients également précisés, soit les grossistes en chauffage, les installateurs en chauffage, les bureaux d'études en chauffage et industriels ; que selon l'article 4, la société assurait à son agent l'exclusivité sur le secteur géographique pour les clients précédemment définis ; que courant 2001, la SEET a décidé de sous-traiter son activité de production à sa filiale YAHTEC, tout en conservant l'activité de distribution de cette production. Cependant, selon le contrat produit, YAHTEC a reçu la faculté de vendre directement des aérothermes à trois sociétés, soit SOVELOR, SOLARONICS et CLIMALIS ; que selon un constat établi à la requête de Luc X... le 7 décembre 2002 lors du salon ARTIBAT réservé aux professionnels et se déroulant à Nantes, des produits SEET étaient proposés par les entreprises TOLERIE DE LA LOIRE, SOLARONICS, CLIMAIR-SOFINTHER, CLIMALIS, AIR CALO ; que selon SEET, Luc X... a été commissionné sur les ventes TOLERIE DE LA LOIRE. Ce point n'est pas évoqué par Luc X..., et aucune pièce n'est produite. Faute d'éléments, il ne peut qu'être jugé que l'atteinte à l'exclusivité n'est pas démontrée sur ce client ; que toujours selon la SEET, les centrales d'achat de SOLARONICS, AIR CALO et CLIMAIR sont situées hors du secteur géographique de Luc X.... Il est en effet justifié d'un siège social à Chartres (28) pour CLIMAIR, rien n'étant précisé pour SOLARONICS et AIR CALO. En l'absence d'éléments démontrant que ces deux dernières, ainsi que CLIMALIS et SOVELOR, sont situées sur le secteur géographique de Luc X... et entrent dans la clientèle qui lui avait été réservée, dont la preuve incombait à ce dernier, demandeur, aucune atteinte à l'exclusivité n'est là encore démontrée ; que dès lors le jugement ne peut qu'être confirmé en ce que la demande de Luc X... au titre de l'atteinte à son exclusivité contractuelle de distribution des produits SEET a été rejetée" (arrêt attaqué, p. 4) ;

Et aux motifs non contraires et adoptés que "l'un des griefs retenus par Monsieur X... contre la société SEET est le fait que par décision de ses actionnaires celle-ci ait procédé à une modification en créant une société de production ;

qu'il ressort de l'examen attentif des écritures de deux parties que Monsieur X... ne peut valablement soutenir ne pas être au courant ; que les attestations fournies par l'une et l'autre des parties n'apportent aucun élément susceptible d'accréditer formellement une violation d'exclusivité ; qu'il ressort également que des négociations ont eu lieu entre les co-contractants se traduisant par une augmentation du taux de commission, par l'embauche d'un commercial pour épauler Monsieur X... ; que des griefs sérieux sont faits par la société SEET à Monsieur X..., sans que celui-ci ne les réfute valablement, sur son assiduité à occuper le terrain ; que la libre concurrence entre sociétés existe et ne peut être sans conséquence ; qu'ainsi le Tribunal ne pourra retenir une violation de l'engagement d'exclusivité et déboutera Monsieur X... de sa demande" (jugement du Tribunal de commerce de NANTES du 5 décembre 2005, p. 8 § 1) ;

Alors, d'une part, que c'est à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; qu'en déboutant M. X... de sa demande, motifs pris que "selon SEET, Luc X... a été commissionné sur les ventes TOLERIE DE LA LOIRE", que "ce point n'est pas évoqué par Luc X..., et aucune pièce n'est produite" et que "faute d'éléments, il ne peut qu'être jugé que l'atteinte à l'exclusivité n'est pas démontrée sur ce client", la charge de la preuve du paiement des commissions réalisées sur les ventes à la société TOLERIE DE LA LOIRE pesant pourtant sur la société SEET, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du Code civil ;

Alors, d'autre part, qu'en se prononçant comme elle l'a fait, après avoir relevé que le salon ARTIBAT, réservé aux professionnels, au cours duquel des produits SEET étaient proposés à la vente par les entreprises TOLERIE DE LA LOIRE, SOLARONICS, CLIMAIR-SOFINTHER, CLIMALIS et AIR CALO se déroulait à NANTES, et sans constater que cette ville n'était pas située dans le secteur géographique à l'intérieur duquel M. X... disposait d'une exclusivité pour la vente aux grossistes en chauffage, installateurs en chauffage, et bureaux d'études en chauffage industriel, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, au regard des articles 1134 du Code civil et L. 134-6 du Code de commerce ;


Alors, enfin, qu'en se prononçant par les motifs inopérants tirés de ce que le siège social de la société CLIMAIR se situait à CHARTRES et qu'il n'était pas démontré que les sociétés SOLARONICS et AIR CALO, ainsi que CLIMALIS et SOVELOR, étaient situées "sur le secteur géographique de Luc X...", dès lors que l'atteinte à l'exclusivité pouvait résulter de toute vente réalisée par ces sociétés à l'intérieur du secteur géographique confié à M. X..., peu important que leur siège se trouvât à l'extérieur, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 du Code civil et L. 134-6 du Code de commerce.



site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cette décision est visée dans la définition :
Agent commercial


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.