par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 24 mai 2017, 16-24662
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
24 mai 2017, 16-24.662

Cette décision est visée dans la définition :
Avocat




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le troisième moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu les articles 138, 12°, et 179 du code de procédure pénale, l'article 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, ensemble les articles 197 et 198 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

Attendu que seul le conseil de l'ordre, saisi par le juge d'instruction, a le pouvoir de prononcer une mesure de suspension provisoire de l'exercice de ses fonctions à l'égard d'un avocat placé sous contrôle judiciaire ; qu'il statue dans les quinze jours de sa saisine, à charge d'appel, dans les conditions prévues par l'article 24 de la loi susvisée ; que la suspension provisoire liée à la mesure de contrôle judiciaire cesse de produire effet dès que celui-ci prend fin ; que l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel met fin au contrôle judiciaire, sauf si le juge d'instruction maintient la mesure jusqu'à la comparution devant la juridiction de jugement ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., avocat, a été placé sous contrôle judiciaire le 9 décembre 2014 par le juge d'instruction, qui a saisi le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Seine-Saint-Denis d'une demande de suspension provisoire de ses fonctions d'avocat ; qu'en l'absence de décision du conseil de l'ordre dans le délai légal, le procureur général a saisi la cour d'appel d'un recours contre la décision implicite de rejet ; que M. Y..., dont le contrôle judiciaire a été maintenu, par ordonnance du 12 juin 2015, jusqu'à sa comparution devant le tribunal correctionnel, a été condamné par cette juridiction, le 27 novembre 2015, à une peine d'emprisonnement avec sursis et à la peine complémentaire d'interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant cinq ans, avec exécution provisoire ;

Attendu que, pour suspendre provisoirement M. Y... de ses fonctions d'avocat, après avoir constaté que l'intéressé avait été condamné par le tribunal correctionnel à une sanction pénale, l'arrêt énonce que les faits reprochés, vol et menace envers un avocat pour l'influencer, constituent des infractions pénales qui mettent en cause la capacité de l'avocat à exercer sa profession avec honneur et probité, de sorte que la mesure est nécessaire pour assurer la protection du public ;

Qu'en statuant ainsi, alors que M. Y... n'était plus sous contrôle judiciaire depuis sa comparution devant le tribunal correctionnel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire, dont il est demandé à la Cour de cassation de faire application ;

Attendu qu'il ne reste plus rien à juger ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Laisse les dépens, incluant ceux exposés devant les juges du fond, à la charge du Trésor public ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me A..., avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la demande d'annulation de la citation délivrée le 15 décembre est sans objet,

AUX MOTIFS QUE

Le 15 décembre 2014, maître Feyler agissant en qualité de bâtonnier du barreau de Seine Saint Dents a fait délivrer à M. Y... une citation à comparaître devant le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Seine Saint Denis à une audience fixée le 22 décembre 2014 afin qu'il soit statué sur la demande des juges d'instruction en vue devoir prononcer à son encontre une interdiction d'activité professionnelle.
Cette citation ne respectait pas les dispositions de l'article 198 al. 1 du décret du 2 novembre 1991 qui énonce qu'une mesure de suspension provisoire ne peut pas être prononcée sans que l'avocat mis en cause ait été entendu ou appelé au moins 8 jours à l'avance.
Néanmoins cette citation n'a pas été suivie d'effet de sorte que sa demande d'annulation est sans objet.

ALORS QUE le juge a l'obligation de se prononcer sur tout ce qui est demandé ; qu'en refusant de statuer et d'annuler la citation du 14 décembre 2014, après avoir constaté que cette citation n'était pas conforme aux dispositions de l'article 198 alinéa 1 du décret du 27 novembre 1991, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et partant a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile, ensemble les articles 192 et 198 du décret du 27 novembre 1991 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande tendant à l'annulation de la citation délivrée à M. Y... le 19 décembre 2014

AUX MOTIFS QUE

Le 19 décembre 2014, maître Feyler a fait délivrer à M, Y... une 2ème citation ayant le même objet que la 1ère pour une audience devant le conseil de l'ordre des avocats réuni le 5 janvier 2015.
Cette citation respectait le délai de 8 jours de l'article 192 du décret susvisé, elle a été délivrée par huissier de justice à la requête de maître Feyler bâtonnier en exercice du barreau de la Seine Saint Denis à la date du 19 décembre 2014.
Les formes prévues par l'article 192 du décret ont ainsi été respectées et il n'y a pas lieu de prononcer l'annulation de cette citation.

ALORS QUE l'article 138-12° du Code de procédure pénale pose le principe que le conseil de l'ordre, saisi par le juge d'instruction, statue dans les quinze jours ; qu'à défaut de décision dans les 15 jours, la demande de suspension provisoire fait l'objet d'une décision implicite de rejet qui dessaisit le Conseil de l'ordre ; qu'en l'espèce le Conseil de l'ordre saisi le 10 décembre 2014 ne s'étant pas prononcé dans les quinze jours, une décision implicite est née le [...]          qui a rejeté la demande de suspension provisoire et dessaisi le Conseil de l'ordre, de sorte que la citation délivrée pour une audience du 05 janvier 2015 était entachée de nullité, pour avoir été délivré pour une date à laquelle le Conseil de l'ordre avait perdu sa compétence ; qu'en refusant d'annuler la citation délivrée le 19 décembre 2014, la cour a violé les articles 138-12° du Code de procédure pénale et l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, partant sa décision ne pourra qu'être cassée.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que la cour est saisie conformément aux dispositions de l'article 198 du décret du 27 novembre 1991, infirmé la décision de rejet implicite du conseil de l'ordre du barreau de Seine Saint Denis, statuant à nouveau, prononcé à l'encontre de M. Y... une mesure de suspension d'exercer la profession d'avocat d'une durée de 4 mois.

AUX MOTIFS QUE

L'acte de saisine de la cour d'appel déposé le 22 janvier 2015 par le Procureur Général vise l'article 198 du décret du 27 novembre 1991 qui dispose en son alinéa 3 que si dans le délai d'un mois le conseil de l'ordre n'a pas statué, la demande est réputée rejetée et que selon le cas, le bâtonnier ou le procureur général peut saisir la cour d'appel.
Le Procureur Général constate que le bâtonnier a fait citer M. Y... le 19 décembre 2014, que le conseil de l'Ordre n'a pas pris de décision lors de sa réunion du 5 janvier 2015 et que le délai de l'article 138-12 du code de procédure pénale étant expiré, il doit être considéré qu'il a rendu une décision implicite de rejet contre laquelle il peut saisir la cour dans le délai d'un mois.
II ressort clairement de cet exposé que le procureur général a saisi la cour d'un recours sur le fondement de l'article 198 du décret susvisé contre la décision implicite de rejet du conseil de l'ordre de la demande de suspension provisoire formée à l'encontre de M. Y....

1°) ALORS QUE l'article 138 12° du code de procédure pénale ne donne compétence qu'au juge d'instruction ou au juge des libertés et de la détention pour saisir le conseil de l'ordre en vue d'une suspension provisoire de l'avocat telle que prévue à l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971, au titre du contrôle judiciaire ; que si le conseil de l'ordre doit se prononcer dans les quinze jours à charge d'appel, aucun texte ne confère au procureur général le pouvoir de relever appel de la décision du conseil de l'ordre saisi sur le fondement de l'article 138 12° du code de procédure pénale ; qu'en se déclarant valablement saisie conformément aux dispositions de l'article 198 du décret du 27 novembre 1991 par l'acte du 22 janvier 2015 du parquet général, quand elle était saisie d'une décision du conseil de l'ordre prise dans le cadre d'une mesure de contrôle judiciaire, et non dans une procédure de suspension provisoire, la cour d'appel a violé ensemble les articles 138 12° du code de procédure pénale et 198 du décret du 27 novembre 1991 ;

2°) ALORS QUE ne peuvent relever appel que les parties à l'instance devant la juridiction de première instance ; qu'il est constant que le procureur général de la cour d'appel de Paris n'était pas partie à l'instance devant le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Seine-Saint-Denis, et n'avait pas saisi le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Seine-Saint-Denis en application de l'article 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 aux fins de voir prononcer une mesure de suspension provisoire à l'encontre de M. Y... ; que sauf à commettre un détournement de procédure, le procureur général était dépourvu de qualité pour saisir la cour d'appel de Paris ; qu'ainsi la cour d'appel a violé ensemble les articles 138 12° du code de procédure pénale et 198 du décret du 27 novembre 1991 ;

3°) ALORS QUE la suspension provisoire d'un Avocat du Tableau dressé par le Barreau ne peut être examinée, que si et seulement si cet Avocat est inscrit au Tableau d'un Barreau ; qu'en l'espèce, lorsque cette affaire a été examinée à l'audience du 9 juin 2016, M. François Y... n'était plus inscrit au Tableau des Avocats dressé par le Barreau de la Seine Saint-Denis, par suite du prononcé du jugement correctionnel du 27 novembre 2015 l'ayant condamné à une peine d'emprisonnement assortie du sursis ainsi qu'à titre de peine complémentaire à une interdiction d'exercer la profession d'avocat pour une durée de cinq ans, ce avec exécution provisoire , que la cour d'appel a visé ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et partant, a violé ensemble les articles 138 12° du code de procédure pénale et 24 de la loi du 31 décembre 1971, 198 du décret du 27 novembre 1991 ;

4°) ALORS QUE la demande d'interdiction d'exercice professionnel au titre du contrôle judiciaire a nécessairement été privé d'objet en raison de l'intervention du prononcé du jugement correctionnel du 27 novembre 2015, visé par la cour d'appel dans sa décision ; qu'en ordonnant une suspension provisoire dans le cadre d'un contrôle judiciaire qui avait en toute hypothèse pris fin par le prononcé du jugement du 27 novembre 2015, la cour d'appel a violé les articles 138 12° et 140 du Code de procédure pénale.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé à l'encontre de M. Y... une mesure de suspension d'exercer la profession d'avocat d'une durée de 4 mois,

AUX MOTIFS QUE

Sur le fond, les dispositions de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée énoncent que "Lorsque l'urgence ou la protection du public l'exigent, le conseil de l'ordre peut, à la demande du Procureur Général ou du bâtonnier, suspendre provisoirement de ses fonctions l'avocat qui en relève lorsque ce dernier fait l'objet d'une poursuite pénale ou disciplinaire.
Cette mesure ne peut excéder une durée de quatre mois renouvelable".
Les faits reprochés à M. Y..., vol et menace envers un avocat pour l'influencer, constituent des infractions pénales qui mettent en cause la capacité du prévenu à exercer sa profession avec honneur et probité de sorte que la mesure de suspension provisoire s'avère nécessaire pour assurer la protection du public.
Il y a donc lieu d'infirmer la décision de rejet implicite du conseil de l'ordre du barreau de Seine Saint Denis et de prononcer à l'encontre de M. Y... une mesure de suspension d'exercer la profession d'avocat d'une durée de 4 mois.

1°) ALORS QUE la décision contestée a été prise sur avis oral du Parquet général, avis qui n'avait pas été communiqué avant l'audience à M. François Y..., qui n'a donc pas pu y répondre valablement, notamment sur les accusations de manquement à l'honneur et à la probité qu'il a découvert à l'audience ; qu'en procédant ainsi, sans constater que M. François Y... avait reçu communication de cet avis afin d'être en mesure d'y répondre utilement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale et partant, violé les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 16 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la décision contestée a été prise sur observations du Bâtonnier, observations orales qui n'avaient pas été communiquées avant l'audience à M. François Y..., qui n'a donc pas pu y répondre valablement, notamment sur les accusations de manquement à l'honneur et à la probité qu'il a découvert à l'audience ; qu'en procédant ainsi, sans préciser si le Bâtonnier avait, déposé des conclusions écrites préalablement à l'audience et, si tel avait été le cas, sans constater que M. François Y... en avait reçu communication afin d'être en mesure d'y répondre utilement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale et partant, violé les articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 16 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE une demande de suspension provisoire, doit être examinée en audience solennelle, sous la présidence du Premier président ; qu'en l'espèce, l'audience du 09 juin 2016 a été présidée par Madame Dominique C... qui n'est pas le Premier président. M. François Y... a donc déposé une note en délibéré le 30 juin 2016, note en délibéré qui a soulevé cette difficulté et demandé la réouverture des débats ; qu'en refusant de prendre en considération cette difficulté relative à une composition irrégulière de la formation de jugement, la cour d'appel a violé les articles L 312-2 et R 312-9 du Code de l'organisation judicaire ;

4°) ALORS QUE une suspension provisoire ne peut être ordonnée qu'après délivrance de la citation motivée en fait et en droit prévue par les articles 192 et 198 du décret du 27 novembre 1991 ; qu'en l'espèce, la décision de suspension provisoire est motivée par des circonstances de fait tirées d'un manquement à l'honneur et à la probité, faits qui n'ont été visés par aucune citation délivrée au moins 8 jours à l'avance ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 192 et 198 du décret du 27 novembre 1991, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5°) ALORS QUE une suspension provisoire ne peut être motivée que par le constat d'une situation d'urgence, ou pour la protection du public, c'est à dire la protection des clients de cet Avocat ; qu'en l'espèce, le critère de l'urgence fait manifestement défaut, dans la mesure où la demande de suspension provisoire dans le cadre d'une mesure de contrôle judiciaire a été formulée le 9 décembre 2014 soit 22 mois plus tôt, et que la suspension provisoire est motivée par des critères tirés d'une absence de probité et d'honneur, critères non prévus par l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971 ; partant, la cour d'appel a violé l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;


6°) ALORS QUE la suspension provisoire d'un Avocat du Tableau dressé par le Barreau ne peut être examinée, que si et seulement si cet Avocat est inscrit au Tableau d'un Barreau ; qu'en l'espèce, lorsque cette affaire a été examinée à l'audience du 9 juin 2016, M. François Y... n'était plus inscrit au Tableau des Avocats dressé par le Barreau de la Seine Saint-Denis, par suite du prononcé du jugement correctionnel du 27 novembre 2015 visé dans la décision, l'ayant condamné à une peine d'emprisonnement assortie du sursis ainsi qu'à titre de peine complémentaire à une interdiction d'exercer la profession d'avocat pour une durée de cinq ans, ce avec exécution provisoire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et partant, a violé ensemble les articles 138 12° du code de procédure pénale et 24 de la loi du 31 décembre 1971, 198 du décret du 27 novembre 1991.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.