par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 23 juin 2016, 15-12113
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
23 juin 2016, 15-12.113

Cette décision est visée dans la définition :
Juge de l'exécution (JEX)




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte notarié du 27 mars 2007, Mme X... a souscrit auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance des Alpes, devenue Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône-Alpes (la banque), un emprunt immobilier d'un montant de 323 000 francs suisses en vue d'acquérir un appartement à Annecy ; que s'étant prévalue de la déchéance du terme, la banque lui a fait signifier, le 23 avril 2012, un commandement de payer valant saisie immobilière pour un montant de 266 040,89 euros en principal ; que par un jugement du 3 juillet 2014, un juge de l'exécution a annulé ce commandement et ordonné la mainlevée de la saisie immobilière ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'en énonçant, pour condamner la Caisse d'épargne à payer à Mme X... à ce titre la somme de 22 000 euros à titre de dommages-intérêts, que le juge de l'exécution avait été saisi d'une telle action, par renvoi d'une autre juridiction en l'absence de tout lien entre les demandes de dommages-intérêts présentées et de difficultés liées à l'exécution en cause, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ;

Mais attendu que, selon le second alinéa de l'article 96 du code de procédure civile, le juge qui se déclare incompétent au profit d'une juridiction autre que répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, désigne la juridiction qu'il estime compétente et que cette désignation s'impose aux parties et au juge de renvoi ;

Et attendu que la cour d'appel, saisie comme juridiction de renvoi, qui était tenue de statuer sur les demandes qui lui étaient transmises, n'a pas excédé ses pouvoirs ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la banque fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que pour dire non prescrite l'action en responsabilité de Mme X..., la cour d'appel a retenu que Mme X... avait « formulé pour la première fois sa prétention à obtenir des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par les manquements contractuels de la Caisse d'épargne, par des conclusions récapitulatives signifiées par acte du palais le 13 juin 2013, et déposées au guichet unique de greffe du tribunal d'Annecy le 14 juin 2013 » ; qu'il ressort cependant des conclusions d'appel, du bordereau et des pièces produites par Mme X... que cette dernière se bornait à produire une « copie de la première page des conclusions récapitulatives portant mention de la date de notification » ; qu'en se fondant dès lors sur un élément qui n'était pas de nature à établir la teneur des demandes présentées par Mme X... avant le 19 juin 2013, date d'acquisition de la prescription, sans constater que des demandes de dommages-intérêts avaient été effectivement présentées avant cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que la banque avait soutenu devant la cour d'appel que les conclusions signifiées le 13 juin 2013 ne contenaient pas de moyen relatif aux dommages-intérêts dus en raison de ses prétendus manquements contractuels; que le moyen est donc nouveau, mélangé de fait et de droit, et comme tel irrecevable ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que la banque fait encore le même grief à l'arrêt, alors selon le moyen :

1°/ que dans ses conclusions d'appel, elle faisait valoir que seul un risque certain ou probable peut justifier l'existence d'un devoir de mise en garde à la charge du banquier, ce dernier ne pouvant être tenu pour responsable d'un simple défaut d'alerte concernant un risque possible ; qu'elle faisait également valoir que le banquier n'a pas à alerter spécialement son client des risques liés à la survenance d'une maladie ou d'une perte d'emploi ; qu'à cet égard, elle précisait également qu'au moment de la conclusion du prêt, Mme X... était salariée en Suisse et bénéficiait du statut le plus protecteur ; qu'en retenant que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde concernant la perte d'emploi éventuel de l'emprunteur et à son obligation de conseil concernant l'assurance perte d'emploi susceptible d'être souscrite, sans répondre au moyen déterminant de la banque de nature à établir qu'elle n'était pas tenue au titre du devoir et de l'obligation susmentionnés, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que dans ses écritures d'appel, elle faisait également valoir qu'une « assurance perte d'emploi proposée par le prêteur était mentionnée dans un document contractuel remis à Mme X... qui produisait du reste elle-même cet élément en cause d'appel ; qu'elle précisait sur ce point qu'informée de l'existence d'une telle assurance, Mme X... n'avait toutefois pas souhaité y souscrire; qu'en retenant que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde concernant la perte d'emploi éventuelle de l'emprunteur et à son obligation de conseil concernant l'assurance perte d'emploi susceptible d'être souscrite, sans répondre au moyen déterminant de la banque de nature à exclure sa responsabilité, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant retenu que Mme X... étant salariée en Suisse, cette garantie particulière relative à la perte d'emploi ne lui était pas applicable et que la banque, qui avait connaissance de cette difficulté, aurait dû conseiller explicitement sa cliente sur les possibilités de souscription individuelle, auprès de toute compagnie d'assurance de son choix, d'une assurance garantissant ce risque spécifique, ou s'assurer que son refus de souscrire une telle assurance était parfaitement éclairé et ne résultait pas d'un éventuel manque d'information, la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument délaissées ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles L. 111-2 et L. 111-6 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que seul le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur ; qu'aux termes du second, la créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation ;

Attendu que pour annuler le commandement à fin de saisie immobilière et ordonner mainlevée de la saisie, l'arrêt retient que l'acte notarié servant de fondement aux poursuites concernait un prêt libellé en francs suisses et remboursable dans cette monnaie étrangère, avec faculté de conversion à la demande de l'emprunteur, sans stipulation aucune relative aux conditions de conversion en euros, et que la créance, bien que mentionnée en euros dans le commandement de payer valant saisie, n'était pas liquide faute d'éléments dans le contrat permettant de l'évaluer dans la monnaie ayant seul cours légal en France ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'à défaut de stipulations relatives aux modalités de conversion dans le titre exécutoire, la contrevaleur en euros de la créance stipulée en monnaie étrangère pouvait être fixée au jour du commandement de payer à fin de saisie immobilière, qui engage l'exécution forcée, de sorte que la créance, dont le montant était déterminable à cette date, se trouvait, par là-même, liquide, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a annulé le commandement valant saisie immobilière du 23 avril 2012 et ordonné la mainlevée de cette saisie, l'arrêt rendu le 20 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry, autrement composée ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse d'épargne et de Prévoyance Rhône-Alpes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône-Alpes

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé le commandement aux fins de saisie délivré par la Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône-Alpes le 23 avril 2012, d'avoir ordonné la mainlevée du commandement de saisie immobilière du 23 avril 2012 volume 2012 S n° 69 aux frais de la Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône-Alpes, d'avoir dit n'y avoir lieu à statuer sur les prétentions des parties relatives à la créance de la banque, et sur la demande de délais de paiement et d'avoir ordonné la radiation du commandement de saisie immobilière du 23 avril 2012 publié le 4 juin 2012, volume 2012 S, aux frais de la Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône-Alpes ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution, « le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut donc poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution. » ; qu'aux termes de l'article L. 111-6 du même code, « la créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation. » ; que le paiement ne peut être exigé en France que dans la monnaie nationale au nom de la souveraineté monétaire et des règles du cours légal et du cours forcé ; qu'en l'espèce, la Caisse d'Epargne a fait délivrer un commandement de payer valant saisie portant sur une somme exprimée en euros en vertu de la grosse en forme exécutoire d'un acte notarié reçu le 27 mars 2007 par Maître Franck Y..., notaire associé à Annecy, lequel pourtant stipulait le prêt remboursable en francs suisses, avec faculté de conversion à la demande de l'emprunteur, sous réserve de l'émission d'une nouvelle offre de prêt ; que ce titre exécutoire, qui contient en outre une clause par laquelle l'emprunteur déclare supporter en toute connaissance de cause le risque de change, ne comprend pourtant aucune stipulation relative à la conversion des sommes dues en euro ; qu'en particulier, le contrat ne précise pas, ni les modalités de la conversion, ni la date ou les circonstances pouvant autoriser le créancier à y procéder ; que le juge de l'exécution, auquel la loi fait obligation de vérifier la créance en vertu de laquelle est poursuivie la vente forcée d'un bien préalablement saisi, doit rechercher dans le titre exécutoire si le montant de cette créance est déterminé ou déterminable ; qu'en l'espèce, seul le montant en francs suisses de la créance peut être déterminé, par application du contrat ; que le commandement de payer valant saisie immobilière est donc entaché de nullité au seul motif que la créance invoquée, bien que libellée en euro, n'est pas liquide à défaut de titre exécutoire permettant de l'évaluer dans la seule monnaie ayant cours légal en France ; qu'en conséquence le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a annulé le commandement du 23 avril 2012 et ordonné la mainlevée de la saisie immobilière ; qu'il en résulte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la vérification de la créance de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes, y compris sur son droit de percevoir des intérêts, ou au contraire sur la déchéance de ce droit, ni sur ses demandes accessoires relatives à la poursuite de la procédure de saisie ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE l'article 14 figurant aux conditions générales du prêt prévoit que le concours financier sera réalisé conformément à la réglementation des changes en vigueur au moment de son attribution, que l'emprunteur accepte toutes modifications des clauses du contrat qui découleraient d'une évolution de cette réglementation et que l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre le franc suisse et l'euro jusqu'au complet remboursement du prêt ; que toutefois, aucune clause de l'acte notarié ne détermine les modalités de conversion des sommes dues en euro notamment la date à prendre en compte pour cette conversion ; que le juge de l'exécution n'ayant pas compétence pour modifier le titre en le complétant pour permettre son exécution notamment en procédant au change entre le franc suisse et l'euro en l'absence de modalités de conversion déterminées, il y a lieu de d'annuler le commandement aux fins de saisie délivré par la Caisse d'épargne sur le fondement de l'acte notarié ; qu'il convient en conséquence d' ordonner la mainlevée du commandement de saisie immobilière du 23 avril 2012 publié le 4 juin 2012 volume 2012 S n° 69 aux frais de la Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône-Alpes ;

1°) ALORS QUE le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur, la créance étant liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation ; qu'en retenant en l'espèce, pour annuler le commandement de payer du 23 avril 2012 valant saisie immobilière, que la créance invoquée, bien que libellée en euro dans ce même commandement, n'aurait pas été liquide, faute pour le titre exécutoire de fait état d'une créance libellée en euros, « seule monnaie ayant cours légal en France » (arrêt attaqué, p. 9), cependant que le prêt notarié du 27 mars 2007 mentionnait une créance libellée en francs suisses, la contrevaleur en euro de cette créance étant déterminable, au taux de change en vigueur, la cour d'appel a violé les articles L. 111-5 et L. 111-6 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°) ALORS QU'en se bornant à retenir, à la lumière du prêt notarié du 27 mars 2007, que « seul le montant en francs suisses de la créance peut être déterminé, par application du contrat » (arrêt p. 9), sans rechercher si le montant de la créance libellée en euros dans le commandement de payer correspondait au montant de la contre-valeur en euro de la créance libellée en francs suisses dans le titre exécutoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-5 et L. 111-6 du code des procédures civiles d'exécution.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône-Alpes à payer Mme Nadia X... la somme de 22.000 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE les parties ont été invitées à déposer une note en délibéré si elles le souhaitaient, sur la possibilité pour le juge de l'exécution de statuer sur une demande en dommages-intérêts dont il a été saisi par renvoi d'une autre juridiction ; que par l'effet du renvoi sur incompétence résultant de la décision du juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'Annecy rendue le 22 novembre 2013, qui n'a fait l'objet d'aucun recours, le juge de l'exécution a été saisi par voie d'action principale des prétentions que Mme X... avait formées par l'assignation du 7 juin 2012, et après jonction des procédures par ses dernières conclusions tendant à la condamnation de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes à lui payer à titre de dommages-intérêts la somme de 268.634,83 €, prétention portée dans le dernier état de ses conclusions à la somme de 282.487,82 € ; que malgré la mainlevée de la saisie immobilière, il y a donc lieu de statuer sur cette prétention qui se fonde sur l'article 1147 du code civil ;

ALORS QUE le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'en énonçant pour condamner la Caisse d'épargne à payer à Mme X... à ce titre la somme de 22.000 euros à titre de dommages et intérêts, que le juge de l'exécution avait été saisi d'une telle action, « par renvoi d'une autre juridiction » (arrêt attaqué, p. 10), en l'absence de tout lien entre les demandes de dommages et intérêts présentées et de difficultés liées à l'exécution en cause, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône-Alpes à payer Mme Nadia X... la somme de 22.000 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QU'en application de l'article 2224 du Code civil, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer» ; que cette courte prescription, issue de la réforme par la loi du 17 juin 2008, s'applique aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi soit le 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en invoquant des manquements de la Caisse d'Epargne à ses obligations de mise en garde, d'information et de conseil relatives à l'assurance de groupe, Mme X... prétend être indemnisée de la perte de chance de ne pas contracter dans des conditions qui présentaient pour elle un risque élevé, de sorte que le point de départ de la prescription doit être en l'espèce fixé au jour de l'octroi des crédits, et compte tenu des dispositions transitoires précitées, son action en responsabilité ne pouvait pas être prescrite avant le 19 juin 2013 ; qu'elle a formulé pour la première fois sa prétention à obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par les manquements contractuels de la Caisse d'Epargne, par des conclusions récapitulatives signifiées par acte du palais le 13 juin 2013, et déposées au guichet unique de greffe du tribunal d'Annecy le 14 juin 2013 ; que son action en responsabilité n'est pas prescrite ;

ALORS QUE pour dire non prescrite l'action en responsabilité de Mme X..., la cour d'appel a retenu que Mme X... avait « formulé pour la première fois sa prétention à obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par les manquements contractuels de la Caisse d'Epargne, par des conclusions récapitulatives signifiées par acte du palais le 13 juin 2013, et déposées au guichet unique de greffe du tribunal d'Annecy le 14 juin 2013 » (arrêt attaqué, p. 10) ; qu'il ressort cependant des conclusions d'appel, du bordereau et des pièces produites par Mme X... que cette dernière se bornait à produire une « copie de la première page des conclusions récapitulatives portant mention de la date de notification » (pièce n° 40 visée dans le bordereau) ; qu'en se fondant dès lors sur un élément qui n'était pas de nature à établir la teneur des demandes présentées par Mme X... avant le 19 juin 2013, date d'acquisition de la prescription, sans constater que des demandes de dommages et intérêts avaient été effectivement présentées avant cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 26 II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône-Alpes à payer Mme Nadia X... la somme de 22.000 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE la banque a manqué à son devoir de mise en garde contre le caractère excessif de l'endettement ; qu'en effet cette obligation porte sur l'appréciation objective de risques pouvant résulter pour l'emprunteur du caractère excessif du crédit sollicité ; que la charge de la preuve du risque de l'endettement ne pèse pas sur l'emprunteur, pas plus qu'il ne lui incombe de prouver sa qualité d'emprunteur non averti ; que la Caisse d'Epargne, en tentant d'inverser la charge de la preuve, n'offre pas de démontrer que Mme X... est un emprunteur averti ; qu'en outre, exerçant la profession d'agent de voyages qui relève d'une catégorie socioprofessionnelle sans rapport avec les activités bancaires de crédit, âgée de 33 ans lors de la souscription du crédit en vue de l'acquisition d'un appartement et de la réalisation de travaux, elle ne disposait pas d'une compétence ni d'une expérience particulières; qu'elle doit en conséquence être considérée comme un emprunteur non averti ; qu'en l'espèce, il résulte des bulletins de paye de la société Kuoni qu'elle percevait un salaire mensuel brut de 3.650 CHF soit après déduction des charges sociales, mais avant déduction de l'impôt à la source, un revenu net de 3.200 CHF, et en tenant compte du 13ème mois un revenu net mensuel moyen de 3.466 CHF ; Qu'il résulte de la demande de crédit qu'elle prétendait percevoir, en plus des revenus du travail, des loyers pour un montant mensuel de 700 € que la banque a pris en compte dans le total des ressources hors charges pour le calcul du taux d'endettement à concurrence de 490 € (environ 590 CHF) soit un taux d'endettement avec assurance retenu par la banque de 49,14 % ; que le crédit accordé l'obligeait à des remboursements d'un montant mensuel d'environ 1.230 CHF ; qu'il faut tenir compte du fait que le prêt a été consenti pour partie sous forme de prêt amortissable sur 25 ans, et pour partie sous forme de prêt in fine remboursable en une échéance unique après 25 ans, portant sur un capital emprunté in fine de 149.000 € ; que pour permettre le remboursement à l'échéance de cette somme, augmentée des intérêts, Mme X... a par ailleurs souscrit un contrat d'assurance vie auprès de la société AXA, garantissant en capital à l'échéance la somme de 211.043 CHF et en fonction des participations aux excédents investis en fonds de placement, un montant pouvant atteindre la somme de 305.387 CHF ; que pour permettre ce remboursement, elle s'est donc obligée par ce contrat à payer une prime annuelle de 5.800,30 CHF soit 483 CHF par mois ; qu'en conséquence lors de l'octroi du crédit, la banque devait considérer que Mme X... aurait à assumer des échéances mensuelles d'environ 1.713 CHF (1.230 + 483), avec des revenus probables de 4.056 CHF (3.466 + 590), devant en outre supporter des impôts élevés en sa qualité de personne célibataire, assumer le risque de change et alors qu'elle venait de prendre cet emploi en Suisse depuis quelques mois seulement ; qu'au vu des observations qui précèdent, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Rhône-Alpes a manqué à l'obligation de mise en garde à laquelle elle était tenue, n'ayant introduit dans le contrat aucune clause suffisante de mise en garde et ne justifiant d'aucune démarche extérieure au contrat à ce titre, et ce d'autant qu'elle avait par ailleurs connaissance de la difficulté pour une personne disposant d'un emploi en Suisse de souscrire en France une assurance spéciale contre le risque de perte d'emploi et qu'elle n'ignorait pas les risques liés à la variation du taux de change d'une part et à la fluctuation des taux d'intérêt sur une période de 25 ans. (...). Sur l'obligation de conseil : que la banque a manqué à son devoir de conseil au sujet de l'assurance perte d'emploi ; qu'en effet, il est établi par le bulletin individuel de demande d'admission aux garanties du contrat d'assurance groupe de la CNP que Mme X... a déclaré vouloir accepter l'assurance perte d'emploi proposée par le prêteur, de sorte que l'absence de souscription de cette garantie particulière ne semble pas résulter de son choix mais plutôt du fait que, étant salariée en Suisse, cette garantie particulière ne lui était pas applicable. Attendu qu'en tout état de cause, en raison de sa demande d'assurances à ce titre, et en raison de la connaissance du risque lié à la perte d'un emploi en Suisse pour un travailleur français, et compte tenu de son fort taux d'endettement, la banque aurait dû conseiller explicitement sa cliente sur les possibilités de souscription individuelle, auprès de toute compagnie de son choix, d'une assurance garantissant ce risque spécifique, ou s'assurer que son refus de souscrire une telle assurance était parfaitement éclairé et ne résultait pas d'un éventuel manque d'information ; que les fautes commises par la banque sont la cause de deux préjudices distincts ; Que celui résultant de la perte de chance de n'avoir pas contracté dans des conditions présentant un degré de risque élevé, doit être apprécié en fonction des conséquences patrimoniales de la souscription de ce prêt. Attendu qu'elle estime que le bien immobilier lui appartenant, actuellement divisé en deux appartements, à une valeur comprise entre 280.000 et 300.000 €, montant paraissant plausible si l'on considère que la banque soutient de son côté qu'une mise à prix de l'ensemble au prix de 200.000 € le serait pour un prix jugé attractif ; que le financement de l'acquisition et des travaux s'est élevé à 323.000 CHF soit environ 268.000 € ; Qu'il résulte du tableau d'amortissement que les intérêts dus en vertu du prêt depuis le 10 mai 2007 jusqu'à novembre 2014 s'élevaient à 21.155 CHF pour le déblocage de 174.000 CHF et à la somme de 18.984,31 CHF pour les déblocages complémentaires, soit au total 40.139,31 CHF, ou encore 33.273 € ; que s'agissant de réparer seulement une perte de chance de ne pas souscrire un contrat, il résulte de la comparaison entre la valeur prétendue de l'immeuble aujourd'hui et son prix de revient, que ce préjudice sera entièrement réparé par une indemnité de 10.000 € ; que le préjudice résultant de la perte de chance d'avoir pu souscrire un contrat d'assurance adapté garantissant le risque de perte d'emploi, risque qui en l'espèce s'est réalisé, doit être apprécié en tenant compte du fait qu'elle aurait eu à supporter le coût des primes correspondantes, qu'elle a perdu son emploi au bout de 7 mois alors que la plupart des contrats ne couvrent que le risque de perte d'emploi après l'écoulement d'une durée initiale non garantie (12 mois pour le contrat CNP), et que la prise en charge des échéances du crédit à ce titre est très souvent limitée dans le temps, en fonction des options choisies ayant une incidence directe sur le montant de la prime d'assurance ; qu'il y a lieu de considérer que Mme X... a perdu la chance de s'assurer contre la perte d'emploi, et d'indemniser ce préjudice par une somme égale à quatre échéances trimestrielles moyennes (3.700 CHF selon la Caisse d'Epargne) soit environ 12.000 € ;

1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la Caisse d'épargne faisait valoir que seul un risque certain ou probable peut justifier l'existence d'une devoir de mise en garde à la charge du banquier, ce dernier ne pouvant être tenu pour responsable d'un simple défaut d'alerte concernant un risque possible ; que la Caisse d'épargne faisait également valoir que le banquier n'a pas à alerter spécialement son client des risques liés à la survenance d'une maladie ou d'une perte d'emploi ; qu'à cet égard, la Caisse d'épargne précisait également qu'au moment de la conclusion du prêt, Mme X... était salariée en Suisse et bénéficiait du statut le plus protecteur (conclusions d'appel de la Caisse d'épargne, p. 11) ; qu'en retenant que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde concernant la perte d'emploi éventuel de l'emprunteur et à son obligation de conseil concernant l'assurance perte d'emploi susceptible d'être souscrite, sans répondre au moyen déterminant de la Caisse d'épargne de nature à établir qu'elle n'était pas tenue au titre du devoir et de l'obligation susmentionnés, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;


2°) ALORS QUE dans ses écritures d'appel, la Caisse d'épargne faisait également valoir qu'une « assurance perte d'emploi proposée par le prêteur » était mentionnée dans un document contractuel remis à Mme X... qui produisait du reste elle-même cet élément en cause d'appel ; que la Caisse d'épargne précisait sur ce point qu'informée de l'existence d'une telle assurance, Mme X... n'avait toutefois pas souhaité y souscrire (conclusions d'appel de la Caisse d'épargne, p. 13 et 14) ; qu'en retenant que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde concernant la perte d'emploi éventuelle de l'emprunteur et à son obligation de conseil concernant l'assurance perte d'emploi susceptible d'être souscrite, sans répondre au moyen déterminant de la Caisse d'épargne de nature à exclure toute responsabilité de la banque, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Juge de l'exécution (JEX)


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.