par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 2 mars 2016, 14-25896
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Cour de cassation, chambre sociale
2 mars 2016, 14-25.896
Cette décision est visée dans la définition :
Temps de travail
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 5.9 de l'accord collectif du 13 mai 2002, ensemble l'article L. 3121-2 du code du travail ;
Attendu, selon le premier de ces textes, qu'afin de prendre en considération les conditions particulières de travail du personnel affecté au traitement des valeurs, il est accordé à ces salariés une pause rémunérée de 10 minutes au cours d'un cycle de 3 heures de travail effectif, qui sera prise à des conditions déterminées par le chef de service ; que s'il en résulte que les salariés concernés doivent bénéficier d'un temps de pause rémunéré à l'intérieur d'un cycle de 3 heures de travail effectif, il ne s'en déduit pas que ce temps de pause rémunéré doive augmenter le temps de présence ou se traduire par l'octroi d'un supplément de rémunération ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un accord collectif dit « contrat de progrès » a été conclu le 13 mai 2002 au sein de la société Brink's évolution ; que contestant l'application faite par l'employeur de l'article 5.9 de cet accord, des organisations syndicales ont saisi le tribunal de grande instance ;
Attendu que pour faire droit à la demande des syndicats, l'arrêt, après avoir rappelé que le contrat de progrès accorde une pause rémunérée de dix minutes au cours d'un cycle de trois heures de travail effectif, retient par motifs adoptés que l'application qui est faite par la société Brink's évolution des dispositions de l'accord de progrès relatives au temps de pause est défavorable aux salariés car elle conduit à les priver d'une partie de la rémunération qui leur est due pour les temps de pause et qui doit venir s'ajouter au salaire mensuel, qu'elle sera donc condamnée à verser mensuellement aux salariés de l'entreprise la prime de pause et à l'identifier dans les bulletins de paie afin d'éviter toute confusion possible avec le temps de travail effectif ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'intervention volontaire de l'union départementale du syndicat CGT, l'arrêt rendu le 9 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne l'union départementale du syndicat CGT, le syndicat Force ouvrière et le syndicat Fédération nationale des syndicats de transports CGT aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Brink's évolution.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société BRINK'S à verser mensuellement aux salariés de l'entreprise la prime de pause et à l'identifier dans les bulletins de salaire ainsi qu'à verser au syndicat FO la somme totale de 2.500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « en premier lieu qu'il convient de donner acte à l'union départementale du syndicat FORCE OUVRIERE, laquelle n'avait pas conclu dans le délai de deux mois fixé par l'article 909 du code de procédure civile, de ce qu'elle renonce aux conclusions déposées par elle le 22 mai 2014; Attendu sur le fond que la société BRINK'S EVOLUTION a passé avec ses partenaires sociaux un "contrat de progrès" prévoyant notamment en son article 5-9 "une pause rémunérée de 10 minutes au cours d'un cycle de trois heures de travail effectif qui sera prise à des conditions déterminées par le chef de service (pièce n° 1) ; Que, dans une note du 15 janvier 2003, le responsable des ressources humaines indiquait que cette pause serait rémunérée à un taux normal et figurerait sur le bulletin de paie (pièce n°2), précisant ensuite en réponse aux interrogations d'un délégué syndical que le montant de la prime était obtenu en multipliant ce taux par le nombre d'heures mensuelles de chaque salarié (pièce n°4) ; Qu'enfin, lors de la réunion du comité d'établissement du 24 juin 2003 (pièce n° 5), la direction a ajouté que les temps de pause seraient remis dans les compteurs de modulation prévues dans le cadre de l'accord d'entreprise sur l'ARTT, décision contestée par les représentants syndicaux et notamment celui de FO qui a engagé la présente instance ; après que le conseil des prud'hommes se soit déclaré incompétent pour en connaître, décision confirmée par la Cour d'appel ; Mais attendu que, ainsi que le rappelle lui-même l'appelant, le contrat de progrès accorde une pause rémunérée de dix minutes au cours d'un cycle de trois heures de travail effectif; Qu'il en résulte que, dès lors qu'est générée une pause de dix minutes toutes les trois heures et la législation du travail posant le principe de la rémunération mensuelle, c'est à juste titre que l'inspecteur du travail (pièce intimé n° 3) a demandé à l'employeur de procéder au règlement mensuel du temps de pause et non à sa rémunération annuelle en l'intégrant dans les compteurs de modulation, cette faculté n'étant d'ailleurs prévue par aucune disposition conventionnelle ou légale, étant observé que, contrairement à ce que soutient à tort l'appelant, le temps de pause ne saurait à l'évidence être considéré comme une absence ; Attendu dans ces conditions que c'est pour des motifs pertinents que la Cour adopte que le tribunal a fait droit à la demande principale du syndicat ; Attendu que le jugement querellé sera réformé en ce qu'il a alloué des dommages-intérêts, la mauvaise foi de l'employeur n'étant pas en l'espèce caractérisée par le seul fait de son interprétation des conditions de rémunération des temps de pause en l'absence de précisions des accords passés avec les partenaires sociaux à cet égard » ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE « l'article L3121-1 du Code du travail dispose que: "La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles", Attendu qu'il ressort de l'article L3121-2 du même code que: "Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l'article L. 3121-1 sont réunis. Même s'ils ne sont pas reconnus comme du temps de travail effectif, ces temps peuvent faire l'objet d'une rémunération prévue par une convention ou un accord collectif de travail ou par le contrat de travail."; Attendu que selon l'accord d'entreprise sur l'aménagement et la réduction du temps de travail en date du 26 novembre 1999, la rémunération mensuelle des salariés auxquels s'applique le dispositif de modulation du temps de travail est établie sur la base de l'horaire hebdomadaire moyen de 35 heures complétée le cas échéant par la rémunération correspondant aux heures supplémentaires; Attendu que l'article 5.9 de l'accord de progrès du 13 mai 2002 dispose "Afin de prendre en considération les conditions particulières de travail du personnel affecté au traitement des valeurs il est accordé à ces salariés une pause rémunérée de 10 minutes au cours d'un cycle de 3 heures de travail effectif, qui sera prise à des conditions déterminées par le chef de service". Attendu que l'union départementale du syndicat FORCE OUVRIERE soutient que les temps de pause sont intégrés par l'entreprise au compteur annuel de modulation et se cumulent avec les heures de travail effectif afin de compléter le nombre d'heures effectuées par les salariés auxquels la société n'a pu offrir 35 heures de travail effectif par semaine; que, en conséquence, les salariés qui sont dans cette situation ne perçoivent pas leur prime de pause dans son intégralité; Attendu que l'union départementale du syndicat FORCE OUVRIERE produit un courrier de l'inspection du travail en date du 8 septembre 2010 adressé à M. X... délégué syndical FO de la Société BRINK'S EVOLUTION qui indique: "Concernant le contentieux relatif aux temps de pause, j'estime que ceux-ci, bien que rémunérés comme temps de travail effectif, doivent être comptabilisés de manière à éviter toute confusion possible avec le temps de travail effectif effectué sur une année complète. Cette identification distincte ne doit cependant pas donner lieu à un décompte et à une rémunération annuelle du temps de pause: aucune disposition de votre accord collectif n'autorise cette possibilité susceptible de générer des erreurs ou des abus. J'ai, en conséquence, demandé à votre employeur de procéder au règlement mensuel de ce temps de pause et à son identification distincte sur les bulletins de salaire." Attendu que la Société BRINK'S EVOLUTION estime avoir la possibilité d'intégrer les temps de pause au compteur annuel de modulation et affirme que "Le temps de pause n'a pas à être payé en plus des 151,67 heures mensuelles"; que lors de la réunion du comité d'établissement du 24 juin 2003 une note de la direction pose le principe suivant: "La comptabilisation des pauses dans la modulation conduit alors à rémunérer en heures normales l'intégralité des pauses dès lors que les 35 heures ont été travaillées en moyenne;" que l'exemple de calcul suivant est notamment donné: "Exemple 3: Sur la période d'annualisation, un salarié effectue 26 semaines de 35 heures de travail effectif et 26 semaines de 34 heures de travail effectif. Il a 1 heure de temps de pause par semaine, soit 52 heures de pause sur l'année: il aura dans son compteur de modulation: (26x35)+(26x34)+52=1846 heures. Il a été rémunéré pendant l'année pour 52x35 heures= 1820 heures. Il a donc un reliquat de 26 heures de temps de pause qui lui seront rémunérés au taux normal.", qu'il s'ensuit que lorsque l'entreprise n'aura pu fournir à son salarié 35 heures de travail hebdomadaires sur une année, elle complète le cumul annuel des heures de travail par les temps de pause pour atteindre la durée requise; Attendu que c'est à juste titre que l'union départementale du syndicat FORCE OUVRIERE fait grief à la Société BRINK'S EVOLUTION d'assimiler les temps de pause à du travail effectif dans le compteur de modulation afin de compléter le nombre d'heures de travail des salariés auxquels l'entreprise n'aura pu offrir les 35 heures hebdomadaires; qu'en effet l'application qui est faite par la Société BRINKS EVOLUTION des dispositions de l'accord de progrès relatives au temps de pause est défavorable au salarié car elle conduit à les priver d'une partie de la rémunération qui leur est due pour les temps de pause et qui doit venir s'ajouter à leur salaire mensuel; qu'elle sera donc condamnée à verser mensuellement aux salariés de l'entreprise la prime de pause et à l'identifier dans les bulletins de salaire afin d'éviter toute confusion possible avec le temps de travail effectif ;
ALORS QUE selon l'article 5.9 de l'accord d'entreprise dit « contrat de progrès » en date du 18 juin 2001, issu d'un avenant en date du 12 juin 2002, il est accordé aux salariés une pause rémunérée de 10 minutes au cours d'un cycle de trois heures de travail effectif, prise à des conditions déterminées par le chef de service ; que l'employeur pouvait, dès lors que la pause rémunérée était effectivement prise, l'intégrer au sein de chaque cycle de travail, le temps de présence dans l'entreprise restant inchangé ; que cette organisation décidée par l'employeur permettait également, dans le cadre de la modulation annuelle du temps de travail applicable dans l'entreprise, d'intégrer le décompte de la pause rémunérée au sein de la modulation annuelle, la rémunération mensuelle versée, équivalant à titre provisionnel à 151,67 heures de travail effectif, intégrant également une provision sur la rémunération du temps de pause ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 5.9 du « contrat de progrès », ensemble l'article L.3121-2 du Code du travail.
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Cette décision est visée dans la définition :
Temps de travail
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.