par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 25 juin 2015, 14-22158
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
25 juin 2015, 14-22.158

Cette décision est visée dans la définition :
Avocat




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 177 et 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble les articles 446-1 et 946 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, que M. X... a confié à M. Y... (l'avocat) la défense de ses intérêts dans plusieurs litiges relevant tant des juridictions administratives que judiciaires ; qu'une contestation s'est élevée sur le montant des honoraires dus à l'avocat ;

Attendu que pour écarter des débats les conclusions de M. X..., l'ordonnance énonce qu'à l'audience du 30 avril 2014 celui-ci a été dispensé de comparaître ; qu'il a adressé des conclusions qui ne peuvent être retenues et que seul son courrier de recours sera examiné ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il avait dispensé M. X... de comparaître à l'audience, ce dont il résultait que celui-ci pouvait valablement présenter ses observations par écrit, sous réserve de respecter le principe de la contradiction, le premier président a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 9 juillet 2014, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Paris ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer la somme de 3 000 euros à M. X... ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Delamarre, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé en toutes des dispositions la décision du Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Versailles du 17 juin 2013 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE

« D'une part, la procédure spéciale prévue par les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 a pour seul objet la fixation et le recouvrement des honoraires d'avocat ; que dans le cadre de cette procédure, ni le Bâtonnier en première instance ni le premier président ou son délégataire n'ont le pouvoir de se prononcer sur les fautes ou manquements éventuels, à les supposer établis, qu'aurait pu commettre l'avocat dans le suivi de sa mission qui lui a été confiée et à plus forte raison procéder à la réduction d'honoraires facturées dont l'exécution est justifiée, aux motifs d'une insuffisance de qualité de celles-ci, ni ordonner le remboursement par l'avocat de condamnations personnelles prononcées à l'encontre du client ; qu'aucune convention d'honoraires n'a été régularisée entre Monsieur X... et Me Y... ; que selon l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci, que pour chaque procédure dont il a été saisi, maître Y... justifie des diligences réalisées et des factures émises et acquittées au fur et à mesure par monsieur X... ; que les arguments de monsieur X... ne portent que sur son insatisfaction quant aux résultats obtenus par maître Y... en mettant en cause les compétences de son avocat ; que ni le bâtonnier ni le premier président ne sont compétents dans le cadre d'une procédure de taxe pour évoquer ces critiques ; que le paiement des factures vaut acceptation définitive des honoraires demandés ; qu'il y a lieu de lieu de confirmer l'ordonnance déférée en son entier ; qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de maître Y... les frais irrépétibles qu'il a pu exposer pour la présente procédure ; que les dépens de la présente instance seront supportés par Monsieur X... » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'

« Il convient de constater qu'aucune convention d'honoraires n'a été signée ; que parmi les quatre dossiers ci-dessus exposés, deux ont fait l'objet de décisions définitives en 2009 et d'une facturation correspondante qui a été intégralement réglée par Monsieur X..., sans aucune réserve ; que ces paiements valent acceptation définitive des honoraires demandés ; qu'au moment de la transmission du dossier et alors qu'était passée la date d'audience, le recours de plein contentieux avait fait l'objet d'une facturation détaillée, intégralement réglée, sans réserve ; que Monsieur X... n'établit nullement l'existence d'un forfait de 3. 000 ¿ pour une procédure ; que dès lors, les honoraires devront s'apprécier au vu des dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, à défaut de convention entre l'avocat et son client, « l'honoraire est fixé selon les usages en fonction de la situation de fortune du client et de la difficulté de l'affaire des frais exposés par l'avocat de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; que le reliquat de 446 ¿ sollicité dans le dossier concerne le recours indemnitaire dans lequel les honoraires ont été forfaitisés à la somme de 3. 500 ¿ HT ; que ce forfait recouvre l'étude du dossier et des pièces, le recours préalable, la requête, la rédaction de deux mémoires en défense, et la représentation à l'audience du 13 mars 2012 ; qu'au vu des éléments du dossier transmis, de la nature et de la complexité du dossier autant que de la notoriété de l'avocat, la somme de 3. 500 ¿ HT n'apparaît nullement excessive eu égard à nos usages ; que nous taxerons donc les honoraires de Maître Y... pour la somme de 3. 500 ¿ HT » ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE

Lorsque la procédure est orale, la partie qui comparaît est admise à déposer des conclusions jusqu'au jour de l'audience et, si le juge estime que le principe du contradictoire l'exige, il doit renvoyer l'affaire à une prochaine audience ; qu'en l'espèce, dans le cadre de la procédure de contestation d'honoraires, Monsieur X... n'était pas représenté et a été autorisé à ne pas comparaître en raison de son état de santé ; que pour pallier son absence, il avait soumis des pièces et conclusions le 1er avril 2014, soit avant l'audience des débats fixée au 30 avril suivant ; que, dès lors, le Premier Président de la Cour d'appel ne pouvait écarter ces conclusions des débats tout en s'abstenant de renvoyer l'affaire, sans violer l'article 16 du Code de procédure civile, l'article 177 du décret du 27 novembre 1991 et les principes du procès équitable et des droits de la défense ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU ET A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE

Selon l'article 177 du décret du 27 novembre 1991, en cas de recours contre une décision de taxation d'honoraires du bâtonnier, les parties sont convoquées, au moins huit jours à l'avance, par le greffier en chef, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et le premier président les entend contradictoirement ; que ? dans la présente espèce, le Premier Président de la Cour d'appel a dispensé Monsieur X... de comparaître tout en rejetant ses conclusions ; que, pourtant, à défaut de comparution de Monsieur X..., le Premier Président de la Cour d'appel n'était valablement saisi d'aucun moyen ni d'aucune demande ; qu'en statuant néanmoins, le Premier président de la Cour d'appel de Versailles a violé l'article 16 du Code de procédure civile et les articles 177 et 277 du décret n° 91 1197 du 27 novembre 1991 ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE

L'avocat et la partie sont convoqués, au moins huit jours à l'avance, par le greffier en chef, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que le premier président les entend contradictoirement ; qu'il peut, à tout moment, renvoyer l'affaire à la cour, qui procède dans les mêmes formes ; que, dans la présente espèce, Monsieur X... n'a jamais reçu les conclusions de son adversaire, Me Y..., celles-ci ayant été envoyées à une adresse erronée ; qu'en statuant pourtant sur le fond, sans vérifier si Monsieur X... avait été mis en mesure de prendre connaissance des conclusions de son adversaire, le Premier Président de la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile, l'article 177 du décret du 27 novembre 1991 et les principes du procès équitable et des droits de la défense ;

ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QU'

En toute hypothèse, lorsque le demandeur ne comparaît pas, le juge ne peut statuer sur le fond que si le défendeur le requiert ; qu'en confirmant l'ordonnance de taxation du Bâtonnier de l'Ordre des avocats, sans constater qu'il avait été requis de statuer sur le fond du litige par l'intimé, le Premier Président de la Cour d'appel a violé l'article 468 du Code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN, QUE


Le juge de l'honoraire est tenu de procéder à une évaluation concrète des honoraires dus à l'avocat au regard des critères objectifs tenant notamment aux frais exposés, aux diligences accomplies, à la difficulté de l'affaire ou à la situation de fortune du client ; qu'en fixant à 4. 186 euros T. T. C. les honoraires dus par Monsieur X... au titre du recours indemnitaire formé devant le Tribunal administratif, sans aucunement détailler les diligences de Me Y... conduisant à cette évaluation, le Premier président de la Cour d'appel a entaché son ordonnance d'un manque de base légale au regard de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, telle que modifiée par la loi du 10 juillet 1991, ensemble l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.



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Avocat


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.