par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. crim., 29 avril 2014, 13-80693
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Cour de cassation, chambre commerciale
29 avril 2014, 13-80.693

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Dommage
Préjudice




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Philippe X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 10 décembre 2012, qui, pour homicide et blessures involontaires, mise en danger d'autrui, tromperies, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont dix huit mois avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 mars 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Pers, conseiller rapporteur, M. Fossier, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller PERS, les observations de la société civile professionnelle POTIER de la VARDE et BUK-LAMENT, de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE de BRUNETON, de Me FOUSSARD et de la société civile professionnelle YVES et BLAISE CAPRON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BERKANI ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur la recevabilité du pourvoi :

Attendu que c'est par un événément indépendant de sa volonté que le prévenu qui s'est présenté au greffe dans le délai n'a pas pu apposer sa signature sur la déclaration de pourvoi ;

D'ou il suit que le pourvoi est recevable ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Philippe X..., ancien restaurateur et ancien vendeur ambulant de pizzas, a développé, avec son épouse, alors qu'il n'avait aucune connaissance en matière maritime, une activité de vente et de construction de navires de plaisance ; que l'un de ces bâtiments, équipé d'une coque de type " Brecqu'ou 16 ", que M. X... avait construit et sur lequel Jonathan Y... et M. Philippe Z...sont sortis pour une partie de pêche en mer le 14 juillet 2007, s'est rempli d'eau et a coulé rapidement, alors même qu'il n'avait pas heurté de rochers ; que, seul M. Z...a pu être secouru tandis que Jonathan Y... décédait par noyade ; qu'à l'issue d'une information judiciaire, M. X... a, notamment, été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs d'homicide et de blessures involontaires et délit de mise en danger de tous les acquéreurs de la même coque ; que le tribunal l'a déclaré coupable de ces faits et a prononcé sur les intérêts civils ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6, 222-20 et 223-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'homicide involontaire, de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail d'une durée inférieure ou égale à trois mois et de mise en danger délibérée d'autrui ;

" aux motifs que M. X..., ancien restaurateur et vendeur ambulant de pizzas, a débuté en avril 1998 une activité dans le domaine nautique ; qu'il a créé une EURL dénommée « Pirou Nautique », mise au nom de son épouse pour éviter que les revenus puissent être saisis par sa première femme ; qu'aucun des époux X... n'avait de connaissance en matière maritime ; que pour autant, après avoir commencé par une activité de dépôt-vente, M. X... s'est lancé dans la vente de bateaux puis il s'est déclaré constructeur de bateaux ; que dans le cadre de cette activité de construction, il a fait le choix d'auto-certifier ses bateaux au lieu de les faire certifier par un organisme indépendant agréé ; que le prévenu a décidé de la construction d'un navire de 4 m 85 en aluminium dénommé « Brescqu'ou 16 » ; que pour ce faire, il s'est adressé à une société de chaudronnerie de Sees, la SARL CNS, qui s'est chargée de la construction de la coque, livrée nue au prévenu ; que celui-ci faisait les aménagements techniques et la motorisation du navire qu'il vendait sous sa référence constructeur ; que le premier bateau a été construit avec une coque de 3 mm d'épaisseur et vendu à Jonathan Y... ; qu'assez rapidement, ce dernier s'est plaint de fissures affectant le bateau ; que le prévenu lui a repris son navire et lui en a fourni un autre, d'apparence identique, mais avec une coque de 4 mm d'épaisseur ; que dans la matinée du 14 juillet 2007, Jonathan Y... est sorti avec M. Z...pour une partie de pêche en mer ; qu'au cours de la sortie, le bateau s'est rempli d'eau et a coulé rapidement alors même qu'il n'avait pas heurté de rochers ; que seul M. Z...a pu être secouru, Jonathan Y... décédant par noyade ; que renfloué, le navire a fait l'objet de deux expertises ; qu'au vu de la conception du navire, les deux experts sont formels pour dire que celui-ci n'est pas conforme à la norme des bateaux de plaisance de catégorie C, faute de volume de flottabilité suffisant ; que cette mauvaise conception du navire relève bien sûr de la responsabilité du prévenu qui ne peut se défausser en affirmant qu'il n'était pas au courant de la suppression du tunnel étanche reliant les deux goulottes ; qu'il apparaît que si le prévenu avait respecté la réglementation, c'est-à-dire s'il avait rempli correctement la déclaration écrite de conformité, il n'aurait pu que constater qu'il enfreignait la réglementation ; qu'en effet, cette déclaration écrite de conformité (DEC) comporte au verso un paragraphe relatif aux normes utilisées par le constructeur dans lequel celui-ci doit reporter les normes qu'il a appliquées pour la construction du bateau qu'il avait décidé de certifier lui-même ; que non seulement le prévenu n'a jamais rempli le verso de cette déclaration, mais bien plus, il a découvert, lors de l'enquête, qu'il y avait un verso ; que c'est dire que M. X... a certifié un navire sans avoir fait les essais exigés par la réglementation, sans constituer le moindre dossier technique et même sans connaître la réglementation applicable ; qu'il s'agit d'une violation délibérée de la norme ISO 12217-3 (annexe C sur la flottabilité), manifestement inconnue du prévenu et non recherchée par lui ainsi que l'ont précisé les experts ; que par ailleurs, en dehors même de la réglementation technique, il apparaît que le prévenu soit avait décidé de lui-même la suppression du tunnel étanche entre les deux goulottes, soit, au moins, était au courant de cette suppression et n'a pas réagi ; que l'ensemble de ces éléments permet de caractériser la violation délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement et de rattacher le décès de Jonathan Y... ainsi que les blessures de M. Z...(incapacité de 14 jours) à cette violation ; que par suite, les délits sont caractérisés, comme est caractérisé le délit de mise en danger d'autrui de l'article 223-1 du code pénal puisque le prévenu a, au-delà de son amateurisme, volontairement pris le risque de mettre sur le marché et de certifier un navire dont il savait que les caractéristiques techniques n'avaient pas été arrêtées et confrontées à la réglementation applicable, dont il ne s'est nullement soucié ;

" alors que la violation d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ne caractérise les délits prévus par les articles 221-6, alinéa 2, 222-20 et 223-1 du code pénal qu'à la condition de présenter un caractère manifestement délibéré ; qu'en retenant, pour déclarer M. X... coupable de ces trois délits, qu'il avait délibérément violé la norme ISO 12217-3 tout en constatant que cette norme lui était « manifestement inconnue » et n'avait pas été « recherchée par lui », ce dont il résultait qu'il ne pouvait avoir eu conscience de la méconnaître ni, a fortiori, avoir voulu l'enfreindre, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés " ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Mais sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-24 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à la peine de trois ans d'emprisonnement assortie du sursis à hauteur de 18 mois seulement ;

" aux motifs que les faits ci-dessus décrits, reconnus ou établis par les éléments techniques découlant des expertises, montrent qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'une simple négligence fautive ou d'une simple méconnaissance de la réglementation, mais bien d'une modalité de fonctionnement, dans la plus totale irrégularité, de l'entreprise et ce, en parfaite connaissance de cause comme l'établissent les faux et alors même que le prévenu, informé par son salarié, ne pouvait qu'avoir conscience des risques qu'il faisait encourir aux tiers, risques qui se sont malheureusement réalisés ; qu'un tel comportement doit être sanctionné avec sévérité et, dès lors, la décision des premiers juges de recourir à une mesure d'emprisonnement ferme est tout à fait justifiée et à la hauteur du trouble, au moins local, engendré par l'attitude totalement désinvolte du prévenu ; que la décision sur la peine sera donc reprise par la cour ;

" alors qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1 du code pénal, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que, dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et, sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 dudit code ; qu'en se bornant, pour condamner M. X... à une peine d'emprisonnement pour partie ferme, à faire état de la gravité de son comportement, sans caractériser la nécessité de cette peine d'emprisonnement, ni l'impossibilité d'ordonner une mesure d'aménagement, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés " ;

Vu l'article 132-24 du code pénal ;

Attendu qu'il résulte de ce texte qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1 du code pénal, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que, lorsqu'elle n'est pas supérieure à deux ans, elle doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 du même code ;

Attendu qu'après avoir déclaré M. X... coupable de plusieurs infractions, l'arrêt, pour le condamner à trois ans d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui ne s'est pas expliquée sur le caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction et n'a pas prononcé sur l'aménagement de la peine d'emprisonnement sans sursis, a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;

Et sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 221-6 du code pénal, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... responsable du préjudice subi par M. Z...et l'a condamné à payer à ce dernier la somme de 12 000 euros à titre de préjudice moral ;

" aux motifs adoptés qu'il convient de déclarer M. X... responsable du préjudice subi par M. Z...; qu'en l'état des justifications produites aux débats, le tribunal dispose d'éléments d'appréciation suffisants pour fixer à 12 000 euros la somme à allouer au titre du préjudice moral ;

" et aux motifs propres que l'appel de M. Z...ne porte que sur la somme accordée en réparation de son préjudice moral et psychologique ; que ce préjudice, admis dans son principe par le tribunal, ne peut être nié dès lors que outre sa propre frayeur lorsqu'il s'est retrouvé dans l'eau, l'intéressé est certainement perturbé par le fait qu'il n'a pu sauver son ami de la noyade ; que ceci étant, au-delà de l'imprudence des deux victimes qui ne portaient pas de gilet de sauvetage, force est de constater que l'indemnisation retenue par le tribunal correspond à une juste évaluation du préjudice ; que, par suite, en l'absence de contestation de la part du prévenu, la cour ne peut que confirmer les dispositions civiles relatives à M. Z...;

" alors que, lorsqu'elle est en relation avec son dommage, la faute commise par la victime d'une infraction justifie un partage de responsabilité ; qu'en déclarant M. X... entièrement responsable du préjudice subi par M. Z...sans rechercher si en s'abstenant de porter un gilet de sauvetage, la victime n'avait pas commis une imprudence ayant concouru à la production de son dommage justifiant que soit ordonné un partage de responsabilité ainsi que le soutenait le prévenu dans ses conclusions d'appel, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision " ;

Et sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 1382 du code civil, 221-6 du code pénal, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à payer :
- à Mme A..., agissant en son nom personnel, 23 000 euros à titre de préjudice moral, 208 468 euros au titre de la perte de revenus, 30 000 euros au titre de la perte de chance de survie, 3 876, 74 au titre des frais funéraires et 363, 56 euros au titre des frais de notaire ;
- à Mme A..., agissant en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs Andréas Y... et Angelo Y..., 25 000 euros au titre du préjudice moral pour Andréa Y..., 31 387 euros au titre de la perte de revenus pour Andréa Y..., 25 000 euros au titre du préjudice moral pour Angelo Y... et 36 379 euros au titre de la perte de revenus pour Angelo Y... ;- à M. Sauveur Y... et Mme Lucia Y... née B...la somme de 20 000 euros chacun à titre de préjudice moral ;
- à M. Nicolas Y... la somme de 8 000 euros à titre de préjudice moral ;
- à M. Jean-Marc Y... la somme de 8 000 euros à titre de préjudice moral ;
- à M. Christophe Y... la somme de 8 000 euros à titre de préjudice moral ;
- à Mme Christelle Y... épouse C...la somme de 8 000 euros à titre de préjudice moral ;
- à Mme Patricia Y... la somme de 8 000 euros à titre de préjudice moral ;
- à M. Denis Y... la somme de 8 000 euros à titre de préjudice moral ;
- à M. Sauveur Y... et Mme Lucia Y... née B..., agissant en leur qualité d'administrateurs légaux de leur fille mineure Jessica Y..., la somme de 8 000 euros à titre de préjudice moral ;

" aux motifs adoptés qu'il convient de déclarer M. X... responsable du préjudice subi par Mme A...; qu'en l'état des justifications produites aux débats, le tribunal dispose d'éléments d'appréciation suffisants pour fixer à :
-23 000 euros la somme à allouer au titre du préjudice moral ;
-208 468 euros la somme à allouer au titre de la perte de revenus ;
-30 000 euros la somme à allouer au titre de la perte de chance de survie ;
-3 876, 74 euros la somme à allouer au titre des frais funéraires ;
-363, 56 euros la somme à allouer au titre des frais de notaires engagés au titre des opérations de liquidation de la succession ;
que le tribunal dispose par ailleurs d'éléments d'appréciation suffisants pour allouer :
- à Mme A..., agissant en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs Andréas Y... et Angelo Y..., 25 000 euros au titre du préjudice moral pour Andréa Y..., 31 387 euros au titre de la perte de revenus pour Andréa Y..., 25. 000 euros au titre du préjudice moral pour Angelo Y... et 36 379 euros au titre de la perte de revenus pour Angelo Y... ;- à M. Sauveur Y... et Mme Lucia Y... née B...la somme de 20 000 euros chacun à titre de préjudice moral ;
- à M. Nicolas Y... la somme de 8 000 euros à titre de préjudice moral ;
- à M. Jean-Marc Y... la somme de 8 000 euros à titre de préjudice moral ;
- à M. Christophe Y... la somme de 8 000 euros à titre de préjudice moral ;
- à Mme Christelle Y... épouse C...la somme de 8 000 euros à titre de préjudice moral ;
- à Mme Patricia Y... la somme de 8 000 euros à titre de préjudice moral ;
- à M. Denis Y... la somme de 8 000 euros à titre de préjudice moral ;
- à M. Sauveur Y... et Mme Lucia Y... née B..., agissant en leur qualité d'administrateurs légaux de leur fille mineure Jessica Y..., la somme de 8 000 euros à titre de préjudice moral ;

" et aux motifs propres que Mme A..., veuve de la victime, sollicite la confirmation des dispositions civiles du jugement, sauf en ce qui concerne le préjudice au titre de la perte de la chance de survie ; que pour les autres postes de préjudice et en l'absence de demande particulière du prévenu, les différents postes de préjudice seront confirmés puisque le tribunal a fait une exacte appréciation de ceux-ci ; que le tribunal a retenu avec raison l'existence d'un préjudice de perte de chance de survie puisqu'il résulte de la déposition de M. Z...que Jonathan Y... s'est débattu un certain temps dans l'eau avant de se noyer, épuisé ; que ceci étant, sans même s'arrêter à la circonstance que la victime aurait pu (dû) porter un gilet de sauvetage pour éviter de contribuer à son décès, il apparaît que la somme retenue par les premiers juges à ce titre est tout à fait adaptée ; que les premiers juges ont également fait une exacte appréciation du préjudice subi par les époux Sauveur Y... (en nom propre et pour leur fille mineur Jessica Y...), Nicolas Y..., Christelle Y... épouse C..., Patricia Y..., Denis Y..., Jean-Marc Y... et Christophe Y... ;

" 1°) alors que le dommage causé par le délit d'homicide involontaire consiste non en une perte de chance de survie mais dans le décès de la victime ; que, dès lors, en condamnant le prévenu, qu'elle déclarait coupable d'avoir involontairement causé la mort de Jonathan Y..., à payer à la veuve de celui-ci, outre une somme destinée à réparer le préjudice moral subi par celle-ci à raison du décès de son époux, une indemnité « au titre de la perte de chance de survie » prétexte pris que Jonathan Y... s'était débattu un certain temps dans l'eau avant de se noyer, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés ;

" 2°) alors que les frais notariaux exposés lors de la liquidation de la succession de la victime ne constituent pas un élément du préjudice né directement de l'infraction d'homicide involontaire ; qu'en allouant à Mme A...une indemnité au titre des frais de notaire engagés pour les opérations de liquidation de la succession de M. Y..., la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés.

" 3°) alors qu'en cas de fautes conjuguées du prévenu et de la victime décédée des suites de l'infraction, les dommages-intérêts dus à la partie civile, qu'elle se présente comme ayant cause du défunt ou qu'elle réclame la réclamation du préjudice personnel qui lui a été causé par le décès, doivent être fixés en tenant compte du partage de responsabilité que les juges du fond doivent opérer entre la victime décédée et le prévenu ; qu'en condamnant M. X... à réparer intégralement les préjudices subis par les ayants droits de Jonathan Y... tout en constatant que celui-ci avait contribué à son décès en s'abstenant de porter un gilet de sauvetage, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés " ;

Les moyens étant réunis ;

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Attendu qu'en faisant droit, dans son principe, à la demande présentée au titre d'une " perte de chance de survie " par les héritiers de Jonathan Y..., les juges du second degré ont entendu réparer, non pas le préjudice moral résultant pour eux de ce décès mais la douleur morale ayant résulté pour Jonathan Y..., qui s'est débattu un certain temps avant de se noyer, de la conscience de sa mort imminente ;

D'où il suit que le grief doit être écarté ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que la dépense résultant, pour l'héritier, de l'obligation légale d'acquitter les droits de mutation après décès ne constitue pas un élément du préjudice né directement de l'infraction ou des faits objet de la poursuite ;

Attendu que, se prononçant notamment sur le préjudice subi par Mme Elisabeth A...en qualité de représentante légale des ses enfants mineurs Angelo et Andrea Y... du fait du décès de leur père Jonathan Y..., survenu à la suite d'un accident dont Philipppe X... a été déclaré responsable, la juridiction du second degré lui alloue une certaine somme au titre des opérations de liquidation de la succession ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le deuxième moyen, ainsi que sur le troisième moyen, pris en sa dernière branche :

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ;

Attendu, qu'après avoir déclaré M. X... coupable du délit d'homicide involontaire et de blessures involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence, l'arrêt énonce qu'il y a lieu de le déclarer responsable du préjudice subi par les parties civiles ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme le sollicitait le prévenu dans ses conclusions, si les victimes n'avaient pas contribué, par leurs fautes, à la réalisation du dommage, ce qui était de nature à entraîner un partage de responsabilité, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Caen, en date du 10 décembre 2012, mais en ses seules dispositions relatives aux peines et à la réparation du préjudice subi par M. Z...et par les consorts Y..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Caen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf avril deux mille quatorze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;



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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Dommage
Préjudice


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.