par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 11 décembre 2012, 11-28053
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Cour de cassation, chambre commerciale
11 décembre 2012, 11-28.053

Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 septembre 2011), que la Société stéphanoise de construction mécanique (société SCM) a bénéficié, en 1996 et 1997, d'une aide de l'État, sous la forme d'une exonération fiscale temporaire, pour avoir repris une entreprise en difficulté ; que, par décision du 16 décembre 2003 (2004/343/CE), la Commission européenne a déclaré ce régime d'aide incompatible avec le marché commun et a imposé, outre sa modification, qui a été opérée par l'article 44 septies nouveau du code général des impôts, la récupération des aides illégalement versées, conformément aux procédures du droit national, pour autant qu'elles permettent l'exécution immédiate et effective de sa décision ; que, sur recours en manquement, la Cour de justice de l'Union européenne a constaté, par arrêt du 13 novembre 2008 (C-214/07), qu'en n'exécutant pas, dans le délai imparti, cette décision, la République française avait manqué aux obligations qui lui incombaient ; que, le 30 novembre 2009, le trésorier payeur général du département de la Loire a alors émis un titre de perception pour obtenir la restitution du montant de l'aide et, la société SCM ayant été mise entre-temps en redressement puis liquidation judiciaires les 22 décembre 2004 et 2 février 2005, il a, par requête du 18 décembre 2009, demandé au juge-commissaire à être relevé de la forclusion encourue, n'ayant pas déclaré la créance de restitution dans le délai légal ;

Attendu que le directeur départemental des finances publiques de la Loire, venant aux droits du trésorier, fait grief à l'arrêt d'avoir jugé cette demande tardive, alors, selon le moyen :

1°/ que la cour d'appel fait référence au soutien de sa décision à un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, étant observé qu'elle mentionne au soutien de son dispositif, un arrêt du 13 novembre 2008 et plus précisément son considérant 56, en interprétant cet arrêt et plus particulièrement le terme "ouverte" en ce qu'il viserait la procédure de relevé de forclusion et non la procédure collective elle-même, et procède de la sorte à une interprétation erronée du droit européen pour être contraire aux décisions de la Commission européenne et à la jurisprudence européenne et cela sans avoir procédé par voie de questions préjudicielles ; qu'en jugeant ainsi, les juges du fond ont procédé par erreur de droit et violé les articles 17-1 TUE et 267 TFUE (ex-article 234 TCE) ;

2°/ qu'en application des principes de primauté et d'applicabilité directe du droit communautaire, les dispositions des Traités constitutifs de l'Union européenne ont pour effet de rendre inapplicable de plein droit, du fait même de leur entrée en vigueur, toute disposition contraire de la législation nationale existante ; qu'en subordonnant l'admission de la créance de l'État français, portant sur la restitution d'aides indues, au respect du délai de déclaration de sa créance au passif de la procédure ouverte contre la société SCM, les juges du fond ont violé, par refus d'application, l'article 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (article 88 du Traité CE), l'article 14, paragraphe 3, du Règlement (CE) n° 659/99 du Conseil du 22 mars 1999, ensemble les principes de primauté et d'effectivité du droit communautaire, et, par fausse application, l'article L. 621-43 ancien (article L. 622-24 nouveau) du code de commerce ;

3°/ que, de la même manière, le droit communautaire commande de laisser inappliquée la disposition du droit national enfermant l'action en relevé de forclusion dans un certain délai ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont à nouveau violé, par refus d'application, l'article 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (article 88 du Traité CE), ensemble les principes de primauté et d'effectivité du droit communautaire, et, par fausse application, l'article L. 621-46 ancien (article L. 622-26 nouveau) du code de commerce ;

4°/ que le droit communautaire applicable à la restitution des aides illégales doit prévaloir sans que puisse être opposée l'ouverture d'une procédure collective ou l'absence d'activité dans l'entreprise du fait de cette procédure collective ; que de ce point de vue également l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (article 88 du Traité CE), ensemble les principes de primauté et d'effectivité du droit communautaire ;

5°/ qu'aux termes du règlement (CE) n° 659/99 du Conseil du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article 93 du Traité CE (actuel article 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne), pris en son article 14, paragraphe 3, relatif à la récupération d'aides illégales, "la récupération s'effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l'État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l'exécution immédiate et effective de la décision de la Commission" ; qu'en décidant néanmoins que les règles françaises applicables aux procédures collectives mettaient obstacle à la restitution des aides communautaires indûment perçues, les juges du fond ont violé l'article 14, paragraphe 3, du Règlement (CE) n° 659/99 du Conseil du 22 mars 1999 ;

Mais attendu que, dans l'arrêt du 13 novembre 2008, la Cour de justice de l'Union européenne a énoncé : "lorsqu'une entreprise fait l'objet d'une procédure collective, le rétablissement de la situation antérieure et l'élimination de la distorsion de concurrence résultant des aides illégalement versées peuvent, en principe, être accomplis par l'inscription au tableau des créances de celle relative à la restitution des aides concernées... Si le délai de production des créances est expiré, les autorités nationales doivent, lorsqu'elle existe et se trouve encore ouverte, mettre en œoeuvre toute procédure de relevé de forclusion qui permettrait, dans des cas particuliers, la production hors délai d'une créance" ; que de cette décision, ne nécessitant pas d'interprétation par voie préjudicielle, la cour d'appel a exactement déduit que le recouvrement de la créance de l'État sur la société SCM était devenu manifestement impossible, en raison de l'irrecevabilité de la demande en relevé de forclusion présentée hors du délai préfix de l'article L. 621-46, alinéa 3, du code de commerce français, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, sans qu'il résulte de l'application de ce texte une violation du droit communautaire, dès lors que l'État disposait, depuis la notification de la décision de la Commission, de moyens et délais suffisants pour l'exécuter conformément aux règles du droit national ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le directeur départemental des finances publiques de la Loire aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Stéphanoise de construction mécanique ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour le directeur départemental des finances publiques de la Loire

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QUE, conformément à l'ordonnance entreprise, il a rejeté la demande de relevé de forclusion présentée par la Trésorerie générale de la Loire, et refusé d'admettre la créance de l'État au titre de la restitution d'aides indues ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Aux termes de son arrêt en date du 13/11/2005, la CJCE constate que « En n'exécutant pas dans le délai imparti, la décision 2004/343/CE de la Commission, du 16/12/2003, concernant le régime d'aide mis à exécution par la France concernant la reprise d'entreprises en difficulté, la République française a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l'article 5 de ladite décision. Aux termes du paragraphe 56 du dit arrêt, la Cour précise, concernant la récupération des aides à l'encontre des bénéficiaires ayant cessé leur activité, que « lorsqu'une entreprise fait l'objet d'une procédure collective, le rétablissement de la situation antérieure et l'élimination de la distorsion de concurrence résultant des aides illégalement versées peuvent, en principe, être accomplis par l'inscription au tableau des créances de celle relative à la restitution des aides concernées (…). Si le délai de production des créances est expiré, les autorités nationales doivent, lorsqu'elle existe et se trouve encore ouverte, mettre en oeuvre toute procédure de relevé de forclusion qui permettrait, dans des cas particuliers, la production hors délai d'une créance ». Il ressort de ces dispositions qu'auprès d'une entreprise en liquidation judiciaire la récupération d'une aide prohibée se fait dans le cadre de la législation existante en matière de déclaration de créance ; En l'espèce, il est constant que la demande en relevé de forclusion en vue de la récupération de l'aide litigieuse a été présentée plus d'une année après la décision d'ouverture. Elle est donc irrecevable en vertu des dispositions de l'article L 621-46 alinéa 3 du code de commerce ancien, applicable en l'espèce, aux termes duquel l'action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai d'un an à compter de la décision d'ouverture (…) »

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « le droit communautaire fait obligation aux états membres de recouvrer les aides allouées aux sociétés qui auraient créé des situations de concurrence déloyale sur le marché commun ; La Cour de justice européenne a rappelé que les procédures nationales trouvent à s'appliquer dès lors qu'elles permettent l'exécution immédiate et effective des décisions de la commission européenne ; la procédure nationale française de recouvrement de créances dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire confère un délai de deux mois pour déclarer sa créance ; le droit national français rempli les exigences du principe d'effectivité en ce qu'il permet à tout créancier de recouvrer immédiatement sa créance ; les aides accordées à la société SA SCM - Stéphanoise de Construction Mécanique - l'ont été en 1997 ; la société…est aujourd'hui en liquidation judiciaire, aucune situation de concurrence déloyale ne peut être retenue dans cette affaire ; le Trésorier Payeur Général de la Loire n'a pas déclaré à titre provisionnel de créance dans le délai légal de l'article L. 621-43 du code de commerce ; la demande en relevé de forclusion n'a pas été présentée dans le respect des dispositions d'ordre public de l'article L. 621-46 du code de commerce ; il y aura lieu de rejeter la requête en relevé de forclusion formé par le Trésorier Payeur Général de la Loire ».

ALORS QUE, premièrement, la Cour d'appel, fait référence au soutien de sa décision à un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, étant observé qu'elle mentionne au soutien de son dispositif, un arrêt du 13/11/2008 et plus précisément son Considérant 56, en interprétant cet arrêt et plus particulièrement le terme « ouverte » en ce qu'il viserait la procédure de relevé de forclusion et non la procédure collective elle-même, et procède de la sorte à une interprétation erronée du droit européen pour être contraire aux décisions de la Commission européenne et à la jurisprudence européenne et cela sans avoir procédé par voie de questions préjudicielles ; qu'en jugeant ainsi, les juges du fond ont procédés par erreur de droit et violés les articles 17-1 TUE et 267 TFUE (ex-article 234 TCE),

ALORS QUE, deuxièmement, en application des principes de primauté et d'applicabilité directe du droit communautaire, les dispositions des Traités constitutifs de l'Union européenne ont pour effet de rendre inapplicable de plein droit, du fait même de leur entrée en vigueur, toute disposition contraire de la législation nationale existante ; qu'en subordonnant l'admission de la créance de l'État français, portant sur la restitution d'aides indues, au respect du délai de déclaration de sa créance au passif de la procédure ouverte contre la société SCM, les juges du fond ont violé, par refus d'application, l'article 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (art. 88 du Traité CE), l'article 14, paragraphe 3, du règlement (CE) n°659/99 du Conseil du 22 mars 1999, ensemble les principes de primauté et d'effectivité du droit communautaire, et, par fausse application, l'article L. 621-43 ancien (art. L. 622-24 nouveau) du Code de commerce ;

ALORS QUE, troisièmement, et de la même manière, le droit communautaire commande de laisser inappliquée la disposition du droit national enfermant l'action en relevé de forclusion dans un certain délai ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont à nouveau violé, par refus d'application, l'article 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (art. 88 du Traité CE), ensemble les principes de primauté et d'effectivité du droit communautaire, et, par fausse application, l'article L. 621-46 ancien (art. L. 622-26 nouveau) du Code de commerce ;

ALORS QUE, quatrièmement, le droit communautaire applicable à la restitution des aides illégales doit prévaloir sans que puisse être opposée l'ouverture d'une procédure collective ou l'absence d'activité dans l'entreprise du fait de cette procédure collective ; que de ce point de vue également l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (art. 88 du Traité CE), ensemble les principes de primauté et d'effectivité du droit communautaire ;

ALORS QUE, cinquièmement, aux termes du règlement (CE) n° 659/99 du Conseil du 22 mars 1999, portant modalités d'application de 'article 93 du Traité CE (actuel article 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne), pris en son article 14, paragraphe 3, relatif à la récupération d'aides illégales, « la récupération s'effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l'État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l'exécution immédiate et effective de la décision de la Commission » ; qu'en décidant néanmoins que les règles françaises applicables aux procédures collectives mettaient obstacle à la restitution des aides communautaires indûment perçues, les juges du fond ont violé l'article 14, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 659/99 du Conseil du 22 mars 1999 ;



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Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.