par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 20 octobre 2011, 10-24662
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
20 octobre 2011, 10-24.662

Cette décision est visée dans la définition :
Avocat




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu que le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Marseille a saisi le 25 mai 2009 le conseil régional de discipline des avocats de la cour d'appel d'Aix-en-Provence de poursuites à l'égard de M. X..., avocat ; que par décision du 6 mars 2010, ce conseil a déclaré cette demande réputée rejetée en application de l'article 195 du décret 91-1197 du 27 novembre 1991, aucune décision n'étant intervenue dans le délai de huit mois à compter de la saisine ; que le bâtonnier a, d'une part, interjeté appel de cette décision expresse, d'autre part, saisi la cour d'appel d'une demande disciplinaire directe ;

Attendu que le bâtonnier fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 juillet 2010) d'avoir déclaré irrecevable pour tardiveté, faute d'avoir été effectuée dans un délai d'un mois, la saisine directe de la cour d'appel et d'avoir déclaré qu'en conséquence, était sans objet le recours exercé alors, selon le moyen :

1°/ que d'une part l'article 195 du décret 91-1197 du 27 novembre 1991, aux termes duquel, "si dans les huit mois de la saisine de l'instance disciplinaire, celle-ci n'a pas statué au fond ou par décision avant dire droit, la demande est réputée rejetée et l'autorité qui a engagé l'action disciplinaire peut saisir la cour d'appel" offre une option et une simple faculté au profit de l'autorité de poursuite et n'édicte pas de règles de délais impératives devant être respectées sous peine de forclusion ou de déchéance ; qu'en l'espèce, en ayant jugé qu'à défaut d'avoir saisi la cour d'appel dans un délai d'un mois à compter de la décision implicite de rejet réputée avoir été rendue par le conseil régional de discipline le 25 janvier 2010, soit huit mois après la saisine de celui-ci, le bâtonnier était irrecevable en son action, la cour d'appel a donc violé, par mauvaise interprétation, l'article 195 précité, ensembles les articles 197 et 16 du même décret ;

2°/ que, d'autre part et en tout état de cause, la règle selon laquelle, "si dans les huit mois de la saisine de l'instance disciplinaire, celle-ci n'a pas statué au fond ou par décision avant dire droit, la demande est réputée rejetée et l'autorité qui a engagé l'action disciplinaire peut saisir la cour d'appel" a pour objet de permettre à l'autorité de poursuite de vaincre l'inertie de l'instance disciplinaire mais ne saurait permettre ni à cette même instance disciplinaire ni à l'avocat poursuivi de tirer argument de cette inertie pour, au motif pris d'une décision de rejet implicite réputée rendue une fois passé ce délai de huit mois, éviter que ne soit prise une décision au fond ; qu'en l'espèce, en ayant validé la démarche et le raisonnement du conseil régional de discipline qui, sans y être invité par le bâtonnier, avait, par une décision en date du 6 mars 2010, soit plus d'un mois après l'écoulement du délai de huit mois susmentionné, "constaté" le rejet implicite de la demande dont il avait été initialement saisi, de sorte que l'autorité de poursuite se retrouvait, tout à la fois, privée d'un premier degré de juridiction et irrecevable à exercer une voie de recours contre cette même décision de rejet implicite, la cour d'appel a violé, par mauvaise interprétation, les articles 195, 197 et 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, combinés ;

3°/ qu'enfin et toujours en tout état de cause, en ayant déclaré irrecevables tant le recours introduit par le bâtonnier contre la décision "implicite" de rejet réputée avoir été rendue le 25 janvier 2010 par le conseil régional de discipline ensuite de l'écoulement d'un délai de huit mois suite à sa saisine que celui qu'il avait introduit contre la décision "expresse" rendue par ce même conseil le 6 mars 2010, laquelle avait constaté l'existence et la teneur de cette même décision implicite, la cour d'appel a privé l'autorité de poursuite, à la fois, du droit à un premier et un second degré de juridiction et, en conséquence, a violé les articles 195, 197 et 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, combinés, ensemble l'article 4 du code civil ;

Mais attendu qu'en énonçant exactement que lorsque le conseil régional de discipline a laissé passer huit mois depuis sa saisine sans se prononcer, il est censé avoir pris une décision implicite de rejet et qu'il appartient alors à l'autorité qui a engagé l'action disciplinaire de saisir la cour d'appel dans le mois de la décision implicite de rejet, puis en faisant une juste application de ces règles au cas d'espèce, la cour d'appel qui n'a pas déclaré irrecevable l'appel formé dans le délai contre la décision du 6 mars 2010, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'ordre des avocats au barreau de Marseille aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l'ordre des avocats au barreau de Marseille ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable pour tardiveté, faute d'avoir été effectuée dans un délai d'un mois, la saisine directe par Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats au Barreau de Marseille de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence statuant en matière disciplinaire ensuite de la décision implicite de rejet réputée avoir été rendue par le Conseil Régional de Discipline des Avocats de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence le 25 janvier 2010 et d'avoir déclaré qu'en conséquence, était sans objet le recours exercé contre la décision expresse de ce même Conseil Régional de Discipline en date du 6 mars 2010 qui avait constaté avoir déjà rendu, plus d'un mois auparavant, ladite décision implicite de rejet ;

Aux motifs que « Sur la saisine directe :

L'article 195 alinéa un du décret du 27 novembre 1991 dispose que si dans les huit mois de la saisine de l'instance disciplinaire, celle-ci n'a pas statué au fond ou par décision avant dire droit, la demande est réputée rejetée et l'autorité qui a engagé l'action disciplinaire peut saisir la cour d'appel.

L'alinéa trois de cet article précise que, dans les cas prévus aux alinéas précédents, la cour d'appel est saisie et statue, le procureur général entendu, dans les conditions prévues à l'article 197.

L'article 197 alinéa un du décret du 27 novembre 1991 dispose que l'avocat qui fait l'objet d'une décision en matière disciplinaire, le procureur général et le bâtonnier peuvent former un recours contre la décision. La cour d'appel est saisie et statue dans les conditions prévues à l'article 16, le procureur général entendu.

L'article 16 alinéa deux de ce décret précise que le délai de recours est d'un mois.

En application des dispositions combinées de ces trois textes, lorsque le conseil régional de discipline des avocats a laissé passer huit mois depuis sa saisine sans se prononcer, il est censé avoir pris une décision implicite de rejet.

Dès l'expiration du délai de huit mois sans décision, l'autorité qui a engagé l'action disciplinaire peut saisir la cour d'appel.


Une telle décision implicite n'étant par nature pas formalisée ni notifiable, la faculté de saisine de la cour d'appel ne peut être indéfiniment suspendue dans l'attente d'une notification qui n'aura jamais lieu, sauf à laisser planer indéfiniment sur la tête de l'avocat concerné la crainte d'une saisine de la cour d'appel.

Le délai de saisine de la cour d'appel étant d'un mois, il appartient à l'autorité qui a engagé l'action disciplinaire de saisir la cour d'appel dans le mois de la décision implicite de rejet, à peine d'irrecevabilité de cette saisine.

En l'occurrence, la saisine du conseil régional est du 25 mai 2009.

Le délai laissé au conseil régional pour statuer expirait huit mois plus tard le 25 janvier 2010.

La décision prise par le président du conseil régional de discipline de fixer la date d'audience au 27 février 2010, postérieurement au délai de huit mois prévu à l'article 195 du décret du 27 novembre 1991, ne permettait plus au conseil régional de statuer valablement.

Il appartenait au bâtonnier de l'ordre des avocats de Marseille d'en tirer toute conséquence et de saisir la présente cour dans le mois de la décision implicite, sans attendre fin mars 2010, plus d'un mois après la décision implicite de rejet.

Cette saisine, tardive, est irrecevable.

Sur le recours :

Le délai de recours contre la décision du 9 mars 2010 a été respecté.

Ce recours a été formé dans le mois de la notification de la décision.

Ce recours contre une décision qui constate le 9 mars 2010 que le conseil régional de discipline n'a plus à statuer car il a déjà rendu une décision implicite de rejet depuis le 25 janvier 2010 ne peut permettre une saisine de la cour d'appel plus d'un mois après décision implicite de rejet.

Il s'agirait d'un détournement des délais de saisine de la cour d'appel.

Ce recours est en conséquence sans objet » ;

1. Alors que, d'une part, l'article 195 du décret n°91-1.197 du 27 novembre 1991, aux termes duquel, « si dans les huit mois de la saisine de l'instance disciplinaire, celle-ci n'a pas statué au fond ou par décision avant dire droit, la demande est réputée rejetée et l'autorité qui a engagé l'action disciplinaire peut saisir la cour d'appel » offre une option et une simple faculté au profit de l'autorité de poursuite et n'édicte pas de règles de délais impératives devant être respectées sous peine de forclusion ou de déchéance ; qu'en l'espèce, en ayant jugé qu'à défaut d'avoir saisi la Cour d'appel dans un délai d'un mois à compter de la décision implicite de rejet réputée avoir été rendue par le Conseil Régional de Discipline le 25 janvier 2010, soit huit mois après la saisine de celui-ci, Monsieur le Bâtonnier était irrecevable en son action, la Cour d'appel a donc violé, par mauvaise interprétation, l'article 195 précité, ensembles les articles 197 et 16 du même décret ;

2. Alors que, d'autre part et en tout état de cause, la règle selon laquelle, «si dans les huit mois de la saisine de l'instance disciplinaire, celle-ci n'a pas statué au fond ou par décision avant dire droit, la demande est réputée rejetée et l'autorité qui a engagé l'action disciplinaire peut saisir la cour d'appel » a pour objet de permettre à l'autorité de poursuite de vaincre l'inertie de l'instance disciplinaire mais ne saurait permettre ni à cette même instance disciplinaire ni à l'Avocat poursuivi de tirer argument de cette inertie pour, au motif pris d'une décision de rejet implicite réputée rendue une fois passé ce délai de huit mois, éviter que ne soit prise une décision au fond ; qu'en l'espèce, en ayant validé la démarche et le raisonnement du Conseil Régional de Discipline qui, sans y être invité par Monsieur le Bâtonnier, avait, par une décision en date du 6 mars 2010, soit plus d'un mois après l'écoulement du délai de huit mois susmentionné, « constaté » le rejet implicite de la demande dont il avait été initialement saisi, de sorte que l'autorité de poursuite se retrouvait, tout à la fois, privée d'un premier degré de juridiction et irrecevable à exercer une voie de recours contre cette même décision de rejet implicite, la Cour d'appel a violé, par mauvaise interprétation, les articles 195, 197 et 16 du décret n° 91-1.197 du 27 novembre 1991, combinés ;

3. Alors qu'enfin et toujours en tout état de cause, en ayant déclaré irrecevables tant le recours introduit par Monsieur le Bâtonnier contre la décision « implicite » de rejet réputée avoir été rendue le 25 janvier 2010 par le Conseil Régional de Discipline ensuite de l'écoulement d'un délai de huit mois suite à sa saisine que celui qu'il avait introduit contre la décision «expresse » rendue par ce même Conseil le 6 mars 2010, laquelle avait constaté l'existence et la teneur de cette même décision implicite, la Cour d'appel a privé l'autorité de poursuite, à la fois, du droit à un premier et un second degré de juridiction et, en conséquence, a violé les articles 195, 197 et 16 du décret n° 91-1.197 du 27 novembre 1991, combinés, ensemble l'article 4 du Code civil.



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