par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 15 décembre 2010, 09-16968
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
15 décembre 2010, 09-16.968

Cette décision est visée dans la définition :
Filiation




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que M. Paul X..., né le 30 janvier 1933, a fait l'objet d'un abandon l'année de sa naissance et a été admis en qualité de pupille de l'Etat ; que son acte de naissance porte la mention "né de Albertine X..." ; que cette dernière est décédée le 3 septembre 1993, laissant pour lui succéder un autre fils, Abel, né le 5 mai 1927 ; que M. Paul X... a assigné, le 29 juillet 2002, M. Abel X..., en partage de la succession ;

Attendu que pour débouter M. Paul X... de sa demande et déclarer son action en revendication de filiation prescrite, l'arrêt attaqué retient que le lien de filiation avec Albertine X... n'a jamais été légalement établi, ni à la naissance, ni dans les trente ans qui ont suivi sa majorité ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'Albertine X... était désignée en qualité de mère dans l'acte de naissance de M. Paul X..., ce dont il résultait que sa filiation maternelle à l'égard de celle ci était établie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne M. Abel X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Abel X... et le condamne à payer à M. Paul X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour M. X....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, D'AVOIR débouté Monsieur Paul X... de ses demandes tendant à voir constater qu'il était le fils naturel d'Albertine X... par l'effet de la loi, à voir annuler le partage successoral dont a bénéficié Monsieur Abel X... et à voir ordonner la liquidation et le partage de la succession d'Albertine X... ;

AUX MOTIFS, propres, QUE Monsieur Paul X... est né le 30 janvier 1933 ; qu'il a fait l'objet d'un abandon à sa naissance ; qu'il a été admis au nombre des enfants de l'assistance publique le 11 février 1933 par arrêté du préfet du Loiret, en tant qu'enfant abandonné ; qu'il n'a jamais fait l'objet d'une reconnaissance de maternité par Albertine Rosa X... ; que le lien de filiation naturelle de M. Paul X... avec Albertine Rosa X... n'a jamais été légalement établi, ni à la naissance, ni dans les trente ans qui ont suivi la majorité de Paul X..., selon les lois en vigueur à cette époque ; que la quotité disponible dont pouvait disposer Madame Albertine Rosa X... ne tenait pas compte de M. Paul X..., envers lequel la filiation n'était pas légalement établie avant le décès de Madame Albertine Rosa X... le 3 septembre 1993 ; que Madame Albertine Rosa X..., n'ayant à son décès qu'un seul enfant naturel reconnu, M. Abel X..., elle savait que ce dernier hériterait de tout son patrimoine si elle ne prenait aucune disposition testamentaire ; qu'elle n'a pris en l'occurrence aucune disposition testamentaire pour éviter que son fils M. Abel X... n'hérite de tout son patrimoine ; (…) que la qualité d'héritier de M. Paul X... n'était pas établie, il ne peut remettre en cause la succession de Madame Albertine Rosa X..., décédée le 3 septembre 1993 ; Et AUX MOTIFS, adoptés, QUE conformément aux dispositions de l'ancien article 756 du Code civil applicable à la succession d'Albertine X... décédée à Digne le 3 septembre 1993 «la filiation naturelle ne crée de droits successoraux qu'autant qu'elle est légalement établie» ; qu'en application de l'article 334-8 du Code civil «la filiation naturelle est légalement établie par la reconnaissance volontaire. Elle peut aussi se trouver établie par la possession d'état ou par l'effet d'un jugement» ; qu'en l'espèce, Paul X... né le 30 janvier 1933 à Montargis demande au tribunal de dire qu'en raison de son acte de naissance qui porte la mention «né de Albertine X...» il est le fils naturel de celle-ci ; qu'or, conformément aux dispositions de l'article 337 du Code civil, «L'acte de naissance portant l'indication de la mère vaut reconnaissance lorsqu'il est corroboré par la possession d'état» ; que s'il a pu être jugé que l'application combinée des articles 8 et 14 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui concernent respectivement le droit au respect de la vie privée et de la famille et le principe d'interdiction de discrimination entre les enfants légitimes et les enfants naturels, commande que l'indication du nom de la mère dans l'acte de naissance de l'enfant naturel emporte de facto établissement juridique de la filiation naturelle sans qu'une reconnaissance soit nécessaire, encore faut-il que cet acte soit corroboré par une possession d'état ; qu'en l'espèce, outre le fait que l'on ne se trouve pas dans une situation de discrimination puisque Abel X... est lui-même un enfant naturel, le tribunal ne peut que constater que Paul X..., qui n'a pas été volontairement reconnu par sa mère, n'a jamais eu la possession d'état nécessaire à l'établissement d'une filiation qu'il n'a d'ailleurs jamais cherché à établir dans les conditions prévues par le Code civil, antérieurement à la présente procédure ; que la filiation naturelle de Paul X... n'étant pas légalement établie à l'égard d'Albertine X... décédée à Digne le 3 septembre 1993, celui-ci ne peut prétendre à des droits dans la succession déjà liquidée de celle-ci et à laquelle les dispositions du nouvel article 310-3 du Code civil ne peuvent s'appliquer ;

ALORS, d'une part, QUE la règle selon laquelle la filiation naturelle ne peut être établie par un acte de naissance indiquant la mère que s'il est corroboré par une possession d'état, en ce qu'elle emporte une distinction entre les enfants naturels et les enfants légitimes dont la filiation maternelle peut être établie par le seul acte de naissance mentionnant le nom de la mère, crée une discrimination dans l'application d'un droit garanti par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, discrimination que rien ne justifie ; qu'au cas présent, Monsieur Paul X... se prévalant d'un acte de naissance sur lequel était indiqué qu'il était né d'Albertine X..., sa filiation naturelle à l'égard de cette femme était établie conformément à son droit au respect de la vie familiale ; que ce droit lui a pourtant été dénié par la cour d'appel qui a estimé par motifs propres, que la filiation naturelle de l'exposant n'avait jamais été légalement établie considérant, par motifs adoptés, que l'indication du nom de la mère dans l'acte de naissance ne suffisait pas à emporter de facto l'établissement de la filiation naturelle si l'acte n'était pas corroboré par la possession d'état, selon la règle susvisée ; que, cependant, la différence entre les enfants naturels et les enfants légitimes à laquelle conduit l'application de cette règle quant à l'établissement de leur filiation maternelle n'est en aucun cas justifiée ; que l'application de la règle susvisée aboutit ainsi à créer une discrimination indue fondée sur la naissance ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dès lors violé l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble l'article 8 de cette convention ;


ALORS, d'autre part, QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'il doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'au cas présent, à supposer que la filiation maternelle naturelle de Monsieur Paul X... n'ait pu être légalement établie, la cour d'appel, pour le débouter de sa demande tendant à remettre en cause la succession de Madame Albertine X..., a relevé que celleci n'avait pris aucune disposition testamentaire pour éviter que Monsieur Abel X... n'hérite de tout son patrimoine ; que cependant, cet élément de fait n'avait pas été invoqué dans les conclusions des parties ; qu'en outre, la cour n'avait pas invité les parties à débattre de manière contradictoire sur ce point ; qu'en relevant néanmoins d'office cet élément de fait sans que les parties, qui ne l'avaient pas invoqué, aient été à même d'en débattre contradictoirement, la cour d'appel a violé les articles 7 et 16 du Code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Filiation


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.