par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 12 mai 2010, 09-14569
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
12 mai 2010, 09-14.569

Cette décision est visée dans la définition :
Réparation




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été victime d'un accident de la circulation le 6 octobre 1972 causé par M. Y..., assuré auprès de la société GAN incendie accidents (l'assureur) ; que, se plaignant de douleurs l'ayant empêchée de reprendre son travail, Mme X... a assigné M. Y... et l'assureur en indemnisation de son préjudice ; qu'un jugement du 12 février 1998, devenu définitif, a déclaré M. Y... entièrement responsable de l'accident et l'a condamné in solidum avec l'assureur à réparer le préjudice subi par Mme X..., en ordonnant avant dire droit une expertise médicale ;

Attendu que le second moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 1382 du code civil et le principe de la réparation intégrale ;

Attendu que pour rejeter la demande de Mme X... tendant à l'actualisation, compte tenu de l'érosion monétaire, des sommes allouées en réparation de son préjudice résultant des pertes de gains professionnels pendant les périodes d'incapacité temporaire totale et partielle de travail, l'arrêt énonce que la créance indemnitaire n'a pas à être revalorisée en fonction de paramètres monétaires ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, si la perte éprouvée ne peut être fixée qu'en fonction des pertes de gains professionnels perçus à l'époque de l'incapacité totale temporaire ou partielle de travail, les juges du fond doivent procéder si elle est demandée, à l'actualisation au jour de leur décision de l'indemnité allouée en réparation de ce préjudice en fonction de la dépréciation monétaire, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;

Attendu que pour fixer à une certaine somme le montant de l'indemnité réparant la perte des droits à la retraite de Mme X..., l'arrêt retient que celle-ci ne démontre pas que la pension d'invalidité qu'elle perçoit ne pourra, comme c'est cependant la règle, se cumuler avec sa retraite ;

Qu'en relevant d'office ce moyen, sans le soumettre à la discussion des parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que qu'il a condamné in solidum M. Y... et la société GAN incendie accidents à payer à Mme X... la somme de 31 545,31 euros au titre de la perte de gains professionnels et la somme de 100 920 euros en ce qu'elle comprend celle de 20 920 euros au titre de la perte de droits à la retraite, l'arrêt rendu le 23 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans, autrement composée ;

Condamne M. Y... et la société GAN incendie accidents aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société GAN incendie accidents et de M. Y... ; les condamne in solidum à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille dix.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 31.545,31 euros le préjudice subi par Madame Chantal X... au titre de la perte de gains professionnels actuels et d'avoir, en conséquence, condamné Monsieur Pascal Y... et son assureur, la Compagnie GAN INCENDIE ACCIDENTS, à lui payer cette seule somme ;

AUX MOTIFS QUE c'est à tort que Madame X... sollicite le versement d'une somme de 8.974,46 euros en appliquant à sa perte de gains professionnels une revalorisation tenant compte de l'évolution du coût de la vie, puisque la créance indemnitaire n'a pas à être actualisée en fonction de paramètres salariaux, ni revalorisée en fonction de paramètres monétaires ;

ALORS QUE le préjudice subi par la victime doit être évalué par le juge au jour de sa décision ; que le chef de préjudice constitué par la perte de gains subie par la victime doit par conséquent être apprécié par le juge à la date de sa décision, de sorte que celui-ci doit réévaluer la somme dont la victime a été privée ; qu'en décidant néanmoins que la perte de gains subie par Madame X... ne pouvait être réévaluée à la date de la décision, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 29.026 euros l'indemnité allouée à Madame Chantal X... au titre de son incapacité temporaire partielle et à 106.088 € sa perte de gains professionnels futurs, puis d'avoir en conséquence limité à ces seules sommes la condamnation de Monsieur Pascal Y... et de la Compagnie GAN INCENDIE ACCIDENTS à indemniser Madame X... de ces chefs ;

AUX MOTIFS QUE pour s'opposer aux demandes de Madame X..., les intimés affirment qu'elle ne peut faire état des primes et indemnités perçues par les aides-soignantes puisqu'elles sont exclues des cotisations de la sécurité sociale, ce qui démontre qu'elles n'ont pas le caractère d'accessoires du salaire ; que l'indemnisation de la victime doit la replacer dans l'état où elle se serait trouvée si l'accident n'avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que, si l'appelante avait exercé sa profession, elle aurait perçu un salaire nécessairement augmenté de la prime forfaitaire mensuelle, des indemnités de résidence, de sujétion et d'insalubrité qui sont toujours versées par l'employeur en raison du travail spécifique exercé par les aides-soignantes et de leurs horaires décalés ; que Madame X... ne démontre cependant pas qu'elle aurait perçu une indemnité de travail intensif de nuit ou des primes de service qui n'apparaissent sur les bulletins de salaires de Madame Z..., versés par elle à titre de référence, que lorsque ces bulletins mentionnent que cette aide-soignante a été exclusivement attachée durant le mois à un service chirurgical ou obstétrical de nuit ; qu'en effet, si Madame Z... a, pendant plusieurs années, fait le choix d'un service de nuit mieux rémunéré qui lui a permis de ressentir moins fortement les effets des saisies qui amputaient son salaire, il ne peut être soutenu par l'appelante qu'elle aurait obligatoirement effectué le même choix ; que de même, ne peuvent être prises en compte le supplément familial ou les primes spécifiques qui ont été versées à Madame Z... lors de ses affectations dans un service de puériculture ; qu'enfin, les « primes de chaussures et habillement » sont, à l'évidence, versées pour compenser les frais exposés à ce titre par les aides-soignants et ne sont pas un accessoire du salaire ; que la perte de gains professionnels durant l'ITT doit être évaluée par la comparaison des bulletins de salaires nets de Madame Z..., qui exerçait les mêmes fonctions d'aide-soignante que celles qu'aurait dû exercer Madame X... sur la période considérée (déduction faite des heures supplémentaires, des indemnités versées au titre du travail de nuit, du supplément familial et des primes de service et de puériculture) et des revenus nets réellement perçus par l'appelante (salaires, indemnités journalières et de chômage et les justificatifs de pensions d'invalidité perçues) ; que s'agissant de la perte de gains professionnels futurs, pour les raisons déjà exposées, il ne peut être fait droit à la demande de Madame X... tendant à voir retenir, comme référence, l'intégralité des salaires majorés d'heures de nuit, primes et indemnités versés à Madame Z... ;

ALORS QU' en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en vertu de ce principe, la victime est fondée à prétendre à l'indemnisation de tous les éléments de rémunération qu'elle a perdus, en ceux compris les majorations de salaire au titre d'heures supplémentaires et les primes de toute nature dont elle a été privée ; qu'en décidant néanmoins que Madame X... ne pouvait prétendre à obtenir une indemnisation fondée sur la perte des sommes qu'elle aurait dû percevoir au titre des heures supplémentaires, des indemnités versées au titre du travail de nuit, du supplément familial et des primes de service et de puériculture, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir évalué à la somme de 20.920 euros le préjudice subi par Madame Chantal X... au titre de sa perte de droits à la retraite et d'avoir, en conséquence, condamné Monsieur Pascal Y... et la Compagnie GAN INCENDIE ACCIDENTS à lui verser cette seule somme à ce titre ;

AUX MOTIFS QUE Madame X... souligne qu'elle n'a pas cotisé comme elle aurait dû le faire si elle avait conservé son emploi d'aide-soignante et affirme qu'elle subira une perte de retraites s'élevant à 135.595,20 euros ; que c'est à tort que le GAN et Monsieur Y... font valoir que le produit du placement du capital alloué à la victime a vocation à constituer une retraite, ce capital n'ayant pas vocation à réparer ce chef de préjudice ; que Madame X... justifie qu'elle percevra une retraite de l'ordre de 600 euros nets par mois très inférieure à celle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle était demeurée aide-soignante, puisque celle-ci (en ne tenant pas compte des heures majorées réalisées par Madame Z...) se serait élevée à 1.400 euros mensuels environ; que, cependant, Madame X... ne démontre pas de ce que la pension d'invalidité de 700 euros qu'elle perçoit ne pourra, comme c'est cependant la règle, se cumuler avec cette retraite et qu'elle ne justifie donc que d'une perte de retraite de 1.200 euros nets par an ; qu'il convient dès lors de lui allouer la somme de 20.920 euros (1.200 x 17,434, coût de l'euro de rente viagère à 60 ans) en réparation de ce chef de préjudice ;

1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut, à ce titre, relever un moyen d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant néanmoins d'office le moyen tiré de ce que la pension d'invalidité pourrait se cumuler avec la pension de retraite, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;


2°) ALORS QUE la pension d'invalidité prend fin à l'âge à partir duquel l'assuré peut prétendre à la liquidation de sa pension de retraite ; qu'elle est remplacée de plein droit, à partir de cet âge, par la pension de vieillesse allouée en cas d'inaptitude au travail ; que la pension d'invalidité ne peut donc, en aucun cas, être cumulée avec une pension de retraite ; qu'en décidant néanmoins que le préjudice de Madame X..., au titre de la perte des droits à la retraite, devait être évalué en prenant en considération un cumul, à son profit, d'une pension d'invalidité et d'une pension de retraite, la Cour d'appel a violé l'article L 341-15 du Code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1382 du Code civil.



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