par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 14 avril 2010, 08-45247
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Cour de cassation, chambre sociale
14 avril 2010, 08-45.247

Cette décision est visée dans la définition :
Réintégration




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 octobre 2008), que Mme X..., engagée à compter du 21 juin 1978 en qualité d'employée de bureau par la société Dreyfus déballage du marché Saint-Pierre, à laquelle a succédé la société Village d'Orsel, a été licenciée le 24 octobre 2005 ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le second moyen du pourvoi principal de la salariée, qui est recevable :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de réintégration, alors, selon le moyen :


1° / que l'article 6. 1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 directement applicable en droit interne garantit le droit au travail, qui comprend le droit qu'a toute personne d'obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté ; qu'en décidant, après avoir constaté que lors de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée avait plus de 27 ans d'ancienneté et n'a pas retrouvé de travail, que les circonstances du licenciement n'imposent pas le droit à la réintégration de droit, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2° / qu'en décidant, après avoir constaté que lors de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée avait plus de 27 ans d'ancienneté et n'a pas retrouvé de travail, que les circonstances du licenciement n'imposent pas le droit à la réintégration de droit, la cour d'appel qui n'a pas recherché si l'employeur n'avait pas violé le principe fondamental du droit au travail de la salariée âgée a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6. 1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 directement applicable en droit interne, ensemble l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que la règle posée par l'article L. 1235-3 du code du travail, subordonnant la réintégration du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse à l'accord de l'employeur, qui, d'une part, ne porte atteinte ni au droit au respect des biens, ni au droit de propriété, d'autre part, opère une conciliation raisonnable entre le droit de chacun d'obtenir un emploi et la liberté d'entreprendre, à laquelle la réintégration de salariés licenciés est susceptible de porter atteinte, n'apporte aucune restriction incompatible avec les dispositions de l'article 6. 1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966, ni, en tout état de cause, avec celles de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la salariée de sa demande de réintégration et condamné la SAS Village d'Orsel à lui payer la somme de 90. 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Aux motifs que sur le demande de l'appelante tendant à voir prononcer la nullité du licenciement pour défaut de plan social et ordonner sa réintégration, qu'aux termes des articles L 1233-61, L 1235-10 et L 1235-11 du Code du travail, l'employeur doit, dans les entreprises employant au moins cinquante salariés lorsque le nombre de licenciements est au moins égal à dix dans une même période de trente jours, établir et mettre en place un plan social pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité ; qu'à cet effet, il doit préparer un plan visant au reclassement des salariés, s'intégrant au plan social et comportant toutes les mesures possibles appréciées en fonction des moyens dont dispose l'entreprise pour maintenir les emplois ou faciliter les reclassements ; que les salariés licenciés pour motif économique ont un droit propre à faire valoir que leur licenciement est nul au regard de ces textes et peuvent, même lorsque leur licenciement a été autorisé par l'inspecteur du travail, contester la validité du plan social devant la juridiction judiciaire en sollicitant notamment leur réintégration ; que force est de constater qu'en l'espèce les conditions de ces textes ne sont pas remplies, le nombre de licenciements pour motif économique prononcés sur la même période de 30 jours étant inférieur à 10 et aucun élément ne permettant de retenir qu'il y aurait eu des licenciements pour motif économique déguisés ; qu'il ne saurait donc être fait droit à la demande de l'appelante de ce chef ;

Alors que dans ses conclusions d'appel, Madame X... avait soutenu que depuis l'arrivée du nouveau Président Directeur Général de la Société en janvier 2004, l'effectif moyen qui était de 140 salariés est passé à 110, voire 106 selon un décompte du syndicat CGT ; qu'en s'abstenant de préciser le nombre de licenciements intervenus sur une période de trente jours, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur l'application des articles L 1233-61, L 1235-10 et L 1235-11 du Code du travail.


SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la salariée de sa demande de réintégration et condamné la SAS Village d'Orsel à lui payer la somme de 90. 000 € seulement à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Aux motifs que, sur le préjudice, Madame Hélène X... ne peut prétendre à une réintégration de plein droit ; que la société intimée s'oppose à toute réintégration ; qu'il ne saurait donc être fait droit à cette demande ; que Madame Hélène X... avait, au moment de son licenciement, plus de 27 ans d'ancienneté et était âgée de 51 ans ; qu'elle n'a pas retrouvé de travail suite à ce licenciement ; qu'au regard de ces éléments, de la rémunération qui était la sienne au moment du licenciement, le préjudice tant matériel que moral qu'elle a subi à la suite de ce licenciement, doit être évalué à la somme de 90 000, 00 € ; qu'elle ne justifie pas d'un préjudice complémentaire qui serait lié aux conditions et circonstances du licenciement et qui ne serait pas indemnisé par l'octroi de la somme sus-visée ; qu'il y a lieu de la débouter de sa demande complémentaire de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

Alors que, d'une part, l'article 6. 1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 directement applicable en droit interne garantit le droit au travail, qui comprend le droit qu'a toute personne d'obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté ; qu'en décidant, après avoir constaté que lors de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée avait plus de 27 ans d'ancienneté et n'a pas retrouvé de travail, que les circonstances du licenciement n'imposent pas le droit à la réintégration de droit, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Alors que, d'autre part, en décidant, après avoir constaté que lors de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée avait plus de 27 ans d'ancienneté et n'a pas retrouvé de travail, que les circonstances du licenciement n'imposent pas le droit à la réintégration de droit, la Cour d'appel qui n'a pas recherché si l'employeur n'avait pas violé le principe fondamental du droit au travail de la salariée âgée a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6. 1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 directement applicable en droit interne, ensemble l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Village d'Orsel.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement économique de madame X... était dénué de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société VILLAGE D'ORSEL à lui payer la somme de 90. 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal sur 20. 000 euros à compter du 3 octobre 2006 et sur le surplus à compter de la présente décision, outre 2. 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, et d'AVOIR ordonné le remboursement par la SAS VILLAGE D'ORSEL aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à madame X... suite à son licenciement dans la limite de six mois ;

AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement pour motif économique est ainsi rédigée :

« Comme je vous l'ai indiqué lors de notre entretien préalable en date du 14 octobre 2005, je vous informe que je suis contraint de vous licencier pour motif économique.

Au cours de l'entretien préalable, je vous ai exposé les motifs économiques de votre licenciement lesquels exposés ci-dessous conduisent à la suppression de votre poste d'employé de bureau.

Depuis plusieurs années la société subit des pertes, le marché est en régression, les marges commerciales ont fortement chuté et les résultats enregistrés sont alarmants.

La société a enregistré un résultat négatif en 2003 de – 196. 394 euros.

Elle accuse aujourd'hui un déficit global cumulé de 500. 000 euros.

L'évolution du chiffre d'affaires est en régression et les pertes s'accroissent.

Les résultats enregistrés sur les trois dernières années sont les suivantes.

En 2002 : Chiffre d'affaires : 16. 500. 000 euros
Résultat : 292. 953 euros

En 2003 : Chiffre d'affaires : 15. 200. 000 euros
Résultat :-196. 394 euros

En 2004 : Chiffre d'affaires : 18. 800. 000 euros
Résultat : 76. 758 euros

Sur le premier semestre 2005, la société a enregistré une baisse de son chiffre d'affaires de 7, 5 %.

L'évolution actuelle du chiffre d'affaires de la société ne permet pas de faire face aux charges, notamment aux coûts salariaux, les résultats enregistrés mettent en péril l'avenir de la société et constituent un risque à terme pour l'emploi.

Il n'existe aucune perspective d'évolution favorable à court terme.

Les mesures de réduction des coûts déjà mises en oeuvre (telles que ralentissement du niveau des achats depuis janvier 2005, suspension des embauches sur certaines catégories professionnelles, négocier et acheter le prix du tissu moins cher à la source, réduction des charges sur tous les secteurs notamment des frais d'assurance, imprimerie, fourniture de bureau, prestations de nettoyage …) n'ont pas suffi à redresser la situation financière de l'entreprise.

La baisse des ventes, les coûts trop lourds des charges, rendent indispensables les mesures de restructuration de l'entreprise.

C'est pourquoi nous avons dû procéder à une restructuration de la société et réorganiser le bureau, en supprimant le service comptabilité, en rationalisant et en regroupant les différentes tâches comptables et administratives éparpillées sur 7 postes sur 2 postes maintenus et regroupés au service administratif et financier.

En effet l'évolution des tâches comptables et administratives au sein de la société ne justifie plus le même nombre de postes.

La rationalisation des tâches comptables permettra l'intervention d'un prestataire extérieur de manière ponctuelle.

Cette restructuration laquelle s'avère indispensable pour assurer la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, entraîne la suppression de votre poste d'employé de bureau.

Les difficultés que nous subissons menacent directement notre société sur le marché du textile dans lequel nous évoluons, secteur extrêmement concurrentiel.

En conséquence et afin de sauvegarder la compétitivité de notre entreprise nous sommes contraints de supprimer votre poste.

Nous tenons à vous préciser que nous avons longuement examiné toutes les possibilités de reclassement dans l'entreprise et même à l'extérieur. Toutefois nous n'avons trouvé aucun poste sur lesquels vous auriez pu être reclassé … » ;

que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit énoncer lorsqu'un motif économique est invoqué, à la fois la raison économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié ; que pour avoir une cause économique le licenciement doit, ainsi que le dispose l'article L. 1233-1 du code du travail, être prononcé pour un motif non inhérent à la personne du salarié et être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une réorganisation de l'entreprise, soit à une cessation d'activités ; que la réorganisation si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que par ailleurs en application de l'article L. 1233-4 du même code le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de reclassement et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieur, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant dans les entreprise du groupe auquel l'entreprise appartient et dont l'activité permet la permutabilité du personnel ; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ; qu'en l'espèce, rien ne permet de retenir que le licenciement litigieux serait en réalité un licenciement prononcé pour un motif inhérent à la personne même de la salariée qui a été licenciée, pour le même motif, avec trois autres salariés ; qu'à supposer que le situation économique de la SAS VILLAGE D'ORSEL ait justifié la suppression de l'emploi de l'appelante, bien que cette situation n'ait pas fait obstacle à la réalisation d'importants investissements qui ont nécessairement obéré la situation financière de la société en 2005, il n'en demeure pas moins que l'examen du registre unique du personnel de la société intimée démontre que, dans le même laps de temps que celui où se mettait en oeuvre la procédure de licenciement, la SAS VILLAGE D'ORSEL a recruté le 19 septembre 2005, un premier vendeur en la personne de Luc Y... ; que ce poste est de la même catégorie professionnelle, employé, que celui qu'occupait l'appelante en qualité d'employée affectée quant à elle au bureau de la comptabilité ; qu'il aurait dû lui être proposé, le cas échéant avec une formation complémentaire qui était due par l'employeur, dans le cadre de l'obligation précitée de reclassement de la salariée, cette formation n'ayant nullement à être au préalable sollicitée par cette dernière ; qu'il y a donc lieu, par ces motifs substitués à ceux de la juridiction de première instance, de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Hélène X..., étant observé de surcroît qu'aucune recherche n'a été effectuée dans les sociétés dans lesquelles il y avait permutabilité du personnel ainsi que le démontre la proposition de mutation faite, dans une autre société, à l'époux de l'appelante, lui-même ultérieurement licencié ;

1. – ALORS QUE dans le cadre de son obligation de reclassement, l'employeur n'est tenu de proposer au salarié dont le licenciement est envisagé que les emplois disponibles adaptés à sa qualification ou à ses compétences, le cas échéant au moyen d'une adaptation, voire, sous réserve de l'accord exprès du salarié, des postes de catégorie inférieure ; qu'en l'espèce, il est constant que madame X... occupait le poste d'employée de bureau affectée au service de la comptabilité ; que la Cour d'appel a relevé qu'un premier vendeur avait été recruté le 19 septembre 2005 et considéré que ce poste « de la même catégorie professionnelle » que celui de madame X... aurait du lui être proposé ; qu'en statuant ainsi, sans examiner si l'emploi de premier vendeur requérait la même qualification et les mêmes compétences que celui occupé par la salariée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-1 à L. 1233-4 et L. 1235-1 du code du travail ;

2.- ALORS QUE le reclassement d'un salarié ne peut être tenté que s'il existe des postes disponibles ; qu'en affirmant que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement dès lors qu'aucune recherche n'avait été effectuée dans les sociétés du groupe dans lesquelles il y avait permutabilité du personnel, sans constater qu'il existait au sein de ces sociétés des postes disponibles, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-1 à L. 1233-4 et L. 1235-1 du code du travail ;



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