par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 9 mars 2010, 08-16752
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, chambre commerciale
9 mars 2010, 08-16.752

Cette décision est visée dans la définition :
Concurrence




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Statuant, tant sur le pourvoi principal de la société Delticom, que sur le pourvoi incident des sociétés Pneus Online Suisse et Pneus Online France ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 31 janvier 2008),que la société Pneus Online Suisse commercialise des pneumatiques sur internet ; que se plaignant de concurrence déloyale et illicite liée aux activités des sites internet "pneuonline.com", "pneusonline.com" et "pneu-online.com" exploités par la société allemande Delticom, elle l'a assignée devant le tribunal de commerce de Lyon ; que la société Pneus Online France est intervenue à l'instance ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Delticom fait grief à l'arrêt d'avoir dit les juridictions françaises compétentes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en matière délictuelle est compétent le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ; que s'agissant d'une action en concurrence déloyale et/ou parasitaire en raison de l'utilisation de noms de domaine, le tribunal français est compétent dès lors que les faits allégués de commercialisation de ces produits sur le territoire national sont susceptibles de causer un préjudice ; qu'en affirmant que les tribunaux français étaient compétents dès lors que les sites étaient accessibles depuis la France et qu'ils étaient destinés à la clientèle française, pour en déduire que le dommage s'était produit en France, quand l'accessibilité et, par là même, la destination des sites ne suffisaient pas à justifier la compétence des juridictions françaises en ce qu'aucun fait de commercialisation sur le territoire français par ces sites n'avait été allégué ni caractérisé, la cour d'appel a violé l'article 5 § 3 du Règlement (CE) n 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la c ompétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I) ;

2°/ que les juges ne sauraient méconnaître les termes du litige tels que fixés par les parties dans leurs écritures ; que, dans leurs conclusions d'appel, tant les sociétés Pneus Online Suisse et Pneus Online SARL que la société Delticom AG s'accordaient sur la circonstance qu'aucune commande ne pouvait être enregistrée par un internaute situé en France depuis les sites litigieux ; qu'à admettre qu'elle ait, par des motifs implicitement adoptés, donc non contraires aux siens, affirmé, à l'inverse, que les produits étaient disponibles en France à partir des sites litigieux, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en matière délictuelle est compétent le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ; que s'agissant d'actions en concurrence déloyale et/ou parasitaire en raison de l'utilisation de noms de domaine, le tribunal compétent doit être celui du pays qui a un lien suffisant, substantiel ou significatif avec le site ; qu'en toute hypothèse, en affirmant que les tribunaux français étaient compétents dès lors que les sites étaient accessibles depuis la France et qu'ils étaient destinés à la clientèle française, voire qu'il y avait eu des faits de commercialisation sur le territoire français, quand de telles circonstances n'étaient pas de nature à caractériser un lien suffisant, substantiel ou significatif avec la France, la cour d'appel a violé l'article 5 § 3 du Règlement (CE) n 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I) ;

Mais attendu que l'arrêt constate par motifs propres et adoptés que pendant plusieurs mois au cours des années 2002 et 2003 les pages d'accueil des sites incriminés étaient rédigées en français et étaient destinées à la clientèle francophone, notamment française ; qu'il relève encore l'existence d'une rubrique de commentaire de satisfaction de la clientèle française et constate que les produits en cause font l'objet de remarques de satisfaction des clients internautes ; qu'il retient en outre que la société Delticom a rédigé les pages d'accueil en langue allemande tout en ménageant à la clientèle française un accès très aisé au site 123pneus.com, qui est son site officiel en France ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé les conclusions des parties, a fait ressortir, tant l'accessibilité à ces sites pour les internautes français que la disponibilité en France des produits litigieux, et justifié sa décision de retenir la compétence des juridictions françaises ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal, réunis :

Attendu que la société Delticom fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté les fins de non-recevoir opposées à l'action des sociétés Pneus Online et d'avoir déclaré recevables l'intervention accessoire et l'appel de la société Pneus Online France alors, selon le moyen :

1°/ que tout jugement doit, à peine de nullité, être motivé ; qu'en affirmant que la décision rendue par le Centre d'arbitrage de l'OMPI était sans influence sur la recevabilité des demandes des sociétés Pneus Online, sans nullement motiver sa décision sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que l'intérêt à agir s'apprécie au jour de l'introduction de la demande ; qu'en décidant que la société Pneus Online Suisse justifiait de sa qualité et de son intérêt à agir pour la raison qu'elle était devenue propriétaire, courant janvier 2005, du nom de domaine sur lequel elle fondait sa demande, soit postérieurement à l'introduction de l'instance, de sorte que cette acquisition de la propriété du nom de domaine n'était pas de nature à caractériser qu'elle justifiait d'un intérêt à agir au moment de l'introduction de l'instance, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;

3°/ que l'action n'est ouverte qu'à celui qui a un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ; qu'en ajoutant que la société Pneus Online Suisse justifiait également de sa qualité et de son intérêt à agir en ce qu'elle avait constamment utilisé le nom commercial "pneus Online" depuis l'année 2001, sans nullement caractériser la légitimité de cette utilisation, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;

4°/ que l'intervention accessoire est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir les prétentions d'une partie ; que la circonstance que l'intervenant accessoire exerce son activité dans le même secteur d'activité que le demandeur principal et qu'il ait des liens économiques avec ce dernier ne suffit pas à caractériser son intérêt à soutenir la prétention de cette partie ; qu'en décidant que l'intervention de la société Pneus-Online France était recevable aux seuls motifs qu'elle avait pour activité la distribution et les services de distribution dans le domaine des pneumatiques et effectuait des prestations administratives pour la société Pneus Online Suisse, ce qui n'était pas de nature à caractériser son intérêt à intervenir de façon accessoire, au soutien des demandes de cette société, la cour d'appel a violé l'article 330 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel n'avait pas à motiver autrement son énonciation, exacte, relative aux effets légaux d'une décision rendue par le Centre d'arbitrage de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle ;

Et attendu, en second lieu, qu'elle a souverainement apprécié l'intérêt à agir des sociétés demanderesses ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Delticom fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que l'enregistrement et l'usage fait des noms de domaine "pneuonline.com", "pneusonline.com" et "pneu-online.com" constituaient des agissements caractéristiques de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Pneus Online Suisse, et, en conséquence, de lui avoir fait interdiction, sous astreinte, de faire usage quelconque de ces noms de domaine en relation directe ou indirecte avec une activité de vente de pneus et de l'avoir condamnée à des dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que les juges ne sauraient dénaturer les documents de la cause ; que la note de frais et honoraires du 26 avril 2001 et le contrat d'hébergement de la société Medialook avaient pour objet des demandes de création de sites Internet ; qu'ils ne mentionnaient pas la date de la mise en service du site "pneus-online.com" ; qu'en affirmant que ces documents permettaient de démontrer que la société Pneus-Online Suisse avait utilisé le nom de domaine "pneus-online.com" avant que la société Delticom réserve le nom de domaine "pneuonline.com", le 15 juin 2001, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ces écrits, a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que ne commet pas un acte de concurrence déloyale et parasitaire, celui qui utilise un nom de domaine descriptif ; qu'en affirmant, pour décider que la société Delticom avait commis un acte de concurrence déloyale en utilisant un nom de domaine ressemblant à celui de "pneus-online.com", que le rapprochement des noms "pneus" et "online" ne constituait pas un nom de domaine descriptif, sans nullement caractériser le caractère original de ce rapprochement, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

3°/ qu'en ajoutant, pour décider que la société Delticom avait commis un acte de concurrence déloyale et parasitaire en utilisant le nom de domaine ressemblant à celui de "pneusonline.com", qu'elle avait agi de mauvaise de foi en exploitant les sites litigieux, quand les noms de domaines litigieux étaient descriptifs, de sorte que leur utilisation ne démontrait pas la mauvaise foi de la société Delticom, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

4°/ que le fait de commercialiser moins cher des produits similaires, qui relève de la liberté du commerce, ne constitue pas à lui seul un acte de concurrence déloyale et parasitaire ; qu'en ajoutant, pour décider que la société Delticom avait commis un acte de concurrence déloyale et parasitaire en utilisant le nom de domaine ressemblant à celui de "pneus-online.com", qu'elle avait faussé le jeu normal de la concurrence en n'appliquant pas le taux de TVA en vigueur, quand la seule circonstance qu'elle ait commercialisé des produits moins chers que ceux de ses concurrents ne suffisait pas à établir qu'elle ait faussé le jeu de la concurrence, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, hors toute dénaturation des documents visés au moyen, a souverainement déduit de leur teneur une conséquence sur la date à laquelle la société Pneus Online Suisse avait pris et exécuté la décision d'utiliser ce nom de domaine ;

Attendu, par ailleurs, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a retenu que les termes litigieux n'étaient pas purement descriptifs à l'époque où il en avait été fait choix ;

Et attendu, enfin, qu'en relevant que la société Delticom n'appliquait pas le taux de TVA en vigueur, la cour d'appel a caractérisé une faute, et non point le seul fait que cette société commercialise des produits moins chers que ceux de ses concurrents ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa dernière branche, n'est pas fondé pour le surplus ;


Sur le cinquième moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Delticom fait grief à l'arrêt du montant des dommages-intérêts qu'il l'a condamnée à payer à la société Pneus Online Suisse, alors, selon le moyen, que la réparation d'un dommage, qui doit être intégrale, ne peut excéder le montant du préjudice ; qu'en tenant compte, pour condamner la société Delticom à verser à la société Pneus Online Suisse la somme de 300 000 euros au titre de la réparation de la perte de chance subie du fait de l'utilisation des sites litigieux, du chiffre d'affaires réalisé sur l'ensemble du marché de la vente de pneus en ligne, quand la société Pneus Online Suisse avait seulement été privée de la chance d'obtenir une part du marché visé par les sites litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que le comportement de la société Delticom avait fait perdre à la société Pneus Online Suisse une chance de conquérir une part plus importante du marché de la vente de pneus en ligne, la cour d'appel a souverainement apprécié le montant de ce préjudice ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que les sociétés Pneus Online font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande tendant à obtenir le transfert des noms de domaine "www.pneuonline.com", "www.pneusonline.com" et "www.pneu-online.com" à la société Pneus-Online France, alors, selon le moyen, que dans leurs écritures du 6 septembre 2007, les sociétés Pneus Online faisaient valoir que le jugement doit être réformé en ce qu'il a, sans la moindre explication, rejeté la demande de transfert des noms de domaine enregistrés par la société Delticom en fraude des droits des sociétés Pneus Online, qu'il s'agissait de la mesure la plus adéquate pour faire cesser la spoliation dont a été victime la société Pneus Online et la restituer dans ses droits ; qu'en effet, la mesure d'interdiction d'usage des noms de domaine litigieux prononcée par le tribunal constitue une demi-mesure qui empêche également la société Pneus Online d'exploiter ces noms de domaine qui restent enregistrés au nom de la société Delticom qui veille scrupuleusement à les maintenir en vigueur pour empêcher leurs nouveaux dépôts par la société Pneus Online ; qu'en ne répondant pas à ce moyen essentiel par rapport à une réparation adéquate et à une réparation intégrale, la cour d'appel méconnaît les exigences de l'article 455 du code de procédure civile, ensemble le principe de la réparation intégrale ;

Mais attendu qu'en retenant qu'une telle mesure était susceptible d'accroître la confusion créée dans l'esprit des internautes par les agissements de la société Delticom, la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument délaissées ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Condamne la société Delticom AG aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer aux sociétés Pneus Online Suisse et Pneus Online France la somme globale de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille dix.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils pour la société Delticom AG (demanderesse au pourvoi principal).

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré que les juridictions françaises étaient compétentes ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'en matière délictuelle le règlement CE du 22 décembre 2000 donne compétence au tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que les sites litigieux étaient accessibles depuis la FRANCE et que pendant plusieurs mois au cours des années 2002 et 2003 les pages d'accueil de deux de ces sites ont été rédigées en français et étaient, par conséquent, indubitablement destinées à la clientèle francophone et notamment à la clientèle française ; que le procès-verbal de constat dressé par un huissier de justice le 13 juillet 2007 confirme que la langue française a également été temporairement utilisée sur le troisième de ces sites ; que ces éléments suffisent à établir que l'exploitation par la Société DELTICOM AG des sites litigieux, qui constitue le fait dommageable dont se plaignent les Sociétés PNEUS-ONLINE SUISSE et PNEUS-ONLINE SARL, s'est produit en FRANCE et notamment dans le ressort du Tribunal de commerce de LYON ; que c'est, par conséquent, à juste titre que les premiers juges ont écarté l'exception d'incompétence soulevée en défense (arrêt, p. 6) ;

et AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QU'il existe sur ces sites une rubrique de commentaire de satisfaction de clientèle française qui démontre que les produits sont bien disponibles en FRANCE ; que ces produits font l'objet de remarques de satisfaction des clients internautes ; qu'on ne voit pas sinon l'intérêt d'une telle rubrique si elle ne devait pas toucher une clientèle française ; qu'il y a donc concurrence exercée dans un même secteur d'activité sur une même zone géographique ; que dès lors les conditions d'accessibilité et de disponibilité de produits sont bien réunies pour que le tribunal se déclare compétent (jugement, p. 6) ;

1°) ALORS QU' en matière délictuelle est compétent le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ; que s'agissant d'une action en concurrence déloyale et/ou parasitaire en raison de l'utilisation de noms de domaine, le tribunal français est compétent dès lors que les faits allégués de commercialisation de ces produits sur le territoire national sont susceptibles de causer un préjudice ; qu'en affirmant que les tribunaux français étaient compétents dès lors que les sites étaient accessibles depuis la FRANCE et qu'ils étaient destinés à la clientèle française, pour en déduire que le dommage s'était produit en FRANCE, quand l'accessibilité et, par là même, la destination des sites ne suffisaient pas à justifier la compétence des juridictions françaises en ce qu'aucun fait de commercialisation sur le territoire français par ces sites n'avait été allégué ni caractérisé, la Cour d'appel a violé l'article 5 § 3 du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la c ompétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (BRUXELLES I) ;

2°) ALORS QUE (SUBSIDIAIREMENT) les juges ne sauraient méconnaître les termes du litige tels que fixés par les parties dans leurs écritures ; que, dans leurs conclusions d'appel, tant les Sociétés PNEUS-ONLINE SUISSE et PNEUS-ONLINE SARL que la Société DELTICOM AG s'accordaient sur la circonstance qu'aucune commande ne pouvait être enregistrée par un internaute situé en FRANCE depuis les sites litigieux ; qu'à admettre qu'elle ait, par des motifs implicitement adoptés, donc non contraires aux siens, affirmé, à l'inverse, que les produits étaient disponibles en FRANCE à partir des sites litigieux, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE (SUBSIDIAIREMENT) en matière délictuelle est compétent le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ; que s'agissant d'actions en concurrence déloyale et/ou parasitaire en raison d'utilisation de noms de domaine, le tribunal compétent doit être celui du pays qui a un lien suffisant, substantiel ou significatif avec le site ; qu'en toute hypothèse, en affirmant que les tribunaux français étaient compétents dès lors que les sites étaient accessibles depuis la FRANCE et qu'ils étaient destinés à la clientèle française, voire qu'il y avait eu des faits de commercialisation sur le territoire français, quand de telles circonstances n'étaient pas de nature à caractériser un lien suffisant, substantiel ou significatif avec la FRANCE, la Cour d'appel a violé l'article 5 § 3 du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (BRUXELLES I).

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la Société DELTICOM AG de ses fins de non-recevoir dirigées contre les Sociétés PNEUS-ONLINE SUISSE et PNEUS-ONLINE SARL ;

AUX MOTIFS QUE la décision rendue par le Centre d'arbitrage de l'OMPI est sans influence sur la recevabilité des demandes actuellement présentées par les Sociétés PNEUS-ONLINE SUISSE et PNEUS-ONLINE SARL ; qu'ainsi que le confirme sa pièce n° 36, la Société PNEUS-ONLINE SUISSE est devenue, courant janvier 2005, propriétaire du nom de domaine «pneus-online.com» ; qu'il ressort par ailleurs des autres pièces des Sociétés PNEUS-ONLINE SUISSE et PNEUS-ONLINE SARL, et notamment des documents commerciaux datés de l'année 2001, que la Société PNEUS-ONLINE SUISSE a, depuis l'enregistrement du nom de domaine «pneus-online.com», constamment utilisé le nom commercial «pneus-online» ; que les demandes de la Société PNEUS-ONLINE SUISSE, qui justifie de sa qualité et de son intérêt pour agir, doivent être déclarées entièrement recevables (arrêt, p. 7) ;

1°) ALORS QUE tout jugement doit, à peine de nullité, être motivé ; qu'en affirmant que la décision rendue par le Centre d'arbitrage de l'OMPI était sans influence sur la recevabilité des demandes de la Société PNEUS-ONLINE SUISSE et PNEUS-ONLINE SARL, sans nullement motiver sa décision sur ce point, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE l'intérêt à agir s'apprécie au jour de l'introduction de la demande ; qu'en décidant que la Société PNEUSONLINE SUISSE justifiait de sa qualité et de son intérêt à agir pour la raison qu'elle était devenue propriétaire, courant janvier 2005, du nom de domaine sur lequel elle fondait sa demande, soit postérieurement à l'introduction de l'instance, de sorte que cette acquisition de la propriété du nom de domaine n'était pas de nature à caractériser qu'elle justifiait d'un intérêt à agir au moment de l'introduction de l'instance, la Cour d'appel a violé l'article 31 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE l'action n'est ouverte qu'à celui qui a un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ; qu'en ajoutant que la Société PNEUS-ONLINE SUISSE justifiait également de sa qualité et de son intérêt à agir en ce qu'elle avait constamment utilisé le nom commercial «pneus-online» depuis l'année 2001, sans nullement caractériser la légitimité de cette utilisation, la Cour d'appel a violé l'article 31 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevables l'intervention accessoire et l'appel de la Société PNEUS-ONLINE SARL ;

AUX MOTIFS QUE les pièces 32 et 34 des Sociétés PNEUSONLINE SUISSE et PNEUS-ONLINE SARL confirment que la Société PNEUS-ONLINE SARL, immatriculée depuis le mois de septembre 2003 au Registre du commerce et des sociétés de LYON, a notamment pour activité la distribution et les services de distribution dans le domaine des pneumatiques et effectue des prestations administratives pour la Société PNEUS-ONLINE SUISSE ; qu'apparaît dès lors recevable l'intervention accessoire qu'elle a effectuée au mois de novembre 2004 devant les premiers juges ; que les premiers juges ont omis de relater cette intervention dans leur décision ; que cette omission, de nature purement matérielle, n'a pas eu pour effet de priver la Société PNEUS-ONLINE SARL de son droit d'appel ; que la voie de recours exercée par elle apparaît, par conséquent, tout à fait recevable (arrêt, p. 7) ;

ALORS QUE l'intervention accessoire est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir les prétentions d'une partie ; que la circonstance que l'intervenant accessoire exerce son activité dans le même secteur d'activité que le demandeur principal et qu'il ait des liens économiques avec ce dernier ne suffit pas à caractériser son intérêt à soutenir la prétention de cette partie ; qu'en décidant que l'intervention de la Société PNEUS-ONLINE SARL était recevable aux seuls motifs qu'elle avait pour activité la distribution et les services de distribution dans le domaine des pneumatiques et effectuait des prestations administratives pour la Société PNEUS-ONLINE SUISSE, ce qui n'était pas de nature à caractériser son intérêt à intervenir de façon accessoire, au soutient des demandes de cette société, la Cour d'appel a violé l'article 330 du Code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR décidé que l'enregistrement et l'usage fait par la Société DELTICOM AG des noms de domaine «pneuonline.com», «pneusonline.com» et «pneuonline.com» constituaient des agissements caractéristiques de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la Société PNEUSONLINE SUISSE et, en conséquence, d'AVOIR fait interdiction à la Société DELTICOM AG, sous astreinte, de faire usage quelconque des noms de domaine «pneuonline.com», «pneusonline.com» et «pneuonline.com» en relation directe ou indirecte avec une activité de vente de pneus et d'AVOIR condamné la Société DELTICOM AG à payer à la Société PNEUS-ONLINE SUISSE la somme de 300.000 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QU'à la lecture des documents versés aux débats, parmi lesquels figurent d'une part la note d'honoraires et de frais «pour services rendus du 1er février au 20 mars 2001 dans le cadre de la mise en place d'un site de vente de pneus», adressée le 26 avril 2001 par un cabinet d'avocats à la Société ANS & CO, d'autre part un contrat d'hébergement de site Internet conclu entre MEDIALOOK et la Société ANS & CO le 10 mai 2001, démontrent que la Société ANS & CO avait pris et exécuté la décision d'utiliser le nom de domaine «pneusonline.com» (puis le même nom commercial) avant que la Société DELTICOM AG ne réserve les noms de domaine litigieux ; que le nom de domaine «pneus-online.com» qui réunissait deux mots ordinairement utilisés de manière tout à fait séparée, présentait à l'époque de son choix une certaine originalité et n'était pas purement descriptif ; que la Société DELTICOM AG a fait la preuve de sa mauvaise foi lorsque, dûment avertie de l'existence de ce nom de domaine et de son utilisation par la Société PNEUS-ONLINE SUISSE, son concurrent, elle a persévéré (en recourant au stratagème consistant à rédiger les pages d'accueil en langue allemande tout en ménageant à la clientèle française un accès très aisé au site «123pneus.com») à exploiter les sites litigieux dont elle ne pouvait ignorer qu'ils créaient ou risquaient de créer, en raison de la proximité des noms utilisés, une grande confusion dans l'esprit des internautes ; qu'enfin, la Société DELTICOM AG a faussé le jeu normal de la concurrence en n'appliquant pas le taux de TVA en vigueur (arrêt, p. 7 et 8) ;

1°) ALORS QUE les juges ne sauraient dénaturer les documents de la cause ; que la note de frais et honoraires du 26 avril 2001 et le contrat d'hébergement de la Société MEDIALOOK avaient pour objet des demandes de création de sites Internet ; qu'ils ne mentionnaient pas la date de la mise en service du site «pneus-online.com» ; qu'en affirmant que ces documents permettaient de démontrer que la Société PNEUSONLINE SUISSE avait utilisé le nom de domaine «pneus-online.com» avant que la Société DELTICOM AG réserve le nom de domaine «pneuonline.com», le 15 juin 2001, la Cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ces écrits, a violé l'article 1134 du Code civil ;

2°) ALORS QUE ne commet pas un acte de concurrence déloyale et parasitaire, celui qui utilise un nom de domaine descriptif ; qu'en affirmant, pour décider que la Société DELTICOM AG avait commis un acte de concurrence déloyale en utilisant un nom de domaine ressemblant à celui de «pneus-online.com», que le rapprochement des noms «pneus» et «online» ne constituait pas un nom de domaine descriptif, sans nullement caractériser le caractère original de ce rapprochement, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

3°) ALORS QU' en ajoutant, pour décider que la Société DELTICOM AG avait commis un acte de concurrence déloyale et parasitaire en utilisant le nom de domaine ressemblant à celui de «pneusonline.com», qu'elle avait agi de mauvaise de foi en exploitant les sites litigieux, quand les noms de domaines litigieux étaient descriptifs, de sorte que leur utilisation ne démontrait pas la mauvaise foi de la Société DELTICOM AG, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

4°) ALORS QUE le fait de commercialiser moins cher des produits similaires, qui relève de la liberté du commerce, ne constitue pas à lui seul un acte de concurrence déloyale et parasitaire ; qu'en ajoutant, pour décider que la Société DELTICOM AG, avait commis un acte de concurrence déloyale et parasitaire en utilisant le nom de domaine ressemblant à celui de «pneus-online.com», qu'elle avait faussé le jeu normal de la concurrence en n'appliquant pas le taux de TVA en vigueur, quand la seule circonstance qu'elle ait commercialisé des produits moins chers que ceux de ses concurrents ne suffisait pas à établir qu'elle ait faussé le jeu de la concurrence, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société DELTICOM AG à payer à la Société PNEUS-ONLINE SUISSE la somme de 300.000 € à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE le comportement doublement fautif de la Société DELTICOM AG a fait perdre à la Société PNEUS-ONLINE SUISSE une chance de conquérir une part plus importante du marché, alors émergent, de la vente de pneus en ligne ; qu'en tenant compte des chiffres d'affaires réalisés par les parties en 2003 (520.000 € pour la Société PNEUS-ONLINE SUISSE et 1.000.000 € pour la Société DELTICOM AG), du taux d'accroissement de ces chiffres d'affaires au cours des années suivantes (multipliés par 4 en 2004 et par 2 en 2005), mais également de l'expérience plus importante de la Société DELTICOM AG dans le domaine de la vente de pneus en ligne et de la présence d'autres concurrents sur le marché concerné, la perte de chance subie par la Société PNEUS-ONLINE SUISSE peut être évaluée à 300.000 € (arrêt, p. 8) ;

ALORS QUE la réparation d'un dommage, qui doit être intégrale, ne peut excéder le montant du préjudice ; qu'en tenant compte, pour condamner la Société DELTICOM AG à verser à la Société PNEUSONLINE SUISSE la somme de 300.000 € au titre de la réparation de la perte de chance subie du fait de l'utilisation des sites litigieux, du chiffre d'affaires réalisé sur l'ensemble du marché de la vente de pneus en ligne, quand la Société PNEUS-ONLINE SUISSE avait seulement été privée de la chance d'obtenir une part du marché visé par les sites litigieux, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.



Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils pour les sociétés Pneus Online Suisse et Pneus Online (demanderesses au pourvoi incident).

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande des sociétés appelantes tendant à obtenir le transfert des noms de domaine www.pneuonline.com, www.pneusonline.com et www.pneu-online.com à la société PNEUS-ONLINE SARL ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE les premiers juges ont à juste titre rejeté la demande de la société PNEUS-ONLINE SUISSE tendant à un transfert de noms de domaine susceptible d'accroître encore la confusion créée dans l'esprit des internautes par les agissements de la société DELTICOM AG ;


ALORS QUE dans leurs écritures du 6 septembre 2007, les sociétés appelantes faisaient valoir que le jugement doit être réformé en ce qu'il a, sans la moindre explication, rejeté la demande de transfert des noms de domaine enregistrés par la société DELTICOM en fraude des droits des sociétés appelantes, qu'il s'agissait de la mesure la plus adéquate pour faire cesser la spoliation dont a été victime la société PNEUS-ONLINE et la restituer dans ses droits ; qu'en effet, la mesure d'interdiction d'usage des noms de domaine litigieux prononcée par le Tribunal constitue une demie-mesure qui empêche également à la société PNEUS-ONLINE d'exploiter ces noms de domaine qui restent enregistrés au nom de la société DELTICOM qui veille scrupuleusement à les maintenir en vigueur pour empêcher leurs nouveaux dépôts par la société PNEUS-ONLINE (cf. p. 32 et 33 des conclusions) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen essentiel par rapport à une réparation adéquate et à une réparation intégrale, la Cour méconnaît les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile, ensemble le principe de la réparation intégrale.



site réalisé avec
Baumann Avocat Droit des affaires

Cette décision est visée dans la définition :
Concurrence


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.