par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 20 janvier 2010, 08-43250
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, chambre sociale
20 janvier 2010, 08-43.250

Cette décision est visée dans la définition :
Évincer / Il s'évince)




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Barioux à compter du 9 juin 1998 en qualité de manutentionnaire et a été été muté, à compter du 1er octobre 2001, au sein de la société Les Jardins de Provence, dans son établissement de Lyon, en qualité de vendeur manutentionnaire ; que dans le cadre d'un avenant n° 37 du 3 mars 2000 sur la réduction du temps de travail à 35 heures à la convention collective du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers, la société Les Jardins de Provence a mis en oeuvre, à compter du 1er octobre 2001, un régime de modulation du temps de travail sur l'année ; qu'après avoir été en arrêt maladie à la suite d'un accident du travail survenu le 9 avril 2003, M. X... a été déclaré inapte à son emploi par le médecin du travail, le 6 juin 2006 ; que l'employeur, en l'absence de délégués du personnel dans l'entreprise, a licencié le salarié, le 5 juillet 2006 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Les Jardins de Provence fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser à M. X... certaines sommes à titre d'heures supplémentaires pour les années 2001, 2002 et 2003 et de congés payés afférents, alors, selon le moyen, qu'en application de l'article 6-3 de l'avenant n° 37 du 3 mars 2000, relatif à la réduction du temps de travail, de la convention collective nationale du commerce de détail des fruits, légumes, épicerie, produits laitiers, le paiement des heures supplémentaires suit le régime de la législation en vigueur, les heures effectuées entre la 35e et la 39e heure donnant lieu à la bonification prévue par la loi du 19 janvier 2000 ; qu'en application de l'article V-1 et 2 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, modifiée par la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003, d'une part, pendant la première année civile au cours de laquelle la durée hebdomadaire est fixée à 35 heures, chacune des quatre premières heures supplémentaires effectuées donne lieu à la bonification prévue au premier alinéa du I de l'article L. 212-5 du code du travail au taux de 10 %, d'autre part, que dans l'attente de la convention ou de l'accord de branche mentionné au I de l'article L. 212-5 du code du travail, le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires applicables aux entreprises de vingt salariés au plus, reste fixé à 10 % au plus tard jusqu'au 31 décembre 2005 ; qu'il s'en évince que M. X... ne pouvait prétendre en tout état de cause à une majoration supérieure à 10 % pour les heures supplémentaires effectuées entre la 36e et la 39e heure ; et qu'en lui allouant un rappel de salaire sur la base d'un taux majoré à 25 %, la cour d'appel a violé l'article 6-3 de l'avenant n° 37 du 3 mars 2000 et l'article V-1 et V-2 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 modifiée par la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que le régime de modulation mis en place dans l'entreprise était inopposable au salarié faute pour l'employeur, en l'absence de représentant du personnel, d'avoir informé préalablement l'ensemble des salariés conformément aux dispositions de l'article 5 de l'avenant n° 37 du 3 mars 2000 sur la réduction du temps de travail, la cour d'appel en a exactement déduit que chacune des quatre premières heures supplémentaires, de la 36e à la 39e, donnait lieu à une bonification de 25 % en application de l'article L. 212-5 dans sa rédaction alors applicable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner la société Les Jardins de Provence à payer à M. X... une indemnité au titre de l'article L. 122-32-7 devenu L. 1226-15 du code du travail pour manquement à son obligation de reclassement, la cour d'appel, après avoir rappelé l'obligation pour l'employeur, avant de proposer un poste de reclassement au salarié, de recueillir l'avis des délégués du personnel sur les possibilités de reclassement, énonce que si la société produit un procès-verbal de carence daté du 10 décembre 2004 et un courrier de transmission daté du 15 décembre 2004 adressé à la direction départementale du travail et de l'emploi de Vienne, ces documents qui n'ont pas été adressés par lettre recommandée avec accusé de réception n'ont pas date certaine et qu'aucun autre élément du dossier ne permet de conclure que la société a respecté les dispositions légales ;

Qu'en statuant ainsi alors que le salarié avait fondé sa demande en paiement sur l'irrégularité de la procédure ayant abouti à l'établissement du procès-verbal de carence, sans remettre en cause la réalité du procès-verbal établi le 10 décembre 2004 ni invoquer la fausseté des documents produits par l'employeur, la cour d'appel qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Les Jardins de Provence à payer à M. X... la somme de 17 760 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 21 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille dix.

Le conseiller referendaire rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils pour la société Les jardins de Provence

PREMIER MOYEN DE CASSATION


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société LES JARDINS DE PROVENCE à payer à Monsieur X... les sommes de 861,86 € et de 86,18 € à titre de rappels d'heures supplémentaires et d'indemnité de congés payés afférente.

AUX MOTIFS QU'il n'était pas contestable ni même contesté que la société LES JARDINS DE PROVENCE, relevant de la convention collective du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers, pouvait recourir à la modulation du temps de travail prévue à l'avenant n° 37 du 3 mars 2000 ; qu'il convenait cependant de relever qu'aux termes de ce texte, l'employeur, qui peut opter soit pour une modulation élargie soit pour une modulation réduite, doit informer les salariés et consulter préalablement les représentants du personnel s'ils existent ; qu'il doit également fixer le calendrier prévisionnel de la modulation sur une période de 12 mois ou sur une partie de cette période et le communiquer aux salariés au plus tard 7 jours ouvrés avant le début de la période et le transmettre à l'inspection du travail ; qu'en l'espèce, la société LES JARDINS DE PROVENCE, qui se contentait d'invoquer l'absence de remarque de la part de l'inspection du travail, ne justifiait nullement du respect de ces obligations ; qu'il convenait de conclure que l'accord de modulation dont faisait état la société LES JARDINS DE PROVENCE pour justifier le paiement des heures supplémentaires à un taux majoré de 10% au lieu de 25% était inopposable à Monsieur X... ; qu'il convenait donc sur la base d'un taux majoré de 25% au lieu de 10% de faire droit à la demande du salarié en paiement de 101,71 au titre du mois de décembre 2001, 575,03 € au titre du mois de décembre 2002 et de 185,12 € au titre du mois de décembre 2003

ALORS QUE, en application de l'article 6-3 de l'avenant n° 37 du 3 mars 2000, relatif à la réduction du temps de travail, de la convention collective nationale du commerce de détail des fruits, légumes, épicerie, produits laitiers, le paiement des heures supplémentaires suit le régime de la législation en vigueur, les heures effectuées entre la 35ème et la 39ème donnant lieu à la bonification prévue par la loi du 19 janvier 2000 ; qu'en application de l'article V-1 et 2 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, modifiée par la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003, d'une part, pendant la première année civile au cours de laquelle la durée hebdomadaire est fixée à 35 heures, chacune des quatre premières heures supplémentaires effectuées donne lieu à la bonification prévue au premier alinéa du I de l'article L.212-5 du Code du travail au taux de 10%, d'autre part, que dans l'attente de la convention ou de l'accord de branche mentionné au I de l'article L.212-5 du Code du travail, le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires applicables aux entreprises de vingt salariés au plus, reste fixé à 10% au plus tard jusqu'au 31 décembre 2005 ; qu'il s'en évince que Monsieur X... ne pouvait prétendre en tout état de cause à une majoration supérieure à 10% pour les heures supplémentaires effectuées entre la 36ème et la 36éme heure ; et qu'en lui allouant un rappel de salaire sur la base d'un taux majoré à 25%, la cour d'appel a violé l'article 6-3 de l'avenant n° 37 du 3 mars 2000 et l'article V-1 et V-2 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 modifiée par la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société LES JARDINS DE PROVENCE à payer à Monsieur X... la somme de 17 760 € à titre de dommages et intérêts

AUX MOTIFS QUE l'article L.122-32-5 du Code du travail dans sa rédaction issue du nouvel article L.1226-10, prévoyait que lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail, le salarié était déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur devait lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, cette proposition prenant en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications formulées par lui sur 1 » aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise ; que la consultation des délégués du personnel constituait une exigence dont l'omission rendait le licenciement illicite et entraînait la sanction prévue à l'article L.122-32-7 alinéa 1, devenu article L. 1226-15 ; que l'employeur ne pouvait se soustraire à l'obligation de recueillir l'avis des délégués du personnel au motif de leur absence, si leur mise en place était obligatoire et qu'aucun procès verbal de carence n'avait été établi conformément à l'article L.423-18, alinéa 5, du Code du travail, devenu article L.2314-5, qui prévoyait: « Lorsque l'institution n'a pas été mise en place ou renouvelée, un procès verbal de carence est établi par l'employeur ; l'employeur affiche le procès verbal dans l'entreprise et le transmet dans les quinze jours à l'inspecteur du travail qui en envoie copie aux organisations syndicales de salariés du département concerné.» ; qu'en l'espèce, Monsieur X... avait été licencié par lettre du 5 juillet 2006 au motif de son inaptitude au poste de manutentionnaire/vendeur et de l'absence de poste susceptible de lui convenir compte tenu des prescriptions de la médecine du travail malgré les recherches actives de reclassement au sein du groupe ; que cette lettre ne faisait pas état de la consultation des délégués du personnel ; que si la société LES JARDINS DE PROVENCE produisait un procès verbal de carence daté du 10 décembre 2004, un courrier de transmission daté du 15 décembre 2004 adressé à la DDTE de VIENNE dans l'Isère, ces documents qui n'avaient pas été adressés par lettre recommandée avec accusé de réception n'avaient pas date certaine et aucun autre élément du dossier ne permettait de conclure que la société LES JARDINS DE PROVENCE avait respecté les dispositions susvisées ; qu'il convenait de faire application du nouvel article L.1226-15 du Code du travail et d'accorder à Monsieur X... la somme de 17 760 € à titre de dommages et intérêts.

ALORS QUE, D'UNE PART, aucune disposition légale n'impose à l'employeur de transmettre le procès verbal de carence, établi à l'issue du second tour des élections, par lettre recommandée avec avis de réception à l'inspection du travail, et qu'il justifie suffisamment de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de consulter les délégués du personnel en produisant régulièrement le procès verbal de carence établi à l'issue du second tour ; et qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a constaté que la société LES JARDINS DE PROVENCE avait produit un procès verbal de carence daté du 10 décembre 2004 et un courrier de transmission daté du 15 décembre 2004 adressé à la DDTE de VIENNE, a, en refusant de tenir compte de ces documents qui n'avaient pas été adressés par lettre recommandée à la DDTE, violé les articles L.1226-10, L.1226-15 et 2314-5 du Code du travail.

ALORS QUE, D'AUTRE PART, Monsieur X..., qui dans ses conclusions d'appel constatait que la société exposante avait versé aux débats le procès verbal de carence aux élections du mois d'octobre 2004 en observant qu'elle ne justifiait pas de ce que ce procès verbal avait été régulièrement transmis à l'inspection du travail (p. 13), ne contestait pas la réalité du procès verbal établi le 10 décembre 2004, de telle sorte qu'en relevant qu'il n'avait pas date certaine, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile

ALORS QUE, DE PLUS, en soulevant d'office le moyen tiré de l'absence de date certaine du procès verbal de carence sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, ce qui a privé la société LES JARDINS DE PROVENCE de la possibilité d'établir par tous moyens que le procès verbal avait bien été dressé à la date de sa signature du 10 décembre 2004, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.

ALORS QU'ENFIN, si la charge d'établir l'impossibilité de consulter les délégués du personnel sur le reclassement d'un salarié déclaré inapte à l'emploi par le médecin du travail incombe à l'employeur, cette preuve est rapportée par la production du procès verbal de carence établi â l'issue du second tour, dont il appartient alors à celui qui en conteste l'authenticité d'en établir la fausseté ; et qu'en faisant peser sur la société LES JARDINS DE PROVENCE la preuve supplémentaire d'établir la date certaine du procès verbal de carence daté et signé le 10 décembre 2004, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil.



site réalisé avec
Baumann Avocats Contrats informatiques

Cette décision est visée dans la définition :
Évincer / Il s'évince)


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.