par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 14 octobre 2009, 08-10955
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, 3ème chambre civile
14 octobre 2009, 08-10.955

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Bail d'habitation
Propriété commerciale




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Vu leur connexité, joint les pourvois n° J 08 17.750 et n° Y 08 10.955 ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° J 08 17.750 :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3 mai 2005) que M. X..., qui a acquis le 8 septembre 1989 un fonds de commerce de boulangerie exploité dans des locaux appartenant à la société civile immobilière Compagnie de gestion immobilière (la SCI), a assigné cette dernière aux fins, notamment, de la voir condamner à exécuter dans les lieux donnés à bail servant à l'habitation principale du preneur des travaux permettant l'installation des éléments d'équipement et de confort visés à l'article 3 du décret n° 2002 120 du 30 janvier 2002 ;

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ que les dispositions de l'article 1719, 1° du code civil, prévoyant que le bailleur est obligé de délivrer au preneur un "logement décent", "s'il s'agit de son habitation principale", ne sont pas applicables au bail commercial ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que le bail litigieux était un bail commercial ; qu'en jugeant néanmoins que le preneur aurait été en droit d'invoquer le texte susvisé, pour contraindre le bailleur à faire en sorte que le local loué puisse servir de "logement décent", la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1719, 1° du code civil ;

2°/ que, subsidiairement, les dispositions de l'article 1719, 1° du code civil, prévoyant que le bailleur est obligé de délivrer au preneur un "logement décent", "s'il s'agit de son habitation principale", ne sont pas applicables quand les parties à un contrat de bail n'ont pas convenu que le local loué serait à usage d'habitation ; que la société civile immobilière Compagnie de gestion immobilière, bailleresse, faisait valoir qu'elle n'avait consenti qu'un bail commercial et non à usage d'habitation ; que le contrat de bail, intitulé "bail commercial", précisait que le local loué "devait être consacré par le preneur à l'activité de boulangerie pâtisserie" ; qu'en jugeant néanmoins que les dispositions susvisées relatives à la délivrance d'un "logement décent" auraient été applicables, aux seuls motifs qu'elles concerneraient la "situation effective du locataire" et "non la dénomination du bail retenue par les parties" et qu'"il n'est pas contestable" que M. X... "a son habitation principale dans une partie des locaux loués par bail commercial", sans constater que, malgré la qualification de "bail commercial" retenue par les parties, celles ci auraient été en réalité d'accord pour que le local loué soit à usage d'habitation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1719, 1° du code civil ;

3°/ que, subsidiairement, les dispositions de l'article 1719, 1° du code civil, prévoyant que le bailleur est obligé de délivrer un "logement décent", ne sont applicables que si le local loué est l'"habitation principale" du preneur ; que dans ses conclusions d'appel, la société civile immobilière Compagnie de gestion immobilière, bailleresse, contestait que le local loué était l'"habitation principale" de M. X... ; qu'en se bornant à affirmer, pour appliquer le texte susvisé, qu'"il n'est pas contestable" que M. X... "a son habitation principale dans une partie des locaux loués par bail commercial", sans s'expliquer sur les éléments qui auraient permis de justifier cette appréciation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1719,1° du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que suivant contrat du 1er septembre 1989, la SCI avait donné à bail commercial à M. X... des locaux comprenant, au rez-de-chaussée, une pièce à usage de magasin, une cuisine et deux chambres et à la suite, séparés par une cour, une farinière et un fournil, et, au deuxième étage, trois pièces, une cuisine et un WC, et ayant constaté, par motifs propres, que M. X... avait son habitation principale dans une partie des lieux loués, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant et sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que le bailleur était tenu de se conformer aux exigences de la loi relatives au logement décent délivré au locataire ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal n° Y 08-10.955 :

Vu l'article 1719 du code civil, ensemble l'article 1147 du même code ;

Attendu que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent ;

Attendu que, pour débouter M. X... de sa demande de dommages-intérêts formée à l'encontre de la SCI pour le préjudice subi du fait de l'indécence de son logement, l'arrêt attaqué (Lyon, 12 septembre 2006), rendu à la suite de l'expertise judiciaire ordonnée par la cour d'appel dans son précédent arrêt du 3 mai 2005 afin de déterminer les travaux nécessaires pour rendre le logement décent, retient que si le logement ne correspondait pas aux normes du décret du 30 janvier 2002, M. X... n'a formé une demande de respect des dispositions de ce texte que dans le cadre de la présente procédure et qu'il n'est dès lors pas fondé à solliciter des dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait du comportement à cet égard de la SCI ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la SCI n'avait pas délivré au preneur un logement décent, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi incident formé sur le pourvoi n° Y 08-10.955, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission de ce pourvoi ;


PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 3 mai 2005 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de dommages et intérêts, l'arrêt rendu le 12 septembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la SCI Compagnie de gestion immobilière aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la SCI Compagnie de gestion immobilière ; la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL n° Y 08 10.955 par Me Blanc, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X..., locataire, de sa demande en paiement de dommages et intérêts contre la société C.G.I. pour le préjudice subi du fait de l'indécence de son logement

Aux motifs que si le logement ne correspondait pas aux normes du décret du 30 janvier 2002, Monsieur X... n'avait formé une demande de respect des dispositions de ce texte que dans le cadre de la présente procédure ; qu'il n'était dès lors pas fondé à solliciter des dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du comportement à cet égard du bailleur ;

Alors que le bailleur doit indemniser son locataire du préjudice causé par le manquement à l'obligation de délivrer un logement décent ; qu'en ayant débouté Monsieur X... de sa demande après avoir constaté que le logement ne correspondait pas aux normes relatives à la décence, la cour d'appel a violé l'article 1719 du code civil.

Moyen produit AU POURVOI INCIDENT n° Y 08 10.955 par la SCP Tiffreau, avocat aux Conseils, pour la SCI Compagnie de gestion immobilière.

Il est reproché à la Cour d'appel d'avoir « condamné la SCI Compagnie de gestion Immobilière à exécuter l'ensemble des travaux de mise aux normes indiquées par l'expert Z... dans son rapport du 22 août 2005 (...»),

AUX MOTIFS QUE « la SCI se déclare disposée à faire exécuter les travaux mentionnés par l'expert à l'exception toutefois d'un chauffage électrique qui existait mais qui a été désinstallé par M X... et d'une cuisine enlevée par ce dernier ; que M X... conteste ces suppressions ; que la SCI intimée ne produit aucun document justifiant de ses affirmations quant aux modifications opérées par M X..., la mention insérée dans le rapport du 18 avril 1998 de l'expert A... (page 7) « l'appartement est en cours de réaménagement par M X... lui-même » n'impliquant nullement, contrairement à ce qu'elle avance, que ce locataire ait modifié l'agencement des lieux »,

ALORS QUE 1°), la cassation de l'arrêt du 3 mars 2005 de la même Cour d'appel, ayant « condamné la SCI Compagnie de Gestion Immobilière à exécuter dans les lieux donnés à bail servant à l'habitation de Monsieur X... les travaux permettant l'installation des éléments d'équipement et de confort visés à l'article 3 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 » et qui a été frappé de pourvoi par la SCI COMPAGNIE DE GESTION IMMOBILIERE, entraînera l'annulation de plein droit de l'arrêt présentement attaqué, par application de l'article 625 du Code de procédure civile.

ALORS QUE 2°), au surplus, en fondant l'arrêt présentement critiqué sur le motif pris de ce que M. X... « conteste ces suppressions » du « chauffage électrique qui existait mais qui a été désinstallé par M X... et d'une cuisine enlevée par ce dernier » (p. 2), la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige et, par suite, violé les articles 4 du Code de procédure civile et 1134 du Code civil.

Moyen produit AU POURVOI n° J 08 17.750 par la SCP Tiffreau, avocat aux Conseils, pour la SCI Compagnie de gestion immobilière.

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR « condamné la SCI Compagnie de Gestion Immobilière à exécuter dans les lieux donnés à bail servant à l'habitation de Monsieur X... les travaux permettant l'installation des éléments d'équipement et de confort visés à l'article 3 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 »,

AUX MOTIFS QUE « sur la mise en conformité des locaux d'habitation :

« attendu que, se prévalant de la loi dite SRU du 13 décembre 2000 qui fait obligation au bailleur de délivrer un logement décent s'il s'agit de son habitation principale et du décret d'application du 30 janvier 2002 fixant les obligations du bailleur quant aux caractéristiques d'un logement décent, Monsieur X... réclame de la société bailleresse l'exécution sous astreinte de travaux de mise aux normes ;

« attendu que le premier juge a rejeté cette demande au motif que les dispositions de l'article 1719-1er du Code civil, modifié par la loi du 13 décembre 2000, ne pouvait s'appliquer en présence d'un bail exclusivement commercial, ce qui est le cas en l'espèce ;

« que la SCI COMPAGNIE DE GESTION IMMOBILIERE avance que la loi du 13 décembre 2000 ne s'applique qu'aux seuls locaux soumis à la loi du 6 juillet 1989 et qu'elle n'est pas d'ordre public, partant ne s'applique pas aux contrats en cours ;

« que les dispositions de l'article 187-1 de la loi du 13 décembre 2000, intégrées à l'article 1719-1er du Code civil relatives à la délivrance d'un logement décent sont d'ordre public ;

« qu'il en résulte d'une part qu'elles se sont appliquées aux contrats en cours lors de la promulgation de la loi, d'autre part qu'elles concernent la situation effective du locataire non la dénomination du bail retenue par les parties ;

« qu'il n'est pas contestable que Monsieur X... a son habitation principale dans une partie des locaux loués par bail commercial ; que cette situation oblige dès lors la bailleresse à se conformer aux exigences de la loi susvisée du 13 décembre 2000 relatives au logement décent délivré au locataire ;

« que Monsieur X... sera en conséquence accueilli en sa prétention tendant à voir exécuter les travaux de mise aux normes (…) »,

ALORS QUE 1°), les dispositions de l'article 1719, 1° du Code civil, prévoyant que le bailleur est obligé de délivrer au preneur un « logement décent », « s'il s'agit de son habitation principale », ne sont pas applicables au bail commercial ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que le bail litigieux était un bail commercial ; qu'en jugeant néanmoins que le preneur aurait été en droit d'invoquer le texte susvisé, pour contraindre le bailleur à faire en sorte que le local loué puisse servir de « logement décent », la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1719, 1° du Code civil,

ALORS QUE 2°), subsidiairement, les dispositions de l'article 1719, 1° du Code civil, prévoyant que le bailleur est obligé de délivrer au preneur un « logement décent », « s'il s'agit de son habitation principale », ne sont pas applicables quand les parties à un contrat de bail n'ont pas convenu que le local loué serait à usage d'habitation ; que la SCI COMPAGNIE DE GESTION IMMOBILIERE, bailleresse, faisait valoir qu'elle n'avait consenti qu'un bail commercial et non à usage d'habitation ; que le contrat de bail, intitulé « bail commercial », précisait que le local loué « devait être consacré par le preneur à l'activité de boulangerie pâtisserie » (cf. les conclusions d'appel de l'exposante, p. 8) ; qu'en jugeant néanmoins que les dispositions susvisées relatives à la délivrance d'un « logement décent » auraient été applicables, aux seuls motifs qu'elles concerneraient la « situation effective du locataire » et « non la dénomination du bail retenue par les parties », et qu'« il n'est pas contestable » que Monsieur X... « a son habitation principale dans une partie des locaux loués par bail commercial », sans constater que, malgré la qualification de « bail commercial » retenue par les parties, celles-ci auraient été en réalité d'accord pour que le local loué soit à usage d'habitation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1719, 1° du Code civil,

ALORS QUE 3°), subsidiairement, les dispositions de l'article 1719, 1° du Code civil, prévoyant que le bailleur est obligé de délivrer un « logement décent », ne sont applicables que si le local loué est l'« habitation principale » du preneur ; que dans ses conclusions d'appel (p. 8), la SCI COMPAGNIE DE GESTION IMMOBILIERE, bailleresse, contestait que le local loué était l'« habitation principale » de Monsieur X... ; qu'en se bornant à affirmer, pour appliquer le texte susvisé, qu'« il n'est pas contestable » que Monsieur X... « a son habitation principale dans une partie des locaux loués par bail commercial », sans s'expliquer sur les éléments qui auraient permis de justifier cette appréciation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1719, 1° du Code civil.



site réalisé avec
Baumann Avocats Contentieux informatique

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Bail d'habitation
Propriété commerciale


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.