par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 1er juillet 2009, 07-44198
Dictionnaire Juridique
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Cour de cassation, chambre sociale
1er juillet 2009, 07-44.198
Cette décision est visée dans la définition :
Harcèlement moral
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° M 07-44.198 et E 07-44.284 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., qui était employée depuis le 1er septembre 1966 en qualité d'agent comptable au sein de différents organismes de sécurité sociale, et en dernier lieu de la CPAM de Montpellier depuis le 1er août 2000, a saisi la juridiction prud'homale le 19 juillet 2005 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et de paiement de diverses indemnités au titre de la rupture et de dommages-intérêts pour préjudice moral résultant d'un harcèlement moral ;
Sur le moyen unique du pourvoi de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer des dommages-intérêts pour harcèlement moral alors, selon le moyen, que s'il est, en principe, tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment en matière de harcèlement moral, ladite obligation devient une obligation de moyen lorsque l'employeur, comme en l'espèce, ne dispose ni du pouvoir de nomination, ni du pouvoir de mettre fin aux fonctions de l'agent accusé de harcèlement et où il ne dispose à son égard que d'un pouvoir disciplinaire très limité ; que si le directeur de la caisse est, par l'effet de l'article L. 217-3, alinéa 5, du code de la sécurité sociale, réputé être le salarié de l'organisme où il exerce ses fonctions, cet organisme, en l'occurrence la CPAM, ne dispose à son égard d'aucune des prérogatives qui caractérisent un contrat de travail dans la mesure où elle ne dispose ni du pouvoir de le nommer à ses fonctions, ni de celui d'y mettre fin, par application des dispositions de l'article L. 217-3-1 du code de la sécurité sociale, et où elle ne dispose à son égard que d'un pouvoir disciplinaire très limité ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si l'absence de pouvoir de la CPAM de Montpellier à l'égard de son directeur ne l'exonérait pas, ainsi qu'il était soutenu, de l'obligation de sécurité de résultat retenue par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-49, L. 122-51 et L. 230-2 du code du travail, L. 217-3-1 du code de la sécurité sociale et 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 122-51 devenu L. 1152-4 du code du travail, il appartient à l'employeur de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ; que la cour d'appel qui n'avait pas à procéder à une recherche inopérante, a retenu que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité de résultat ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi de la salariée :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et des demandes subséquentes de paiement de diverses indemnités au titre de la rupture alors, selon le moyen, que pour apprécier le caractère fondé ou non d'une demande en résiliation judiciaire, le juge doit se placer au jour où cette demande en résiliation judiciaire a été formée ; qu'en décidant néanmoins qu'elle devait se placer au jour où elle statuait, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil ;
Mais attendu que les juges du fond, saisis d'une demande de résiliation judiciaire d'un contrat de travail, disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si les manquements établis à l'encontre de l'employeur sont suffisamment graves pour justifier cette mesure ; qu'ils sont dès lors en droit de tenir compte, dans l'exercice de ce pouvoir, de toutes les circonstances de la cause intervenues jusqu'au jour de leur décision ; que la cour d'appel, après avoir constaté que les faits de harcèlement avaient cessé depuis la demande avec le départ du directeur, a, abstraction faite du motif erroné tiré de l'effet dévolutif de l'appel, estimé que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail n'était plus justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi n° M 07-44.198 par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez avocat aux Conseils pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Montpellier.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Madame Y... était fondé sur une faute grave, et d'avoir débouté la salariée de toutes ses demandes.
AUX MOTIFS QUE La lettre de licenciement d'Isabelle Y..., qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée : "Je vous notifie par la présente votre licenciement pour faute grave, aux motifs suivants : Accusations calomnieuses sans fondement aucun auprès des autorités (inspection du travail, DDASS, Président de l'ATSU) me concernant et m'imputant pression et harcèlement moral envers tout le personnel de l'entreprise ; Accusation inadmissible, intolérable par principe, d'autant qu'elle n'est justifiée en rien et par quoi que ce soit; Accusation d'autant plus grave que je viens de reprendre l'entreprise, que j'ai besoin de travail pour pouvoir assurer sa pérennité, que cela suppose un avis favorable de la DDASS dans notre activité, une bonne appréciation de l'entreprise par tous les services de l'Etat concernés, l'absence de réputation négative auprès de la profession et donc des concurrents qui n'hésitent pas à faire feu de tout bois pour prendre notre place; Or, en écrivant à la DDASS et à nos concurrents au travers de l'ATSU vous avez porté atteinte à ma réputation et à celle de l'entreprise, mettant en danger son avenir et celui des salariés qui veulent y travailler; Malheureusement, ce n'est que l'aboutissement d'un comportement totalement irresponsable adopté depuis quelques temps et rendant impossible des relations contractuelles dans des conditions normales de collaboration, tout étant prétexte à contestations, opposition, propos systématiquement négatifs sur tout, comportement agressif, manifestant un refus de mon autorité et la non acceptation de ma prise en charge de l'entreprise"; Ce second grief, rédigé en des termes vagues, n'est étayé d'aucun élément précis de nature à permettre l'examen de sa réalité et de son sérieux. En revanche, il ressort des pièces du dossier que le 15 février 2006, Isabelle Y... a adressé à l'employeur une lettre recommandée avec AR l'informant qu'elle n'assurerait plus aucune permanence, étant à temps partiel et rappelant qu'elle n'avait pas signé l'accord de modulation, mais terminant ainsi ce courrier : "je vous demanderai de bien vouloir cesser la pression et le harcèlement moral de votre part envers tout le personnel de l'entreprise". L'intéressée a communiqué une copie de cette lettre à l'inspection du travail, à la DDASS et à l'ATSU, diffusant ainsi des accusations graves et totalement infondées aux partenaires de l'EURL, notamment aux organismes chargés de délivrer les agréments permettant le fonctionnement de cette société d'ambulances et mettant ainsi gravement en danger la réputation et le devenir de l'entreprise, le président de l'ATSU lui demandant par courrier du 21 février 2006 de tenir l'association à l'écart de ce contentieux qui lui était étranger. Cette manoeuvre de la salariée, destinée à jeter le discrédit sur la société qui l'employait, constitue la faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant le temps limité du préavis. Il convient par conséquent de réformer dans ce sens le jugement déféré et de débouter mademoiselle Y... de ses demandes de dommages-intérêts, du salaire, d'une mise à pied parfaitement justifiée et des indemnités de licenciement et de préavis et congés payés afférents.
ALORS QUE d'une part, si le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors d'elle, de sa liberté d'expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, il ne peut abuser de cette liberté par des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs ; qu'à défaut d'avoir recherché en quoi la restriction apportée par l'EURL BILLY à la liberté d'expression de la salariée constituait une atteinte justifiée et proportionnée à sa liberté d'expression, la Cour d'appel a violé les articles L 120-2 et L 122-14-3 du code du travail;
ALORS QUE d'autre part, le seul fait pour un salarié de porter à la connaissance des autorités légitimes des violations de la loi par son employeur ne saurait constituer une faute grave; qu'en réputant fondé sur une faute grave le licenciement de la salariée, alors que celle-ci n'avait fait que porter à la connaissance des autorités administratives une situation d'illégalité devenue intolérable, et à laquelle l'employeur n'avait pas cherché à porter remède, la Cour d'appel a violé l'article L 122-14-3 du code du travail.
ALORS QUE de troisième part, Madame Y... faisait valoir dans ses écritures d'appel que les invectives adressées par elle à son employeur répondaient à un manquement contractuel manifeste et réitéré de la part de celui-ci eu égard aux stipulations contractuelles relatives à la fixation des horaires de travail ; que la cour d'appel qui a laissé sans réponse ce moyen essentiel a entaché sa décision d'un défaut de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.
Moyen produit au pourvoi n° E 07-44.284 par Me Haas, avocat de Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme X... de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la CPAM de Montpellier et des demandes subséquentes en paiement de diverses indemnités de rupture ;
AUX MOTIFS QUE l'employeur débiteur envers son salarié d'une obligation de sécurité de résultat doit être déclaré responsable des conséquences dommageables du harcèlement moral subi par la salariée ; que le contrat de travail étant un contrat à exécution successive, le juge doit se placer, en vertu de l'objet dévolutif de l'appel, pour apprécier le caractère fondé ou non d'une demande de résiliation judiciaire, au jour où il statue ; que la demande présentée par Mme X... pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, étant fondée sur le harcèlement moral qu'elle subissait et l'inaction de l'employeur, force est de constater que depuis juillet 2005, le directeur Bertin a quitté la CPAM de Montpellier et qu'ainsi la demande de résiliation ne se trouve plus fondée aujourd'hui ;
ALORS QUE pour apprécier le caractère fondé ou non d'une demande en résiliation judiciaire, le juge doit se placer au jour où cette demande en résiliation judiciaire a été formée ; qu'en décidant néanmoins qu'elle devait se placer au jour où elle statuait, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil.
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Cette décision est visée dans la définition :
Harcèlement moral
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.