par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 5 octobre 2017, 16-23050
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
5 octobre 2017, 16-23.050

Cette décision est visée dans la définition :
Avocat




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, que M. et Mme X... ont confié à M. Y... (l'avocat) la défense de leurs intérêts dans un procès pour contrefaçon et concurrence déloyale, la somme de 75 000 euros leur étant demandée à titre de dommages-intérêts ; qu'une convention d'honoraires a été conclue prévoyant notamment : « A l'issue de la procédure, en cas de succès, il pourra être sollicité un complément d'honoraire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. Lorsque le résultat porte sur un intérêt pécuniaire, l'honoraire complémentaire sera de 15 % HT du profit réalisé ou/et des pertes évitées par la décision judiciaire rendue » ; que, par un jugement devenu irrévocable, un tribunal, déboutant les adversaires de M. et Mme X... de leur demande pour contrefaçon et rejetant les demandes reconventionnelles présentées par ces derniers, a condamné M. et Mme X... à payer à leurs adversaires les sommes de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et de 2 000 euros pour frais irrépétibles ; qu'à la suite d'un différend portant notamment sur le paiement de l'honoraire de résultat, l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre d'une demande en fixation de celui-ci ;

Attendu que, pour rejeter la demande de l'avocat en fixation d'un honoraire de résultat, l'ordonnance énonce que si une partie des demandes a été rejetée, M. et Mme X... ont néanmoins été condamnés ; que la notion de « succès » ne doit pas être laissée à l'appréciation discrétionnaire de l'avocat rédacteur de la convention d'honoraires ; que le terme étant insuffisamment défini et ambigu, la convention doit s'interpréter contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation, en application de l'article 1162 du code civil ; que le jugement n'a pas constitué, pour M. et Mme X..., une réussite, un résultat heureux, car ils ne sont pas parvenus au résultat souhaité qui aurait été, non seulement, le rejet des prétentions adverses, mais encore le succès de leurs demandes indemnitaires ; qu'en conséquence, la condition d'application d'un honoraire de résultat n'a pas été réalisée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la convention d'honoraire définit le succès comme un profit réalisé ou des pertes évitées, le premier président, qui avait constaté que l'avocat de M. et Mme X... leur avait évité la perte d'une somme de 68 000 euros en limitant, compte tenu de la demande en dommages-intérêts d'un montant de 75 000 euros, leur condamnation à celle de 7 000 euros, a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle rejette la demande de fixation de l'honoraire de résultat de M. Y..., l'ordonnance rendue le 28 juin 2016, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel d'Angers ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. Y...

IL EST FAIT GRIEF à l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir rejeté la demande de fixation d'un honoraire de résultat présentée M. Y... et sa demande relative aux frais de mesure conservatoire ;

AUX MOTIFS QUE la convention d'honoraires prévoyait un honoraire de résultat, lequel était soumis à la réalisation d'une condition : un succès à l'issue de la procédure ; qu'un succès est « une réussite, le fait de parvenir au résultat souhaité » (dictionnaire Le Robert), « un résultat heureux obtenu dans une entreprise, un travail, une épreuve sportive, etc. » (dictionnaire Larousse) ; que le tribunal de grande instance de Rennes a débouté les adversaires des époux X... de leurs demandes relatives à la contrefaçon, mais a dit que les époux X... avaient commis des actes de concurrence parasitaire et les a condamnés à payer une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'une somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ; que M. Y... a adressé une copie du jugement à ses clients par courriel du 28 juin 2013 dans lequel il écrivait : « je vous ferai part dans un courrier ultérieur de mes commentaires sur ce jugement mitigé » ; que dans sa lettre du 8 janvier 2013, l'avocat a qualifié le rejet des demandes des adversaires « d'excellent résultat », mais a considéré que la décision était assez critiquable en ce qu'elle avait condamné ses clients à payer une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'une somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles ; qu'il a estimé inopportun de faire appel ; qu'il en découle que M. Y... peut difficilement reprocher aux époux X... d'avoir accepté la décision et d'avoir admis, implicitement, qu'elle était un succès puisque c'est lui qui leur a déconseillé de faire appel ; que comme le font remarquer les époux X..., la notion de « succès » ne doit pas être laissée à l'appréciation discrétionnaire de l'avocat rédacteur de la convention d'honoraires ; que le terme étant insuffisamment défini et ambigu, la convention doit s'interpréter contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui contracté l'obligation, en application de l'article 1162 du code civil ; que le jugement du 25 juin 2013 ne constituait pas, pour les époux X..., une réussite, un résultat heureux, car ils n'étaient pas parvenus au résultat souhaité qui aurait été, non seulement, le rejet des prétentions adverses, mais encore le succès de leurs demandes indemnitaires ; qu'en conséquence, la condition d'application d'un honoraire de résultat n'a pas été réalisée ; que M. Alexis Y... sera débouté de sa demande, ainsi que de sa demande tendant à inclure les frais de mesure conservatoire dans les dépens ;

1°) ALORS QUE la convention d'honoraires stipulait « qu'à l'issue de la procédure, en cas de succès, il pourra être sollicité par M. Y... un complément d'honoraire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu (...), [lequel sera] de 15% HT du profit réalisé ou/et des pertes évitées par la décision judiciaire » ; que le succès obtenu dans une procédure s'apprécie toujours globalement et n'est pas conditionné par le rejet intégral des demandes adverses et l'accueil total des demandes du client ; qu'en affirmant cependant que la notion de succès à l'issue de la procédure était insuffisamment définie et ambiguë dans cette convention d'honoraires, pour l'interpréter et estimer que le succès de la procédure s'entendait comme le rejet de l'ensemble des prétentions adverses et le succès des demandes reconventionnelles, le premier président en a dénaturé les termes clairs et précis, violant ainsi le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

2°) ALORS QUE la convention d'honoraires déterminait le « succès » comme étant, d'une part, les « pertes évitées », c'est-à-dire la différence entre la demande adverse et le montant fixé par le juge, d'autre part, « le profit réalisé », c'est-à-dire la différence entre la demande reconventionnelle et le montant fixé par le juge ; que la demande adverse était de 75.000 € et la condamnation prononcée de 7.000 € (cf. décision du bâtonnier, p. 3), soit une « perte évitée » de 68.000 €, d'où un honoraire de résultat de 15% de cette somme, soit 10.200 € HT ; qu'il importe peu que la demande reconventionnelle, qui n'a pas été accueillie, n'ait pas donné lieu à un « profit réalisé » ; qu'en infirmant néanmoins la décision du bâtonnier qui avait alloué un honoraire de résultat de 10.200 € HT, le premier président a violé l'article 1134 du code civil.



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