par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 9 avril 2015, 13-27624
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Cour de cassation, chambre sociale
9 avril 2015, 13-27.624

Cette décision est visée dans la définition :
Temps de travail




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 11 octobre 2013), que M. X... a été engagé à compter du 1er septembre 1981 par la société Saint-Gobain (la société) en qualité de mécanicien ; qu'il exerçait en dernier lieu les fonctions de dépanneur dans le cadre d'un emploi posté selon un cycle réparti sur quatre semaines correspondant à deux semaines de nuit, une semaine de matin et une semaine d'après-midi ; que par note du 27 avril 2011, l'employeur l'a informé qu'il serait assujetti à un nouveau cycle de travail réparti sur douze semaines, à savoir huit semaines selon le cycle précédent suivi de quatre semaines incluant deux semaines le matin et deux semaines l'après-midi ; que l'intéressé, auquel il est reproché de ne pas vouloir respecter ces nouveaux horaires, a fait l'objet de deux mises à pied par lettres des 5 juillet et 25 octobre 2011 avant d'être licencié le 4 novembre 2011 ; que contestant cette rupture et invoquant des faits de harcèlement moral, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que la rémunération contractuelle ne peut pas être modifiée sans l'accord du salarié, même si la rémunération effective est supérieure à l'ancienne ; qu'en estimant que le salarié ne pouvait prétendre que son contrat de travail s'était trouvé modifié en raison du nouveau cycle de travail imposé par la société, tout en constatant que « le changement des horaires de travail occasionnait au salarié une perte de salaire de 48,76 euros par mois, dont la prime de panier, en raison des horaires de nuit », ce dont il résultait nécessairement que le contrat de travail du salarié avait été modifié unilatéralement par l'employeur sur un élément essentiel de la convention, et que le licenciement prononcé en raison du refus par le salarié de cette modification était par suite sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1134 du code civil et L. 1232-1 du code du travail ;

2°/ que la rémunération contractuelle ne peut pas être modifiée sans l'accord du salarié, même si la rémunération effective est supérieure à l'ancienne ; qu'en se bornant à énoncer que la perte de rémunération subie par le salarié « n'était pas totale, puisque son maintien lui était néanmoins garanti selon une lettre de la société du 27 avril 2011, de mai à août 2011, et qu'il lui était attribué une nouvelle prime », cependant qu'une modification même partielle de rémunération ne pouvait être unilatéralement imposée au salarié, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 1232-1 du code du travail ;

3°/ qu'en énonçant qu'il n'était pas soutenu que la part de revenus concernée par la modification avait été stipulée dans le contrat de travail, cependant qu'elle constatait que la société s'était engagée par courrier à compenser au moins partiellement la perte de revenus litigieuse, ce dont il s'évinçait nécessairement que la part de revenus en cause était contractuellement convenue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que la diminution de la rémunération résultant de la réduction des sujétions consécutive à un changement des horaires du cycle de travail ne constitue pas une modification du contrat de travail ;

Et attendu qu'ayant relevé que le changement des horaires du cycle de travail entraînait une diminution de la prime de panier, non contractuelle, liée aux horaires de nuit, la cour d'appel en a exactement déduit l'absence de modification du contrat de travail ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts relative au licenciement, alors, selon le moyen, que le licenciement prononcé à l'encontre d'un salarié pour avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral est nul ; qu'en condamnant l'employeur à verser au salarié une indemnité au titre du harcèlement moral subi par ce dernier, puis en estimant que cette condamnation ne privait pas le licenciement d'une cause réelle et sérieuse dès lors que « l'attitude injustifiée du salarié est antérieure aux faits de harcèlement retenus, de sorte que la rupture ne découle pas de ceux-ci, mais de la seule faute du salarié », tout en constatant cependant, d'une part, que les faits de harcèlement se trouvaient caractérisés par une lettre du 5 juillet 2011 adressant des reproches non fondés à M. X... et par un refus non justifié de congé au mois d'octobre 2011, et, d'autre part, que les mesures de mise à pied sanctionnant la prétendue attitude injustifiée du salarié avaient été notifiées à celui-ci par courriers des 5 juillet 2011 et 25 octobre 2011, ce dont il résultait que les faits de harcèlement moral étaient exactement contemporains des faits censés caractériser une attitude « injustifiée » du salarié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit que si le salarié avait été victime d'agissements de harcèlement moral, le refus persistant de l'intéressé de travailler selon les nouveaux horaires, seul visé par la lettre de licenciement, était antérieur aux faits de harcèlement moral de sorte que la rupture ne découlait pas de ceux-ci mais de la seule faute de ce salarié ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le rejet du premier moyen rend sans objet le deuxième moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt d'avoir débouté M. X... de sa demande tendant à la condamnation de la société Saint Gobain à lui payer la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE la modification du contrat de travail par l'employeur pour quelque cause que ce soit nécessite l'accord du salarié ; qu'en l'absence d'un tel accord, la rupture par l'employeur qui a voulu imposer une telle modification s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il est constant que le changement des horaires de travail occasionnait au salarié une perte de salaire de 48,76 € par mois, dont la prime de panier, en raison des horaires de nuit ; qu'il n'est pas soutenu que cette part des revenus ait été stipulée au contrat ; que celle-ci était liée aux contraintes causées par les horaires de nuit suivies jusqu'alors par M. X... sur directive de sa hiérarchie ; qu'il s'ensuit que leur disparition ne saurait caractériser une modification du contrat de travail ; qu'au surplus, cette perte n'était pas totale, puisque son maintien lui était néanmoins garanti selon une lettre de la société Saint Gobain du 27 avril 2011, de mai à août 2011, et qu'il lui était attribué une nouvelle prime ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la rémunération contractuelle ne peut pas être modifiée sans l'accord du salarié, même si la rémunération effective est supérieure à l'ancienne ; qu'en estimant que M. X... ne pouvait prétendre que son contrat de travail s'était trouvé modifié en raison du nouveau cycle de travail imposé par la société Saint Gobain, tout en constatant que « le changement des horaires de travail occasionnait au salarié une perte de salaire de 48,76 ¿ par mois, dont la prime de panier, en raison des horaires de nuit » (arrêt attaqué, p. 5, 1er attendu), ce dont il résultait nécessairement que le contrat de travail de M. X... avait été modifié unilatéralement par l'employeur sur un élément essentiel de la convention, et que le licenciement prononcé en raison du refus par le salarié de cette modification était par suite sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 1134 du code civil et L.1232-1 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la rémunération contractuelle ne peut pas être modifiée sans l'accord du salarié, même si la rémunération effective est supérieure à l'ancienne ; qu'en se bornant à énoncer que la perte de rémunération subie par M. X... « n'était pas totale, puisque son maintien lui était néanmoins garanti selon une lettre de la société Saint Gobain du 27 avril 2011, de mai à août 2011, et qu'il lui était attribué une nouvelle prime » (arrêt attaqué, p. 5, 1er attendu), cependant qu'une modification même partielle de rémunération ne pouvait être unilatéralement imposée au salarié, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L.1232-1 du code du travail ;

ALORS, ENFIN, QU' en énonçant qu'il n'était pas soutenu que la part de revenus concernée par la modification avait été stipulée dans le contrat de travail, cependant qu'elle constatait que la société Saint Gobain s'était engagée par courrier à compenser au moins partiellement la perte de revenus litigieuse (arrêt attaqué, p. 5, 1er attendu), ce dont il s'évinçait nécessairement que la part de revenus en cause était contractuellement convenue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1134 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande tendant à l'annulation de la mise à pied d'une journée notifiée le 5 juillet 2011 et à la condamnation de la société Saint Gobain à lui verser la somme brute de 111,82 € indûment retenue à ce titre sur la paie de novembre 2011 ;

AUX MOTIFS QU' il a été démontré que les nouveaux horaires en cause correspondaient à un simple changement des conditions de travail auxquelles M. X... ne pouvait se soustraire ; que la mise à pied était donc justifiée s'agissant de faits d'insubordination de nature à perturber le bon fonctionnement de l'entreprise ; que la demande de remboursement du salaire correspondant à la journée sur laquelle elle a porté doit être rejetée ;

ALORS QUE la cassation qui interviendra dans le cadre du premier moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt en ce qu'il a considéré qu'était justifiée la mise à pied d'une journée notifiée au salarié en raison de son refus de voir modifier son contrat de travail et ce, en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt d'avoir débouté M. X... de sa demande tendant à la condamnation de la société Saint Gobain à lui payer la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE la faute commise par M. X... en refusant de travailler aux horaires voulus de manière répétée et sur plusieurs mois ne pouvait que perturber le fonctionnement de l'entreprise et provoquer une perte financière ; qu'une première mise à pied antérieure de plus de quatre mois à la lettre de licenciement n'a pas suffi à le ramener à la raison ; que son acceptation très tardive au stade de l'entretien préalable d'appliquer les nouveaux cycles permettait certes d'écarter la faute grave, mais n'était pas suffisante pour des relations de travail dans la durée, tant son insubordination avait été tenace et longue ; que l'attitude injustifiée du salarié est antérieure aux faits de harcèlement retenus, de sorte que la rupture ne découle pas de ceux-ci, mais de la seule faute du salarié ;


ALORS QUE le licenciement prononcé à l'encontre d'un salarié pour avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral est nul ; qu'en condamnant la société Saint Gobain à verser à M. X... une indemnité au titre du harcèlement moral subi par ce dernier, puis en estimant que cette condamnation ne privait pas le licenciement d'une cause réelle et sérieuse dès lors que « l'attitude injustifiée du salarié est antérieure aux faits de harcèlement retenus, de sorte que la rupture ne découle pas de ceux-ci, mais de la seule faute du salarié » (arrêt attaqué, p. 8, 3ème attendu), tout en constatant cependant, d'une part, que les faits de harcèlement se trouvaient caractérisés par une lettre du 5 juillet 2011 adressant des reproches non fondés à M. X... et par un refus non justifié de congé au mois d'octobre 2011 (arrêt attaqué, p. 7, 4ème et 5ème attendus), et, d'autre part, que les mesures de mise à pied sanctionnant la prétendue attitude injustifiée du salarié avaient été notifiées à celui-ci par courriers des 5 juillet 2011 et 25 octobre 2011 (arrêt attaqué, p. 2, alinéas 4 et 5), ce dont il résultait que les faits de harcèlement moral étaient exactement contemporains des faits censés caractériser une attitude « injustifiée » du salarié, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L.1152-1, L.1152-2 et L.1152-3 du code du travail.



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Cette décision est visée dans la définition :
Temps de travail


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.