par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 15 septembre 2009, 08-18523
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Cour de cassation, chambre commerciale
15 septembre 2009, 08-18.523

Cette décision est visée dans la définition :
Brevet




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu que la société de Broux fait grief à l'arrêt (Bordeaux, 26 mai 2008) d'avoir déclaré recevable l'action en contrefaçon de brevet européen, intentée à son encontre par la société CM, alors, selon le moyen, qu'en application de l'article L. 614-11 du code de la propriété intellectuelle l'inscription au registre européen des brevets des actes transmettant ou modifiant les droits attachés à une demande de brevet européen ou à un brevet européen rend ces actes opposables aux tiers ; qu'est irrecevable à agir en contrefaçon de brevet européen le cessionnaire du dit brevet qui n'a pas procédé à l'inscription du contrat de cession au registre européen ; qu'en l'espèce, il résulte des termes de l'arrêt que la cession en date du 25 septembre 2003 du brevet européen délivré le 18 décembre 2002 n'a été inscrit qu'au registre national des brevets, mais non à l'inscription au registre européen des brevets ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'action en contrefaçon exercée par la société CM cessionnaire, la cour d'appel a violé l'article L. 614-11 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que la cession étant intervenue après délivrance du brevet européen et expiration du délai d'opposition, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'inscription au registre national des brevets, seule possible, rendait cette cession opposable aux tiers ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que les deuxième et troisième moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;



PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société de Broux aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société CM la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société de Broux

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'action de la société CM et en conséquence d'AVOIR condamné l'EARL de BROUX à payer à la société CM les sommes de 29 660 euros pour cause de préjudice matériel et 3 000 euros pour peines et soins du procès, lui avoir fait défense de continuer les actes de « malfaçon » sous astreinte de 500 euros par infraction constatée et de l'avoir condamné l'EARL de BROUX à payer à la société CM la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU' il n'est pas contesté que Yves Y... et Yannick Z... ont cédé leur brevet à la société CM dont ils sont dirigeants ; que la question posée est celle de l'opposabilité aux tiers dont Jacques A... de cette cession ; cela suppose une publicité régulière ; que s'agissant de la délivrance d'un brevet européen, puis d'une cession de ce brevet, la réglementation internationale dérogatoire à la loi interne relative à la délivrance doit être interprétée de façon restrictive ; or, une fois le brevet européen définitivement délivré, les causes de la requête en délivrance se trouvent épuisées et l'Office européen est dessaisi au profit des Offices nationaux des États contractants désignés dans la requête en délivrance ; qu'il en résulte qu'après l'achèvement du délai d'opposition, si aucune opposition n'a été déposée, le Registre européen des brevets est fermé aux inscriptions de transfert de droits ; que l'inscription faite en France sur le Registre national est en conséquence valable et la société CM peut opposer aux tiers, dont Jacques A..., la cession du brevet ;

ALORS QU' en application de l'article L 614-11 du Code de la propriété intellectuelle l'inscription au registre européen des brevets des actes transmettant ou modifiant les droits attachés à une demande de brevet européen ou à un brevet européen rend ces actes opposables aux tiers ; qu'est irrecevable à agir en contrefaçon de brevet européen le cessionnaire dudit brevet qui n'a pas procédé à l'inscription du contrat de cession au registre européen ; qu'en l'espèce, il résulte des termes de l'arrêt que la cession en date du 25 septembre 2003 du brevet européen délivré le 18 décembre 2002 n'a été inscrit qu'au registre national des brevets, mais non à l'inscription au registre européen des brevets ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'action en contrefaçon exercée par la société CM cessionnaire, la cour d'appel a violé l'article L 614-11 du Code de la propriété intellectuelle.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la fabrication par l'EARL de BROUX d'une machine dérouleuse triple a constitué une contrefaçon au préjudice du brevet détenu par la société CM et en conséquence d'AVOIR condamné l'EARL DE BROUX à payer à la société CM les sommes de 29 660 euros pour cause de préjudice matériel et 3 000 euros pour peines et soins du procès, de lui avoir fait défense de continuer les actes de « malfaçon » sous astreinte de 500 euros par infraction constatée et de l'avoir condamnée à payer à la société CM la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE le brevet en cause s'inscrit dans la recherche d'une optimisation de l'agriculture. L'invention du film plastique et l'amélioration régulière de ses qualités ont permis son utilisation en matière agricole, posé à terre ou en tunnel, pour divers avantages tels qu'éviter le dessèchement de la terre et limiter les arrosages, créer un effet de serre, limiter l'intervention des nuisibles et empêcher la prolifération des herbes par exemple. Cet usage est plus fréquent en matière de maraîchage ; qu'en l'espèce le brevet est décrit comme "dispositif pour la pose d'un films plastique ou similaire, notamment à usage agricole". Traditionnellement, dans la pose d'un tel film : 1 ) un sillon est creusé tout au long et de chaque côté de la bande de terre qui va être affectée à la culture 2) un film plastique est posé sur cette bande et sur ces deux sillons latéraux 3) de la terre est étendue sur la partie du film se trouvant au-dessus de chacun de ces deux sillons, ce qui le maintient enfoncé dedans et plaqué au sol de la bande centrale ; que ces opérations peuvent être effectuées manuellement ou de façon mécanique. En ce dernier cas les différentes machines conçues à cet effet ouvrent de chaque côté un sillon à l'aide d'un outil aratoire disposé en tête de l'engin et qui évacue la terre sur la côté, posent le film au milieu et le recouvrent en fin de passage en y faisant revenir la terre dégagée quelques instants auparavant ; que dans tous ces cas, un sillon est ouvert, plus ou moins important selon les réglages, et le film plastique y est posé à plat avant d'être recouvert par la terre évacuée pour l'ouverture du sillon ; qu'il en découle un brassage de la terre, évacuée sur le côté dans un premier temps pour ouvrir le sillon puis remise en place en fin de passage de l'engin. Le même brassage de terre se produit lors de l'enlèvement ; que cela conduit également à une perte de surface agricole utile due à l'occupation du sol par le morceau de film plastique posé à plat et aux projections de terre, outre les monticules formés par des mottes, tant il est certain que la totalité de la terre évacuée en tête de l'engin ne peut être exactement remise en place à sa queue ; que par ailleurs il est affirmé par les appelants, sans démenti de l'intimé, que la vitesse de passage des engins traditionnels tels que sus décrits est limitée par le fait qu'une vitesse trop importante augmente les effets parasites d'une terre projetée trop loin du sillon par la force cinétique, rendant plus difficile son utilisation en recouvrement du film ; que face à ce problème, le but principal de l'invention, tel que décrit par ses auteurs, est de "proposer un dispositif... dont la conception permet de limiter les bouleversements du sol à la fois au cours des opérations de pose du film dans le sol et au cours des opérations d'enlèvement..." ; que dans cet objectif, il n'est plus tracé un sillon de part et d'autre de la bande utile, destiné à recevoir un film à plat, car le film va être posé de façon verticale, coincé dans une fente dans la terre de chaque côté, évitant le brassage de la terre, les projections, et réduisant l'occupation du terrain ; que la fente dans la terre est obtenue par une lame (coutre) verticale plantée dans le sol, en début de système dans le sens de l'avancement, solidaire de l'engin, avançant donc en même temps que lui ; que juste derrière cette lame, profitant de la fente ainsi créée, est enfoncé dans le sol à même profondeur un disque rotatif également solidaire de l'engin, dont l'objet est de saisir le film plastique (préalablement conditionné de façon ad hoc), de le faire descendre de façon circulaire au fond de cette fente et de l'y abandonner, continuant son chemin avec le morceau suivant au fil de sa rotation ; qu'ainsi, au fur et à mesure de l'avancement de la machine, une fente est créée et le film y est inséré sans discontinuer ; qu'aussitôt après ce positionnement du film en fond de fente, une roue solidaire de l'engin, placée en biais, roule sur le bord de la fente, tassant la terre et coinçant le film à l'intérieur ; que la position des trois outils principaux sus cités est conçue pour optimiser la création de la fente et éviter qu'elle ne se rebouche immédiatement par éboulement avant l'enfoncement vertical du film ; que notamment la lame destinée à fendre la terre peut être remplacée, dans certaines configurations, par un disque droit mais les concepteurs préconisent un coutre de forme particulière, avec "bord d'attaque vertical incliné en direction de l'arrière du châssis" et il est prévu d'y ajouter "de préférence... sur son côté externe un déflecteur agencé pour recouvrir au moins partiellement un secteur circulaire... de l'organe rotatif circulaire de positionnement du film" ; que cette lame appelée coutre possède une forme arrière courbe, épousant la courbe du disque enfouisseur placé juste derrière ; que le premier juge, analysant les éléments techniques du brevet, a justement relevé qu'il était nouveau, l'invention n'étant pas comprise dans l'état de la technique ; que l'intimée ne démontre ni ne prouve rien à ce sujet, se limitant à dénigrer l'importance des conséquences du brevet, affirmant qu'il ne fait que reproduire des mécanismes et techniques connus ; que notamment elle considère que ce type de machine est ancien et reprend « des schémas bien connus » qu'elle affirme avoir fait exécuter une machine de ce type dès le 20 octobre 1999 à une période très proche du dépôt du brevet français (10 septembre 1999) ayant précédé le brevet européen, mais postérieure, ce qui établirait qu'elle ne l'a pas copié ; que cependant, la photocopie d'une télécopie de plan remise à titre de preuve de cette affirmation montre une machine très différente de celle du brevet et de celle décrite dans le procès-verbal de contrefaçon ; qu'en effet, sur le plan de 1999, l'engin commence par un "disque pour couper la terre" qui est suivi par une lame allongée dans le sol intitulée "soc pour ouvrir". À hauteur du "soc pour ouvrir" se trouve un "tube rouleau pour tasser le sol et poser le plastique" suivi d'un "disque pour appuyer le plastique dans la fente et le tendre". Vient ensuite une sorte de bavette "rosette pour rapporter de la terre" ; qu'il existe donc l'idée, nouvelle et ingénieuse, de placer le film plastique de façon verticale et non plus horizontale et de créer une fente et non plus un sillon ; mais que la combinaison des trois éléments successifs, coutre, disque enfouisseur et roue en biais, qui fait l'originalité du brevet de Yves Y... et Yannick Z... n'est pas découverte. Au contraire il est utilisé deux instruments pour tenter de couper la terre, un disque et un soc tandis qu'il est jugé nécessaire d'installer une sorte de bavette appelée "rosette pour rapporter de la terre", signe que les inventeurs n'ont pas compris qu'il suffisait de pincer la fente en l'écrasant par une roue en biais ; qu'à l'inverse, dans le procès-verbal de saisie contrefaçon, l'huissier décrit un appareil constitué d'un attelage installé à l'arrière d'un tracteur, poutre sur laquelle "sont fixés 3 dispositifs identiques disposés transversalement. Chaque dispositif comprend un châssis destiné à se déplacer sur le sol. Chaque châssis porte de chaque côté une rangée de quatre outils disposés les une derrière les autres." ; que la description qui suit correspond à celle du brevet et non pas à celle du plan de 1999 : "1er de ces outils... un coutre vertical incliné vers l'arrière, le bord avant est tranchant pour ouvrir une tranchée verticale dans le sol, le bord arrière du coutre présente une forme arquée, derrière le coutre est disposé un disque rotatif, sur le bord extérieur duquel vient s'appliquer le film plastique provenant d'une bobine portée par le châssis, le rouleau de film plastique vient en appui sur des galets également portés sur le châssis, la bobine ne s'appuyant pas sur le disque. Lors de l'avancement du tracteur, la rotation du disque assure l'enfoncement dans la tranchée ouverte par le coutre du bord latéral du film plastique. Derrière le disque est disposé une dent de (mot mal écrit illisible) qui referme la tranchée et, placée en arrière une roue inclinée par rapport au plan vertical tasse la terre à l'endroit de la tranchée refermée" ; que le premier juge ajustement considéré que la machine conçue par PEarl de Broux, ayant fait l'objet de plans en octobre 1999, ne pouvait être considérée comme antériorité au brevet déposé le mois précédent ; que la cour ajoute que les différences de conception plus haut relevées étaient telles qu'elles auraient empêché cette antériorité ; que l'intimée considère également "qu'une fente n'est qu'une tranchée de largeur réduite et que le pincement en question consiste à recouvrir le film avec moins de terre. Le principe est donc toujours le même : faire un trou, mettre le plastique à l'intérieur et le recouvrir de terre afin qu'il ne s'envole pas" ; mais que les autres machines positionnent un film à plat, alors que dans l'invention brevetée la roue de positionnement n'a pas cet usage, elle doit prendre le film pour l'entraîner au fond de la fente et l'y déposer dans l'attente du passage de l'autre roue qui la suit immédiatement, placée en biais, et qui coince le film dans sa fente de terre ; qu'ainsi, il n'est pas rapporté de preuve d'une machine correspondant à l'invention objet du brevet qui doit être considéré, par confirmation, comme respectant la condition de nouveauté ; qu'en revanche, le premier juge a estimé que la création manquait d'inventivité au sens de l'article 56 de la Convention de Munich du 5 octobre 1973, l'activité inventive étant ce qui, pour un homme du métier, ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique ; que le premier juge a considéré que le problème consistant à modifier la largeur du sillon avait été déjà posé, rejoignant celui consistant à limiter la modification de la structure du sol, qui sera d'autant moins modifiée que la fouille sera étroite. Prenant pour base qu'utiliser un disque coupant pour creuser une fente est une idée à la portée de n'importe quel homme du métier, et compte tenu des machines déjà inventées par l'homme au moment de la création litigieuse, il en a déduit que l'homme du métier pouvait déduire de l'état de la technique les éléments constitutifs de la nouveauté de l'invention en ne mettant en oeuvre que ses connaissances et capacités professionnelles, d'où l'annulation du brevet ; que la cour ne partage pas cette analyse ; que l'étude des différents brevets déposés montre, qu'effectivement, le problème consistant à modifier la largeur du sillon a été déjà étudié, rejoignant celui consistant à limiter la modification de la structure du sol, qui sera d'autant moins atteinte que la fouille sera étroite, ainsi que le motive le tribunal. Notamment, dans le brevet Beaunier les disques de creusement sont orientables pour permettre une modification de la largeur de ce sillon que dans tous ces brevets et toutes les façons antérieures de procéder, la conception de la machine tournait autour du principe qu'un film devait être déposé au fond d'un sillon puis recouvert de terre. C'est pourquoi la largeur de ce sillon prenait tant d'importance, tandis que, dans le brevet en cause, l'idée est fondamentalement différente puisqu'il s'agit de tracer une fente dans le sol et, juste après, avant même que la terre n'ait le temps d'y tomber, d'y enfoncer un film suivi d'une roue qui tasse le tout pour le coincer ; que ce faisant, les concepteurs ont manifesté une parfaite activité inventive puisque, devant un problème que les solutions anciennes n'arrivaient pas à résoudre, ils ont abordé le sujet avec un regard totalement neuf, une logique différente, concevant de façon inédite que le film pouvait être vertical et non horizontal comme précédemment ; qu'il leur a fallu résoudre le problème nouveau créé par la tendance naturelle de la terre (qui n'était plus posée à côté de l'engin en marche) à retomber dans la fente et à la reboucher au fur et à mesure de l'avancement de la machine ; que les différentes pièces décrites au brevet procèdent de la mise en application de cette invention qui ne peut fonctionner correctement que grâce à l'extrême précision de la position de ses éléments, notamment pour éviter que la terre ne remplisse la fente au fur et à mesure que son trait avance, empêchant l'enfouissement du film ; que ceci explique la méticulosité des détails de description figurant au brevet, qui ne sera pas annulé, par infirmation ;

1. ALORS QUE l'objet de l'invention et les limites de la protection conférée par un brevet sont fixés par les caractéristiques techniques définies dans la partie caractérisante de la revendication en combinaison avec l'objet décrit dans le préambule, que le juge ne saurait dénaturer ; qu'en l'espèce il résulte clairement de la description et des revendications 1 à 10 du brevet européen litigieux que l'on connaissait déjà des machines dérouleuses de film avec « organe rotatif circulaire de positionnement d'un bord latéral du film dans ledit sillon et d'un organe de fermeture du sillon » et que la prétendue nouveauté de l'invention consistait en l'utilisation d'organes d'ouverture du sol découpant ce dernier verticalement sous forme de tranchée moins large que les sillons creusés par les organes précédemment utilisés ; que si le brevet décrit ainsi une découpe verticale de la terre sous forme de fente, les revendications ne portent en revanche nullement sur la dépose verticale du film ; qu'en affirmant néanmoins que dans le brevet en cause, les concepteurs ont conçu « de façon inédite que le film pouvait être vertical et non horizontal comme précédemment », la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

2. ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE ne procède pas d'une activité inventive, l'invention qui, pour un homme du métier, découle de manière évidente de l'état de la technique ; qu'en l'espèce, il résulte des termes de l'arrêt que « l'étude des différents brevets démontre qu'effectivement, le problème consistant à modifier la largeur du sillon a déjà été étudié, rejoignant celui consistant à limiter la modification de la structure du sol, qui sera d'autant moins atteinte que la fouille sera étroite, ainsi que le motive le tribunal » ; qu'en retenant néanmoins au titre de l'activité inventive la dépose verticale des bords latéraux du film dans la fente, sans rechercher si le caractère vertical de cette dépose du film ne résultait pas d'une manière évidente pour un homme du métier, du seul rétrécissement du sillon dont elle avait relevé le caractère non innovant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 56 de la convention de Munich et l'article L 611-10 du Code de la propriété intellectuelle.

3. ALORS QUE le juge ne peut modifier l'objet du litige tel qu'il découle des écritures des parties ; qu'en l'espèce, invoquant l'exception de possession personnelle antérieure, l'EARL de BROUX soutenait avoir elle-même conçu avant septembre 1999 les plans d'un dispositif semblable au dispositif breveté ; qu'en défense, la société CM se contentait de soutenir que l'invention n'était pas antérieure dès lors qu'elle datait d'octobre 1999, sans nullement contester l'identité du dispositif avec l'objet de son brevet ; qu'ainsi le débat était-il circonscrit à la seule preuve de l'antériorité ; qu'en affirmant que la machine décrite par les plans élaborés par l'EARL de BROUX était très différente de celle du brevet quand la société CM n'avait jamais contesté leur identité, la cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

4. ALORS QUE l'exception de possession personnelle antérieure peut jouer même en l'absence d'identité parfaite des inventions dès lors qu'elles sont équivalentes ; qu'en l'espèce il résulte des termes de l'arrêt que les plans établis par l'EARL de BROUX contiennent « l'idée, nouvelle et ingénieuse, de placer le film plastique de façon verticale et non plus horizontale et de créer une fente et non plus un sillon » caractérisant le dispositif breveté ; qu'or pour rejeter l'exception de possession, la cour d'appel s'est contentée d'affirmer qu'au lieu et place de la combinaison des trois éléments successifs « coutre, disque enfouisseur et roue en biais » étaient utilisés « deux instruments pour tenter de couper la terre, un disque et un soc tandis qu'il est jugé nécessaire d'installer une sorte de bavette appelée « rosette pour rapporter de la terre », signe que les inventeurs n'ont pas compris qu'il suffisait de ,pincer la fente en l'écrasant par une roue en biais » ; qu'en statuant ainsi sans établir que les dispositifs pour n'être pas identiques n'en étaient pas moins équivalents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 613-7 du Code de la propriété intellectuelle ;

5. ALORS QUE toute personne qui, de bonne foi à la date du dépôt ou de priorité d'un brevet, était en possession de l'invention objet du brevet a le droit, à titre personnel d'exploiter l'invention malgré l'existence du brevet ; qu'en l'espèce, l'EARL de BROUX soutenait que si la télécopie du plan de sa machine datait certes du 20 octobre 1999 «il ne peut être nié que la réflexion menée pour parvenir à la réalisation de cette machine était bien antérieure à la télécopie du 20 octobre et qu'ainsi elle doit être considérée comme antérieure au dépôt du brevet des appelants déposé le 10 septembre 1999, soit à peine un mois avant » ; qu'en se contentant d'affirmer que le premier juge avait justement considéré que la machine conçue par l'EARL de BROUC ayant fait l'objet de plans en octobre 1999 ne pouvait être considérée comme antérieure au brevet déposé le mois précédent, sans prendre en considération ainsi qu'elle y était pourtant invitée, le délai nécessaire de conception des plans, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 613-7 du Code de la propriété intellectuelle ;

6. ALORS QUE toute personne qui, de bonne foi à la date du dépôt ou de priorité d'un brevet, était en possession de l'invention objet du brevet a le droit, à titre personnel d'exploiter l'invention malgré l'existence du brevet ; qu'en l'espèce, invoquant l'exception de possession personnelle antérieure, l'EARL de BROUX soutenait avoir elle-même conçu avant septembre 1999 les plans d'un dispositif semblable au dispositif breveté si bien qu'elle pouvait librement l'exploiter sans faire l'objet d'une action en contrefaçon ; qu'en rejetant cette exception de possession personnelle au motif inopérant que le dispositif conçu en 1999 par l'EARL de BROUX était différent de la machine saisie pour contrefaçon, quand seule pouvait importer la similitude entre le dispositif par la société EARL de BROUX en 1999 et le dispositif breveté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 613-7 du Code de la propriété intellectuelle.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la fabrication par l'EARL de BROUX d'une machine dérouleuse triple a constitué une contrefaçon au préjudice du brevet détenu par la société CM et en conséquence d'AVOIR condamné l'EARL DE BROUX à payer à la société CM les sommes de 29 660 euros pour cause de préjudice matériel et 3 000 euros pour peines et soins du procès, de lui avoir fait défense de continuer les actes de « malfaçon » sous astreinte de 500 euros par infraction constatée et de l'avoir condamnée à payer à la société CM la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE la saisie contrefaçon a permis de découvrir dans les locaux de l'Earl de Broux une machine utilisée par cette exploitation ; que cette machine, selon la description qu'en donne l'huissier, plus haut rapportée, correspond exactement au brevet détenu par la société CM et qui a été plus haut analysé. Notamment le système de pose du film à la verticale, suite au passage d'un coutre, par un disque tournant et l'enfonçant en terre au fur et à mesure de son avancement, suivi d'un tassement de la terre, est identique ; qu'elle en est semblable au détail près de la forme arrière du coutre, très particulière car arquée pour épouser celle du disque immédiatement placé à sa suite que l'huissier a constaté cet autre détail très particulier "on notera qu'une partie arrière du coutre vient parallèlement au disque pour former un déflecteur." ; qu'il s'agit manifestement de ce que, dans le brevet, il est prévu d'y ajouter pour éviter que la terre ne retombe au fur et à mesure de l'avancement de l'engin "de préférence... sur son côté externe un déflecteur agencé pour recouvrir au moins partiellement un secteur circulaire... de l'organe rotatif circulaire de positionnement du film" ; que l'Earl indique faussement que cet engin a été construit sur ses propres plans originaux puisque la machine qu'elle avait conçue initialement était fondamentalement différente, ainsi qu'analysé plus haut ; que l'Earl soutient que, sur sa machine, les coutres "n'ouvrent pas la terre mais la rendent simplement plus meuble" ; que la cour n'est pas convaincue par cette subtilité, sauf à considérer que l'extrême précision exigée dans la forme et la position du coutre par rapport au disque enfouisseur n'est pas respectée, empêchant la création d'une fente efficace ; qu'elle considère que sa machine fabrique une tranchée et non une fente, mais le défaut de précision du travail effectué ne change rien à l'imitation ; qu'elle affirme qu'elle pose le film dans cette tranchée sans l'enterrer en même temps comme le fait le disque de la machine brevetée et que c'est le dispositif postérieur qui l'enterre alors que dans la machine brevetée il se limite à coincer le film déjà enfoncé en terre ; mais que là encore le défaut de précision du travail effectué n'empêche pas la contrefaçon puisque le même dispositif de la roue placée en biais succédant au disque et au coutre est présent, étant indifférent que sa mauvaise imitation le rende moins efficace ; qu'elle indique avoir ajouté des roulettes en téflon mais cette amélioration légère n'est qu'un détail d'adaptation ; qu'elle indique que le système de fermeture, roue en biais dans le brevet, est remplacé dans sa machine, "selon l'état des sols travaillés", par des roues ou des socs de charrue. Mais lors du constat d'huissier il s'agissait bien d'une roue en biais et l'usage en certaines circonstances de "l'état du sol travaillé" d'un soc n'est qu'une adaptation à la nature de l'exploitation et de la culture pratiquée ; qu'enfin, elle soutient que sa machine est différente parce que le film plastique y est maintenu au sol par de la terre et ensuite plaqué au sol par les roues porteuses tandis que dans celle du brevet le film repose sur le disque qui l'entraîne dans la terre ; mais que cette différence, déjà analysée plus haut, n'est que la conséquence de l'absence de précision du dispositif contrefait qui utilise, pour mettre en terre le film, les trois mêmes outils, dans le même ordre et avec la même forme, que le préconise le brevet, depuis l'angle d'attaque du coutre, sa courbe de sortie et le "déflecteur agencé pour recouvrir au moins partiellement un secteur circulaire... de l'organe rotatif circulaire de positionnement du film", jusqu'au passage final de la "roue inclinée par rapport au plan vertical" que l'huissier a décrite et qui "tasse la terre à l'endroit de la tranchée refermée" ; que les adaptations mineures apportées par l'Earl de Broux ne font pas perdre aux ressemblances leurs caractéristiques déterminantes et il doit être considéré que la machine fabriquée par elle est une contrefaçon, par copie d'une machine dérouleuse triple de la société CM sans achat de son brevet ;

1. ALORS QUE l'objet de l'invention et les limites de la protection conférée par un brevet sont fixés par les caractéristiques techniques définies dans la partie caractérisante de la revendication en combinaison avec l'objet décrit dans le préambule ; qu'en l'espèce, il est constant que le seul brevet déposé (à savoir le brevet EP 1 209 964 B1) porte sur un dispositif pour la pose d'un film plastique ou similaire, mais nullement sur une machine constituée d'un triple dispositif de pose de film plastique ; qu'en retenant néanmoins que la machine fabriquée par l'EARL de Broux est une contrefaçon, par copie d'une machine dérouleuse triple de la société CM, sans achat de son brevet » quand cette dernière n'était protégée par aucun brevet la cour d'appel a violé les articles L 613-2 et L 615-1 du Code de la propriété intellectuelle ;

2. ALORS de surcroît QUE les droits conférés par le brevet ne s'étendent pas aux actes accomplis dans un cadre privé et à des fins non commerciales ; qu'en l'espèce, il résulte des termes de l'arrêt que l'EARL de BROUX n'utilisait la machine prétendument contrefaisante qu'aux seules fins personnelles de son exploitation ; qu'en accueillant l'action en contrefaçon sans établir que l'EARL de Broux n'avait pas agi dans un cadre privé et à des fins non commerciales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 613-5 du Code de la propriété intellectuelle.



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Cette décision est visée dans la définition :
Brevet


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