par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 2 juillet 2009, 08-16479
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
2 juillet 2009, 08-16.479

Cette décision est visée dans la définition :
Avocat




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 21 mars 2008), que, victime d'un grave accident de la circulation, Mme X... a confié la défense de ses intérêts à M. Y..., avocat, et a signé avec lui une convention d'honoraires ; qu'au terme de la procédure devant un tribunal de grande instance, la cliente a contesté le montant des honoraires que lui réclamait son conseil ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'ordonnance de fixer à une certaine somme le montant total des honoraires dus à M. Y... et de dire qu'elle devra verser cette somme avec intérêts au taux légal ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'ordonnance ni des productions que Mme X... ait invoqué devant les juges du fond l'existence d'un vice de violence résultant de l'exploitation abusive d'une situation de détresse, de nature à justifier l'annulation de la convention d'honoraires ;

Qu'ensuite, le caractère irrévocable de la décision juridictionnelle mettant fin à l'instance et rendant exigible l'honoraire de résultat convenu résulte de la constatation faite par le premier président selon laquelle l'indemnisation obtenue n'était plus contestée devant la cour d'appel ;

Qu'enfin, relevant, par motifs propres et adoptés, l'importance du service rendu par l'avocat et des diligences accomplies par lui, le premier président a légalement justifié sa décision de ne pas réduire les honoraires convenus qui ne lui apparaissaient pas manifestement exagérés ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit en sa première branche, et qui manque en fait dans sa deuxième branche, ne peut être accueilli ;

Sur la demande tendant à la suppression de passages contenus dans le mémoire ampliatif :

Attendu que M. Y..., défendeur au pourvoi, demande, sur le fondement de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, que soit ordonnée la suppression de certains passages du mémoire ampliatif déposé au nom de Mme X..., qui revêtent un caractère outrageant et diffamatoire ;

Attendu que le mémoire ampliatif énonce à deux reprises (p. 6, § 3 et p. 9, § 7) que M. Y... "avait indubitablement su profiter de l'état de faiblesse dans lequel se trouvait sa cliente" ;

Que cette allégation, qui impute directement à l'avocat un comportement constitutif d'un délit pénal et met ainsi en cause son honnêteté et son intégrité professionnelle, constitue un écrit outrageant et qu'il y a lieu, sur ce point, de faire droit à la demande de suppression ;

Que l'autre passage incriminé aux termes duquel "compte tenu de son état, Mme X... a été contrainte de signer pareil document, sans qu'elle puisse prendre conscience de la portée complète de l'acte qu'elle signait" ne met pas directement en cause M. Y..., de telle sorte que la demande de suppression de ce passage sera rejetée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Prononce la suppression, dans le mémoire ampliatif déposé le 23 octobre 2008 au nom de Mme X..., de la phrase "qui avait indubitablement su profiter de l'état de faiblesse dans lequel se trouvait sa cliente" figurant page 6 au troisième paragraphe et page 9 au septième paragraphe ;

Rejette, pour le surplus, la demande de M. Y... ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X..., la condamne à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par Me Z..., avocat aux Conseils pour Mme X...

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR fixé à 96.831,57 HT le montant total des honoraires dus par Madame Halima X..., victime d'un grave accident de la circulation, à Maître Benoist Y..., avocat au barreau de Paris, et d'avoir dit que celle-ci devra lui verser cette somme avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision,

AUX MOTIFS QUE "le Bâtonnier et en appel le Premier Président n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, lors de la procédure spécifique de la présente instance, de la responsabilité de l'avocat au titre d'un éventuel manquement à son obligation préalable sur les conditions de sa rémunération ou d'une demande de dommages et intérêts tendant à voir réparer une faute professionnelle de celui-ci par réduction du montant des honoraires ; que les demandes présentées à ces titres par Madame X... sont donc à rejeter ; que celle-ci met valablement aux débats 2 conventions d'honoraires signées de sa main le 28 Mai 2002 dont l'une porte également la signature de Maître Y... ; qu'elle ne fournit aucun élément permettant d'en démontrer la nullité ou l'inexécution et ne soutient même pas qu'à leur signature sa volonté a été inexistante ou qu'un dol a été alors commis à son préjudice et ce alors surtout qu'elle a pu assister à l'exécution de celle-ci qui lui a profité étant précisé que l'accident au titre duquel elle a demandé à Maître Y... d'assurer la défense de ses intérêts s'est produit en avril 1995 et que Maître Y... n'est intervenu qu'à compter de mai 2002 et jusqu'en octobre 2006 ans les conditions conventionnelles déjà évoquées ; que sa demande tendant au constat de la nullité de cet engagement est donc à rejeter ; que la convention d'honoraires conclue entre les parties à laquelle les dispositions des articles 10 de la loi du 31 décembre 1971 et 1134 du Code civil donnent force obligatoire, doit avoir application ; qu'elle a organisé l'exigibilité d'honoraires fixes de 1.500 HT et d'honoraires de résultat d'un montant de 10 % des indemnités obtenues ; que rien ne permet d'établir que les honoraires de résultat convenus sont manifestement exagérés au regard du service rendu ; qu'il convient de rappeler, sur ce point, que le résultat obtenu a été une indemnisation d'un montant de l'ordre de 953.300 qui ne reste plus contesté devant la Cour" (ordonnance, p. 2 et 3),

ALORS, D'UNE PART, QUE l'exploitation abusive d'une situation de détresse, faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, vicie de violence le consentement ;

Qu'il résulte des constatations de la décision du bâtonnier, adoptées par l'ordonnance attaquée, qu'à la suite de l'accident dont elle a été victime en 1995, accident « qui lui laissera des séquelles à vie », Madame Halima X..., en chaise roulante, « a toujours d'importantes souffrances physiques et a besoin régulièrement de piqûres de morphine pour être soulagée » ; que, vice-président de l'ANDAVI, une des nombreuses associations d'aide aux victimes, Maître Benoist Y... s'est proposé d'aider Madame X... et lui a fait signer une convention d'honoraires ; qu'en 2006, Maître Y... a présenté à Madame X... une facture de 96.831,57 HT, soit 115.810,55 TTC (759.667,40 F !) ; que, Madame X... ayant refusé de régler une facture aussi exorbitante, surtout au regard de la faiblesse des diligences de son conseil, Maître Y..., qui avait indubitablement su profiter de l'état de faiblesse dans lequel se trouvait sa cliente, a saisi le bâtonnier ;

Qu'en considérant que la convention d'honoraires avait été valablement signée par Madame X... et que celle-ci devait l'exécuter, le président délégué de la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1111 et suivants du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'honoraire de résultat prévu par une convention préalable n'est dû par le client à son avocat que lorsqu'il a été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable ;

Qu'en l'espèce, il ressort du jugement du 2 mai 2006, le Tribunal de grande instance de Paris a sursis à statuer sur certains chefs du préjudice de Madame Halima X..., notamment concernant « le véhicule et le logement adaptés » (jugement, p. 7) ; que ce jugement n'ayant donc pas mis fin à l'instance, Maître Benoist Y... ne pouvait demander l'exécution de la convention d'honoraires arrachée à Madame X... ;

Qu'en condamnant Madame Halima X... à verser la somme de 96.831,57 HT à Maître Benoist Y..., le président délégué de la Cour d'appel a violé l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, ensemble l'article 1134 du Code civil ;

ALORS, ENFIN, QU'il appartient aux tribunaux de réduire les honoraires convenus initialement entre l'avocat et son client lorsque ceux-ci apparaissent exagérés au regard du service rendu ;

Que, devant le président délégué de la Cour d'appel, Madame Halima X... faisait valoir que Maître Benoist Y... avait refusé à plusieurs reprises de procéder à la modification des conclusions qu'il entendait déposer mais que celui-ci avait refusé, si bien que la somme allouée par le Tribunal à Madame X... en réparation de son préjudice avait été beaucoup moins importante que celle qu'elle aurait pu attendre si un avocat normalement diligent avait effectué son travail ;



Qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que les honoraires réclamés par Maître Y... (près de 760.000 F) n'étaient manifestement pas exagérés, sans vérifier les diligences effectuées par l'avocat, le président délégué de la Cour d'appel a privé de base légale sa décision au regard de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971.



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Cette décision est visée dans la définition :
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